La falaise austère
On nous parle depuis quelque temps de ce qui représente selon plusieurs le principal défi actuel du début du deuxième mandat de Barack Obama, soit de s’attaquer au mur budgétaire («fiscal cliff»).
Exagère-t-on l’importance de ce mur? Oui et non! En effet, on nous répète que si aucune solution de compromis n’est adoptée par le président et les deux chambres (chambre des représentants et sénat), un ensemble de mesures composées de hausses d’impôts (pas seulement ceux des riches) et de compressions budgétaires (aussi bien dans les budgets des services publics que dans ceux de la défense) entreront en vigueur le premier janvier prochain représentant un retrait d’environ 600 milliards $ à l’économie américaine, ce qui représente près de 4 % de son PIB qui approche les 16 000 milliards $. Comme son PIB réel (après inflation) augmente actuellement d’environ 1,5 %, le retrait de 4 % de son PIB entraînerait sans l’ombre d’un doute une récession.
Mais, cette analyse est-elle juste?
Terminologie et sémantique
Si l’expression «fiscal cliff» est relativement bien acceptée aux États-Unis (quoique pas par tous, on le verra plus loin), il est amusant de constater le grand nombre de traductions utilisées en français :
Mise à part la variété de ces expressions – le choc ne montre aucune direction (il n’a aucun sens, ai-je failli écrire!), la falaise est en haut, le mur est devant nous et le précipice et le gouffre sont en bas et illustrent une chute – leur sens est assez semblable, le premier janvier représente une limite qui entraînera tout d’un coup des conséquences graves et immédiates.
Paul Krugman n’est pas d’accord et conteste en conséquence l’image d’une falaise. S’il trouverait cette expression pertinente pour illustrer l’impact du refus du congrès d’augmenter le plafond de la dette, comme il a failli le faire l’an passé, car en empêchant tout nouvel emprunt, le gouvernement ne pourrait même plus payer ses employés et l’effet serait immédiat, il montre que rien de bien grave n’arriverait le premier janvier, même s’il ne nie pas que la situation se dégraderait si l’impasse demeurait pendant plusieurs mois.
«Il est bon de signaler que cette falaise fiscale n’en est pas vraiment une. Ce n’est pas comme la confrontation à propos du plafond de la dette, où des choses terribles auraient en effet pu se produire immédiatement si l’on avait manqué la date butoir. Cette fois-ci, rien de très mauvais ne va arriver à l’économie si l’on ne trouve pas d’accord dans les prochaines semaines ou même les prochains mois en 2013.»
En effet, les impôts augmenteraient, les budgets de l’État seraient diminuées, mais les compressions se produiraient en fait graduellement, en quelques mois, pas du jour au lendemain. En conséquence, il encourage le président à résister au chantage des républicains et à refuser de reporter une troisième fois les baisses d’impôt pour les riches adoptées par George W. Bush.
«une impasse ferait autant de mal aux soutiens républicains, en particulier aux entreprises donatrices, qu’au reste du pays. Le risque de dommages économiques importants augmentant, les républicains seraient face à une pression intense pour finalement accepter un accord.»
Ne favorisant pas l’utilisation de l’expression «fiscal cliff», Krugman propose plutôt d’adopter la proposition de Brian Beutler et de parler d’une «austerity bomb» (bombe d’austérité) pour qualifier ce qui pourrait arriver en janvier prochain. Cette nouvelle proposition terminologique traduit selon lui beaucoup mieux les conséquences des mesures qui seront mises en œuvre en janvier prochain si aucun accord ne survient d’ici là.
«C’est un terme qui traduit beaucoup mieux la situation que «falaise fiscal». La comparaison avec une falaise porte les gens à imaginer que le problème avec ce qui surviendrait en janvier est lié à un déficit excessif tandis qu’il s’agit en fait du risque que le déficit sera trop petit.»
Quand on sait ce qui se passe en Europe en raison des politiques d’austérité qui visent à diminuer le déficit, on ne peut qu’appuyer cette proposition.
Et alors…
On voit à quel point le choix des mots n’est jamais innocent. On laisse ainsi penser à la population que le ciel lui tombera sur la tête le premier janvier prochain. Cela ne peut que mettre de la pression sur le président pour qu’il plie encore une fois et à reconduise les baisses d’impôt des riches. Toutefois, celui-ci semble bien décidé à ne pas céder comme on peut le lire dans de nombreux articles, dont celui-ci dans lequel on peut lire : «Obama n’entend pas lâcher sur la taxation des plus riches alors que Boehner et McConnell en font une ligne rouge »
Souhaitons qu’il tienne parole cette fois…
J’ai l’impression qu’il va encore céder. Ainsi il va pouvoir mettre la faute de son non-engagement sur les républicains. Pour sa réelle envie d’augmenter l’impôt des riches je crois qu’Obama bluffe.
En espèrant que je me trompe.
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Je préfère attendre avant de me prononcer. Il n’a plus besoin de se faire réélire, alors il va pouvoir agir en fonction de ses convictions, et nous on va peut-être enfin savoir quelles sont vraiment ses convictions!
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Ça rejoint un peu la théorie de Naomi Klein : http://fr.wikipedia.org/wiki/La_Strat%C3%A9gie_du_choc
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L’analogie est intéressante, en effet!
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Bonjour Cousins québécois,
Je m’en excuse par avance mais je vais être hors sujet dans mon intervention. Cependant, j’ai besoin de vos explications. En ce moment, en France, le débat pour le mariage des personnes de même sexe fait rage. Des auteurs québécois l’ont remarqué :
http://www.lapresse.ca/debats/chroniques/lysiane-gagnon/201211/21/01-4596357-le-mariage-pour-tous.php
Ce qu’écrit Lysiane Gagnon est globalement exact.
Voici ma question :
Les maires québecois ont il le droit d’évoquer la liberté de conscience pour refuser de célébrer un mariage entre des personnes de même sexe ?
Cordialement .
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Ce sera une bombe d’autorité.
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Et il faudra beaucoup d’autorité pour financer les bombes.
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« Les maires québecois ont il le droit d’évoquer la liberté de conscience pour refuser de célébrer un mariage entre des personnes de même sexe ? »
Ce n’est pas de leurs crisses d’affaires
(Darwin : le reste est censuré; David n’est pas ce que vous dites, il s’informe. Il déplore le mouvement français actuel. Si vous veniez ici plus souvent vous sauriez ça depuis longtemps.)
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Ok, désolé. Mais selon moi, ça ne devrait même plus être un débat.
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«Mais selon moi, ça ne devrait même plus être un débat.»
Lui aussi est d’accord… Il tente simplement de savoir comment cela s’est passé et se passe au Québec pour contrer ce mouvement rétrograde en France, où, de fait, des maires se drappent derrière leur «liberté de conscience» pour ne pas se voir obligés de marier des gais.
@ david weber
«Ce qu’écrit Lysiane Gagnon est globalement exact.»
Une fois n’est pas coutume. Elle dit sa dose de conneries sur plein de sujets. Cela montre que même la droite obtuse au Québec est une droite plus socioéconomique que morale.
«Les maires québecois ont il le droit d’évoquer la liberté de conscience pour refuser de célébrer un mariage entre des personnes de même sexe ?»
Si je n’ai pas répondu plus tôt, c’est que je n’en ai aucune idée! Je n’ai jamais rien entendu de tel.
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« Cela montre que même la droite obtuse au Québec est une droite plus socioéconomique que morale. »
Très judicieuse remarque,. Voilà pourquoi certains péquistes de centre-droit comme moi se permettent, malgré tout de se déclarer « à gauche ». Héhéhé! 😎
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«certains péquistes de centre-droit »
Tu as oublié le «obtus»! 😈
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Chuuuuuuuuuuuuuuuuuuuuuuuuuuuuuuuuuuuuuuuuuuuuuut! Darwin! Il ne faut pas dire obtus,
il faut dire STRATÉGIQUE à la place, pour ne pas effrayer les solidaires chancelants… 😯 😯
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Une stratégie obtuse?
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Plusieurs économistes pensent expliquer la réalité avec des métaphores. Par les temps qui courent, on nous casse les oreilles avec « le seuil psychologique de 50% pour le palier supérieur d’imposition des particuliers ». Ces économistes auraient découvert une loi de la psyché éternelle. Ils ajoutent qu’il y a consensus chez les économistes sur cette loi de la psyché. Il y a aussi « le fameux jour de la libération fiscale calculé par l’Institut Fraser » et « les programmes sociaux responsables de la dette ».
J’accepte le droit inaliénable à la métaphorisation. En aucun cas, je ne l’accepte comme une démonstration.
Que faire contre ces métaphores à la mode?
Pas facile! Pas facile! On peut proposer aux électeurs qu’en accroissant les dépenses de l’État (même provincial) par des économies engendrées par la création de Pharma-Québec, un certain ménage dans les crédits d’impôt des contribuables et des entreprises, etc., il serait possible de financer des emplois pour ceux qui n’en ont pas. C’est mon dada : bien sûr améliorer d’urgence le filet de sécurité sociale, mais surtout démontrer que les sans-emploi pourraient participer à la société dans le secteur marchand et non marchand de l’économie si on y mettait les ressources nécessaires.
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«J’accepte le droit inaliénable à la métaphorisation. En aucun cas, je ne l’accepte comme une démonstration.»
Ce n’est en effet pas une démonstration. mais trop de gens confondent les deux. Ce qui me fait émettre des réserves sur la métaphorisation qui est souvent utilisée consciemment pour confondre les gens.
«C’est mon dada»
Un bon dada, en tout cas meilleur que bien d’autres!
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@ Darwin
Bonjour Darwin,
Merci beaucoup pour vos précieuses informations. Elles confirment ce que je pensais.
Désolé de vous avoir une nouvelle fois mis à contribution.
Amicalement.
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«Elles confirment ce que je pensais.»
Que Lysiane Gagnon est de droite? 😉
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@ Darwin
« Que Lysiane Gagnon est de droite? », écrit Darwin.
En autre…J’avais cru le deviner entre les lignes de son article.Mais maintenant que vous le confirmez, je n’ai plus aucun doute.
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Je la lis rarement. Je regarde rapidement pour savoir quel sujet elle aborde et je passe à un autre texte.
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Lu sur le blogue de Krugman : 47 % de la population des États-Unis croit que le déficit augmentera si rien n’est fait d’ici le premier janvier. La deuxième réponse la plus répandue est «je ne sais pas» (28 %), suivi de «il baissera» à 13 % et de «il demeurera fixe» avec 12 %. Donc, seulement 13 % ont des chances de savoir ce qui se passera vraiment (peut que certaines personnes n’ont donné la bonne réponse que par hasard…). On a tellement laver le cerveau des gens avec l’équation «baisse du déficit» = bon, que les gens ne peuvent pas comprendre qu’il peut être désastreux de le faire baisser trop rapidement, ce qui arriverait qvec le «fiscal cliff».
http://www.businessinsider.com/47-of-people-think-the-deficit-would-increase-if-we-go-over-the-fiscal-cliff-2012-12
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Une autre grande chronique de Paul Krugman!
http://www.nytimes.com/2012/12/07/opinion/krugman-the-forgotten-millions.html
Cette chronique sera traduite d’ici deux jours à http://www.rtbf.be/info/chroniques/archive_paul-krugman?chroniqueurId=5032403
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Merci. Je termine… En effet, excellent.
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Tu me rappelles de mettre le lien direct, maintenant qu’il est disponible :
Ces millions de gens oubliés
http://www.rtbf.be/info/chroniques/chronique_ces-millions-de-gens-oublies-paul-krugman?id=7888906&chroniqueurId=5032403
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