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Emploi : PQ vs PLQ

28 février 2015

PQ vs PLQDans une chronique intitulée Emplois et politique partisane datant de deux semaines, Alain Dubuc a présenté un graphique pour montrer ce qu’il ne voulait pas discuter… tout en y consacrant sa chronique! En effet, dès le début, il affirme que «nous savons bien que ce ne sont pas les gouvernements qui créent les emplois» et que s’ils peuvent avoir un impact grâce à leurs politiques économiques, cela ne peut se réaliser qu’à long terme. «Mais dans l’ensemble, l’emploi dépend de facteurs sur lesquels l’État a peu de contrôle» tient-il à répéter.

Un beau graphique

En toute logique (ironie), il poursuit en proposant «de regarder la performance des derniers gouvernements» à cet égard en montrant le graphique suivant :

PQ vs PLQ1

Joli, non, les belles couleurs rouge libéral et bleu péquiste? «On observe d’abord une remontée spectaculaire de 143 900 emplois entre janvier 2012 et janvier 2013». Que la date de fin qu’il a utilisée survienne trois mois après l’arrivée du PQ au pouvoir ne semble pas l’émouvoir… Que la date de début soit dans un creux des données ne le dérange pas beaucoup plus quoiqu’il ait au moins mentionné qu’une «partie de ces emplois, 42 500, constitue du rattrapage après des pertes en 2011». Il souligne ensuite que l’emploi a stagné durant la présence au gouvernement du PQ et que, depuis le retour des libéraux au pouvoir, il est reparti en hausse (sans bien sûr accorder cette hausse au PQ, même s’il a accordé au PLQ le crédit de la hausse des premiers mois de l’arrivée au pourvoir du PQ). Ça ne peut quand même pas être le résultat d’un «effet péquiste»!

Bref, l’emploi dépend très peu de l’État, sauf quand l’emploi augmente grâce aux libéraux! Ça doit pour qualifier son analyse qu’il a parlé de politique partisane dans son titre! Il termine en soulignant qu’on observe au cours des derniers mois «une tendance claire à la hausse des emplois» (près de 40 000 emplois entre mai 2014 et janvier 2015) tout en se demandant, et là je suis d’accord, si ce n’est pas «un autre mouvement en yoyo comme on en connaît depuis quatre ans, ou si c’est l’amorce d’une remontée durable qui nous fera sortir de la stagnation».

Un autre graphique

Les habitués de ce blogue savent que j’ai l’habitude, quand on présente les données sur l’emploi provenant de l’Enquête sur la population active (EPA) comme l’a fait M. Dubuc, de les comparer avec celles de l’Enquête sur la rémunération et les heures de travail (EERH). En effet, les données de l’EPA comportent une marge d’erreur importante, tandis que celles de l’EERH sont beaucoup plus fiables, sans marge d’erreur, car issues d’un recensement de toutes les entreprises à partir de leur liste de paye, mais disponibles avec un ou deux mois de retard sur les premières. C’est d’ailleurs en raison de ce retard que j’ai attendu deux semaines avant de réagir à cette chronique, préférant montrer les données de l’EERH les plus récentes qui ont été publiées jeudi dernier.

J’ai donc imité le graphique présenté par M. Dubuc, mais avec les données de l’EERH (tableau cansim 281-0063). Je n’ai pas pris la peine de le colorer, me contentant de mettre des barres verticales au mêmes endroits que les changements de couleurs de son graphique. J’ai toutefois gardé les proportions de son graphique entre la base et le sommet pour que l’ampleur des mouvements soit comparable.

PQ vs PLQ2

Si le niveau de l’emploi est plus faible que celui illustré par les données de l’EPA, c’est que l’EERH, reposant sur les listes de payes des employeurs, exclut les travailleurs autonomes. Elle ne tient pas compte non plus des salariés du secteur de l’agriculture. Finalement, contrairement aux données de l’EPA, elles ne comptabilisent pas les employés en grève ou en lock-out, car ils ne sont pas sur les listes de paye. Cette dernière différence avec les données de l’EPA explique la baisse soudaine de l’emploi en juin 2013, mois marqué par une grève dans la construction.

Même en tenant compte de ces différences, le portrait est pas mal différent! Par exemple, la hausse de 143 900 emplois entre janvier 2012 et janvier 2013 devient une hausse de 51 000 emplois, soit à peine 36 % des 143 900 emplois qu’il déclare. Comment expliquer l’ampleur de cette différence? Simplement parce que les données de l’EPA ont indiqué une baisse de près de 60 000 emplois entre septembre 2011 et janvier 2012 (en plein règne libéral!) dans les quatre mois précédant le début de son graphique (voir le tableau cansim 282-0087) alors que celles de l’EERH étaient stables (baisse de 3 000 emplois). Comment qualifier ce manque de rigueur? Je vous en laisse le soin…

La stagnation de la période péquiste est toutefois très semblable avec les deux sources de données, celles de l’EPA montrant une baisse de 8000 emplois et celles de l’EERH une baisse de 6000 emplois. Le verdict, cette fois est exact. Après l’arrivée du PLQ au pouvoir, la « tendance claire à la hausse des emplois» n’est toutefois visible que dans les données de l’EPA, car celles de l’EERH ne montrent qu’une hausse de 2600 emplois entre mai et décembre 2014 (au lieu d’une augmentation de 19 000 emplois dans celles de l’EPA), hausse tellement faible que le graphique ne parvient pas à nous la montrer.

PQ vs PLQ3On aurait pu penser que la baisse de la valeur du dollar canadien aurait pu expliquer la hausse de l’emploi montrée par l’EPA. D’ailleurs, le graphique ci-contre (tiré du tableau cansim 228-0060) indique que le Québec a connu un solde commercial international positif important en décembre 2014 (suivant deux mois de soldes quasi nuls, ce qui est un contexte bien plus favorable à la création d’emplois que durant le règne péquiste), le premier de cet ampleur depuis janvier 2004! Mais, il semble aussi que les mesures d’austérité du gouvernement libéral aient annulé cet avantage potentiel, car, comme l’Institut de la statistique du Québec l’a annoncé la semaine dernière, le PIB du Québec a connu deux baisses consécutives en octobre (-0,2 %) et en décembre (-0,3 %). Plus troublant encore, les données récentes de l’EPA et de l’EERH (encore selon le tableau cansim 281-0063) ne montrent aucune croissance notable dans l’emploi du secteur manufacturier depuis un an, secteur qui devrait pourtant être le premier à bénéficier de la baisse de la valeur du dollar canadien et du retour à un solde commercial international positif.

Et alors…

Non seulement M. Dubuc associe des hausses d’emplois à des partis politiques en disant du même souffle qu’ils ne jouent aucun rôle à court terme à cet égard, mais il ne dit mot du climat beaucoup plus favorable depuis l’arrivée au pouvoir des libéraux grâce à la baisse de la valeur du dollar canadien. Il ne parle pas non plus de la baisse du PIB dans ce contexte plus avantageux.

Il est bien sûr possible que, avec l’amélioration du solde commercial international, les entreprises exportatrices se décident à enfin investir et à embaucher davantage, mais il est aussi probable que les mesures d’austérité du gouvernement viennent complètement annuler cet apport positif. Bref, désolé, mais la stagnation n’est fort probablement pas terminée!

8 commentaires leave one →
  1. Mathieu Lemée permalink
    28 février 2015 9 h 34 min

    Pourquoi je ne suis pas surpris de la part de Dubuc? 😉

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  2. 28 février 2015 9 h 46 min

    Parce que c’est loin d’être la première fois qu’il fait cela, peut-être?

    Aimé par 1 personne

  3. Gilbert Boileau permalink
    28 février 2015 9 h 55 min

    Peut-être que toute vérité n’est pas bonne à dire… Rigueur! Rigueur ! Rigueur !

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  4. 28 février 2015 13 h 41 min

    Tiens une autre donnée qui appuie mes conclusions (stagnation)… En novembre 2014, les revenus du gouvernement provincial provenant de l’impôt sur le revenu ont été 11,5 % moins élevés qu’en novembre 2013. De même, ceux provenant de la taxe de vente ont diminué de 7,8 %.

    Voir la page 4 de http://www.finances.gouv.qc.ca/documents/mensuel/fr/MENFR_rmof_9_07.pdf .

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  5. 2 mars 2015 14 h 41 min

    Jeanne : Merci d’avoir fait ce billet, tu m’as devancé cependant! Toutefois, ce qui est pertinent d’effectuer pour démonter cet argument c’est de montrer le taux d’emploi et décomposer les emplois par partiels/complet et public/privé. La performance libérale est nettement moins intéressante et comme toujours, l’idéologie est un indicateur pauvre des gestes politiques et des résultats

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  6. 2 mars 2015 15 h 28 min

    «décomposer les emplois par partiels/complet et public/privé»

    Mon problème avec cela est que plus on découpe les données de l’EPA, moins elles sont fiables (surtout quand on compare des variations plutôt que des niveaux). En outre, depuis quelques années, Statcan émet des avertissements sur la qualité des données désaisonnalisées dans quelques secteurs (dont l’éducation).

    Sur l’emploi à temps, je me souviens (et viens de vérifier pour me rafraîchir la mémoire) par exemple qu’on annonçait une diminution de l’emploi à temps plein de 95 000 (on disait 100 000 à l’époque, car la donnée était, avant la révision, de 98 600, voir http://www.statcan.gc.ca/daily-quotidien/141107/t141107a003-fra.htm) entre octobre 2013 et octobre 2014. La différence en décembre (2014 et 2013), deux mois plus tard, était au contraire positive (+ 5700)! Bref, l’utilisation de données mensuelles est pour le moins délicate, encore plus quand on utilise des données croisées. En comparant avec d’autres indicateurs, comme l’EERH, on a davantage de possibilités de mieux saisir ce qui se passe vraiment. Mais, cette enquête ne distingue pas les emplois à temps plein de ceux à temps partiel. En plus, le solde variable d’emplois non classifiés rend les données sur l’évolution de l’emploi par industrie un peu moins fiable. Cela dit, la proportion non classifiée n’est pas si grosse…

    En plus, cela vous donne l’occasion de rédiger un billet différent du mien!

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