Diplomation universitaire et immigration
En relisant mon billet précédent sur l’accessibilité et le maintien des universités loin des grands centres, j’ai eu une idée étrange… Pensant au fait que les immigrants récents sont très scolarisés, et que l’apport de l’immigration est beaucoup plus important en Ontario et dans le reste du Canada qu’au Québec, je me suis demandé si cela pouvait avoir une influence sur la différence du taux de diplomation universitaire entre ces régions.
Les données sur les dernières cohortes d’immigration du Québec nous montrent en effet que les immigrants récents sont très scolarisés. On peut par exemple voir au tableau 12 de la page 43 de ce document que 63,9 % des immigrants âgés de 15 ans et plus arrivés au Québec entre 2007 et 2011 avaient au moins 14 années de scolarité et 33 % au moins 17 années.
En cherchant les données qui correspondent à l’affirmation de Daniel Zizian, président-directeur général de la Conférence des recteurs et principaux des universités du Québec (CREPUQ), affirmation dont j’ai parlé dans le précédent billet («le taux de diplomation, tous cycles confondus, était de 21,4 % au Québec, contre 22,6 % au Canada et 24,7 % en Ontario») j’ai trouvé un fichier (numéroté 14 sur cette page), à partir duquel j’ai construit le tableau qui suit :
On retrouve sur la première ligne de ce tableau les données précises mentionnées (si ce n’est une légère différence de 0,1 point de pourcentage pour l’Ontario) par Daniel Zizian, ainsi que les écarts entre le taux de diplomation du Québec et ceux de l’Ontario et du Canada. Il s’agit donc des données qu’il a utilisées. À la deuxième ligne, on voit le taux de diplomation universitaire des immigrants. Même si cette donnée comprend à la fois les immigrants de longue date, à peine plus scolarisés que les natifs, et les plus récents, beaucoup plus scolarisés (avec des taux avoisinant les 50 % dans les trois régions considérés), on peut voir qu’ils ont un taux de diplomation bien plus élevé que l’ensemble de la population.
Fait intéressant, comme on peut le voir à la deuxième ligne, le taux de diplomation universitaire des immigrants du Québec est plus élevé que ceux de l’Ontario et du Canada. Malgré cela, parce qu’ils étaient proportionnellement bien moins nombreux au Québec (20,5 % au Québec, 35,5 % en Ontario et 30,6 % au Canada), l’impact de la présence d’immigrants plus scolarisés que la population native a plus d’impact en Ontario et au Canada qu’au Québec (quatrième ligne). En conséquence, on peut voir à la troisième ligne que, si le taux de diplomation des natifs de l’Ontario était toujours plus élevé que celui des natifs du Québec (21,1 % par rapport à 19,3 %), l’écart mentionné par M. Zizian est passé de 3,3 points de pourcentage à 1,8 point, l’écart de ce taux entre le Canada et le Québec a quasiment disparu, se situant à seulement 0,2 %, alors qu’il était de 1,2 point pour l’ensemble de la population.
Et alors…
On a vu dans le billet précédent que le taux de diplomation universitaire des Québécois varie énormément selon les régions. Ici, on s’aperçoit que la plus faible présence des immigrants au Québec qu’en Ontario et au Canada explique près de 85 % de la différence du taux de diplomation universitaire entre le Québec et le Canada (1,0 point de pourcentage sur 1,2), et près de la moitié (45 %) de celle entre le Québec et l’Ontario.
Ce petit exercice montre que, plus on fouille et qu’on tient compte de facteurs variés (présence des cégeps, écarts de la diplomation entre les régions et présence de l’immigration), les écarts que d’aucuns présentent comme systémiques ne le sont pas vraiment.
Savoureux!
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Et je parie que plus on creuse plus profond, plus on trouve d’autres facteurs qui vont démolir des mythes tenaces dans certains esprits.
Le grand philosophe Pline parlait de la valeur de l’effort en disant: « Pour trouver, il faut chercher. » Par conséquent, faire l’effort de chercher mène à élargir et à approfondir nos connaissances, à apprendre et à mieux raisonner. Ce qui est plus enrichissant que de croire à des mythes non-fondés que certains prennent pour La Vérité Suprême ou parole d’Évangile.
J’ai et aurai toujours plus de respect envers ceux qui ne sautent jamais aux conclusions sans avoir explorer les multiples facettes de leurs sujets. Mon cher Darwin, continue ton excellent travail. 😀
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«Et je parie que plus on creuse plus profond, plus on trouve d’autres facteurs qui vont démolir des mythes tenaces dans certains esprits.»
Hum, je ne sais pas. Je ne pense vraiment pas pouvoir trouver de nouveaux filons aussi riches!
«Darwin, continue ton excellent travail»
Tant que les idées me viennent! Et elles viennent en masse! Merci!
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@ Mehö
«Savoureux!x
Merci! Il m’arrive d’avoir de bonmes «idées étranges»!
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« Hum, je ne sais pas. Je ne pense vraiment pas pouvoir trouver de nouveaux filons aussi riches! »
J’ai une piste à vous proposer : attardez-vous aux taux d’obtention de maîtrises et de doctorats! Jean-Martin Aussant en parle souvent; des droits de scolarité moins élevés incitent les étudiants à poursuivre leurs études au-delà du Baccalauréat et les différents taux inhérents aux différents cycles universitaires sont plus révélateurs qu’un simple pourcentage de dîplomés universitaires, sans distinction pour les cycles.
Avec ces tableaux de StatsCan : http://www5.statcan.gc.ca/cansim/a26 ; http://www5.statcan.gc.ca/cansim/a26?lang=fra&retrLang=fra&id=4770014&tabMode=dataTable&srchLan=-1&p1=-1&p2=9 , j’ai moi-même concocté un petit graphique assez révélateur! J’ai calculé, pour l’année 2008, le pourcentage de doctorats décernés au Québec ainsi qu’ailleurs au Canada en proportion du nombre de 30-39 ans. J’ai choisi ce groupe d’âge car Statscan estime que l’âge moyen d’un diplômé du doctorat est de 36 ans (http://www.statcan.gc.ca/pub/81-004-x/2008002/article/10645-fra.htm). Idéalement, j’aurais aimé calculer les mêmes taux pour les autres années disponibles (2007, 2006, 2005, etc.) afin d’avoir une meilleure vue d’ensemble mais je suis malheureusement limité dans mon temps aujourd’hui! Bref, si cela vous inspire un prochain billet…
Pas surprenant, le Québec, avec les frais de scolarité les plus faibles en 2008, avait le taux de diplomation de Doctorat le plus élevé au Canada!
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Lien brisé pour le premier que j’ai affiché, voici le bon : http://www5.statcan.gc.ca/cansim/a26?lang=fra&retrLang=fra&id=0510001&tabMode=dataTable&srchLan=-1&p1=-1&p2=9
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Je vais attendre un peu. J’ai beaucoup écrit récemment sur le sujet.
Le taux de diplômes de deuxième et troisième cycles décernés semble de fait nettement plus élevé au Québec. Les taux sont similaires pour 2005 à 2008 (entre 34 % et 35 % des diplômes canadiens). Pour les diplômes de premier cycle, c’est plus bas, 24 à 27 %, mais supérieur au poids démographique.
Il semble donc y avoir un rattrapage. Il faudra voir…
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Par contre, en faisant mes recherches pour le billet précédent, j’ai consulté les données les plus récentes (2012) de l’Enquête sur la population active (tableau cansim 282-0209). Et les Québécois avaient toujours un certain retard sur la moyenne canadienne à la fois pour le baccalauréat (0,6 point de pourcentage, ou 0,8 avec le reste du Canada et 1,9 avec l’Ontario) et les diplômes ou certificats universitaires supérieur au baccalauréat (0,8 point de pourcentage, ou 1,0 avec le reste du Canada et 2,0 avec l’Ontario). Je n’ai toutefois pas pu faire le calcul en tenant compte de l’apport des immigrants, car Statcan ne publie des données du genre que pour le Canada, pas pour les provinces (échantillon trop petit, j’imagine).
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@Darwin
« mais supérieur au poids démographique. »
Avec quel groupe d’âge effectuez-vous la comparaison?
« Et les Québécois avaient toujours un certain retard »
Vous voulez dire en fonction des diplômés universitaires (baccalauréat, maîtrise ou doctorat) présents sur le territoire ou plutôt en fonction des diplômes décernés par les universités québécoises/ontariennes/canadiennes?
En résumé, les universités québécoises décernent proportionnellement davantage de diplômes mais l’Ontario et le reste du Canada profite d’un apport supplémentaire de diplômés en raison d’un niveau d’immigration plus fort. Est-ce bien cela?
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«Avec quel groupe d’âge effectuez-vous la comparaison?»
Ça ne change rien. Les Québécois pèsent (2012) entre 21 % et 24 % dans les quatre groupes d’âge entre 15 et 34 ans. Pour un diplôme de premier cycle, c’est sûrement la tranche des 20 à 24 ans qui est la plus pertinente, suivi des 25-29. Et, dans ces deux tranches, les Québécois pesaient entre 21 et 22 %.
«Vous voulez dire en fonction des diplômés universitaires (baccalauréat, maîtrise ou doctorat) présents sur le territoire ou plutôt en fonction des diplômes décernés par les universités québécoises/ontariennes/canadiennes?»
Oui. Cela est un stock et les diplômés à chaque année sont des flux. Et la citation de la CREPUQ utilise des stocks.
«Est-ce bien cela?»
L’immigration joue certainement un rôle comme ce billet le montre. Mais, il peut aussi y avoir des conséquences des étudiants étrangers (qui quittent après), de la migration interprovinciale et internationale. C’est impossible d’isoler le poids de chaque facteur avec les données disponibles. Chose certaine, les flux récents à l’avantage du Québec n’ont pas fait changer les écarts de stocks suffisamment pour renverser l’avance de Canada et de l’Ontario.
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