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Les crédits pour frais de scolarité ou d’examen

22 mars 2014

créditsUn bon nombre des réactions à mon dernier billet sur la baisse des crédits d’impôt pour étudiants portaient sur les conséquences de cette baisse pour les étudiants, les récents diplômés et les parents qui peuvent aussi en bénéficier. Dans ce billet, je disais entre autres à ce sujet que le changement apporté (augmenter l’aide financière aux études et diminuer les crédits qui sont souvent utilisés après la fin des études ou transférés à ses parents) avait un effet redistributeur. Je me suis dit que ce serait intéressant d’avoir des données pour pouvoir estimer qui bénéficie de ces crédits.

En fait, ces données existent. Même si elles ne répondent pas directement à ces questions, elles nous fournissent de bons indices sur la question. Il s’agit des Statistiques fiscales des particuliers, dont la version de 2011 vient tout juste d’être publiée.

Les crédits selon l’âge

Le tableau qui suit montre la répartition des crédits en pourcentage selon l’âge.

  • la deuxième colonne montre la répartition de l’ensemble des contribuables (soit, les personnes qui ont rempli une déclaration de revenus);
  • les troisième et quatrième colonnes présentent la répartition du nombre de personnes qui ont utilisé le crédit pour «Frais de scolarité ou d’examen» et des montants déclarés (somme sur laquelle on calcule les crédits de 20 % ou de 8 % dont je parlais dans le précédent billet);
  • finalement, les cinquième et sixième colonnes présentent la répartition du nombre de personnes qui ont utilisé le crédit pour «Frais de scolarité ou d’examen transférés par un enfant» et des montants déclarés. Notez que ce crédit ne peut pas être transféré à un conjoint, comme le prétendait une personne qui a commenté le précédent billet.

J’aurais aimé présenter aussi la répartition du «montant transféré par un enfant majeur aux études postsecondaires», mais les données sur ce montant sont incluses à la même ligne que le «montant pour personnes à charge». Dommage…

crédits1

On peut voir aux troisième et quatrième colonnes du tableau que moins de 30 % (28,8 %) des déclarants du crédit pour «Frais de scolarité ou d’examen» et des montants totaux déclarés (27,2 %) proviennent de personnes âgées de moins de 25 ans, ce qui semble confirmer ce que je disais dans le précédent billet, soit que «plus souvent qu’autrement, ces crédits seront accumulés jusqu’à ce que la personne ait un revenu suffisamment élevé pour en bénéficier, souvent après la fin de ses études, et non au moment où elle en aurait pourtant le plus besoin, soit durant ses études». Phénomène intéressant (enfin, je trouve), 4 % de ces utilisateurs sont âgés de 60 ans et plus, mais ne déclarent que 1,2 % des sommes en questions. Cela montre qu’un certain nombre de personnes âgées retournent aux études, surtout à temps partiel (ce que semble indiquer le taux d’utilisation des crédits beaucoup plus faible que le pourcentage de personnes qui les déclarent).

Les données sur les crédits transférés (cinquième et sixième colonnes) sont moins révélatrices. On peut simplement constater qu’environ 90 % des utilisateurs et des sommes déclarées proviennent de personnes âgées de 40 à 59 ans. On peut en conclure que ces crédits sont plus souvent transférés à des parents qu’à des grands-parents, ce qui n’a rien d’étonnant. Le prochain tableau nous en apprendra drôlement plus sur ces personnes.

Finalement, la première ligne du tableau montre que seulement le tiers des sommes déclarées pour ces deux crédits (tous deux liés aux droits de scolarité) sont transférées. Ce n’est pas étonnant, car un étudiant doit avoir gagné très peu pour pouvoir transférer ces crédits. En effet, dès que son montant d’«impôts sur le revenu imposable» (ligne 401) calculé avant de tenir compte de ses crédits non remboursables excède le crédit calculé pour le «Frais de scolarité ou d’examen», il ne peut rien transférer. Par exemple, pour des droits de scolarité de 2500 $ (montant plausible pour 2011, en tenant compte des frais administratifs ou afférents), un étudiant devait gagner moins de 3125 $ (2500 $ x 20 % / 16 % = 3125 $) pour pouvoir transférer une partie de ses crédits accumulés cette année-là (on ne peut pas transférer les montants accumulés) et ne rien avoir gagné du tout pour pouvoir les transférer en entier. Notons que la règle est à cet égard plus souple au fédéral, mais ce n’est pas l’objet de ce billet!

Les crédits selon le niveau de revenu

Ce deuxième tableau est pas mal plus intéressant… Il est conçu de la même façon que le précédent.

crédits2

On peut voir aux troisième et quatrième colonnes que seulement autour de 1 % de ces crédits sont déclarés par des personnes gagnant moins de 10 000 $ par an. Et, même là, on peut se demander pourquoi elles les ont déclarés, car elles n’ont pas d’impôt à payer de toutes façons. Ensuite, un autre 1 % est déclaré par les personnes gagnant entre 10 000 $ et 14 999 $, qui représentent 3 % des déclarants. Rien d’étonnant, car c’est à l’intérieur de cette tranche de revenu qu’on commence à payer de l’impôt. L’écart entre le pourcentage de déclarants (3,1 %) et les sommes déclarées (1,1 %) s’explique aussi facilement, car, payant très peu d’impôts, ces personnes n’ont pas à utiliser tous ces crédits et peuvent en reporter aux années suivantes. Un peu moins de 50 % des déclarants (48,8 %) et des sommes déclarées (48,2 %) s’observent chez les personnes gagnant entre 15 000 $ et 34 999 $. Encore là, rien d’étonnant car ces tranches de revenu sont courantes à la fois chez les étudiants qui paient de l’impôt et chez les personnes qui trouvent un emploi juste après la fin de leurs études. J’ai plutôt été surpris de constater que 12 % des déclarants et 11 % des sommes déclarées se retrouvaient parmi des personnes gagnant plus de 70 000 $ par année, soit presque la même proportion que ces personnes parmi l’ensemble des contribuables (12,4 %, voir la deuxième colonne)! Des diplômés en médecine et dans d’autres domaines payants, j’imagine…

La distribution des «Frais de scolarité ou d’examen transférés par un enfant» (cinquième et sixième colonnes) est beaucoup moins bien répartie… Ainsi, 58,7 % des sommes déclarées le sont par des gens gagnant 70 000 $ et plus par année, alors qu’ils ne représentent que 12,4 % des contribuables! Mieux, plus du tiers (34,1 %) de ces sommes sont déclarées par les 4,8 % les plus riches, soit les personnes gagnant 100 000 $ et plus par année! À l’inverse, les 75 % des contribuables les plus pauvres (gagnant 50 000 $ par année) ne déclarent que 17,6 % de ces crédits. Cette répartition est en fait le reflet de deux phénomènes : les enfants des riches ont un taux de fréquentation postsecondaire beaucoup plus élevé que la moyenne et ils n’ont pas autant besoin de travailler durant leurs études. Ils sont donc proportionnellement plus nombreux à pouvoir transférer ce crédit à leurs parents. Ceux-ci en ont-ils vraiment besoin pour pouvoir aider leurs enfants? Votre réponse vaut la mienne!

Et alors…

Ces données appuient encore plus que je ne le pensais ce que je disais dans le précédent billet, soit que la diminution de ces crédits pour augmenter «de 28 000 à 45 000$ le seuil du revenu familial à partir duquel l’étudiant commence à voir sa bourse fondre» est un «programme de redistribution qui désavantage des personnes qui n’auraient en majorité bénéficié de ces crédits qu’après la fin de leurs études (ou qui les auraient transférés à leurs parents) au profit des étudiants les plus mal pris, venant des familles les plus pauvres».

Cela dit, je suis bien d’accord qu’il y a des victimes collatérales… Certains diplômés qui ne trouvent pas d’emplois payants à la fin de leurs études auraient bien besoin de ces crédits accumulés pour notamment diminuer l’impact du remboursement de leurs prêts étudiants ou pour simplement mieux vivre. Et, je répète que je n’appuie nullement cette mesure, même si on ne peut nier qu’elle est globalement redistributrice. Elle est bancale et mal conçue. Elle est complexe, remplace un autre système complexe pour le rendre encore plus compliqué. C’est l’ensemble de ces mesures et même du mode de financement des études et des établissements d’enseignement qu’il faudrait revoir. Mais, ce sujet, je le laisse à d’autres

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3 commentaires leave one →
  1. david weber permalink
    26 mars 2014 12 h 59 min

    Bonjour tout le monde,

    J’ai des échos des frais de scolarité québécois en France de la part d’étudiants venu étudier chez vous. Selon eux :  » Les libéraux en tête des sondages veulent supprimer le tarif préférentiel qui permet aux étudiants français de payer autant qu’un Québécois ». ils sont inquiets

    http://www.ledevoir.com/politique/quebec/403675/universit

    http://www.lapresse.ca/actualites/elections-quebec-2014/201403/25/01-4751250-financement-universitaire-couillard-nendosse-pas-levaluation-des-recteurs.php

    Bonne journée.

    J’aime

  2. 26 mars 2014 15 h 03 min

    Oui, j’ai vu…

    J’aime

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  1. Les riches au Québec en 2011 |

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