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Revenus 2012 (1) – les sources de revenus

28 août 2014

revenus2012(1)J’ai mentionné à de nombreuses reprises que les tableaux cansim représentent une source presque inépuisable d’amusement… Bon, ça dépend de ce qui nous amuse, j’en conviens! Et je tais la frustration qui risque de nous envahir quand Statistique Canada décide de terminer une série (en raison de compressions budgétaires ou de modifications de concepts).

Statistique Canada a mis à jour il y a un peu plus d’un mois une série de 28 tableaux provenant des déclarations de revenus. Je ne présenterai bien sûr pas tous ces tableaux, mais quelques-uns… Dans ce billet, je me conterai d’exploiter les données sur les sources de revenus du tableau 111-0007, en utilisant aussi les données sur la population (051-0001) et sur l’inflation (326-0020).

Ce tableau contient des données sur les sources de revenus (emploi, placements, transferts, pensions privées, RÉER, etc.). Ce type de données peut sembler simple à interpréter, mais j’ai quand même passé une couple d’heures pour tenter de les comprendre correctement et pour pouvoir en parler en évitant de dire des conneries…

Les revenus totaux

revenus2012(1)1Le graphique ci-contre montre l’évolution des revenus totaux réels (corrigés de l’inflation) par personne ayant déposé une déclaration de revenus. J’ai vérifié la représentativité de ces données en calculant un ratio entre le nombre de déclarants et la population âgée de 18 ans et plus. Cette proportion se situe entre 95 % et 97 % selon les années pour le Québec, mais entre 92 % et 95 % dans le reste du Canada. On peut donc penser que ces données surestiment un peu les revenus dans le reste du Canada (ce sont en général les gens avec peu ou pas de revenus qui ne soumettent pas de déclarations), mais je n’en ai pas tenu compte, car le calcul aurait été complexe, aurait dû être basé sur des hypothèses invérifiables et n’aurait pas changé les résultats de beaucoup.

On peut voir sur le graphique que le revenu total moyen par déclarant au Canada a augmenté un peu plus rapidement qu’au Québec au milieu de la première décennie des années 2000, mais qu’il a baissé pour le Canada durant la dernière récession (2008-2009), alors qu’il s’est maintenu au Québec. Au bout du compte, ce revenu a augmenté un tout petit peu plus au Québec entre 2000 et 2012 (13,2 %) qu’au Canada (12,6 %). Disons que les tendances sont très comparables et que l’écart de revenu entre les deux territoires s’est maintenu.

Les revenus d’emploi

J’ai pensé au départ que le meilleur moyen de présenter l’évolution des revenus d’emploi était d’observer les changements dans leur proportion sur le revenu total. J’ai ainsi noté que cette proportion avait diminué à la fois au Québec (de 73,0 % en 2000 à 69,3 % en 2012) et dans le reste du Canada (de 75,3 % à 73,4 %), quoique presque deux fois moins là-bas (baisse de 3,7 points de pourcentage au Québec et de 1,9 point dans le reste du Canada). J’ai toutefois remarqué que cette baisse ne tenait pas compte du vieillissement de la population plus important au Québec, qui fait en sorte que la proportion des déclarants qui reçoit des revenus d’emploi tend à diminuer davantage (ou à revenus2012(1)2augmenter moins). Cela dit, il demeure que, comme le montre le graphique à droite, les revenus d’emploi moyens ont augmenté davantage au Canada (8,0 %) qu’au Québec (6,4 %). Il est encore plus notable de souligner que ces taux d’augmentation sont dans les deux cas bien moindres que les taux de croissance des revenus totaux (tournant autour de 13 % dans les deux cas). Comme ces revenus représentent entre 70 % et 75 % des revenus totaux, il doit bien y en avoir qui ont augmenté davantage…

C’est ici que l’analyse se complique, car, pour les autres composants du revenu total, il devient difficile de regarder uniquement l’augmentation du revenu moyen. D’une part, le nombre de personnes qui touchent ces revenus peut varier grandement d’une année à l’autre. D’autre part, une même personne peut avoir des revenus dans plus d’une catégorie de revenus (revenus d’emploi, d’assurance-emploi, revenus de placements, prestations fiscales canadiennes pour enfants, etc.). C’est pourquoi il est bon d’examiner la situation sur plus d’un angle pour se faire une idée complète de la situation.

Revenus de placements

Notons au départ que les revenus de placements représentent la somme des revenus de dividendes et des revenus d’intérêts («dépôts bancaires, les obligations d’épargne du Canada, les bons du Trésor, les certificats de placements, les dépôts à terme, les rentes viagères, les fonds communs de placement, les polices d’assurance-vie et tous les investissements étrangers»). Ils ne comprennent toutefois pas les gains en capital qui ne sont pas du tout considérés dans ce fichier.

revenus2012(1)3Le graphique ci-contre montre que la part des revenus de placements sur les revenus totaux a diminué en début de période au Québec et dans le reste du Canada, et a remonté ensuite, mais beaucoup plus fortement dans le reste du Canada qu’au Québec.

Ces mouvements sont toutefois trompeurs. En fait, la proportion de déclarants ayant reçu de tels revenus a grandement diminué au cours de cette période. Elle est passée de 40 % en 2000 à 26 % en 2012 au Québec, et de 38 % à 31 % dans le reste du Canada. En conséquence, les revenus réels moyens (corrigés de l’inflation) provenant de placements par les personnes qui en ont déclarés ont grimpé de 68 % au Québec et de 63 % au Canada. On voit donc que, même si moins de déclarants touchent ce genre de revenu, ceux qui en reçoivent en gagnent de plus en plus. Au bout du compte, cette catégorie de revenus gagne en importance depuis 2005, surtout dans le reste du Canada.

Pensions privées et RÉER

J’ai regroupé ces deux sources de revenus, car elles sont semblables. Mais en fait, les régimes enregistrés d’épargne retraite (RÉER) représentent moins de 5 % du total de ces deux sources et entre 0,3 % et 0,4 % de tous les revenus au Québec et dans le reste du Canada. Il faut noter que les montants tirés de fonds enregistrés de revenu de retraite (FERR), où sont souvent versées les sommes détenues dans des RÉER à la retraite, font partie des «pensions privées», car ils sont inscrits sur la même ligne de la déclaration de revenus que les pensions privées.

revenus2012(1)4Le graphique à droite montre que l’évolution de la part des revenus totaux des pensions privées et des RÉER fut bien différente au Québec et dans le reste du Canada. Cette part a augmenté de 12,8 % dans le reste du Canada, mais de 29,7 % au Québec, un rythme d’augmentation 2,4 fois plus élevé. En fait, ces hausses sont toutes dues à l’augmentation de la proportion de déclarants qui reçoivent ces sommes, car le montant moyen reçu de cette source de revenu a augmenté à peu près au même rythme que l’ensemble des revenus dans les deux territoires. Pourquoi le nombre de déclarants a-t-il augmenté davantage au Québec? Comme on observe une différence semblable entre le Québec et le reste du Canada dans l’augmentation du nombre de déclarants qui touchent des pensions de la sécurité de la vieillesse et des sommes du régime de pensions du Canada (RPC) ou du régime de rentes du Québec (RRQ), il semble clair que cela est une conséquence du vieillissement de la population plus accentué au Québec que dans le reste du Canada.

Les paiements de transferts

revenus2012(1)5Cette source de revenus regroupe un grand nombre de programmes sociaux. Le graphique à droite montre que l’ampleur et la croissance de la part de cette source sur les revenus totaux sont bien différents au Québec et dans le reste du Canada.

Du côté de la croissance, on peut voir que l’importance relative des paiements de transferts sur les revenus totaux a diminué dans le reste du Canada de 2002 à 2008, avant d’augmenter en 2009 et 2010 (surtout en raison de la récession), avant de reprendre sa tendance à la baisse en 2011 et 2012. Au Québec, la tendance fut tout au long de la période à la hausse. Au bout du compte, la part relative de ces revenus a augmenté de 13 % au Québec, alors qu’elle n’a augmenté que de 4 % dans le reste du Canada.

Du côté de l’ampleur, les plus grosses différences entre le Québec et le reste du Canada dans la différence de ces parts en 20122 s’observaient dans les transferts suivants :

  • la sécurité de la vieillesse (SV) et les suppléments fédéraux nets expliquent 28,5 % de la différence totale de 3,9 points de pourcentage;
  • les crédits d’impôt provinciaux remboursables et les prestations familiales en explique 27,7 %;
  • l’assurance-emploi en explique 20,4 %;
  • le régime de pensions du Canada (RPC) et le régime de rentes du Québec (RRQ) en expliquent 14,3 %.

Ces quatre types de transferts expliquent donc 91 % de la différence totale.

Le pourcentage des déclarants qui touchent des revenus de transferts a augmenté de moins de 4 % au Québec (3,5 %) et dans le reste du Canada (3,8 %) entre 2002 et 2012. En 2012, environ 73,2 % des déclarants du Québec en touchaient par rapport à 67,4 % dans le reste du Canada. Les sommes réelles moyennes reçues de ces programmes ont augmenté de 23,9 % au Québec, mais de 12,9 % dans le reste du Canada, soit au même rythme que l’ensemble des revenus (12,7 %)

Finalement, je tiens à souligner que les montants moyens réels reçus par les déclarants qui touchent des sommes de la sécurité de la vieillesse (SV) et des suppléments fédéraux nets ainsi que du régime de pensions du Canada (RPC) et du régime de rentes du Québec (RRQ) et de l’assistance sociale ont augmenté beaucoup moins que les revenus totaux, à la fois au Québec et dans le reste du Canada. Cela s’explique surtout par le fait que les sommes reçues de ces programmes sont indexées en fonction de l’inflation, alors que les revenus d’autres sources, notamment du travail, augmentent plus rapidement que l’inflation (d’un peu plus de 1 point de pourcentage par année entre ces deux années, malgré la récession de 2008-2009). Bref, en indexant leurs revenus sur l’inflation, on ne permet pas aux personnes qui reçoivent ces sommes de bénéficier de l’enrichissement collectif.

Et alors…

J’espère que vous vous êtes amusés autant que moi en jouant avec les données de ce tableau… Plus sérieusement, j’espère avoir montré deux choses (au moins) avec ce billet. D’une part, il est important de regarder les données sur différents angles pour pouvoir avoir une bonne idée des tendances sur les revenus. D’autre part, les revenus provenant du travail tendent à perdre de leur importance relative et ceux liés au vieillissement à en gagner. Je dois avouer que je suis un peu confus avec la situation des revenus de placement, moins de gens en recevant, mais ceux qui en touchent en tirant des revenus de plus en plus élevés. Il est certain que cela aurait été intéressant d’analyser ces sources de revenus sur une période plus longue, car les tendances auraient probablement été plus claires.

Dans un prochain billet, j’analyserai un autre aspect des données sur les revenus, soit l’évolution du faible revenu.

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5 commentaires leave one →
  1. Richard Langelier permalink
    28 août 2014 19 h 24 min

    Quelques questions candides, puisque la paresse intellectuelle que je justifie par la canicule et l’arthrose me conduit à un effoirement devant la télé (même les calculs des pertes de revenus de Céline Dion [1]).

    Stat-Can définit «Revenu du marché» ainsi: https://www12.statcan.gc.ca/census-recensement/2006/ref/dict/pop069-fra.cfm . D’autre part, le RPC et le RRQ sont inscrits dans les paiements de transfert. Je sais bien que les cotisations et les revenus de dividendes et d’obligations détenus dans ces régimes n’entrent pas dans le revenu imposable. Les considérer comme paiements de transfert me semble abusif.
    Sais-tu pourquoi les FERR sont inscrits sur la même ligne de la déclaration de revenus que les pensions privées?

    [1] C’est le fait qu’à RDI Économie on fasse ces calculs qui me rend down. 😦

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  2. Richard Langelier permalink
    28 août 2014 19 h 30 min

    Comme toujours, WordPress ne m’aime pas. Si je place un espace avant, je commets un péché, si je n’en place pas j’en commets un aussi. Bolduc a raison: la chair est faible et on lit toujours trop de livres, ou quelque chose du genre.

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  3. Richard Langelier permalink
    28 août 2014 19 h 49 min

    Eureka! Pour les FERR, il n’y a plus de crédits d’impôts. Donc, ce n’est pas un paiement de transfert.

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  4. 28 août 2014 21 h 50 min

    «Les considérer comme paiements de transfert me semble abusif.»

    J’ai déjà pensé ainsi. Mais, comme c’est un système mutualisé en partie, ça peut se comprendre. Le montant reçu dépend de ses cotisations, mais pas sa durée.

    «Bolduc a raison»

    Je l’ai corrigé…

    «Pour les FERR, il n’y a plus de crédits d’impôts»

    Je dois avouer ma presque ignorance du fonctionnement des FERR. Je suis dû pour un cours de préretraite…

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