Des pauvres à Noël…
Par Darwin – Dans mon billet précédent, j’ai montré que si les Québécois donnent moins que les autres Nord-Américains à des oeuvres de bienfaisance, ce n’est pas qu’ils sont pingres ou moins généreux, mais parce qu’ils sont moins religieux. Par contre, je n’ai pas pu aborder le fond de la question, soit celui de la charité.
À chaque année, c’est la même chose, les mêmes personnes qui n’ont qu’un objectif durant toute l’année, celui de créer de la richesse, semblent enclins à la partager quelque peu durant la période des Fêtes. Et les voilà sur la première ligne à encourager les gens à donner à la guignolée des médias et à apporter deux ou trois cacannes pour faire de beaux paniers pour les pauvres qui risquent de ne pas manger à leur faim à Noël…
Ah les ingrats…
Je me souviens qu’il y a quelques années, Louis-José Houde, qui faisait la promotion de la guignolée des médias, avait été profondément offusqué que des organismes qui s’occupent des problèmes de pauvreté à l’année osent émettre des réserves au sujet de l’utilité de la guignolée. Notre expert en ongles d’orteil (excusez-moi, après son premier numéro à Juste pour rire il y a bien longtemps sur ce sujet profond et déchirant, surtout pour les bas, je ne l’ai pas beaucoup écouté…), ne comprenait pas que des gens puissent penser que le fait de donner des sous et des cacannes une fois par année à des pauvres ne règle aucun problème…
Pourtant, même l’enfant d’une chroniqueuse de La Presse semble mieux comprendre ça que notre humoriste millionnaire… Cet article nous montre même que certains militants anti-pauvreté n’émettent pas seulement des réserves, mais sont carrément contre les paniers de Noël.
«Si on vous disait que les personnes âgées dans votre quartier n’ont pas assez d’argent pour se procurer des médicaments, iriez-vous dans votre pharmacie chercher vos vieux flacons à moitié finis pour leur en donner? Eh bien! C’est la même chose avec la nourriture.» dit-il à la chroniqueuse. «Et toute l’année on devrait tous travailler à faire en sorte que ces collectes ne soient pas nécessaires.» ajoute-t-il plus loin. «Cela nous aide surtout nous, affirme-t-il, à nous sentir mieux.» conclut-il. Surtout que si on leur donnait des sous au lieu de cacannes nutritives, ils seraient bien capables de s’acheter de la bière avec nos dons, ces ingrats…
Alors…
Soyons clair, je n’ai rien contre les dons aux organismes de charité ni contre la guignolée comme telle, bien au contraire. Ces activités apportent un peu de soulagement dans le contexte actuel. Cela dit, c’est à changer ce contexte qu’on devrait travailler…
J’en ai par contre beaucoup contre les gens qui appuient l’instauration de tarifs qui appauvrissent la population, mais plaignent ensuite les pauvres à Noël. J’en ai contre les dirigeants de société qui mettent à pied des milliers de travailleurs et vont se pavaner comme président de campagnes de charité avec la larme à l’oeil au sujet de l’injustice de la pauvreté le lendemain. J’en ai contre ceux qui ne veulent que créer de la richesse pour leur classe sociale sans accepter de la partager et se calment la conscience en donnant quelques miettes à des organismes de charité (sans oublier de demander un reçu pour payer moins d’impôt). J’en ai contre ceux qui n’appuient pas de véritables programmes de lutte contre la pauvreté, mais se vantent de donner plein de cacannes aux pauvres lors de la guignolée…
Bref, j’en ai contre ceux qui donnent aux pauvres à Noël, mais les traitent de paresseux et d’osties de BS le reste de l’année…
J’aime beaucoup tes j’en ai contre.
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Bien d’accord….
Pfiou! J’ai jamais donné de cacanne, de l’argent plutôt….
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J’ai déjà bénéficié de ces boîtes de vivre et quand je les ai reçus j’étais bien heureux.
Tout comme toi j’en ai des contres et c’est les mêmes que les tient. Mais quand je regarde le monde tel qu’il est je fais le bouffon pour me changer les idées. Peut-être parce que je me sens impuissant et si je m’y attarde trop je deviens dépressif et agressif alors, je me protège comme je peux.
À chaque mois je donne ce que je peux. Mais dans le temps des fêtes j’offre différemment.
Je ne sais pas si tu as remarqué, mais si tu regardes dans les paniers disponibles à l’épicerie le monde dépose des cannes de petits pois, de maïs, des chips, du Kraf Dinner…… Ciboire c’est les Fêtes tabarnouche donnez pas des cannes de petit sacramento!
Alors, en souvenance de ce qu’à l’époque je ne pouvais même rêver de me payer, je leur donne du saumon fumer, du homard, filet mignon, des pâtisseries, du bon vin et des vrais légumes. Pas beaucoup, juste un peu. J’aimerais tant avoir plus de moyens.
Mais je me dis, pour ce Noël où ce jour de l’an cette famille va pouvoir se payer un vrai festin.
J’oubliais, Darwin, j’ai déjà été bénévole, dans le temps des fêtes j’allais livrer les boîtes de vivre aux familles. Je l’ai fait une fin de semaine seulement, pas capable. Trop dure émotivement. Aujourd’hui je me contente de pacter les boîtes. Et en ce qui concerne la mienne, je la dépose sur la galerie, je sonne et je me pousse dans mon camion et regarde au loin si tout va bien.
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Touchant témoignage Yves.
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Oui, très touchant témoignage Yves. Et ta motivation est celle qui devrait être privilégiée. Elle est empreinte de respect. Au delà des victuailles, c’est la dignité des gens qui devrait être la première préoccupation. La Guignolée est nécessaire à mon sens si ce n’est que pour jouer le rôle de phare annuel qui rappelle le problème de pauvreté et d’inéquité.
Que certains s’en serve comme « stunt publicitaire », c’est dommage. Mais les gens ne sont pas dupes et savent bien qu’un président de banque associé à un tel événement continue à l’année longue à appauvrir ces mêmes gens qu’ils prétend aider avec ses frais de banques exorbitants.
Continue à déposer ta boîte Yves. Tu donnes un sens inspirant à cette fête de Noël.
Excellant billet Darwin. Merci.
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@ Yves
«J’aime beaucoup tes j’en ai contre.»
Merci. En fait, tu vises juste, car tout le reste du billet ne fait que mettre la table pour cette courte litanie…
«J’ai déjà bénéficié de ces boîtes de vivre et quand je les ai reçus j’étais bien heureux.»
J’ai tenté de tenir compte de cela dans le paragraphe précédent (Ces activités apportent un peu de soulagement dans le contexte actuel). C’est difficile d’être suffisamment nuancé sur un sujet comme celui-là…
«je leur donne du saumon fumer, du homard, filet mignon, des pâtisseries, du bon vin et des vrais légumes.»
🙂
@ Koval
«J’ai jamais donné de cacanne, de l’argent plutôt…»
Oh, tu peux en donner quand même ! Mon texte ne vise surtout pas à culpabiliser ceux qui donnent ! Mais, de fait, je suis pas mal d’accord avec le militant cité par Marie-Claude Lortie.
Je le répète, ce n’est pas facile de doser l’encouragement à donner et l’indignation que je ressens envers ceux qui ne le font que pour se soulager la conscience sans s’opposer aux circonstances qui amènent le besoin de donner et sans au moins tenter de changer les choses…
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@ Blink
«Excellent billet Darwin»
Et très bon commentaire, Blink !
« Mais les gens ne sont pas dupes»
Pas sûr. J’ai déjà entendu plein de louange sur la Fondation Bill Gates. Bien sûr, c’est mieux qu’un riche comme lui redonne un peu de sa richesse, mais elle n’a pas poussé dans les arbres, cette richesse. En tuant la concurrence comme il l’a fait pendant des années, il a fait payer tout le monde un peu plus pour ses produits, qui sont souvent moins bons que ceux des concurrents qu’il a écartés…
En fait, je pensais à un exemple précis de pdg qui venait de «rationaliser» en mettant à pied quelques milliers de travailleuses, mais c’était à la présidence de la campagne de Centraide pas lors de la guignolée…
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La demande pour des paniers n’est pas sur le point de diminuer, au contraire. Et cela, à l’année…
Aide sociale – Le piège
http://www.ledevoir.com/economie/finances-personnelles/313098/aide-sociale-le-piege
«Les systèmes d’aide sociale devraient soulager la pauvreté, non pas l’entretenir!»
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Tiens, bizarre, Françoise David semble partager mes vues sur la question… Bon, nos styles sont différents, mais nos observations complémentaires :
http://www.ledevoir.com/environnement/actualites-sur-l-environnement/313096/pas-de-pere-noel-pour-les-peuples
«Si je croyais au Père Noël, je lui ferais des suggestions de cadeaux: (…) pour les grands philanthropes qui donnent généreusement aux bonnes oeuvres mais se défilent devant l’impôt, une visite des inspecteurs du ministère du Revenu.
Mais pour Sophie, Marguerite, Karim et Simon, je lui demanderais ceci: une lettre signée de sa main pour leur expliquer qu’il ne leur fera pas de cadeau. Et que personne ne leur en fera. La seule façon d’en sortir, pour elles et eux, c’est le rassemblement solidaire des femmes et des hommes de bonne volonté pour crier leur désir fou d’en finir avec ces folies, ces injustices, cette inhumanité.»
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Souriez dans votre barbe Darwin
J’en avais un peu pour ceux qui appuient « de véritables programmes de lutte contre la pauvreté ». J’ai donné et le gouvernement se chargera de multiplier par 300 % ce don aux dépends des « pauvres » contribuables à l’impôt. Québec solidaire m’a dit merci.
En avril, c’est sûr que je vais demander un reçu pour payer moins d’impôt.
je rie dans la mienne !
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« J’en ai contre les dirigeants de société qui mettent à pied des milliers de travailleurs et vont se pavaner comme président de campagnes de charité avec la larme à l’oeil au sujet de l’injustice de la pauvreté le lendemain. »
Exemple concret ? Michael Sabia… Alors qu’il devenait co-président de la campagne de Centraide en 2006, l’entreprise qu’il présidait annonçait la mise à pied de 4,000 employés.
Les dons peuvent également prendre une toute autre forme… On apprenait cette semaine que la suédoise Electrolux s’est vu offrir un beau p’tit cadeau de 2,5 millions du gouvernement du Québec en 2008 (nos impôts) et que 1300 personnes perdront leur emploi l’an prochain. Beau cadeau des Fêtes…
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@ Robert Lachance
Trop d’ironie pour mon petit cerveau endormi…
@ Luto
«Exemple concret ? Michael Sabia…»
Tiens, ce n’est pas à lui que je pensais… Il y en a donc plus qu’un (ce dont je n’ai jamais douté…) !
«On apprenait cette semaine que la suédoise Electrolux s’est vu offrir un beau p’tit cadeau de 2,5 millions du gouvernement du Québec en 2008 »
Des pinottes par rapport au 132 M $ offerts par Memphis, en plus de la promesse de bas salaires !
http://www.ledevoir.com/economie/emploi/313069/l-assomption-est-sous-le-choc-de-la-decision-de-la-multinationale-de-l-electromenager-memphis-a-ouvert-son-portefeuille
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Vous voulez une facture ?
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Un autre excellent texte, Darwin.
La question de la charité n’est pas facile à aborder. Je pense qu’il y a deux aspects au problème: quand la pauvreté est là et que des gens souffrent, il faut intervenir. Les paniers de Noël sont une façon de le faire, mais ça ne devrait pas nous faire oublier l’autre aspect: ce ne sont que les interventions en amont de la pauvreté qui donnent des résultats à long terme. C’est pourquoi depuis des années, j’ai choisi mon combat, celui de l’éducation. Pendant mes années d’étude, j’ai été aide aux devoirs bénévole pour des étudiants dont les parents n’étaient pas en mesure de les aider. Un de mes étudiants, particulièrement brillant mais provenant d’une famille sévèrement disfonctionelle, va bientôt obtenir un diplôme technique au collégial dans un domaine d’avenir et il a un belle carrière devant lui. Je souhaite de tout coeur que contrairement à sa famille, lui n’aura jamais besoin de panier de Noël. Malheureusement, je n’ai plus le temps de faire du bénévolat (et je connais mal les réseaux aux USA), mais je continue à encourager les oeuvres actives en éducation. Tout en donnant aux organismes qui préparent des paniers de Noël (du chocolat de bonne qualité, des fruits confits et des noix).
Généralement, les gens qui veulent se donner de la visibilité interviennent dans des causes qui cherchent à soulager la souffrance à court terme (ie les veudettes et la Guignolée). C’est beaucoup moins sexy de s’impliquer en éducation et en santé publique…
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@ Robert Lachance
«Vous voulez une facture ?»
Je ne comprends toujours pas pourquoi vous me disiez de sourire dans ma barbe, moi qui suis presque imberbe !
Bravo pour votre don !
@ cjulie
Vos expériences rejoignent directement mes propos : travailler pour le long terme, pour des solutions durables, mais sans cracher sur les mesures de court terme, même si elles ne sont que palliatives. Mon billet touchait les mesures «macro», mais les actions individuelles comme celles que vous avez faites sont tout aussi pertinentes.
J’avais pensé à utiliser la vieille analogie qu’il est mieux d’apprendre à quelqu’un à pêcher que de lui donner du poisson, mais j’ai laissé faire, car cette expression a été trop galvaudée et souvent utilisée pour attaquer l’État providence. Mais, dans votre cas, cette expression s’applique très bien ! Bravo !
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À cause de la barbe de votre avatar.
Pour le don, c’est la moindre des choses dans l’esprit des Fêtes pour un bon judéo-chrétien-skinnérien qui peut s’offrir ce cadeau politique.
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«pour un bon judéo-chrétien-skinnérien qui peut s’offrir ce cadeau politique.»
Je ne suis pas un judéo-chrétien-skinnérien, mais je pense faire un cadeau semblable…
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Lu dans le Devoir de mardi, avant que ce billet ne soit affiché. J’ai ensuite oublié de le mentionner :
«Si les prestations d’aide sociale ont été haussées pour suivre l’inflation en 2009 dans presque toutes les provinces, elles sont demeurées stables pendant longtemps. Depuis 1990, l’inflation a grimpé de 45,9 %, une hausse que les provinces sont loin d’avoir suivie. Au Québec, les prestations pour une personne seule ont augmenté de 6 % pour cette période de temps et de 12,6 % pour un couple ayant deux enfants. C’est nettement insuffisant, selon le CNEBS (Conseil national du bien-être social).»
Bref, on partage de moins en moins… et les paniers de Noël ne compenseront jamais ça. Et ce n’est pas tout :
«Au Québec, une personne seule apte au travail peut obtenir une aide sociale si elle possède moins de 862 $ en actif, très loin derrière le Manitoba, qui depuis peu fixe sa limite à 4000 $ » «Il y a 20 ans, les demandeurs pouvaient avoir jusqu’à 1500 $ en banque. »
http://www.ledevoir.com/societe/actualites-en-societe/312997/rapport-du-conseil-national-du-bien-etre-social-une-aide-sociale-insuffisante-et-de-moins-en-moins-accessible
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