Aller au contenu principal

D’autres nouvelles de Statistique Canada…

27 juin 2012

Dans un précédent billet, j’ai décrit un certain nombre de produits et d’analyses que Statistique Canada a dû laisser tomber ou modifier en raison des compressions budgétaires et de l’idéologie réformiste. En citant un article du Devoir, j’ai entre autres mentionné que «entre avril 2006 et aujourd’hui, Statistique Canada a cessé la publication d’une quarantaine d’analyses statistiques qui faisaient autorité jusqu’à maintenant.». Et, comme je le disais, ce n’était pas tout…

L’emploi et le revenu en perspectives

Grâce à un lien laissé par Éric Pineault sur Facebook, j’ai appris cette semaine que la parution probablement la plus populaire de Statistique Canada, L’emploi et le revenu en perspectives va disparaître dans quelques mois. J’ai aussitôt vérifié sur le site de Statcan et ai dû me rendre à l’évidence, c’est vrai.

«Statistique Canada met fin à L’emploi et le revenu en perspective, une publication contenant des articles portant sur le marché du travail et le revenu des ménages ainsi que des études connexes. Le dernier numéro en ligne de L’emploi et le revenu en perspective sera publié en août 2012. Le dernier numéro imprimé a été publié le 14 juin 2012.»

Je ne peux qu’endosser ce qu’en dit l’auteur du texte mis en lien par Éric Pineault :

« (traduction Google – adapté par moi) D’aussi loin que je me souvienne, L’emploi et le revenu en perspectives a fourni de façon fiable une base de données empiriques des plus utiles pour le débat politique, que ce soit sur les questions clés touchant le marché du travail ou sur le revenu. On y trouvait plein de données et d’analyses pertinentes sur la hausse des revenus et l’inégalité des richesses, sur les changements dans la qualité des emplois, sur la relation entre les modifications dans la formation des ménages et le marché du travail, sur l’état des pensions, etc.»

Depuis au moins dix ans, je lis chaque parution, parfois en diagonale si le sujet m’intéresse moins, mais le plus souvent en entier. Je me suis d’ailleurs assez souvent servi de ces études comme source pour mes billets (ou parties de billets).

Enquête sur la dynamique du travail et du revenu

Le lien laissé par Éric Pineault en contenait un autre qui mène vers un texte qui parle, lui, d’une modification à l’Enquête sur la dynamique du travail et du revenu. Ce sont les données qui servent entres autres à fournir le revenu moyen et médian (de marché, total et après impôt), les taux de faible revenu, les revenus des familles par quintile et le coefficient de Gini. Ce sont d’ailleurs ces données que j’ai utilisées récemment pour écrire mon billet sur l’Évolution des inégalités au Québec. La source que donne ce texte est un communiqué de Statistique Canada que j’ai lu le jour même de sa diffusion (c’est à la suite de cette lecture que j’ai mis à jour le billet récent que je viens de citer). Comme le dit l’auteur du texte en question, «The notice was given quietly by Statistics Canada – L’avis a été donné discrètement par Statistique Canada». Tellement discrètement que je ne l’avais pas vu! Il était dans le dernier paragraphe de l’encadré (bleu) du communiqué :

«Il s’agit de la dernière diffusion de données longitudinales provenant de l’Enquête sur la dynamique du travail et du revenu. À compter de la diffusion des données de 2011 prévue pour l’an prochain, seules les estimations transversales sur le travail et le revenu seront offertes.»

Pour bien du monde, cela ne veut pas dire grand chose, mais cela aura de grandes conséquences. Jusqu’à maintenant, cette enquête était formée de deux cohortes que Statcan interrogeait à chaque année pendant six ans, une des deux cohortes étant changée à chaque trois ans. Cela permettait d’estimer non seulement la situation du revenu des familles, mais aussi son évolution. Par exemple, cette enquête fournissait des données sur le pourcentage des familles qui demeurent sous le seuil de faible revenu les six années de leur présence dans l’enquête, pendant cinq de ces six années ou encore dans aucune ou une seule de ces années. Elle pouvait aussi nous informer du pourcentage des familles qui passent du quintile inférieur des revenus à un autre quintile, bref, sur la mobilité des familles dans les échelles de revenu.

Cela sera dorénavant impossible, car, si j’ai bien compris (je répète, l’avis est discret et devrais-je ajouter, laconique!), l’échantillon changera à chaque année. À moins que ce ne soit que la diffusion qui ne se fera que de façon transversale (uniquement la photo de leur situation durant l’année de l’enquête, sans données sur la situation des mêmes ménages les années antérieures) et que les données soient encore collectées, je n’ai rien trouvé sur le site de Statcan à cet effet. Au moins, on pourra encore avoir des données sur les taux de faible revenu et le coefficient de Gini. Avec ce gouvernement obscurantiste, rien ne peut plus m’étonner…

Et alors…

L’œuvre de destruction de la connaissance entreprise par les réformistes harpeuriens se poursuit. Où s’arrêtera-t-elle? Ce gouvernement met à pied des scientifiques, des statisticiens, des économistes, des chimistes, des ingénieurs (pour privatiser comme au provincial?), des biologistes… bref, tous ceux qui peuvent fournir des données, des faits et informations qui peuvent éclairer la population et la prise de décision gouvernementale. Il semble préférer nettement l’obscurité et la certitude de son idéologie!

24 commentaires leave one →
  1. 28 juin 2012 8 h 02 min

    Je n’en saisi pas toute la portée mais ça demeure inquiétant… Pourrait-on imaginer maintenant des think tanks économiques qui produisent leurs études en utilisant leurs propres données ? Serait-on alors surpris de constater que tout va bien dans le meilleur des mondes ? Serait-ce possible qu’un institut économique puisse produire un texte comme celui-ci (qui serait difficile à contredire, faute de données publiques et accessibles) ?

    …Même si l’on devait améliorer les méthodes de cueillette de données sur le revenu, il reste que celui-ci n’est probablement pas le meilleur indicateur pour comparer les niveaux de vie au sein d’une population. Dans la mesure où la préoccupation première des gens concerne leur capacité à acquérir des biens et services leur permettant de maintenir un niveau de vie adéquat, l’utilisation l’une mesure du niveau de consommation est plus appropriée qu’une mesure de revenu…

    Lors d’un sondage mené auprès de la population canadienne en 2009, plus des deux tiers s’étaient dit d’avis qu’il importe davantage de permettre à chacun d’obtenir une juste chance d’améliorer sa condition économique que de réduire les inégalités (Institute for the Study of Labor – financée par le privé).

    Les inégalités peuvent certes devenir un phénomène néfaste lorsqu’un grand nombre de citoyens voient la société comme injuste et lorsque la mobilité sociale est tellement faible qu’il devient inutile de chercher à améliorer son sort. Or, ce n’est pas le cas. Notre analyse montre au contraire que le phénomène des inégalités est nettement moins préoccupant – et la mobilité sociale beaucoup plus forte – que ce que prétendent les tenants d’une étatisation plus poussée de l’économie.

    J’aime

  2. 28 juin 2012 8 h 39 min

    @ Lutopium

    «Je n’en saisi pas toute la portée mais ça demeure inquiétant»

    Je reviendrai peut-être un jour avec des précisions sur les données longitudinales et transversales… si c’est bien cela qui t’empêche de saisir la portée de ces changements.

    Je ne suis pas surpris de constater que l’extrait que tu as mis proviens de l’IÉDM. Déjà aujourd’hui, ils dénaturent le sens des données quand il y en a. Imagine s’il n’y en avait plus pour contredire les âneries de leur idéologie! Exemple :

    «Lors d’un sondage mené auprès de la population canadienne en 2009, plus des deux tiers s’étaient dit d’avis qu’il importe davantage de permettre à chacun d’obtenir une juste chance d’améliorer sa condition économique que de réduire les inégalités»

    La question était biaisée. On opposait la réduction des inégalités et le fait «de permettre à chacun d’obtenir une juste chance d’améliorer sa condition économique». Non seulement ces deux éléments ne sont pas en opposition, mais toutes les études démontrent que c’est dans les pays les plus égalitaires que le % de personnes qui parviennent à améliorer leur sort (mobilité sociale ou rêve américain….) est le plus élevé, et que c’est dans les pays les moins égalitaires, comme aux États-Unis, que cela se fait le moins.

    On aurait plutôt dû demander si les gens désirent augmenter leurs possibilités «d’obtenir une juste chance d’améliorer sa condition économique» ou s’ils préfèrent augmenter les inégalités!

    J’aime

  3. 28 juin 2012 9 h 17 min

    Tu as pigé ! C’était bien l’IÉDM… J’ai pris la première étude au hasard et c’est évident qu’en utilisant les chiffres que l’on veut, on peut arriver à des conclusions partisanes. Oh boy…

    J’aime

  4. Gilbert Boileau permalink
    28 juin 2012 9 h 30 min

    Eteignons les lumières …

    J’aime

  5. 28 juin 2012 9 h 51 min

    «Eteignons les lumières …»

    Tout ce qu’on voit, c’est qu’on voit de moins en moins.

    J’aime

  6. 28 juin 2012 11 h 26 min

    Que l’ISQ prenne la relève!

    J’aime

  7. 28 juin 2012 11 h 32 min

    Il y a pas mal de bureaux qui devraient augmenter leurs budgets au Québec pour compenser les coupures idiotes de Harper. Le problème, c’est que nous ne contrôlons pas plus les dépenses de la province.

    J’aime

  8. 28 juin 2012 13 h 17 min

    @lutopium

    Personnellement, ce n’est pas tant l’IÉDM qui m’inquiète mais bien aussi l’institut Fraser…

    J’aime

  9. 28 juin 2012 14 h 02 min

    @ David Gendron

    «Que l’ISQ prenne la relève!»

    Au moins 90 % des données et analyses sur le site de l’ISQ proviennent de compilations spéciales d’enquêtes de Statistique Canada. Mis à part les enquêtes salariales et quelques-unes de l’Obsevatoire de la culture et des communications, l’ISQ produit peu de données par elle-même. En plus, j’ai déjà communiqué avec eux, et on m’a informé qu’il y a aussi des compressions chez eux…

    @ Mouton Marron

    «Le problème, c’est que nous ne contrôlons pas plus les dépenses de la province»

    Voilà qui cadre bien avec ma réponse à David.

    @ pseudovirtuose

    «Personnellement, ce n’est pas tant l’IÉDM qui m’inquiète mais bien aussi l’institut Fraser…»

    À l’origine, l’IÉDM était une création de Fraser. Et il me semble qur Fraswer est toujours un des principaux baîlleur de fonds de l’IÉDM, mais il faudrait que je vérifie, si c’est possible de le faire!

    J’aime

  10. 28 juin 2012 15 h 12 min

    @Darwin

    Que veux-tu? Ça doit coûter cher au gouvernement fédéral de garder les gens informés en leur offrant des données objectives et non teintées de biais en tout genre. C’est plus facile aussi de diriger un troupeau d’ignares buvant les paroles des sacro-saints think tanks à la Heritage Foundation, Fraser Institute, IÉDM et autres grands défenseurs de la libârté économique qui arrangent les faits afin de les faire correspondre à leurs idéaux! D’ailleurs à ce propos, j’en connais plusieurs qui doivent présentement manger leurs bas en apprenant que le « Obamacare » a été validé devant la Cour Suprême américaine.

    Déjà, le Heritage Foundation en fait une syncope.
    http://blog.heritage.org/2012/06/28/a-clarion-call-for-the-american-people/

    Mais où s’en va le monde?! 😦

    J’aime

  11. 28 juin 2012 16 h 39 min

    «Mais où s’en va le monde?! »

    Que de sarcasmes ici!

    J’ai quand même souri tantôt en lisant la nouvelle sur la décision de la Cour Suprême des États-Unis…

    J’aime

  12. 28 juin 2012 19 h 03 min

    C’est sûr que l’ISQ ne peut pas prendre la relève de tout, pas avant l’indépendance du Québec, en tout cas!

    J’aime

  13. 28 juin 2012 22 h 52 min

    @ David

    «pas avant l’indépendance du Québec, en tout cas!»

    Bien d’acccord! Profitez-en quand ça passe! 😉

    J’aime

  14. Rément Closset permalink
    29 juin 2012 15 h 03 min

    Comme disait Nietzsche, La science est roturière – un et un font deux pour tout le monde. C’est le côté démocratique de la science qui embête tant les conservateurs.

    J’aime

  15. 29 juin 2012 16 h 35 min

    @ Rément Closset

    Bienvenue ici!

    «Comme disait Nietzsche, La science est roturière – un et un font deux pour tout le monde. C’est le côté démocratique de la science qui embête tant les conservateurs.»

    C’est sûr que son côté démocratique n’aide pas la cause de la science auprès de ce gouvernement!

    J’aime

  16. 3 juillet 2012 14 h 47 min

    Est-ce que je peux publier un lien vers ce billet sur Twitter?

    C’est VRAIMENT Fahrenheit 451 que les Cons sont en train de faire!

    J’aime

  17. 3 juillet 2012 16 h 22 min

    @ Line Merrette

    En passant, ton commentaire a été modéré parce que c’est la première fois que tu utilises ce nom («Line Merrette (@fem_progress)»).

    «Est-ce que je peux publier un lien vers ce billet sur Twitter?»

    Ça serait même gentil de le faire! Nous n’avons rien contre les gestes qui peuvent permettre de faire augmenter le nombre de personnes qui fréquentent ce blogue et y commentent!

    «C’est VRAIMENT Fahrenheit 451 que les Cons sont en train de faire!»

    L’analogie est excellente!

    J’aime

Trackbacks

  1. Paperasse II «
  2. Science, on coupe ! |
  3. Les muselés |
  4. Le rôle des impôts et des transferts dans la réduction des inégalités (1) |
  5. La boésson (2) |
  6. L’inventaire des émissions de GES en 2017 |
  7. Les déductions d’impôt pour dons aux États-Unis |

Laisser un commentaire