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Écoles secondaires publiques et privées

11 avril 2015

écolesStatistique Canada a publié à la fin mars un communiqué annonçant la parution d’une étude intitulée D’où proviennent les différences entre les résultats scolaires des élèves des écoles secondaires publiques et ceux des élèves des écoles secondaires privées?. Cette étude provient des données de l’Enquête auprès des jeunes en transition (EJET), enquête qui a suivi pendant huit ans des jeunes qui avaient été sélectionnés en 2000 quand ils avaient 15 ans pour participer à la première édition du Programme international pour le suivi des acquis des élèves (PISA). À ma connaissance, la couverture médiatique de cette étude s’est limitée à un communiqué encore plus court que celui de Statistique Canada par la Presse canadienne, communiqué repris par quelques médias, et l’équivalent par l’Agence QMI (Québecor). S’il avait fallu que cette enquête conclue à la supériorité des écoles privées, on aurait peut-être eu droit à la une de quelques journaux!

Les données

Aux fins de cette étude, l’échantillon était formé de 560 élèves des écoles secondaires privées et 6 582 élèves des écoles secondaires publiques. Il faut noter que l’échantillon a exclu les élèves ayant redoublé ou sauté une année. «On a ensuite comparé leurs résultats aux tests du PISA en lecture, en mathématiques et en sciences, ainsi que plusieurs résultats en éducation qui ont été observés (…) en 2008, année où les élèves étaient âgés de 23 ans».

Les auteurs ont ensuite tenu compte d’un grand nombre de caractéristiques regroupés en quatre types de facteurs :

– province d’origine :

  • ce facteur est important surtout parce que les programmes d’études et les types d’écoles privées (confessionnelles ou élitistes, par exemple) diffèrent considérablement d’une province à l’autre;

– caractéristiques socioéconomiques  :

  • sexe;
  • statut d’immigrant;
  • appartenance à une minorité visible;
  • présence d’une invalidité;
  • résidence (urbaine ou rurale);
  • composition de la famille (monoparentale ou pas);
  • présence d’au moins un parent immigrant;
  • revenu familial;
  • plus haut niveau de scolarité des parents;
  • nombre de livres à la maison;
  • nombre d’ordinateurs à la maison;

– ressources des écoles :

  • confessionnelle ou pas;
  • effectif total;
  • ratio des élèves à l’enseignant;
  • nombre total d’heures d’enseignement par année;
  • nombre d’ordinateurs par élève;
  • pourcentage d’enseignants détenant un grade de premier cycle;
  • pourcentage d’enseignants certifiés;
  • pourcentage d’enseignants qui ont suivi une formation au cours des trois derniers mois;
  • disponibilité de services spéciaux de tutorat par des membres du personnel;
  • fréquence de la rétroaction fournie aux parents;

– influence des pairs sur le rendement scolaire :

  • pourcentage de jeunes qui fréquentent l’école et dont au moins un des parents est titulaire d’un diplôme d’études postsecondaires.

Résultats

Le tableau suivant présente les résultats de l’étude.

écoles1

Les trois premières lignes du tableau sont les résultats que les élèves ont obtenus au PISA lorsqu’ils avaient 15 ans, tandis que les six suivantes représentent leurs réalisations au plan scolaire huit ans plus tard, en 2008, alors qu’ils avaient 23 ans. Je me demande encore comment il se fait que cela a pris sept ans avant que Statistique Canada ne publie cette étude.

La première colonne («Aucune covariable») indique la différence brute (ou réelle) des résultats des élèves des écoles privées avec ceux des élèves des écoles publiques. On voit que les résultats des élèves des écoles privées sont meilleurs dans les neufs catégories présentées, mais avec un écart plus prononcé du côté de leur fréquentation d’un établissement d’enseignement postsecondaire ou universitaire, et leur succès dans ces études (obtention du diplôme).

La troisième colonne (résultats en tenant compte de la province) fait considérablement diminuer l’avantage des écoles privées dans les résultats liés à la participation au PISA et dans l’obtention d’un diplôme d’études secondaires (DES), mais le fait augmenter dans leur fréquentation d’un établissement d’enseignement postsecondaire ou universitaire. Je dois ici préciser que plus de la moitié de l’échantillon des écoles privées provenait du Québec. Or, les écoles privées du Québec sont plus souvent élitistes (on y sélectionne plus souvent les élèves) et celles des autres provinces sont plus souvent confessionnelles.

La cinquième colonne (résultats en tenant compte des caractéristiques socioéconomiques) fait baisser encore plus l’avantage du privé que la province, à tel point que cet avantage disparaît totalement dans les résultats en mathématiques du PISA et dans l’obtention d’un DES. Ce facteur fait aussi diminuer de plus de moitié l’avantage dans la fréquentation d’un établissement d’enseignement postsecondaire ou universitaire et presque autant l’obtention d’un diplôme de ces établissements.

La septième colonne (résultats en tenant compte des ressources des écoles) présente des résultats qui pourraient étonner : ce facteur a peu d’impact, et quand il y en a, il fait augmenter la différence! Cela signifie que les ressources des écoles publiques sont un peu meilleures que celles des écoles privées. Le tableau 2 de la page 17 de l’étude montre entre autres que les enseignants du secteur public ont une meilleure formation, qu’on y enseigne plus d’heures par année et qu’il y a moins d’élèves par enseignant. Cela dit, ces différences sont minimes, d’où le faible impact de ce facteur .

La neuvième colonne (résultats en tenant compte de l’influence des pairs) fait totalement disparaître l’avantage de l’école privée dans les résultats au PISA, dans l’obtention d’un DES et dans la fréquentation d’une université, et rend non significative deux des autres écarts à l’avantage de l’école privée. Les seuls avantages qu’il reste à l’école privée dans les neufs variables présentées touchent fréquentation et l’obtention d’un diplôme d’un établissement d’enseignement postsecondaire, et encore, à un niveau bien moindre qu’avant de tenir compte des facteurs analysés dans l’étude.

Et alors…

Les constats de cette étude n’ont en fait rien d’étonnant. En effet, le succès scolaire des jeunes dépend de plein de facteurs autres que l’école qu’ils fréquentent. En fait, elle m’étonne quand même un peu, mais dans le sens inverse qu’elle le devrait.

L’étude, même si elle le mentionne, n’a pas pu tenir compte d’un autre facteur : la sélection des élèves. Cette sélection fait en sorte que les écoles privées ne recrutent pas les élèves moyens des familles selon leurs caractéristiques socio-économiques mentionnées, mais les plus «performants». Les résultats de ces élèves, même en tenant compte des très nombreux facteurs dont cette étude tient compte, devraient donc se démarquer bien plus positivement de ceux des élèves des écoles publiques. Pourtant, ils ne le font pas… Il doit donc y avoir d’autres facteurs qui interviennent que cette étude n’a pas considérés ou n’a pas pu considérer.

Je pense entre autres à la débrouillardise, plus naturelle à acquérir quand on est moins encadré. Je pense aussi à la socialisation qui, en permettant de vivre avec des personnes de différents niveaux socioéconomiques, améliore l’acceptation des différences et forme potentiellement de meilleurs citoyens. Mais, les avantages de ces facteurs sont bien difficiles à analyser dans ce type d’étude…

3 commentaires leave one →
  1. 13 avril 2015 10 h 32 min

    C’est tout de même une étude fascinante et ça m’étonne vraiment qu’elle soit passée inaperçue! Certains étudiants en sociologie pourraient même y voir une confirmation du concept de capital culturel de Bourdieu… 😉

    Aimé par 1 personne

  2. 13 avril 2015 11 h 49 min

    «ça m’étonne vraiment qu’elle soit passée inaperçue»

    Pas moi! Les médias majeurs aiment bien mieux taper sur l’école publique!

    J’aime

  3. 15 octobre 2015 9 h 17 min

    Eh oui, les constats de cette étude ne m’étonnent pas. C’est vrai que le succès scolaire des jeunes dépend de plein de facteurs autres que l’école qu’ils fréquentent. Je sais qu’il y a beaucoup de gens qui s’inquiètent beaucoup de quel établissement scolaire ils doivent choisir pour leurs enfants. De fait, je pense que le choix depend à l’enfant. Chaque enfant a besoin de quelque chose different.

    Aimé par 1 personne

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