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Le fractionnement des revenus

16 janvier 2014

partage_revenusAvec l’annonce du retour à l’équilibre budgétaire du gouvernement fédéral, les paris sont lancés pour savoir lesquelles des réductions d’impôt qu’il a promises lors de la dernière campagne électorale seront annoncées juste avant le déclenchement des prochaines élections. Cet article de La Presse a justement ressorti il y a quelques mois quelques-unes de ces promesses :

  • un crédit d’impôt pour l’activité physique des adultes;
  • l’augmentation du crédit d’impôt pour les activités artistiques des enfants;
  • la hausse de 5500 à 10 000$ du plafond d’épargne annuelle admissible au compte d’épargne libre d’impôt (CELI);
  • la possibilité de fractionner le revenu aux fins de l’impôt entre conjoints qui ont des enfants de moins de 18 ans.

Toutes de belles réductions qui avantageraient en premier lieu les plus riches, comme le précisait plus récemment Manon Cornellier dans une chronique (cadenassée…) du Devoir. Ce gouvernement trouve sûrement que l’augmentation des inégalités n’est pas assez rapide au Canada et qu’on traîne de la patte de ce côté par rapport aux États-Unis…

Mme Cornellier s’attardait plus particulièrement sur la mesure qui consiste à permettre aux conjoints qui ont au moins un enfant de moins de 18 ans de fractionner leur revenu jusqu’à concurrence de 50 000 $ (selon un mécanisme que j’expliquerai plus loin). Le gouvernement prétend que cette mesure corrigerait une injustice qui fait en sorte que les familles qui ont le même revenu total ne paient pas le même montant d’impôt dépendant du fait que leurs revenus soient assez semblables ou très différents. Il ajoutait que cette mesure permettrait aussi aux parents de passer plus de temps avec leurs enfants (?). Dans sa chronique, Mme Cornelier mentionne que l’Institut CD Howe a justement étudié cette mesure en 2011 et remettait les pendules à l’heure en déterminant qui en seraient les gagnants et les perdants. C’est justement cette étude, dont la sortie m’avait échappé à l’époque, que je vais présenter dans ce billet.

Injustice?

L’étude aborde d’entrée de jeu la question de l’injustice soulevée par le gouvernement. Pour les auteurs, il ne faut pas seulement considérer l’impôt payé dans les deux cas décrits plus tôt (avec l’extrême qu’un seul conjoint gagne tous les revenus d’une famille), mais aussi les services rendus par la personne qui ne gagne pas de revenu (pas de frais de garde, probablement moins de dépenses au restaurant, etc.). Il est donc fallacieux de comparer d’égal à égal la situation où les deux conjoints travaillent à temps plein et celle où un des deux ne travaille pas ou peu.

Les auteurs critiquent aussi le moyen choisi pour que les parents passent plus de temps avec leurs enfants. Ils le trouvent étrange, car ce sont bien les deux parents qui ont des revenus semblables qui peuvent potentiellement avoir le plus de difficulté à concilier leur travail avec leur vie familiale. Et, pire, cette mesure n’apporte  absolument rien aux parents qui ont sûrement le plus de difficulté de ce côté, soit les cheffes de familles monoparentales! Le fait que ces familles ne soient pas du tout avantagés par cette mesure échappe à la fois à la notion d’équité fiscale et au concept de conciliation travail-famille!

Ensuite, les auteurs mesurent la différence réelle de taxation entre deux familles gagnant un revenu total identique, une où le conjoint qui a le revenu le plus faible gagne au moins 35 % du revenu familial et une autre où ce conjoint en gagne moins de 15 % (chacun de ces deux cas représente le tiers des famille avec enfants de moins de 18 ans). En plus de l’impôt, les auteurs tiennent compte des crédits d’impôts (notamment pour frais de garde) et des taxes sur la masse salariale (RRQ, assurance-emploi, prestations parentales, etc.). Le fait de considérer ces taxes est important, car comme elle sont plafonnées (on n’en payait seulement pour un revenu inférieur à 48 300 $ pour la RRQ et à 44 200 $ pour l’assurance-emploi en 2011, année analysée dans cette étude). Ainsi, deux personnes qui gagnent 50 000 $ par année en paieront deux fois plus qu’une seule personne qui gagne 100 000 $.

Dans le graphique de gauche qui suit (tiré de la page numérotée 4 de l’étude), on voit que, en tenant compte de ces facteurs, l’écart entre les impôts payés par ces deux familles est quasi nul jusqu’à une revenu allant jusqu’à 100 000 $ par année et qu’il ne s’agrandit que légèrement par la suite, la famille avec les revenus les plus inégaux payant un peu plus. Le graphique de droite (tiré de la page numérotée 5) inclut en plus les coûts supplémentaires de frais de garde pour la famille dont les deux conjoints ont des revenus semblables, frais, comme mentionné plus tôt, qui sont bien moins élevés (sinon inexistants) quand un des conjoints a un revenu beaucoup plus faible que l’autre. Avec cet ajout, l’écart disparaît totalement! Où est-donc l’injustice?

partage_revenus1

Fonctionnement et résultat

Avec cette mesure, le conjoint gagnant le revenu le plus élevé, et payant donc un taux d’imposition marginal plus élevé, pourrait transférer jusqu’à 50 000 $ au conjoint gagnant le revenu le moins élevé et payant un taux marginal maximal moins élevé. Les auteurs donnent trois exemples pour bien faire comprendre la mécanique de cette mesure :

  • deux conjoints (avec au moins un enfant âgé de moins de 18 ans) gagnent respectivement 25 000 $ et 45 000 $ pour un total de 70 000 $. Selon les tables d’impôts en vigueur en 2011, le conjoint gagnant 45 000 $ a atteint le palier d’imposition où il paie 22 % sur ses revenus excédant 41 544 $ tandis que l’autre conjoint paie 15 % sur tout son revenu (avant déductions…). En lui transférant 3456 $, ce conjoint paiera 15 % sur cette somme plutôt que 22 %. L’épargne est donc de 3456 $ x (22 % – 15 %) = 242 $.
  • un conjoint gagne 90 000 $ (et a dépassé le palier où le taux d’imposition qui, à partir de 83 088 $, a atteint 26 %) et l’autre rien du tout. Ici le calcul est plus complexe, car le transfert implique plus d’un palier d’imposition. Mais, en transférant 41 544 $ à l’autre conjoint, le couple épargnera 3 184 $ (je vous fait grâce des calculs, mais je les ai vérifiés…)
  • deux conjoints gagnent respectivement 20 000 $ et 150 000 $ pour un total de 170 000 $. En transférant 50 000 $ (le maximum prévu par cette mesure) du revenu du conjoint qui gagne le plus à celui qui gagne le moins, le couple épargnera 4144 $.

En fait l’épargne maximale (si un conjoint gagne plus de 178 800 $ et l’autre ne gagne rien) peut atteindre 6408 $ sauf au Québec, où le maximum atteint plutôt 5351 $, en raison de l’abattement de 16,5 % dont nous bénéficions en raison d’ententes fiscales. Au total, seulement 15 % des familles bénéficieraient d’une baisse d’impôt. Pire, 35 % des familles avec des enfants de moins de 18 ans n’y gagneraient rien, les trois quarts d’entre elles étant les familles monoparentales.

Mais, si les provinces adoptaient aussi cette mesure, l’épargne serait encore plus élevée, mais différente selon les provinces, selon la structure de leurs paliers d’imposition. Par exemple, les Albertains n’y gagneraient rien de plus, car ils ont un seul palier d’imposition (à 10 %…), le maximum d’épargne supplémentaire augmenterait de 5748 $ en Ontario, alors qu’il atteindrait 3562 $ au Québec. Il faut noter que la différence entre le taux d’imposition du palier inférieur (16 %) et celui du palier supérieur (24 %) était au Québec une des plus faibles du Canada en 2011.

Coût et répartition

Le tableau qui suit (tiré de la page numérotée 11) montre la répartition des gains relatifs au fractionnement du revenu des familles formées de deux adultes avec enfants de moins de 18 ans en fonction de leur revenu total et du niveau de contribution au revenu total du conjoint qui gagne le moins.

partage_revenus2

La deuxième colonne montre que ces familles se répartissent à peu près également dans les trois catégories de contribution du conjoint qui gagne le moins (32-32-36). Les niveaux de revenus indiqués les divisent en quatre groupes égaux (25 % des familles chacun). La partie du haut du tableau nous montre que les gains provenant uniquement du fédéral passent de seulement 115 $ pour une famille gagnant moins de 55 000 $ dont les revenus des conjoints sont presque égaux à 6443 $ (56 fois plus!) pour une famille gagnant plus de 155 000 $ dont les revenus des conjoints sont très différents.

La partie du bas nous indique que le quartile le plus pauvre ne bénéficierait que de 6 % des économies d’impôt fédéral et 8 % des économies d’impôt provincial, mais que le quartile le plus riche accaparerait 41 % du total (42 % au provincial). Cela montre le caractère foncièrement régressif de cette mesure qui contribuerait à accentuer les inégalités, comme je le mentionnais au début de ce billet. Si cette mesure était implantée au Québec, les familles gagnant plus de 125 000 $ bénéficieraient de 61 % des économies d’impôt provincial, le taux le plus élevé de toutes les provinces canadiennes!

Finalement les auteurs estiment que cette mesure coûteraient 2,7 milliards $ au gouvernement fédéral et 1,7 milliard $ au provincial pour un total de 4,4 milliards $. Comme cette évaluation était faite pour 2011, on peut sans trop risque d’erreur avancer que ce manque à gagner atteindrait au moins 5 milliards $ quand elle serait implantée (2016?).

Et cette somme, selon les auteurs, risque d’être encore plus élevée, car elle incitera davantage de conjoints qui ont le revenu le moins élevé à rester à la maison, voire à y retourner!

Et alors…

Dans un monde :

  • où la crainte des conséquences du vieillissement de la population amène ce gouvernement à diminuer l’accès aux programmes qui s’adressent aux personnes âgées comme la pension de la sécurité de la vieillesse et le supplément de revenu garanti, ce dernier programme visant les plus pauvres d’entre elles;
  • où, pour réduire les cotisations des particuliers et surtout des entreprises, le gouvernement a décidé de réformer le programme d’assurance-emploi en diminuant son accès aux plus fragiles des chômeurs, les travailleurs saisonniers;
  • où les inégalités ne cessent de croître;

ce gouvernement ne trouve rien de mieux que de concevoir de nouveaux moyens de faire baisser les impôts des plus riches et d’accentuer ainsi la fracture entre les pauvres et les riches. On dirait qu’il  veut que les personnes âgées pauvres travaillent plus longtemps (même si elles ne le peuvent pas) mais que les conjoints qui gagnent le moins des familles riches travaillent moins (même si elles le peuvent)!

Quand un organisme aussi conservateur que l’Institut CD Howe en vient à diffuser une étude qui accuse le gouvernement de passer complètement à côté de tout principe d’équité, de ne pas aider les familles qui ont le plus besoin d’aide pour passer plus de temps avec leurs enfants et de créer des distorsions dans les incitatifs au travail (voir page 19), c’est qu’il est sur le point de démontrer encore une fois que le fond du baril est extensible…

25 commentaires leave one →
  1. 16 janvier 2014 9 h 16 min

    Ce qui m’inquiète le plus dans cette mesure, c’est le recul pour les femmes. En incitant ainsi l’un des parents à gagner le gros salaire, tandis que l’autre est plus « rentable » à la maison, on n’encourage pas l’autonomie financière. J’ai beaucoup étudié le Japon, où la natalité est à son plus bas. Et les impôts japonais ont une mesure qui rappelle le fractionnement des revenus.

    Ça a eu des effets pervers:

    1. D’abord le père augmente le nombre d’heures travaillées à la venue d’un enfant (ce qui n’encourage pas du tout la conciliation travail-famille),

    2. Ensuite:

    « Non seulement il est presque impossible de concilier un travail à temps plein et le soin d’une famille, mais, financièrement, il n’est pas avantageux d’avoir deux personnes occupant un emploi régulier dans un seul ménage. Lorsque les épouses gagnent moins du tiers du salaire de leur mari, elles n’ont pas à payer de cotisations de sécurité sociale et l’imposition est beaucoup moins élevé dans ce genre de famille (HIRAYAMA et IZUHARA, 2008 :647; OCDE, 2007 :208). Le fait que l’État considère toujours la famille comme une unité et impose des pénalités aux familles à deux revenus décourage la femme qui a un revenu moyen, car elle peut avoir de meilleures conditions en arrêtant tout simplement de travailler (HOLLOWAY, 2010 :196). »
    (citation tirée de Le Pari impossible des Japonaises)

    Au final, un père absent et une mère qui assume seule toute la charge parentale et domestique…

    Alors qu’aujourd’hui, au Québec, on ne s’en passerait plus du papa!

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  2. 16 janvier 2014 9 h 59 min

    Vous avez tout à fait raison. J’ai seulement effleuré cet aspect en écrivant «elle incitera davantage de conjoints qui ont le revenu le moins élevé à rester à la maison, voire à y retourner!», sans mentionner explicitement qu’il s’agit très majoritairement de femmes. Je n’ai pas développé cet aspect par manque de données pertinentes et tablant sur le fait que l’allusion était quand même facile à décoder!

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  3. Benton permalink
    16 janvier 2014 12 h 57 min

    La raison de cette mesure est claire lorsqu’on est « Allianciste », elle prône le retour de la femme à la maison!

    En réalité, ce qu’il faut lire entre les lignes, ce n’est pas plus de temps pour les parents avec les enfants mais plutôt plus de temps pour « la » parent avec les enfants!!!

    Nous sommes en plein démagogie…

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  4. 16 janvier 2014 14 h 06 min

    Analyse partagée…

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  5. Richard Langelier permalink
    16 janvier 2014 23 h 36 min

    « Il faut noter que la différence entre le taux d’imposition du palier inférieur (16 %) et celui du palier supérieur (24 %) était au Québec une des plus faibles du Canada en 2011. »

    Décidément, avoir comme premiers ministres du Québec deux anciens lieutenants de Mulroney nous aura servis! Quoique je ne pense pas que Bernard Landry, alors ministre des Finances, ait eu besoin de se faire tordre les bras pour être le chantre des baisses d’impôts profitant aux particuliers ayant les revenus les plus élevés. J’ai suivi la commission parlementaire sur ce sujet. Bernard Landry avait répondu aux quelques groupes qui présentaient un mémoire exprimant des réticences [1] : « vous allez contre le large consensus au Québec, puisque les 3 partis élus à l’Assemblée nationale partagent ce point de vue ». Il y a des jours où non seulement je ne veux plus rien savoir du Rock’n’roll et avoir le goût d’un p’tit air d’accordéon http://lyrics.wikia.com/Plume_Latraverse:Le_Moins_Beau_Merle , mais du choix de m’être fermé la trappe lorsque la question constitutionnelle est devenue l’enjeu 1 au Québec [2].

    Malgré l’étude d’un organisme aussi conservateur que C.D. Howe, le thème du fractionnement du revenu aux fins de l’impôt risque d’aller chercher des électeurs qui n’auraient que quelques dollars de plus par année. Je ne me lancerai pas dans un modèle idéal-typique de la société contemporaine , ni sur l’étude de la carte électorale et notre mode scrutin [3]. Après avoir mangé un sanwich, je déciderai si j’attends à demain pour aborder les thèmes :
    – un crédit d’impôt pour l’activité physique des adultes;
    – l’augmentation du crédit d’impôt pour les activités artistiques des enfants;
    – la hausse de 5500 à 10 000$ du plafond d’épargne annuelle admissible au compte d’épargne libre d’impôt (CELI);

    [1] Le Rassemblement pour l’alternative politique et la Chaire socio-économique de l’UQAM, par exemple.
    [2] Ça ne s’est pas réellement passé ainsi. Chez ceux qui avaient combattu le duplessisme, certains ont adhéré au rapatriement de l’État-providence déclenché pendant les 100 jours de Paul Sauvé ( il y a divergence sur http://larevolutiontranquille.ca/fr/desormais.php et http://fr.wikipedia.org/wiki/Paul_Sauv%C3%A9 ) et d’autres, comme Trudeau, sont restés convaincus qu’il ne pouvait rien sortir de bon du gouvernement de la province de Québec. J’ai souvenir de Jean Duceppe qui s’était enthousiasmé pour le NPD http://fr.wikipedia.org/wiki/Jean_Duceppe puis a conclu à la nécessité de l’indépendance. Dans ma génération, critiquer le PQ, c’était prêcher dans le désert.
    [3] Il me faudrait écrire un billet qui schématiserait ma pensée. Est-ce que c’est parce que j’estime que ma pensée est trop subtile pour être schématisée ou parce que je suis complexé face à ta douance pour la vulgarisation de sujets complexes, Darwin? Il me faudrait 15 autres années de psychanalyse freudienne orthodoxe. Koval a peut-être raison : Jung aurait eu raison contre Freud (non pas pour l’explication du réel, mais pour la façon de soigner).

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  6. 16 janvier 2014 23 h 45 min

    «Est-ce que c’est parce que j’estime que ma pensée est trop subtile pour être schématisée ou parce que je suis complexé face à ta douance pour la vulgarisation de sujets complexes, Darwin?»

    C’est le premier qui est le plus dur à écrire. Lis la niaiserie que j’ai écrite pour mon premier billet :

    Le beurre de pinottes est-il bon pour la santé?

    Puis, je paniquais s’il n’y avait pas au moins 20 commentaires!

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  7. Richard Langelier permalink
    17 janvier 2014 0 h 14 min

    La conclusion coule de source, ma pensée est trop subtile pour être schématisée.

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  8. Richard Langelier permalink
    17 janvier 2014 20 h 41 min

    Darwin, après avoir pondu ce petit chef-d’oeuvre (tu étais concis à l’époque), t’as dû chanter avec Brassens cet extrait du poème de Louis Aragon :

    Le temps d’apprendre à vivre il est déjà trop tard
    Que pleurent dans la nuit nos coeurs à l’unisson
    Ce qu’il faut de malheur pour la moindre chanson
    Ce qu’il faut de regrets pour payer un frisson
    Ce qu’il faut de sanglots pour un air de guitare
              Il n’y a pas d’amour heureux

    Un crédit d’impôt pour l’activité physique des adultes.
    Ça c’est beau! Au gym, je les écoute et observe. Ils ont passé la journée dans les ascenseurs. Ils ont pris leur char pour venir au gym. Ils font quelques minutes de vélo stationnaire. Il y a même un appareil où on monte de marches! Vrai comme chu là! Ils lèvent un peu de fonte. Ils passent 10 minutes dans la douche et au sauna. Avant de sortir du centre, ils mangent un club sandwich double mayonnaise [1] qu’ils ont mérité, croient-ils, à la cafétéria. Ils font démarrer à distance leur auto pour la faire réchauffer et la société paierait pour cela. Nautilus en profiterait, mais pas la personne qui se rend au travail à pied?

    L’augmentation du crédit d’impôt pour les activités artistiques des enfants.
    Quelle noblesse! Qui profitera le plus de ce crédit d’impôt?

    La hausse de 5500 à 10 000$ du plafond d’épargne annuelle admissible au compte d’épargne libre d’impôt (CELI). Au départ, le CELI ne m’a pas scandalisé. Une fois l’impôt payé, que les intérêts de l’épargne d’un contribuable, sur 5000$, puis 10 000$, voire 25 000$ ne s’ajoutent pas au revenu imposable ne me scandalise pas. Demander au gouvernement du Québec « d’abolir les CELI qui ne servent qu’aux riches », comme le fait le Collectif pour l’abolition de la pauvreté relève du populisme. Par contre, il me semble qu’il ne faudrait pas dépasser un certain niveau (maximum 25 000$, par exemple), d’autant plus que le supplément de revenu garanti n’est pas réduit par ces intérêts.

    Qu’est-ce que Justin Trudeau et Mulcair qui ne veut pas que le NPD soit trop à gauche opposeront à ces belles promesses? À suivre.

    [1] J’en savoure sans vergogne à l’Anecdote (11$), avec une deuxième frite et un 2e pichet de bière, payés par des amis (surtout une qui fait de gros gages, fille de médecin comme moi, à qui j’ai expliqué noir sur blanc qu’il faut étudier par désir de régression sociale lorsque nous sommes nés dans la grande bourgeoisie. Ben non, elle est allée suivre un cours de Luc Godbout à 50 ans. Elle n’est pas devenue méprisante pour autant envers les richards qui ont de gros chèques de la sécurité à la vieillesse et paie la grosse facture à l’Anecdote. Je la surveille pour être sûr qu’elle ne demande pas un reçu pour l’impôt). L’autre ami est pauvre comme Job, mais vient à ma fête. Comme il sait vivre, il me paie une coup’ de grosses biéres à L’Inspecteur l’épingle avant l’Anecdote). Chose certaine, je ne vais pas au gym pour brûler des calories, mais parce qu’avec l’arthrose, je ne peux plus faire la synthèse entre le rapport de Marx à Hegel et Kant, ni pour tenter de savoir si Keynes qui prétendait n’avoir jamais rien compris à Marx ne le répétait pas, en courant.

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  9. 17 janvier 2014 21 h 27 min

    «tu étais concis à l’époque»

    Quand on écrit un premier billet, on a le choix de tous les sujets possibles. Après, l’univers des sujets non abordés diminue. ET, en abordant des sujets de plus en plus complexes, ça prend plus de mots pour les rendre compréhensibles!

    «Demander au gouvernement du Québec « d’abolir les CELI qui ne servent qu’aux riches », comme le fait le Collectif pour l’abolition de la pauvreté relève du populisme»

    Peux-tu m’expliquer en quoi cette dépense fiscale est équitable? Tu ne le dis pas… Quel est son objectif, mis à part de fournir un autre moyen pour les riches de payer moins d’impôt? Tu ne le dis pas non plus! Et pourquoi à moins de 25 000 $, c’est correct et pas au dessus? Je n’ai pas lu d’argument à ce sujet dans ton commentaire…

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  10. Richard Langelier permalink
    17 janvier 2014 23 h 18 min

    «tu étais concis à l’époque»

    Évidemment, c’était une blague. Tu écris régulièrement : « lorsque j’ai commencé la rédaction de ce billet, je voulais allé à l’essentiel, mais cette section du livre de Jacques Généreux est tellement riche… idem pour Piketty… ». Le contraste entre ce premier billet et ceux d’aujourd’hui m’a amusé, c’est tout!

    Je ne prétends pas que le CELI est une bonne mesure. Je dis seulement ça ne me scandalise pas que les intérêts sur un montant de l’ordre de 25 000$ ne s’ajoutent pas au revenu imposable. Si ça devait augmenter année après année, surtout de 10 000$ par année, là je m’inquiéterais très sérieusement (pléonasme vicieux? Sûrement pas une litote).

    Le Collectif pour un Québec sans pauvreté a d’abord lancé une pétition demandant au gouvernement de la province de Québec de faire en sorte « que les protections publiques soient haussées et ajustées annuellement pour assurer à toute personne un revenu au moins égal à la mesure du panier de consommation, soit 13 267 $/an (2007), afin de préserver sa santé et sa dignité. » http://www.pauvrete.qc.ca/IMG/pdf/Commdepresse-lancement-Mission_corr.eg.pdf Comme je l’ai déjà écrit sur Jeanne Émard, j’ai écrit au Collectif pour savoir si c’était pour chaque conjoint, pour le conjoint d’une personne qui a un revenu annuel de 100 000$, si une personne qui a 100 000$ à la banque lui rapportant 3000$ d’intérêts recevrait 10 267$ annuellement. On m’a répondu qu’il n’y avait pas consensus au Collectif et qu’on était pas allé dans les détails. J’ai évidemment refusé de signer une pétition qui peut signifier une chose et son contraire.
    Le Collectif demande toujours ce montant (15 968/an http://www.pauvrete.qc.ca/?-Revendications-du-Collectif-2012- .) Pour financer ces revendications, il suggère, entre autres, d’abolir les CELI qui ne servent qu’aux riches, selon lui. Faire passer ma tante Emma qui a 10 000$ dans un CELI pour une riche me semble populiste. Si le gouvernement du Québec abolissait les CELI, les intérêts de ceux qui en possèdent déjà deviendraient imposables? Ça rapporterait des peanuts et ça mettrait ma tante Emma en furie contre le Collectif. Une fois qu’une mauvaise mesure est en place, il vaut mieux la plafonner que de l’abolir pour respecter ceux qui ont fonctionné selon ces règles du jeu.

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  11. 17 janvier 2014 23 h 53 min

    «Faire passer ma tante Emma qui a 10 000$ dans un CELI pour une riche me semble populiste. »

    Je ne connais pas la situation financière de ton échantillon pas du tout probabiliste (désolé, j’ai écrit sur ce sujet ce soir pour demain…) et ne peux donc pas juger. Arrive avec des données un peu plus complètes sur les revenus de ceux qui en ont, et on pourra en parler…

    Ce n’est pas parce que quelques personnes qui ne sont pas riches bénéficient d’une mesure qui sert surtout les riches que la mesure devient par magie acceptable.

    «les intérêts de ceux qui en possèdent déjà deviendraient imposables?»

    Pas rétroactivement. Mais les prochains, oui, comme tout autre revenu d’intérêts. Et, sérieusement, combien de sous ça représente? À 5 % (ce qui est beaucoup) cela lui ferait un ajout de revenu imposable de 50 $… On parle donc de moins de 20 $ par année, j’imagine. Si c’est plus que ça, disons 25 $, alors elle est riche pour avoir un tel taux d’imposition marginal!

    «Une fois qu’une mauvaise mesure est en place, il vaut mieux la plafonner que de l’abolir pour respecter ceux qui ont fonctionné selon ces règles du jeu.»

    Tout à fait en désaccord! Les personnes en ont profité, on ne touche pas à ça. Mais, elles arrêteront d’en profiter, c’est tout!

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  12. Richard Langelier permalink
    18 janvier 2014 0 h 34 min

    Dure, dure la communication!

    Je n’ai jamais dit que l’instauration du CELI par le gouvernement Harper et suivi par les provinces est une bonne mesure. Je suis d’accord avec ton désaccord. J’aurais dû écrire : « Les personnes en ont profité, on ne touche pas à ça. Mais, elles arrêteront d’en profiter, c’est tout! ». Bon ça existe depuis 2009 avec un plafond de 5000$ qui est passé à 5500$ pour 2013. Calcul mental rapide : quelqu’un qui n’a jamais cotisé a droit à 25 500$. Si on abolissait ce programme, cette personne n’y aurait pas droit? Ça me semble difficile à accepter. Par contre, je suis incapable de dire que les intérêts devraient être libres d’impôt pour l’éternité. Je me couche sur cette aporie.

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  13. 18 janvier 2014 0 h 40 min

    «J’aurais dû écrire : « Les personnes en ont profité, on ne touche pas à ça. Mais, elles arrêteront d’en profiter, c’est tout! »»

    Là, j’aurais compris! 😉

    Et là, je viens de comprendre que tu parlais probablement d’un plafond à vie, pas annuel!

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  14. 21 janvier 2014 8 h 42 min

    Un bon texte de Gilles L. Bourque sur le coût du CELI :

    CELI: un coût fiscal exorbitant
    http://www.ledevoir.com/politique/canada/397776/celi-un-cout-fiscal-exorbitant

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  15. Richard Langelier permalink
    23 janvier 2014 20 h 36 min

    Gilles Bourque et moi affirmons la même chose. Les grands esprits se rejoignent. Le hic, c’est que ça me prend 18 000 commentaires pour me faire comprendre. 😳

    Dans les commentaires au texte de Gilles Bourque, Catherine Caron écrit : « Le sujet des régimes de retraite sera abordé dans le prochain dossier de la revue Relations, permettant de nourrir et réagir aux réflexions suscitées par cet article. »

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  16. 23 janvier 2014 21 h 49 min

    «ça me prend 18 000 commentaires pour me faire comprendre»

    Tu le sais, tu as l’esprit trop subtil pour mon niveau de compréhension! 😉

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  17. 28 janvier 2014 15 h 01 min

    Une autre étude arrive à des résultat similaires. En anglais seulement :

    Cliquer pour accéder à Income_Splitting_in_Canada.pdf

    On peut toutefois lire un bon compte-rendu de cette étude à :
    http://www.ledevoir.com/politique/canada/398385/fractionner-le-revenu-pour-enrichir-les-plus-riches

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  18. 11 juin 2014 15 h 48 min

    L’Institut Broadbent a produit une nouvelle étude sur le sujet, en utilisant les prévisions de répartition de revenus et de familles en 2015. Les résultats ressemblent beaucoup à ceux de l’étude présentée ici, mais en pire!

    L’étude :
    Le grand écart : l’inégalité de la redistribution des bénéfices provenant du fractionnement du revenu

    Cliquer pour accéder à legrandecart-final.pdf

    L’article du Devoir la résumant :
    http://www.ledevoir.com/economie/actualites-economiques/410595/a-qui-profite-le-fractionnement-du-revenu

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  19. 30 octobre 2014 16 h 16 min

    Bon, c’est fait… Au moins, il semble avoir mis un plafond de 2000 $ de bénéfice.

    http://www.ledevoir.com/politique/canada/422531/harper-prevoit-des-baisses-d-impot-pour-toutes-les-familles

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  20. 1 novembre 2014 14 h 04 min

    Et ma réponse:
    http://www.mauvaiseherbe.ca/2014/10/31/le-fractionnement-du-revenu-lexemple-du-japon/

    « Laissez-moi vous donner l’exemple du Japon où, financièrement, il n’est pas avantageux d’avoir deux personnes occupant un emploi régulier dans un seul ménage. Lorsque les épouses gagnent moins du tiers du salaire de leur mari, elles n’ont pas à payer de cotisations de sécurité sociale et l’imposition est beaucoup moins élevé dans ce genre de famille. L’État impose des pénalités aux familles à deux revenus, ce qui décourage la femme qui a un revenu moyen, car elle peut avoir de meilleures conditions en arrêtant tout simplement de travailler.

    Résultat : les Japonaises sont encore nombreuses à quitter leur emploi à la venue d’un enfant, et, à la naissance d’un enfant, l’homme japonais doit se mettre à travailler davantage pour pallier à la baisse de revenus. Selon un sondage du journal Asahi Shimbun en 2006, 80% des pères faisaient des heures supplémentaires, la plupart ajoutant plus de 20 heures à leur semaine! Les pères absents sont une réalité difficile au Japon : beaucoup d’enfant connaisse à peine cet homme qui ne fait que dormir chez eux. »

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  21. 1 novembre 2014 14 h 28 min

    Tout à fait complémentaire. Merci!

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