La politique de la division
Beaucoup d’encre a coulé sur les «fuites» concernant le projet de charte des valeurs québécoises du PQ et du ministre Bernard Drainville. En voici encore un peu…
Je ne tiens pas à élaborer sur les intentions précises du gouvernement, d’autant plus qu’il refuse de les préciser. Pour les intéressés, je conseille de lire les nombreux textes qui ont analysé ces fuites, notamment ce billet de Benoit Renaud qui présente clairement le contexte et les enjeux entourant la promulgation de cette charte ou cette chronique de Rima Elkouri. Pour ma part, je préfère consacrer ce billet à quelques conséquences sociales et politiques de ces fuites.
La division
Dans une allocution prononcée devant de jeunes militants péquistes dans le cadre de l’Université d’été des jeunes du Parti Québécois, le ministre Drainville, qui se refuse toujours de parler du contenu de sa charte des valeurs québécoises, prétend tout de même qu’elle a un fort potentiel rassembleur. Tout dépend ce qu’on entend par «rassembleur»!
Ce que j’observe plutôt, c’est le retour des déchirements et de l’inquiétude. Après quelques années de tranquillité sur ce plan, on entend de nouveau les attaques de certains membres de la majorité contre les communautés minoritaires (du genre : retourne chez vous si tu ne veux pas vivre comme nous). On peut voir de vieilles chicanes renaître au sein des autres partis politiques, notamment à Québec solidaire.
Les uns ont utilisé le carré rouge, en tentant avec trop de succès de le faire passer pour un symbole de violence et d’intimidation, d’autres utilisent l’angoisse identitaire pour atteindre leurs objectifs. C’est peut-être différent en intensité, mais ce genre de tactique ne peut que déboucher sur la division.
Les valeurs québécoises et l’indépendance
Certains éditorialistes du reste du Canada prétendent que le PQ utilise les craintes des Québécois pour leur culture pour faire la promotion de l’indépendance. Personnellement, je ne vois pas comment le fait de stigmatiser une partie de la population peut faire avancer de quelque façon que ce soit la cause de l’indépendance.
Par contre, comme cette politique de division plaît à une partie importante de la population susceptible de voter pour le PQ, on l’a vu avec la réaction de certains partisans de Québec solidaire et potentiellement d’Option nationale, le PQ pourrait en bénéficier aux urnes.
Dans un récent billet, j’émettais l’opinion que pour s’approcher de l’indépendance, on doit travailler à augmenter l’appui à l’indépendance (quelle lapalissade!), que les coalitions entre les partis indépendantistes ne peuvent que favoriser la prise de pouvoir par un parti indépendantiste, pas lui donner plus de possibilités de la faire si le niveau d’appui à l’indépendance continue de stagner à 40 %. Si jamais la stratégie de division péquiste réussit, il est possible que l’appui au PQ remonte, mais il est probable que celui à l’indépendance diminue, car elle se sera aliénée encore plus les membres des minorités touchées par les interdictions liées à cette charte et beaucoup d’autres personnes inquiètes du sort qui serait réservé aux minorités dans un Québec indépendant. On me dira que l’appui à l’indépendance de ces personnes est faible, mais il faut justement travailler à le faire augmenter, pas à se l’aliéner complètement!
Et alors…
Est-ce le but du PQ de jouer la carte de l’insécurité identitaire pour augmenter ses chances de rester au pouvoir? Je ne le sais pas, mais c’est certainement un effet possible qu’il ne peut ignorer. Et, comme il sait bien que, minoritaire, sa charte n’a aucune chance d’être adoptée si elle contient les éléments révélés par la fuite, son seul avantage serait de se servir de cette défaite au cours de la prochaine campagne électorale comme argument pour le vote stratégique, pas pour faire l’indépendance, comme la dernière fois, mais pour adopter cette charte!
En plus, le PQ aime bien voir l’attention portée sur cette question plutôt que sur l’abandon des positions qu’il clamaient haut et fort dans l’opposition. Par exemple, alors que, dans l’opposition, «le Parti québécois réclamait la mise en place d’un mécanisme pour obtenir une participation des minières» à la restauration des sites miniers (une bagatelle de 1,2 milliard $), sa ministre des Ressources naturelles, Martine Ouellet, «qui était alors porte-parole péquiste en matière de mines et de gaz de schiste » et qui affirmait qu’«il ne faut pas refiler aux Québécois la totalité de la facture» dit aujourd’hui exactement le contraire, avec les mêmes arguments qu’elle dénonçait chez les libéraux («les entreprises contribuent déjà aux finances de l’État québécois par l’entreprise des redevances qu’elles versent»)!
Et, pendant ce temps, on parle moins de la stagnation de l’emploi, des compressions à l’aide sociale qui entreront en vigueur en septembre, de la diminution des recettes de l’État due à ses politiques d’austérité, de la fracturation au gaz sur l’Île d’Anticosti, et j’en passe…
Bref, pour le PQ, les avantages électoralistes de sa charte semblent l’emporter sur l’hypothèque qu’il ajoute sur la possibilité de faire l’indépendance et sur les conséquences sociales de la division que sa charte suscite dans la population. Triste…
Marissal prend les même exemples que moi, le copieur! 😉
http://www.lapresse.ca/debats/chroniques/vincent-marissal/201308/26/01-4683085-crise-identitaire-prise-2.php
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Au Québec, on utilise souvent l’urgence des choses économiques pour éviter de parler d’autres sujets. C’est ce que le PLQ fait depuis qu’il se bat contre le souverainisme. C’est un argument fallacieux, parce que le Cabinet est toujours capable de faire toutes sortes de choses en même temps, et de plus, par sa répartition de responsabilités, il DOIT s’occuper de toutes sortes de choses en même temps. Si on se confine aux questions économiques, Drainville va se tourner les pouces, et il va trouver le temps long.
Il y a toujours une grosse pile de dossiers économiques quand on veut faire valoir qu’il y a plein de sujets plus importants que les choses non-économiques. C’est à comme ça à tous les jours depuis toujours. Faudrait savoir pourquoi des projets non-économiques ont été réalisés dans le passé et où est le niveau d’importance au-dessus duquel il faut être pour ça mérite qu’on en parle.
(Je me prononce pas pour ou contre le projet, je parle juste d’un phénomène récurrent en politique québécoise)
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@ mathieulbouchard
Je n’ai pas de problèmes avec votre lecture sur l’excuse des questions économiques utilisée pour ne rien faire dans d’autres domaines. Cela dit, dans ce cas, le PQ se sert de cette question qui déchire la population pour camoufler ses décisions économiques et pour éviter de parler de l’indépendance.
Par exemple, un article du Devoir de ce matin illustre bien ce virage du PQ. Dans le cadre de l’Université d’été des jeunes du Parti québécois, la question des «valeurs québécoises a pris énormément de place. Pourtant, comme le rappelle Isabelle Porter, «Or l’Université ne portait pas sur ce sujet, mais bien sur un troisième référendum. « Pourquoi le Québec devrait être un pays au XXIe siècle » »
Cela amène de l’eau au moulin de l’analyse que j’ai faite dans ce billet…
http://www.ledevoir.com/politique/quebec/385997/marois-veut-rallier-les-federalistes
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J’ai lu ce matin que la CAQ accepterait d’interdire les signes religieux aux enseignants. Ça va être intéressant de voir l’accueil du PQ à cette proposition. Dans un sens, c’est une pelure de banane de la CAQ, de l’autre, ça me désole de voir que cette proposition risque d’être adoptée…
http://www.lapresse.ca/actualites/politique/politique-quebecoise/201308/26/01-4683263-la-caq-veut-interdire-les-signes-religieux-aux-enseignants.php
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Voyez, c’est ça la différence entre un caribou et un kangourou : le caribou veut affronter le problème de front (« Pourquoi le Québec devrait être un pays »), alors que le kangourou évite le sujet mais propose des choses qui insistent sur la différence Québec-Canada afin de créer des OUI. C’est un tel clivage qui a créé ON : le parti des caribous qui n’en peuvent plus que les kangourous mènent le PQ.
Quant à l’appui des minorités à l’indépendance, je suis à peu près certain que ceux qui seront brimés par la charte québécoise sont ceux qui voteraient déjà NON pour la simple raison que la charte trudeauïste protège leur communautarisme, alors que les immigrants qui voteraient déjà OUI sont ceux qui veulent justement se séparer de la charte trudeauïste. Tout le monde se doute bien qu’un OUI gagnant au référendum sonne la mort de l’influence légale de la charte trudeauïste sur le territoire québécois. La question est juste dans quel ordre les choses devront arriver.
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« je suis à peu près certain que ceux qui seront brimés par la charte québécoise sont ceux qui voteraient déjà NON pour la simple raison que la charte trudeauïste protège leur communautarisme»
Le raisonnement est intéressant, mais je connais déjà un bon nombre de personnes qui ne correspondent pas à ce schéma. Ils sont bien sûr fortement minoritaires, mais ce n’est sûrement pas en les rejetant qu’ils le seront moins.
Les motifs des gens pour appuyer ou pas l’indépendance peuvent varier fortement, ce qui rend ce genre de raisonnement trop simplificateur. Par contre, le sentiment d’acceptation et de rejet jouent aussi fortement. Je ne dis pas qu’ils sont suffisants, mais en général nécessaires (je fais attention de ne pas simplifier non plus à partir de mon raisonnement!).
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Pourquoi dit-on que c’est en changeant le système qu’on déplaît à des gens, comme si en gardant le système actuel, on déplaisait pas déjà à encore plus d’autres gens ?
Aussi, est-ce que les exceptions à mon schéma sont des gens qui votent QS ? Parce que ça pourrait expliquer qu’elles se tiennent beaucoup dans votre entourage. Il y a des biais quasi-accidentels comme ça, comme une étrangère qui arrive en Alberta sans avoir aucun lien avec le Québec, et s’adonne à rencontrer énormément plus de gens admiratifs du Québec que ce que les statistiques et les médias disent sur les opinions des Albertains. C’est un cas vécu. Ça pourrait s’expliquer par des corrélations plus ou moins cachées.
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«Aussi, est-ce que les exceptions à mon schéma sont des gens qui votent QS ?»
Sûrement, mais je pensais à d’autres personnes, dont un collègue de travail arabe qui avait organisé des soirées sur l’indépendance avec des compatriotes. Je ne sais pas s’il était membre de QS, mais il m’a dit qu’il voterait pour QS avec ses amis. Nous n’étions pas d’accord sur tout, notamment sur la place de la religion, mais nous en parlions respectueusement et amicalement. Je parle au passé, parce qu’il ne travaille plus avec moi.
Mais, je le répète, je ne généralise pas à partir de quelques cas, je ne fais que mentionner que ces cas existent et qu’Il faut travailler pour qu’il y en ait plus.
Et, de fait, on a peut-être plus de chance de trouver des gens comme ça à QS (là je ne pense pas à ce collègue, mais à d’autres personnes) qu’à ON, bien que je n’en sache au fond rien du tout.
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Pour avoir une idée des chances de trouver des gens comme ça, il faut regarder ce que le programme de chaque parti dit et quels groupes sociaux chaque parti essaye de séduire. Que dit le programme de QS ? Naturellement, c’est pas le seul item dans le programme et pas la seule raison d’être dans QS, mais ça a une influence.
Chez ON, je crois qu’on appuie généralement le projet du PQ, mais avec un certain détachement. Le programme d’ON contient rien à ce sujet (juste le mot « laïc » à un endroit, sans aucune précision). Un fort contraste avec la question de la langue française, à laquelle ON consacre pas moins de 9 % des items de son programme.
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« il faut regarder ce que le programme de chaque parti dit et quels groupes sociaux chaque parti essaye de séduire»
J’ai participé à cinq ou six congrès de QS (peut-être sept, finalement!) et je n’ai jamais senti que les déléguéEs essayait de séduire qui que ce soit. Et, je n’idéalise pas, j’ai au contraire l’esprit critique assez élevé…
Qu’il y ait des décisions stratégiques, je ne le nie pas, mais pas en congrès et pas dans les décisions qui touchent le programme. Au contraire, quand on a adopté la position sur la laïcité, nous savions très bien que bien des indépendantistes et bien d’autres ne partageraient pas cette position et nous lanceraient des roches. Et nous ne nous trompions pas. Mais, cela demeure ma position et je suis content que ce soit celle de QS.
J’ai toujours en tête les données sur le taux d’emploi et le taux de chômage des femmes âgés de 25 à 54 ans qui viennent des pays musulmans (30 % et 30 % en 2006, par rapport à près de 80 % et 5 ou 6 % pour les natives) et je ne pense pas que c’est en bloquant des possibilités à celles qui sortent de chez elles qu’on va réussir leur intégration.
Bon, j’ai plein d’autres arguments, mais je m’en tiendrai à celui-là pour l’instant…
«mais ça a une influence»
Si l’influence est d’amener plus d’immigrants et de membres de communautés religieuses minoritaires à envisager l’indépendance du Québec et à y adhérer, nous devrions en être content!
«Chez ON, je crois qu’on appuie généralement le projet du PQ»
Disons que cela ne m’étonne pas! Cela dit, je suis certain que c’est très partagé à QS. Par contre, les gens desquels je suis proche sont, à ma connaissance, tous contre.
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Mais j’ai pas parlé de séduction dans le programme (relisez bien la phrase). Le programme, c’est une chose ; la campagne électorale, c’est une autre chose. Juste pour donner un exemple, il y a au moins une circonscription où le chapitre local de QS a distribué en même temps une pub en français qui parlait d’indépendance et une pub en anglais qui n’en parlait pas. C’est pas quelque chose écrit dans le programme de QS, ça. 😉 Il y a sûrement de meilleurs exemples (et qui s’appliquent à plus d’une circonscription) mais je connais pas assez QS pour ça.
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« il y a au moins une circonscription où le chapitre local de QS a distribué en même temps une pub en français qui parlait d’indépendance et une pub en anglais qui n’en parlait pas»
Je ne savais pas et je n’aime pas.
«relisez bien la phrase»
Il y a dans la même phrase une mention du programme suivie d’un «et» qui parle de séduction. Il est donc normal de lier les deux, puisqu’ils le sont. Je suis d’accord que ce lien n’est pas automatique, mais l’émetteur aurait pu mieux indiquer la séparation entre ces deux parties!
Je jette donc le blâme sur l’émetteur, même si je ne doute pas de sa bonne foi, comme il ne doit pas douter de celle du récepteur! 😉
«Il y a sûrement de meilleurs exemples»
Présomption. C’est possible, mais les seuls exemples dont j’ai entendu parler étaient soit fautifs (genre QS a appuyé le NPD lors de la dernière campagne fédérale, ce qui est faux, j’étais présent à ce congrès et le conseil était d’appuyer des candidatEs progressistes pour contrer les conservateurs; d’ailleurs, le seul nom mentionné était une candidate du Bloc, Maria Mourani) soit hors contexte, comme la fameuse phrase d’Amir (malhabile, mais non mensongère) qui parlait de l’assemblée constituante (qui ne déboucherait pas nécessairement sur une proposition d’indépendance).
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Hum, j’ai un peu dérapé avec ça, parce que séduction ou pas (pour pas m’étendre sur le sens du mot), mon but à l’origine était seulement de faire remarquer que les choix de programme et de campagne influent sur quels gens vont se retrouver dans le parti, ce qui à son tour influe sur les gens que vous allez croiser. C’est tout. Désolé pour le reste.
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« les choix de programme et de campagne influent sur quels gens vont se retrouver dans le parti, ce qui à son tour influe sur les gens que vous allez croiser»
Là, rien à redire!
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Ballon électoraliste ou pas (c’en est un), ceux qui sont payés par l’État pour fournir un service au public ne devraient porter aucun signe religieux.
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Personne ne devrait être payé par l’État dans une société libre.
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«Personne ne devrait être payé par l’État dans une société libre.»
Même pas pour un travail de réparation ou d’installation dans une succursale de la SAQ? 😉
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Je me devais seulement de rappeler david à l’ordre, parfois il s’éloigne dangereusement de l’orthodoxie pour des raisons obscures. Faut l’avoir à l’œil mettons.
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«parfois il s’éloigne dangereusement de l’orthodoxie»
C’est bien, ça!
«pour des raisons obscures»
C’est vrai qu’il ne justifie pas beaucoup ses affirmations…
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« Personne ne devrait être payé par l’État dans une société libre. »
Aussi bien dire que personne ne devrait être sous-payée dans une société capitaliste!
En passant, la Somalie et l’URSS étaient (et sont) des États qui ne payaient personne… des modèles de sociétés libres quoi!!!
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Et le rouble Monsieur Benton?? Il venait d’où le rouble sinon de l’État?? En ces temps rouges, tout n’était-il pas qu’État d’ailleurs?? Il y a même ouï parler qu’ils cultivaient une céréale pour produire une excellente bière dans des fermes d’État (sovkhose). Cette céréale s’appelait le roublon!
Enfin je me délecte présentement d’un bon bourbon du Kentucky, pour me mettre un peu dans le mood de la liberté. C,est pas cher et abordable, meigne pour les salariés de l’État québécois qui ne sont pas payé très cher comme nous le démontre Antagoniste aujourd’hui et on n’est pas malade avec ça, c’est pas comme du #$%?& de cognac Français!
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À quoi sert le rouble lorsqu’il n’a rien a acheter… et qu’il ne peut rien acheter… à part la vodka pour faire oublier… comme un bon Bourbon du Kentucky!
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«c’est pas comme du #$%?& de cognac Français»
Oui, mais le cognac français, c’est plus que du bourbon!
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« à part la vodka pour faire oublier »
Meigne plus astheur qu’on la boycotte.
@darwin! 😀
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@Benton
Connaissez-vous la différence entre la livre sterling. le rouble et le dollar?
Une livre de rouble coûte un dollar… 😉
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On dirait que je n’étais pas trop dans les patates avec ce billet…
Le PQ envisage des élections avant Noël
http://www.lapresse.ca/le-soleil/actualites/politique/201309/23/01-4692399-le-pq-envisage-des-elections-avant-noel.php
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