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Quand la démocratie en perd son grec!

4 août 2014

démocracie_dupuis-déryLe sujet abordé dans Démocratie, histoire politique d’un mot de Francis Dupuis-Déri peut sembler à première vue bien mince pour lui consacrer 456 pages. Comment en effet l’analyse d’un seul mot peut-elle en exiger autant? En y allant à fond!

L’introduction

En fait, la plus grande partie ce livre décortique l’évolution de l’utilisation du mot «démocratie» et du concept qu’on lui prête à travers l’histoire de la guerre d’indépendance des États-Unis et de la révolution française et des années qui les ont suivies. Il aborde aussi plus brièvement dans sa conclusion leur évolution en Allemagne, au Canada et au Sénégal.

L’introduction du livre présente très bien son objet, et ce, dès sa première phrase :

«Le mot «démocratie», d’origine grecque, a conservé la même définition pendant plus de deux mille ans, de la Grèce antique jusqu’au milieu du XIXe siècle, à savoir un régime politique où le peuple se gouverne seul, sans autorité suprême qui puisse lui imposer sa volonté et le contraindre à l’obéissance.»

Non seulement cette définition était claire, mais les réactions des élites lui étaient conséquentes : pour elles, la démocratie était «une aberration ou une catastrophe politique, économique et morale, puisque le peuple serait par nature irrationnel» et ne pouvait mener qu’au chaos, à la violence et à «la tyrannie des pauvres».

On ne s’étonnera pas alors que les meneurs de la guerre d’indépendance des États-Unis et de la révolution française étaient tous ouvertement antidémocrates. Ce n’est qu’au milieu du XIXe siècle que «l’élite politique commence à s’en réclamer», mais en lui donnant un tout autre sens, celui d’un «régime libéral électoral, jusqu’alors nommé «république»», autre terme dont le sens a beaucoup varié avec le temps en fonction des intentions des gens qui l’ont utilisé.

L’auteur se demande alors comment on peut aujourd’hui considérer ceux qui pourfendaient le concept de démocratie comme les pères des démocraties modernes et comment le sens de ce mot a pu changer autant en si peu de temps. Simple, «les individus et les forces politiques choisissent des termes et les définissent en fonction de leur efficacité présumée dans un débat politique (…) pour consolider leur légitimité aux yeux du peuple et accroître leur capacité de mobilisation, donc de pouvoir». Et, il s’adonne que le mot «démocratie» fait bien ce travail…

Il n’est bien sûr pas facile d’écrire un livre sur l’évolution du sens d’un mot comme «démocratie» sans préciser le sens qu’on lui donne dans chacun des contextes où il est utilisé. L’antonyme, «antidémocratique», pose aussi problème, car il peut aussi bien qualifier un pourfendeur de la démocratie directe (sens du concept de «démocratie» à l’origine) qu’un adversaire de ce qu’on appelle maintenant des régimes démocratiques (en fait, des aristocraties électives). Pour éviter la confusion, l’auteur a choisi d’utiliser l’expression «agoraphobie politique» pour traduire la peur (ou la haine) de la démocratie directe, terme qui «désigne la peur de l’agora, le nom de la place publique dans les cités grecques où les citoyens s’assemblaient pour délibérer».

L’auteur présente ensuite quatre fondements de l’agoraphobie politique (ou de la peur de la démocratie directe) :

  1. le peuple est déraisonnable, mu par ses passions et ne peut gouverner pour le bien commun;
  2. des démagogues prendrait inévitablement le contrôle des assemblées;
  3. l’agora serait un lieu de confrontation où la majorité imposerait sa tyrannie, donc où les pauvres (majoritaires) opprimeraient les riches (minoritaires);
  4. la démocratie directe peut fonctionner avec de petits groupes, comme dans les cités antiques, mais pas dans nos nations dont la population est trop nombreuse et très dispersée.

À l’inverse, les agoraphiles politiques (ceux qui appuient la démocratie directe) attribuent les mêmes tares à tout élite gouvernante :

  1. l’élite gouvernante est irrationnelle, car poussée par sa passion pour le pouvoir et la gloire;
  2. elle est démagogique;
  3. sa seule existence divise la communauté entre gouvernants et gouvernés.

Et il conclut ainsi son introduction :

«Aujourd’hui, l’agoraphobie originelle et fondatrice des démocraties modernes est camouflée par le mot «démocratie», qui en est venu à désigner le régime électoral libéral et à donner l’apparence que le peuple y détient le pouvoir souverain.»

Les chapitres suivants

Comme mentionné auparavant, le reste du livre analyse l’évolution de l’utilisation du mot «démocratie» en France et aux États-Unis. Je n’en dirai pas grand chose sinon que ces chapitres m’ont grandement intéressé et sont appuyés par une quantité impressionnante de sources et de citations, tellement que cela devient parfois répétitif, même si l’accumulation de sources rend plus solides ses conclusions. On peut en retenir de nombreuses leçons dont celles-ci :

  • en Grande-Bretagne comme en France, ou dans toute monarchie, «que le parlementarisme n’a rien à voir avec la démocratie ou la nation souveraine, et qu’il s’agit plutôt d’un rapport de force entre les élites, soit la couronne et le Parlement»;
  • les premiers parlements n’avaient rien à voir non plus avec un désir de démocratiser le pouvoir, mais «ont été fondés par les rois au Moyen Âge, dans l’espoir premier d’aider à lever les impôts»;
  • «En fait, historiens et philosophes ont associé pendant plus de deux mille ans les élections à l’aristocratie, et non à la démocratie»; quand on voit ce que font nos représentants après avoir été élus, force est de donner raison à l’auteur. Un programme politique est de plus en plus un plan de marketing utilisé pour se faire élire, les décisions prises une fois au pouvoir n’ayant trop souvent rien à voir avec ce programme. Les affirmations de trop de nos faiseurs d’opinion qu’on doit se plier aux décisions des élus et se contenter de voter aux quatre ans vont aussi dans ce sens. Notre aristocratie élue est selon eux alors légitimée de prendre toute décision, qu’elle corresponde ou pas avec son programme, et le peuple doit s’incliner (sauf eux, qui ne se gênent pas pour commenter, appuyer ou dénoncer ces décisions!). Une chance qu’il y a encore la rue (même si elle est de plus en plus réprimée…).

L’auteur termine ces chapitres en soulignant le caractère foncièrement contradictoire de nombreuses utilisation du mot «démocratie». On peut en effet entendre ou lire un grand nombre d’expressions souvent douteuses, notamment :

  • monarchie démocratique (comme ici…);
  • aristocratie démocratique;
  • démocrates socialistes;
  • démocrates bourgeois;
  • démocrates révolutionnaires;
  • démocrates socialistes;
  • démocrates néo-chrétiens (dieu serait rendu démocrate…).

Il nous rappelle plus loin la manie des états totalitaires du bloc de l’Est de glisser le mot «démocratique» même dans le nom de leur pays (comme la République démocratique d’Allemagne», RDA) et que l’ex-dictateur Augusto Pinochet a déjà présenté l’armée chilienne comme la «sauveuse de la démocratie»…

Conclusion

Je ne mentionnerai de la conclusion de l’auteur que les quatre étapes qui peuvent résumer l’évolution sémantique du mot «démocratie» en France et aux États-Unis :

  1. le dénigrement : c’est la dénonciation de la démocratie, symbole de l’irrationalité, du chaos et de la tyrannie des pauvres;
  2. l’affirmation : certains acteurs et commentateurs politiques se revendiqueront graduellement de la démocratie pour indiquer clairement leur opposition au gouvernement et son manque d’intérêt pour la population; dans ce sens, le démocrate est celui qui s’oppose au gouvernement et aux riches;
  3. le détournement : en constatant l’attrait de ce mot, les politiciens et commentateurs de centre et de droite vont aussi graduellement s’associer à la démocratie qui en perdra complètement son sens original; pour eux, le démocrate est celui qui parle au nom du peuple;
  4. la généralisation : finalement, le mot en vient à ne plus rien dire, sinon que la démocratie représente le bien.

À la fin de ces quatre étapes, les démocrates du sens original du terme doivent donc utiliser d’autres termes pour montrer leur spécificité, ce qui est notamment le cas des anarchistes et autres libertaires. Et nos mêmes politiciens et commentateurs n’ont pas tardé à repartir le cycle en associant l’anarchie à l’irrationalité, à la violence et au chaos… Si ce nouveau cycle se met aussi en branle, parlerons-nous dans quelques décennies du Canada comme d’une monarchie anarchiste?

Et alors…

Et alors, lire ou ne pas lire? Malgré l’apparente minceur du sujet, chaque page de ce livre érudit se justifie. On n’apprend qu’à la fin du livre (en fait, après même la fin, dans les remerciements) que ce livre est en fait une réécriture de la thèse de doctorat de Francis Dupuis-Déri. Cela explique la profusion de sources! Par contre, je n’ai jamais senti à sa lecture la lourdeur de la plupart des thèses de doctorat que j’ai lues une fois transformées en livres. Bon, je n’en ai pas lues tant que ça, mais il demeure que ce livre se lit très bien.

Bref, oui ce livre mérite d’être lu tant pour sa démonstration impeccable que pour les liens qu’il permet de faire avec des événements historiques au moins minimalement connus. Il sait bien remettre en place les versions plus romantiques de la guerre d’indépendance des États-Unis et de la révolution française. On voit que au-delà des supposés nobles sentiments des «pères fondateurs» des États-Unis et des acteurs de la révolution française, il y avait aussi et surtout des luttes de pouvoir…

21 commentaires leave one →
  1. Robert Lachance permalink
    5 août 2014 19 h 25 min

    Je ne lirai pas, j’ai joué à qui perd gagne et écouté plutôt :

    C’est sûr que de passer des boeufs aux chevaux à aux trains et automobiles en attendant les avions et les TGV, sans parler d’Internet et le déclin du pétrole, sans préciser les marques et modèles, certains y gagnent mais certains y perdent. Certains chialent toujours. Je m’y suis fait. Ça ne changera pas avant avril 2017 et nous sommes optimiste.

    Le peuple n’a obtenu qu’un droit de vote en échange de « travaille, consomme, ferme ta gueule ». Ça déjà été tristement pire.

    Qu’est-ce que le peuple ? Le peuple n’est plus le peuple et le peuple ne le sais pas. Scandale dans la famille de Sacha Distel, ça vous dit quelque chose ? C’est sur Youtube.

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  2. 5 août 2014 19 h 31 min

    «Scandale dans la famille de Sacha Distel, ça vous dit quelque chose ?»

    Oui, je connais…

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  3. 6 août 2014 0 h 33 min

    Coluche disait de la dictature et de la démocratie:
    « Une dictature: Ferme ta gueule.
    Une démocratie: Cause toujours! »

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  4. Robert Lachance permalink
    6 août 2014 12 h 47 min

    Vous m’en instruisez Benton. Merci !

    Voici comment j’ai résumé la position de Frazier, l’instigateur de Walden Two dans le roman utopique de B. F. Skinner, écrit en 1945 et publié en 1948, l’année d’adoption par les Nations Unies d’une charte des droits de l’homme, incluant la femme, incluant les hommes et les femmes mais pas les moins de 18 ans, sauf par procuration des parents le temps qu’il faut, bien entendu.

    http://waldensuite.wordpress.com/2014/07/22/29-art-de-vivre-et-regimes-politiques/

    « La démocratie est la semence du despotisme. C’est la dictature de la majorité, ce n’est pas la volonté des gens. Ce n’est qu’une garantie que la majorité ne sera pas gouvernée par un despote. La minorité sera gouvernée par un despote, la majorité. En démocratie, la majorité règle à sa satisfaction, la minorité encaisse.

    À Walden Two, une observation sérieuse de la satisfaction des gens est faite à chaque année. Il n’y a généralement pas de problème qui se règle d’une façon tout ou rien (comme à la suite d’un référendum). Il est possible pour un gérant avec les planificateurs de trouver un compromis qui satisfera tout le monde. Il peut être attentif à l’insatisfaction et y voir de façon continue. »

    IL s’agit ici d’une communauté expérimentale d’environ 1000 personnes, non d’un état plurinational de 8 millions, c’est sûr, c’est sûr, c’est sûr !

    La démocratie peut même devenir malgré le droit de vote la dictature d’une minorité. Épargnez-moi le fardeau des chiffres mais si vous insistez, question de rigueur ou d’austérité, j’y oeuvrerai. Depuis le 7 avril dernier, nous sommes gouvernés par les représentants d’une minorité. Que dis-je, nous sommes gouvernés par les représentants de deux minorités, celle antérieure du 2 mai 2011.

    Il était temps que surgisse comme un survenant l’Assemblée constituante provisoire.

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  5. Gilles Turcotte permalink
    6 août 2014 23 h 31 min

    Quelques-uns je n’en doute en souhaiteront mourir plus tôt . . . la démocratie sera informatisée.
    Eh oui
    Incidemment, j’ai une proposition de solution pour permettre le vote électronique à domicile et la distribution du pouvoir en temps réel . . . c’est full hot moderne, genre.
    Et comme dirait Forrest Gump . . .

    http://www.atelier.net/trends/articles/digital-de-nouvelles-pistes-accroitre-participation-citoyenne_428666

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  6. Robert Lachance permalink
    7 août 2014 13 h 07 min

    La démocratie n’a rien perdu à en perdre son grec chiffres à l’appui, c’était une démocratie avec esclaves, sans femmes et sans gagne-petit. Vote direct mais restreint à peut-être 10 % de la population d’Athènes et d’autour. Pour une approximation plus précise, Robert Dutil, La Juste Inégalité : Essai sur la liberté, l’égalité et la démocratie, Québec/Amérique, 1995.

    À l’époque de la Déclaration de l’indépendance des États-Unis en 1776, la démocratie a recruté beaucoup de soldats à l’invitation de l’élite du temps et mis en marche l’abolition de l’esclavage pur et dur. Merci. Elle s’est associée des gagne-petit. Une bonne main d’applaudissement. Suffrage universel mon oeil !

    Après la Grande guerre, renommée première quand il y en a eu rapidement après une deuxième plus grande, ce fut le tour des femmes. Merci, fallait y penser. Suffrage universel mais où sont les enfants de l’expression « les femmes et les enfants d’abord » ?

    À quand le tour des moins de 18 ans pour l’exercice de leur droit de vote, les raisons valables ne manquent pas.

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  7. 7 août 2014 13 h 14 min

    «La démocratie n’a rien perdu à en perdre son grec chiffres à l’appui, c’était une démocratie avec esclaves, sans femmes et sans gagne-petit. »

    Je suis le premier à relativiser ainsi le rêve de la démocratie athénienne, mais, bon, ce n’est pas une raison pour ridiculiser le titre de ce billet, titre dont j’étais très fier! 😉

    Aimé par 1 personne

  8. Gilles Turcotte permalink
    7 août 2014 23 h 48 min

    Une opinion sur cette économiste, par les économistes ici dont nous connaissons le sérieux, c’est quoi ?

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  9. 8 août 2014 5 h 13 min

    Je n’écouterai pas pas une vidéo de 19 minutes simplement pour répondre à une question, si on n’ajoute pas plus de précision…

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  10. Gilles Turcotte permalink
    8 août 2014 13 h 13 min

    Étienne Chouard est un économiste Français ayant un discours sur deux fronts, la démocratie et la dette ( comme tenaille démocraticide ).
    Son discours sur la démocratie, la constitution, le partage des pouvoirs et l’assemblée constituante est intéressant et à-propos ici suivant ce billet.

    Son discours sur la dette et la création monétaire est très intéressant de simplicité.
    Est-il un formidable pédagogue ou utilise-t-il une formule trop simpliste ?
    Je n’ai pas les outils pour juger cela, j’ai besoin d’être éduqué pour pouvoir mieux voter.
    Merci de m’instruire de la chose.

    D’une pierre deux coups, avez-vous des billets sur la création monétaire ?
    Avez-vous des billets ou des liens vers ce dont il parle, du choix fait dans les années 70 de passer d’une dette autarcique à une dette empruntée sur les marchés ?
    Cela m’intéresse car je me pose cette question depuis toujours, sans savoir où trouver un résumé pédagogique.
    Tel que lui semble affirmer que cela était et n’est plus, je me suis toujours posé la question et n’ai jamais compris pourquoi l’État ne s’emprunte pas à lui-même ?
    J’ai toujours trouvé folie que l’État emprunte aux banques pour développer son territoire et son économie, mais ai toujours considéré que cela ne devait être qu’une opinion préjugée basée sur mon insuffisante connaissance de l’économie.
    Est-ce parce que pour pouvoir faire ça l’État doit être le peuple et ( n’étant pas actuellement une démocratie ) l’État n’est pas le peuple ?

    En terme relatif, je suis très lettré ( en combinant tous mes savoirs ), mais j’affirme candidement ignorer un savoir essentiel à l’exercice du pouvoir autonome.
    Cela expose combien est important le rôle de Darwin dans l’atteinte de la démocratie.
    Le peuple doit acquérir ce savoir de base, essentiel, par une transmission pédagogiquement simplifiée, vulgarisée.

    Ainsi encouragés par le contaminant-autorité, les savants ( ceux qui savent ) innondent le peuple sous un discours volontairement inaccessible ( pas Darwin )( car basé sur un à priori judicieusement absent ), pour l’amener à se croire incapable de décider par lui-même pour lui-même, pour l’amener à être un faire-valoir obéissant de l’autorité.

    Aucune démocratie ne sera possible sans la capacité de Darwin & al de vulgariser ce savoir.
    Voilà le très important rôle horizontal de Darwin & al.

    Merci à l’informatique et à internet de rendre possible l’avènement futur de la démocratie en permettant la diffusion au peuple du savoir dont il a besoin.
    Merci de m’instruire, merci de partager, merci ainsi de participer à créer beaucoup de richesse.

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  11. 8 août 2014 13 h 39 min

    Je ne peux pas endurer cette vidéo (j’en ai enduré quelques minutes, quand même). Il y a beaucoup de vrai, mais les interprétations sont souvent exagérées et démagogiques. Ce serait par contre trop long de répondre en détail, désolé.

    «Est-il un formidable pédagogue ou utilise-t-il une formule trop simpliste ?»

    Démagogue…

    «avez-vous des billets sur la création monétaire ?»

    La monnaie

    «choix fait dans les années 70 de passer d’une dette autarcique à une dette empruntée sur les marchés ?»

    J’ai déjà lu ça, mais je n’ai pas trouvé de source fiable (je n’ai pas cherché beaucoup, car ce sujet m’intéresse peu). Était-ce le cas, et dans tous les pays? J’en doute…

    Procéder comme cela pourrait se faire ces années-ci, car une grande partie des économies mondiales est dans une trappe à liquidité (sur ce concept, voir les deux premiers billets de ce lien, billets que je n’ai pas écrits, mais qui sont très bons : https://jeanneemard.wordpress.com/tag/trappe-a-liquidite/ ), mais dans d’autres périodes, ce serait le meilleur moyen pour faire revenir l’hyperinflation, tant en raison du processus de création monétaire que de la forte incitation que cela créerait pour le gouvernement de dépenser beaucoup plus que ses recettes.

    Mais, je ne suis vraiment pas un expert de ces questions…

    Autres billets pertinent :

    Il faudra bien rembourser un jour!

    Et si on arrêtait de payer ?

    En plus, tous les fonds de pension seraient dans le trouble!

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  12. 8 août 2014 14 h 02 min

    «Jusqu’en 1972, la Banque de France pouvait prêter à l’État sans intérêt 10,5 milliards puis 10 autres milliards à taux très faible. Au-delà, l’État devait emprunter sur le marché privé. C’est ce qui s’est passé en 1973. Ce montant de 20,5 milliards défini dans la loi de 1973 était supérieur à ce que la Banque de France prêtait à l’État au cours des années précédentes»

    C’est quand même un peu différent de ce qu’il dit…

    http://fr.wikipedia.org/wiki/Loi_n%C2%B073-7_du_3_janvier_1973_sur_la_Banque_de_France

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  13. Robert Lachance permalink
    13 août 2014 15 h 42 min

    Quand la démocratie en perd son grec!

    Mettre en titre, c’est poser la question de l’essentielle originalité de la démocratie grecque. J’irais pour l’Agora, une assemblée générale régionale ouverte au peuple, c’est à dire à un lieu où un faible pourcentage de parvenus, d’instruits ou d’enrichis volontaires à leur compte ou à celui d’autres, prennent des décisions à tour de rôle pour leurs biens et ceux des absents aux heures d’éclairage naturel, sans microphone. Ça a fait 200 ans. Ça n’a pas survécu au monarque Philippe de Macédoine.

    Le terme ne redevient en usage qu’au milieu du 19e siècle vous écrivez et c’est là qu’il perd son sens grec pour celui d’un « régime libéral électoral jusqu’alors nommé « république » ». Le peuple ne gouverne plus lui-même, il se fait donner des représentants selon en gros l’un de deux systèmes.

    La démocratie a connu une seconde chance avec la déclaration d’indépendance du 4 juillet 1776 qui a donné lieu à la constitution des États-Unis :

    Il est écrit au premier paragraphe de la Déclaration d’indépendance du 4 juillet 1776 qui a donné lieu en 1787 à la constitution des États-Unis :

    « Nous proclamons les vérités qui suivent comme évidentes en elles-mêmes, que tous les hommes sont nés égaux, qu’ils sont dotés par leur Créateur de Droits inaliénables, que parmi ceux-ci se trouvent la Vie, la Liberté et la poursuite du bonheur

    – que pour sécuriser ces droits, les gouvernements sont institués parmi les hommes, obtenant leur justes pouvoirs du consentement des gouvernés

    – que lorsque quelque forme de gouvernement que ce soit empêche l’atteinte de ces buts, il est du droit du Peuple de le modifier ou de l’abolir, et d’en instituer un nouveau, faisant reposer ses fondations sur des principes tels et organisant ses pouvoir d’une forme telle qu’ils lui semble plus apte à assurer sa sécurité et son bonheur… »

    Robert Dutil dans son livre La Juste Inégalité, 1995, Québec/Amérique, a eu le culot de proposer sa révolutionnaire mise à niveau suivante :

    « Nous proclamons les vérités qui suivent comme évidentes en elles-mêmes, que tous les hommes et toutes les femmes sont nés inégaux, qu’ils sont dotés par leur Créateur de capacités intellectuelles et physiques dissemblables, qu’ils sont plongés à leur naissance dans des milieux sociaux et culturels disparates, et qu’ils ne bénéficient donc pas des mêmes chances.

    La justice réclame toutefois que soient reconnus à tous des droits inaliénables, parmi lesquels se trouve la vie, la liberté et la poursuite du bonheur. Les gouvernements sont institués parmi les humains, obtenant leurs justes pouvoir du consentement des gouvernés, pour sécuriser ces droits, pour permettre une juste égalité des chances, pour encadrer la collaboration entre les citoyens et pour s’assurer que les inégalités économiques et sociales soient au plus grand bénéfice des plus désavantagés.

    Lorsque quelque forme de gouvernement que ce soit empêche l’atteinte de ces buts, il est du droit du Peuple de le modifier ou de l’abolir, et d’en instituer un nouveau, faisant reposer ses fondations sur des principes tels et organisant ses pouvoirs d’une forme telle, qu’il lui semblent plus aptes à assurer sa sécurité et son bonheur… »

    L’homme propose, Dieu dispose, dit-on.

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  14. Robert Lachance permalink
    23 septembre 2014 18 h 42 min

    Après des semaines d’attente et depuis deux, j’ai finalement obtenu de notre bibliothèque et finis de lire hier, à part les références pages 423 à 439. Je suis en position de dire que votre résumé n’en rate pas le meilleur et l’expose avec élégance et substance. Pourquoi le lire alors plutôt que de s’en tenir à votre résumé?

    Dans mon cas, ça me reposait d’avoir lu du Amartya Sen, L’Idée d’injustice et Repenser l’inégalité, en l’attendant. Ça se lit comme une histoire, ç’en est une. Sen s’étudie, c’est un jeu de mécano conceptuel soutenu, un exercice pour combattre le gain de poids et le vieillissement des neurones.

    Il s’agit bien principalement de l’histoire d’un mot, démocratie, dont le sens évolue au point de désigner tout autre chose qu’initialement, le peuple gouverne, le peuple se fait représenter. Accroissement de la population, libération des esclaves, besoin de soldats, place aux femmes, obligent comme noblesse oblige. L’instinct grégaire humain s’impose: là où il y a des humains, il y a de l’hommerie et maintenant avec l’émancipation, plus ostensiblement de la femmerie, pour ne pas faire dans le sexisme.

    J’ai entrepris cette lecture en particulier pour en savoir davantage sur les dessous des constitutions américaine et française et j’ai été servi rapidement. La question d’une constitution québécoise est au programme de partis politiques québécois majeurs et d’au moins deux mouvements patriotiques.

    Surprise, si j’ai bien compris, les États-Unis d’Amérique et la France ne sont pas des démocraties mais des aristocraties électives : de généreux volontaires de talent ou opportunistes adulés ou recrutés par des minorités se font élire grâce à des machines électorales efficientes. Le lendemain de l’élection comme chante Félix Leclerc, ils auront oublié ton nom.

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  15. 23 septembre 2014 21 h 29 min

    Ça se lit en effet très bien!

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  16. Robert Lachance permalink
    24 novembre 2014 6 h 56 min

    Aussi plus facile à lire que Le principe démocratie d’Albert Ogien et Sandra Laugier, 2014. Ce livre est en traitement à notre bibliothèque.

    http://www.editionsladecouverte.fr/catalogue/index-Le_principe_democratie-9782707178497.html

    Instructif pour qui travaillerait à un projet de constitution québécoise innovante.

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  17. 24 novembre 2014 7 h 42 min

    Merci pour le lien. Je vais y penser…

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  18. Robert Lachance permalink
    25 novembre 2014 5 h 46 min

    Le livre d’Ogien et Laugier contient un chapitre sur les conditions de la dignité. On y trouve une section intitulée Capabilités et égalité. Elle est suivit d’une autre dont le premier mot est Nussbaum dont vous parlez dans ce billet que j’ai été relire.

    La démocratie et les humanités

    Voici le premier paragraphe de cette section.

    Nussbaum a donné une portée morale plus large à la notion de capabilité, en en faisant le pilier d’une théorie politique qui s’inscrit résolument dans le courant libéral tout en reprenant certains apports d’une réflexion d’inspiration aristotélicienne. Pour elle, une société juste et décente n’est pas seulement une société qui répartit des biens premiers correspondants à des droits fondamentaux à caractère formel, comme le proposait Rawls, mais une société qui assure à chacun de ses membres la possibilité concrète de mener une vie bonne et pleinement humaine, de jouir d’une bonne santé, d’élever et d’instruire ses enfants, de communiquer librement avec autrui, de participer à la vie politique, etc. Dans cette perspective, les droits ne sont valides que s’ils sont des instruments qui permettent aux citoyens d’actualiser pleinement leurs capabilités – au sens où elle les entend. p. 198

    Ça vole haut.

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  19. 25 novembre 2014 6 h 10 min

    J’ai aussi parlé de son livre sur les capabilités à :

    L’approche des capabilités

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