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AÉCG – derniers développements… connus!

7 mars 2013

aécgLes sujets de contestation sont tellement nombreux par les temps qui courent (droits de scolarité, assurance-emploi, aide sociale, etc.) qu’on peut en venir à oublier ceux qui semblent plus techniques, même s’ils nous menacent tout autant. Il y a plus de six mois (tempus fugit…), j’ai consacré un billet aux dangers entourant les négociations sur l’Accord économique et commercial global entre le Canada et l’Union européenne (AÉCG) en mettant l’accent sur l’aspect non démocratique de ce processus et sur le danger que cet accord laisse planer sur la souveraineté des États signataires. Loin de nous rassurer, les derniers développements dans ce dossier viennent plutôt confirmer ces appréhensions.

Position du Parti québécois

Sans s’y opposer clairement avant son arrivée au pouvoir, le Parti québécois était tout de même très critique sur le déroulement des négociations et sur le manque de transparence qui les entourait. Même si le processus de négociation est tout aussi opaque qu’il l’était, le PQ ressort les arguments utilisées par le Parti libéral, comme quoi il faut donner certains avantages à l’Europe si on veut que nos entreprises aient «un meilleur accès à un marché d’un demi-milliard de consommateurs européens». Rien pour calmer nos appréhensions…

Les produits pharmaceutiques

Après avoir mis fin à la règle des 15 ans, décision que j’ai saluée dans un précédent billet, le PQ serait près à accepter que l’AÉCG la ramène, à la condition «qu’Ottawa compense les coûts supplémentaires que cela imposerait à leurs systèmes de santé».

Cela me semble un peu ridicule. D’une part, ce que nous ne payerions pas à Québec, nous le payerions à Ottawa! Que cela viennent d’une source ou d’une autre, le coût viendrait de nos poches de toute façon et irait dans les mêmes, celles des sociétés pharmaceutiques. D’autre part, que se passerait-il si le Québec devenait indépendant? Québec se retrouverait avec toute la facture! Je ne sais pas si l’indépendance est une hypothèse que le PQ envisage, mais ça demeure troublant qu’un gouvernement qui se dit indépendantiste ne prévoit même pas cette possibilité… Il s’agit d’une facture qui pourrait s’élever à 2 milliards $ (au minimum 367 millions $), dont le Québec écoperait environ du quart, soit de près de 100 millions $ à 500 millions $. Et dire que Québec pourrait, au lieu d’avoir à faire face à cette hausse de dépense inutile, économiser jusqu’à 2 milliards $ (et le Canada près de 11 milliards $) en adoptant Pharma-Québec. Mais ça, c’est un autre débat…

Le fromage

Malgré l’assurance des négociateurs fédéraux et provinciaux de ne jamais lui toucher, il semble qu’ils soient prêts à accepter une première brèche à la gestion de l’offre. Il est assez succulent (presque autant que nos fromages) de lire dans la même phrase Jean-François Lisée affirmer que «le «principe» du système agricole de gestion de l’offre dans le lait, les œufs et la volaille «n’est pas négociable», mais que «il n’était pas exclu que le Canada doive accorder quand même aux producteurs européens des quotas d’exportation de fromage supplémentaires». Bref, ce n’est pas négociable, mais on va peut-être négocier… Un genre de gel indexé des négociations, quoi!

Je ne veux pas ici exagérer l’importance de ce point en particulier (ni le minmiser par cette remarque), mais seulement montrer qu’on ne peut guère se fier aux assurances que nos politiciens nous ont données et nous donnent encore. Et on sait ce qui peut arriver quand on accepte une première brèche à un principe.

Services financiers

Celle-là, je ne l’avais pas vue venir… On apprenait il y a peu que «Les deux parties souhaitent davantage d’accès aux marchés des services financiers de l’autre partenaire». Il est déjà inquiétant de voir le secteur financier mondial aussi interdépendant, comme on l’a vu lors de la dernière crise au cours de laquelle les déboires des banques d’un pays se sont étendues à celles d’une grande partie de la planète. Mais, ici, l’Union européenne (UE) tente, semble-t-il, «de réduire la surveillance des institutions financières». Ouf! Déjà que l’UE a fait plonger plusieurs de ses pays dans la misère avec ses mesures d’austérité, là, elle semble ne rien avoir appris du déclenchement de la dernière crise. Elle voudrait que le Canada, que tout le monde félicitait il n’y a pas longtemps pour sa réglementation qui a permis à ses banques de mieux s’en tirer qu’ailleurs (même si le gouvernement a dû leur accorder une aide de 110 milliards $), laisse tomber ce qui lui a justement permis de mieux s’en sortir? Au lieu de l’imiter pour éviter un nouveau désastre, l’UE veut qu’il soit aussi vulnérable qu’elle?

La section en litige mentionnerait, à la demande du Canada, que «une partie peut empêcher ou restreindre les transferts […] par l’application équitable, non discriminatoire et de bonne foi de mesures relatives au maintien de la sécurité, de la stabilité, de l’intégrité ou de la responsabilité financière des institutions financières ou des fournisseurs de services financiers transfrontaliers». Ce serait donc trop pour l’Europe de vouloir s’assurer du «maintien de la sécurité, de la stabilité, de l’intégrité ou de la responsabilité financière des institutions financières ou des fournisseurs de services financiers transfrontaliers»? Sans surprise, on apprend que ce serait l’Allemagne qui refuserait le plus fortement cette clause…

C’est difficile de comprendre cette attitude sans hypothèses sur le contrôle de la démocratie européenne par les intérêts du secteur financier. On peut se réjouir que le Canada résiste à cette demande de l’UE, mais on ne peut que frissonner à la seule pensée que quelque chose du genre soit sur la table de négociation.

Mécanisme de règlement des différends

Comme je l’avais mentionné dans le précédent billet que j’ai écrit sur l’AÉCG, le mécanisme de règlement des différends est un des éléments les plus dangereux de cet accord. Ce texte du Réseau québécois sur l’intégration continentale explique bien la nature de ces dangers, principalement sur le pouvoir qui serait donné aux entreprises d’avoir la possibilité d’attaquer la souveraineté et les décisions démocratiques des pays signataires.

Nombreux sont ceux qui ont cru que ce danger était exagéré par les gens qui s’en inquiètent. Pourtant, un des derniers contentieux sur l’AÉCG porte justement sur les inquiétudes des négociateurs canadiens à cet égard. Le Canada voudrait que l’accord contienne des clauses pour «s’assurer que les investisseurs étrangers ne profiteraient pas de l’entente commerciale pour lancer contre leurs gouvernements des poursuites frivoles afin d’obtenir des dédommagements pour toute ancienne mesure plombant leurs profits.». Cela montre bien que ce danger est bien réel! L’UE refuse même d’éliminer les poursuites «frivoles»!

La souveraineté des États signataires est tellement attaquée qu’on ne cherche même pas à rejeter toute possibilité de poursuites, mais on négocie plutôt pour «déterminer de quelle marge de manœuvre devraient bénéficier les gouvernements pour adopter des lois qui pourraient, par inadvertance, empiéter sur les activités des investisseurs». Bref, le débat ne se fait pas pour éviter que la souveraineté des États ne soit amoindrie par cet accord, mais pour qu’on s’entende sur le niveau de la perte de souveraineté que subiront les États!

Lutte à la pauvreté et sécurité alimentaire

«Selon le rapporteur spécial des Nations unies sur le droit à l’alimentation, la décision controversée du gouvernement Harper d’éliminer la version longue du formulaire de recensement et sa négociation d’un traité de libre-échange avec l’Union européenne nuiront à la lutte contre la pauvreté au Canada.» Olivier De Schutter, rapporteur spécial des Nations unies sur le droit à l’alimentation

Il critique aussi dans le même sens «la réforme de la Commission canadienne du blé et la façon dont Ottawa supervise les fonds qu’il transfère aux provinces pour les services sociaux» Sur l’AÉCG, il «indique que des initiatives pour promouvoir l’alimentation et la nutrition et les marchés locaux, comme celles pour promouvoir l’achat local, pourraient être affectées de façon négative avec cet accord. Il critique également la disposition de l’accord selon laquelle les municipalités ne pourront plus privilégier les biens et services locaux ou Canadiens pour des contrats de plus de 340 000 $».

Plus loin, il déplore aussi que la gestion de l’offre soit affaiblie par ces négociations. On voit donc que l’AÉCG pourrait nuire à l’achat local et à la sécurité alimentaire. Ce n’est pas le moindre des dangers de cet accord… et il vient s’ajouter aux autres!

Et alors…

De quelque côté qu’on regarde cet accord, on constate que, même si quelques petites et moyennes entreprises pourraient en bénéficier (dans le secteur agricole, entre autres), ce sont en premier lieu les grandes entreprises, bien souvent des transnationales (appelées couramment multinationales) qui en sortiraient gagnantes. Elles pourraient plus facilement concurrencer (parfois évincer) les entreprises locales et poursuivre les gouvernements si ceux-ci tentent de protéger leurs entreprises locales ou même s’ils adoptent une réglementation environnementale plus sévère qui risquerait de nuire à leurs profits. C’est donc en grande partie pour elles qu’on est prêt à sacrifier un autre morceau de ce qui reste de la souveraineté de nos États. Et tout cela se passe hors des canaux habituels de l’exercice de la démocratie. Le gouvernement a-t-il obtenu un mandat pour négocier cette entente? Il n’en parlait même pas dans sa plateforme lors de la campagne électorale! Seul QS s’y opposait clairement dans la sienne!

Ce n’est pas parce qu’on parle moins de l’AÉCG que des autres dossiers politiques que le danger est moindre. Au contraire, les pires craintes semblent se concrétiser… Et cela, seulement en regardant ce qu’on sait!

13 commentaires leave one →
  1. 7 mars 2013 8 h 03 min

    Pour ce qui est du « Libre » échange avec l’Europe, je demeure convaincu qu’il n’y a rien de bon à faire voyager du fromage ou des produits agricoles sur des milliers de kilomètres alors qu’on sait très bien qu’ils en produisent chez eux. Ça s’appelle de la pollution inutile et une mauvaise utilisation de l’énergie disponible. Je suis pour la production/consommation locale. Une solution qui respecte l’environnement et qui nous donne le contrôle sur nos emplois et sur nos moyens de production.

    Ensuite il va falloir comprendre un jour que le PQ est un parti bourgeois qui fait ce que Monsieur le banquier demande. Point final! Je pense encore à tous ceux qui aux élections dernières voyaient dans le PQ la seule et unique VRAI solution logique pour nous sortir de la corruption « Libérale »… Tous devaient se ranger derrière la « solution » Péquiste et surtout, ne pas diviser le vote en le donnant à d’autre. Ils venaient juste de nous voler 40 milliards dans la caisse de dépôt avec le cher monsieur Rousseau qui avait bien été mis en poste par la Marois sur les ordres de Lulu Bouchard le voleur du siècle. Je les regarde avec un sourcil plus haut que l’autre aujourd’hui car ils en ont pour leur argent! Le élus du PQ démontrent très clairement qu’ils portaient le carré rouge dans le seul et unique but de démontrer aux gens qu’ils étaient du côté de la contestation et de l’écœurement. On voit aujourd’hui ce que ça donne et J’ESPÈRE que les gens s’en rappelleront aux prochaines élections! Si la tendance se maintient, ils ne s’en rappelleront pas.

    Merci bonsoir

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  2. 7 mars 2013 8 h 40 min

    @ Mehö

    «Pour ce qui est du « Libre » échange avec l’Europe, je demeure convaincu qu’il n’y a rien de bon à faire voyager du fromage ou des produits agricoles sur des milliers de kilomètres»

    En partie d’accord, mais pas complètement. Sans l’importation de fromages fins, les fromagers québécois auraient-ils pu développer les excellents fromages qu’ils produissent aujourd’hui? Cela dit, on se rejoint pour le reste. Est-ce vraiment utile d’en importer plus avec les désavantages que vous citez?

    Par ailleurs, je dois avouer que bien d’autres aspects de l’AÉCG me rebutent davantage : ouverture des marchés publics, libre circulation des investissement, processus de règlement des différends, ouverture des services financiers et rejet d’une réglementation solide, sécurité alimentaire, etc.

    « Ils venaient juste de nous voler 40 milliards dans la caisse de dépôt avec le cher monsieur Rousseau qui avait bien été mis en poste par la Marois sur les ordres de Lulu Bouchard le voleur du siècle»

    La perte des 40 milliards est pour moi un résultat de l’aveuglement des pouvoirs politiques et financiers sur les dérives des innovations financières qui prétendent créer de la richesse à partir de rien. Nos petits potentats de la Caisse se croyaient à l’avant-garde en achetant des produits miracles!

    Sur ce point, j’estime que le PQ, Mme Marois et M. Bouchard ont plutôt été victimes de cet aveuglement collectif. Cela dit, il est vrai qu’on peut leur reprocher d’avoir cru en ces mirages…

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  3. 7 mars 2013 14 h 12 min

    @ Meho

    « Ils venaient juste de nous voler 40 milliards dans la caisse de dépôt avec le cher monsieur Rousseau qui avait bien été mis en poste par la Marois sur les ordres de Lulu Bouchard le voleur du siècle»

    Je crois plutôt que cette perte de 40 milliards est dûe aux décisions du gouvernement Charest qui a réorienté le mandat de la caisse en 2005 afin d’en laisser complètement la gestion aux mains de technocrates comme Rousseau. Si je ne me trompe, c’est d’ailleurs à partir de cette date que la caisse a commencé à acquérir des produits dérivés toxiques au sein de ses actifs.

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  4. 7 mars 2013 15 h 57 min

    @ pseudovirtuose

    C’est pas mal dans le sens de ce que j’écrivais…

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  5. 7 mars 2013 23 h 08 min

    @Darwin

    C’est mon vieux fond péquiste qui ressort; je me sens obligé de rejeter tout le blâme sur les libéraux et de défendre le PQ 😳

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  6. Yves permalink
    8 mars 2013 7 h 10 min

    Ouai! Il y a de quoi être gêné. 😉

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  7. 8 mars 2013 8 h 25 min

    «je me sens obligé de rejeter tout le blâme sur les libéraux et de défendre le PQ»

    Je ne crois pas que les grands responsables soient les politiciens et à peine la gestion de la Caisse. C’était dans l’air du temps de se sentir connaisseur en achetant des produits originaux… Disons que nous avons payé très cher cet engouement.

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  8. 9 mars 2013 17 h 17 min

    Ce n’est pas tant la perte de souveraineté nationale qui m’effraye, mais la hausse du pouvoir des entreprises multinationales.

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  9. 9 mars 2013 19 h 52 min

    Je ne suis pas en désaccord. J’en parle d’ailleurs dans ma conclusion. Disons que les deux sont liés, la hausse du pouvoir des entreprises multinationales se faisant entre autres au détriment des pouvoirs des États.

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  10. youlle permalink
    9 mars 2013 20 h 53 min

    « ….la hausse du pouvoir des entreprises multinationales se faisant entre autres au détriment des pouvoirs des États. »

    Et au détriment du pouvoir du simple citoyen.

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  11. 9 mars 2013 21 h 34 min

    Oui, l’État étant supposé les représenter! Mais, c’est en effet pertinent d’ajouter cette précision.

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