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Nous ne reculerons pas

23 août 2014

reculL’été se pointant, je m’imaginais que ce serait la bonne période pour aborder des sujets moins sérieux et parler par exemple plus fréquemment des expressions qui me tapent sur les nerfs. Mais, les événements en ont décidé autrement… De même, je n’ai pas eu besoin de piger dans la banque d’expressions que j’ai constituée pour choisir l’expression du jour, car l’actualité en a fait surgir une qui cadre très bien avec cette série de billets.

L’expression du jour est l’incarnation de la personne qui veut montrer que, elle, elle est solide, qu’elle ne se laissera pas intimider, même pas influencer tant sa cause est réfléchie, juste et noble. Au cours des dernières années, cette expression est revenue à de nombreuses reprises chez nos politiciens qui, avant même de discuter de leur proposition, affirment fièrement qu’ils ne reculeront pas…

La manifestation la plus pertinente de cette attitude matamore se retrouve bien sûr dans les affirmations plus que quotidienne du ministre des Affaires municipales, Pierre Moreau, et de son patron, Philippe Couillard. Tandis que le premier affirme que «que le gouvernement ne reculera pas : l’indexation ne sera plus automatique», le second utilise une expression synonyme pour réaffirmer sa «détermination» farouche à faire adopter son projet de loi controversé» ou encore en disant qu’il ne déviera «jamais, jamais» de son objectif. Cela dit, il avait moins hésité à se servir de l’expression honnie quelques jours plus tôt, peut-être plus à l’aise en face des jeunes de son parti en lançant « S’il y a un message qui nous est transmis, c’est […] la crainte de certains citoyens de nous voir reculer devant les manifestations d’opposition, ce qui ne sera pas le cas.». On se rappellera aussi qu’il avait affirmé dès son arrivée au pouvoir que « Nous ne reculerons pas devant l’ampleur de la tâche», parlant cette fois de «réformer en profondeur l’État québécois pour venir à bout de ses problèmes structurels». Quel homme, quel courage! Et quelle faible aptitude à tenir compte des leçons du passé…

Les leçons mal apprises

Ce gouvernement devrait pourtant avoir retenu les leçons du comportement de son parti lors de ses précédents mandats au pouvoir, au cours desquels il a reculé dans sa décision ferme de privatiser le Mont-Orford («Québec recule»), a fait de même avec sa volonté inébranlable de construire une centrale au gaz («Le Suroît: Charest recule») et «a confirmé (…) le recul du gouvernement» dans son objectif tout aussi déterminé de faire construire un port méthanier à Rabaska…

Et comment a-t-il pu oublier les déclarations incendiaires de Jean Charest lors du printemps étudiant, lui qui affirmait ne pas avoir «l’intention de reculer dans le dossier de la hausse des droits de scolarité, malgré le mouvement de grève étudiante qui prend de l’ampleur». On se souvient encore très bien du succès de cette intransigeance… pour créer une crise sociale d’une ampleur rarement égalée!

Ce gouvernement peut toujours se consoler en constatant que le gouvernement péquiste avait lui aussi eu presque autant de succès en déclarant que «les Québécois ne veulent plus que des questions d’accommodement déraisonnable nous fassent reculer sur certaines valeurs qui nous sont chères» ou que «on ne reculera pas sur les choses essentielles». Là, la crise sociale fut peut-être moins bruyante, mais elle a tout de même divisé les Québécois profondément (en souhaitant que les plaies se cicatrisent rapidement…).

Et alors…

Face à tous ces exemples (j’ai ai d’autres, mais bon on a compris…), comment est-ce possible que nos dirigeants perpétuent ces déclarations de boss de cours d’école qui n’impressionnent plus personne depuis longtemps? Dans une unanimité que j’ai rarement observée, des chroniques de GescaTous les projets de loi sont perfectibles, y compris le projet de loi 3 sur les régimes de retraite des employés municipaux. Le premier ministre Couillard devrait le reconnaître plutôt que de dire qu’il ne reculera pas, qu’importe l’insatisfaction des retraités, des employés municipaux et de certains maires.») et du DevoirIl ne sert à rien pour monsieur Couillard ou le ministre Moreau de prendre un air méchant pour dire qu’ils ne reculeront sur rien. Ils vont rentrer dans un mur, tout simplement. C’est pourquoi il est sans doute bon de rappeler aux élus que la démocratie, ce n’est pas seulement une élection tous les quatre ans. C’est beaucoup plus que ça !») ont dénoncé cette attitude de façon véhémente. Alors, n’est-ce qu’un folklore politique auquel on a de la difficulté à renoncer?

D’ailleurs, au moment où j’écris ces lignes, il semble que le ministre ait décidé de laisser tomber pour un temps son attitude bravache. Maintenant, au lieu de prétendre qu’il ne reculera sur rien, il affirme plutôt qu’il tient beaucoup à certains éléments du projet de loi : «Le partage 50-50 des déficits passés, c’est un élément auquel je tiens beaucoup», a confirmé M. Moreau, lors d’un deuxième point de presse, en se disant du bout des lèvres prêt à discuter de «modalités», surtout qu’il a senti une porte s’entrouvrir du côté syndical». Commence-t-il enfin à comprendre quelque chose? Ne nous réjouissons pas trop vite…

Cela dit, moi, c’est certain que je ne reculerai jamais devant la tâche herculéenne de dénoncer l’utilisation d’expressions qui me tapent sur les nerfs!

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6 commentaires leave one →
  1. 23 août 2014 9 h 18 min

    «Nous sommes déterminés à faire reculer le gouvernement de Jean Charest parce que nous, nous ne reculerons pas.»
    Gabriel Nadeau-Dubois, 22 août 2011

    «Nous ne reculerons pas, nous ne nous tairons pas!»
    Martine Desjardins, 22 mars 2012

    😉

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  2. 23 août 2014 10 h 14 min

    Oui, je les avais vues, elles font partie des exemples que j’ai dit ne pas avoir utilisés. Ce n’était pas pour les cacher, mais parce que le billet se dirigeait à uniquement parler des politiciens…

    J’en avais aussi une de Barack Obama, mais à propos de l’État islamique. Ça ne cadrait pas non plus…

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  3. benton65 permalink
    23 août 2014 23 h 08 min

    Nous ne reculerons pas… à faire reculer la société!

    Pourtant, il suffit de regarder autour de nous, il n’y a jamais eu autant de richesses et d’abondances dans le monde. Pourquoi 99% des gens doivent alors faire des sacrifices???

    @Sylvain Bérubé

    Je crois que l’expression « nous ne reculerons pas » prends un autre sens lorsque l’on est au pied du mur!!!

    Aimé par 1 personne

  4. 23 août 2014 23 h 11 min

    «Je crois que l’expression « nous ne reculerons pas » prends un autre sens lorsque l’on est au pied du mur!!!»

    Ça reste présomptueux… Même la CLASSE avait à un moment donné accepté un bizarre de compromis. Quant à la FEUQ, bon, on se comprend!

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  5. mymyk permalink
    30 août 2014 6 h 59 min

    J’aime bien ce concept d’articles sur les expressions utilisées pas les politiciens. Je t’encourage à en faire de temps en temps, pas juste l’été. Ça fait réfléchir autrement que t’es articles plus économiques. C’est utile aussi de souligner ce qui se cache derrière les discours de députés ou de ministres et les lignes de comm des partis ou des lobbies.

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  6. 30 août 2014 9 h 19 min

    «Je t’encourage à en faire de temps en temps, pas juste l’été»

    Le premier lien de ce billet (https://jeanneemard.wordpress.com/tag/expressions-qui-me-tapent-sur-les-nerfs/ ) mène à une page qui regroupe les 19 billets que j’ai écrits sur le thème des expressions qui me tapent sur les nerfs. Les deux précédents datent de février, ce qui montre que je n’en écrits pas que l’été. J’ai juste dit en amorce, un peu par autodérision, que l’été est plus le temps aux billets légers qu’aux textes heavys que j’ai écrits!

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