Indignez-vous!
Je vais vous parler d’un livre que je ne voulais pas lire. Je ne voulais pas le lire parce que ce tout petit livre a fait ce qu’on appelle un tabac en France (plus de 2 millions d’exemplaires vendus), ce qui me rend méfiant, et parce que les critiques que j’ai lues étaient très tièdes :
«L’ouvrage en lui-même n’a pourtant rien d’impressionnant, à peine quatorze pages de texte, dans un format plus proche de la brochure que du roman. Alors, depuis les dernières semaines, chacun se perd en conjectures sur les raisons de ce succès inattendu.»
Mais, plusieurs mois après sa sortie, je me suis fait harceler pour que je le lise… Alors, rationnel comme je suis (!), je me suis dit que cela serait moins long de le lire que de m’obstiner à dire que cela ne m’intéressait pas!
Premier message
Finalement, ce ne fut pas si terrible comme expérience, même si j’ai trouvé qu’il y avait des longueurs et des répétitions (oui, oui!). La structure du livre est déficiante, il n’y a pas de fil conducteur, mais, bon, comment ne pas être d’accord avec l’auteur, Stéphane Hessel?
«(…) dans ce monde, il y a des choses insupportables. Pour le voir, il faut bien regarder, chercher. Je dis aux jeunes : cherchez un peu, vous allez trouver. La pire des attitudes est l’indifférence, dire «je n’y peux rien, je me débrouille». En vous comportant ainsi, vous perdez l’une des composantes essentielles qui fait l’humain. Une des composantes indispensables : la faculté d’indignation et l’engagement qui en est la conséquence.»
Même si je pense qu’on n’a pas besoin de chercher longtemps pour trouver matière à indignation, surtout en ces temps de crises internationales et locales, ce message demeure tout à fait pertinent. Il faut combattre le cynisme et l’apathie, et conserver sa capacité d’indignation. Il n’y a guère plus de six mois, j’ai écrit un billet sur l’apathie qui se terminait ainsi «c’est sans contredit l’apathie qui domine notre société». Disons que maintenant que les jeunes et les plus vieux ont trouvé matière à indignation, je ne conclurais plus un texte de cette façon (et espère ne plus le faire!).
Deuxième message
Beaucoup plus loin dans le livre, c’est-à-dire quatre pages après la première citation que j’ai retenue, l’auteur raconte son indignation «à propos de la Palestine». Il en profite pour dénoncer la violence et le terrorisme, souvent une réaction à l’exaspération.
«(…) on peut dire que le terrorisme est une forme d’exaspération. Et que cette exaspération est un terme négatif. Il ne faudrait pas ex-aspérer, il faudrait espérer. L’exaspération est un déni de l’espoir. Elle est compréhensible, je dirais presque qu’elle est naturelle, mais pour autant elle n’est pas acceptable. Parce qu’elle ne permet pas d’obtenir les résultats que peut éventuellement produire l’espérance. (…) Se dire la violence n’est pas efficace, c’est bien plus important que de savoir si on doit condamner ou pas ceux qui s’y livrent.»
Je suis mi-figue mi-raisin avec cette citation. D’un côté, même si je suis bien d’accord avec le fait que le terrorisme est inefficace et je rajouterai inacceptable en soi, disons que le jeu de mots entre ex-aspérer et espérer m’a plus exaspéré que rempli d’espoir! De l’autre, j’ai trouvé la dernière partie de la citation superbe dans le contexte actuel où le premier ministre, la ministre de l’Éducation et tant de journalistes et commentateurs jouent avec les mots et accordent plus d’importance à la sémantique qu’aux enjeux primordiaux…
Troisième message
«Le message d’un Mandela, d’un Martin Luther King trouve toute sa pertinence dans un monde qui a dépassé la confrontation des idéologies et le totalitarisme conquérant. C’est un message d’espoir dans la capacité des sociétés modernes à dépasser les conflits par une compréhension mutuelle et une patience vigilante. Pour y parvenir, il faut se fonder sur les droits, dont la violation, quel qu’en soit l’auteur, doit provoquer notre indignation. Il n’y a pas à transiger sur ces droits.»
Ce message est en fait la conclusion des deux précédents, l’apologie de la non-violence et de la capacité d’indignation. Bravo!
Et alors…
Et alors, lire ou ne pas lire? C’est comme vous voulez. Même la nouvelle version dite «revue et augmentée» est annoncée à 32 pages, comme la précédente qui, commençant à la page neuf et étant suivie d’une postface de l’éditeur, ne compte en fait que 14 pages de texte, ce qui est à peine plus long que certains de mes billets…
Blague à part, cela vaut la peine de lire cet ouvrage d’un auteur âgé de 93 ans, qui a vécu la Résistance et a participé à la rédaction de la Déclaration universelle des droits de l’homme en 1948. Et, ses messages sont toujours aussi actuels et essentiels de nos jours!
Je ne connaissais pas ce Stephane Hessel, étonnant! J’ai lu sa biographie….
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Le personnage est plus intéressant que son livre! Je suis un peu dur, mais je trouve qu’il s’agit d’un billet un peu long qui traite toutefois d’un thème très emballant!
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