Le marché du travail des femmes (2) – l’emploi à temps partiel
Je poursuis ma série sur le marché du travail des femmes en abordant cette fois la question du travail à temps partiel. Si certaines personnes peuvent trouver abusif de voir tout un billet consacré à ce seul sujet, elles seront confondues…
Son évolution
Le graphique ci-contre montre l’évolution du pourcentage de l’emploi à temps partiel chez les femmes et les hommes entre 1976 et 2014. On peut voir qu’il a augmenté fortement chez les femmes entre 1976 et 1982 (de 7 points de pourcentage, passant de 17 % à 24 %) et est demeuré assez stable par la suite, restant toujours entre 24 % et 27 %, son niveau en 2014.
Chez les hommes, il a augmenté presque autant que chez des femmes entre 1976 et 2014 (de neuf points, de 4,4 % à 13,6 %, par rapport à une hausse de 10 points chez les femmes). Son augmentation fut par contre plus régulière. Si ce graphique nous montre bien à quel point le travail à temps partiel est plus répandu chez les femmes, il ne nous dit pas grand chose sur les facteurs qui expliquent ce phénomène.
Selon l’âge
Le deuxième graphique illustre l’évolution du pourcentage de l’emploi à temps partiel chez les femmes par tranche d’âge. Il nous indique tout d’abord que la hausse de 1976 à 1982 s’est manifestée dans toutes les tranches d’âge (sauf chez les 65 ans et plus qui sont très peu nombreuses, ce qui explique les fortes variations de leur taux de travail à temps partiel d’une année à l’autre). Il nous montre aussi que la quasi stabilité de ce taux de 1982 à 2014 est en quelque sorte trompeuse : il a en fait plus que doublé chez les femmes âgées de 15 à 24 ans (ligne bleue, hausse de 115 %, de 29 % à 62 %, conséquence de la hausse de leur niveau de fréquentation scolaire, comme nous le verrons dans un prochain billet), a augmenté de près de 50 % chez celles âgées de 65 ans et plus (ligne verte, de 41 % à 60 %), mais a diminué de près de 10 % chez celles âgées de 45 à 65 ans (ligne jaune, de 25 % à 22 %) et de plus de 20 % chez celles âgées de 25 à 44 ans (ligne rouge, de 21,5 % à 17,0 %). Notons que cette dernière baisse s’est concentrée sur la période allant de 1997 à 2014 (de 21,5 % à 17,0 %), laissant penser que cette baisse a probablement été au moins en partie accentuée par l’implantation des services de garde à contribution réduite en 1997.
Chez les hommes, la hausse fut généralisée entre 1976 et 2014 :
- de 33 points de pourcentage chez les hommes âgés de 15 à 24 ans (ligne bleue), passant de 13 % à 46 % (une hausse de 250 %), là aussi une conséquence de la hausse de leur niveau de fréquentation scolaire;
- de 5 points de pourcentage chez les hommes âgés de 25 à 44 ans (ligne rouge), passant de 1,4 % à 6,6 % (une hausse de 350 %);
- de 6 points de pourcentage chez les hommes âgés de 45 à 64 ans (ligne jaune), passant de 1,7 % à 7,8 % (une hausse aussi de 350 %);
- de 13 points de pourcentage chez les hommes âgés de 65 et plus (ligne verte), passant de 27 % à 40 % (une hausse de 45 %).
Si cette analyse par tranche d’âge éclaire le sujet, il manque encore un élément important : pourquoi les gens travaillent-ils à temps partiel et leurs raisons sont-elles semblables chez les hommes et les femmes?
Raisons du travail à temps partiel
Dans le cadre de l’Enquête sur la population active (EPA), Statistique Canada pose des questions sur les raisons du travail à temps partiel depuis 1997. Elle compile ensuite les réponses en deux grandes catégories et 10 sous-catégories :
– le temps partiel «volontaire» :
- maladie ou incapacité;
- soin des enfants;
- autres obligations personnelles ou familiales;
- école;
- choix personnel;
- autres raisons volontaires;
– le temps partiel involontaire :
- conjoncture économique, n’a pas cherché du travail à temps plein au cours du dernier mois;
- n’a pu trouver du travail à temps plein, n’a pas cherché du temps plein au cours du dernier mois;
- conjoncture économique, a cherché du travail à temps plein au cours du dernier mois;
- n’a pu trouver du travail à temps plein, a cherché du temps plein au cours du dernier mois.
Comme certaines raisons dites volontaires, surtout la maladie et le soin aux enfants, relèvent d’un concept discutable de la décision volontaire, je préfère mette cette expression entre guillemets…
Le prochain graphique montre l’évolution de la proportion de temps partiel «volontaire» depuis 1997. Tant chez les hommes que les femmes, la proportion de l’emploi à temps partiel considéré volontaire a augmenté fortement de 1997 à 2007 (de 15 points de pourcentage chez les hommes et de 14 points chez les femmes), puis s’est stabilisé par la suite aux environs de 75 % (notons la forte baisse de ce taux chez les hommes en 2009, année de récession). Les principales raisons qui expliquent ces hausses sont l’école (hausse de 8 points chez les hommes et de 10 points chez les femmes) et le choix personnel (hausse de 8 points chez les hommes et de 5 points chez les femmes).
Les raisons invoquées, on s’en doute, varient à la fois selon le sexe et selon l’âge. Le tableau qui suit présente donc ces motifs par sexe et tranches d’âge pour 2014.
J’ai présenté dans ce tableau les motifs les plus courants et ai regroupé au deux dernières lignes les deux motifs involontaires liés à la conjoncture économique et les deux sur l’insuccès à trouver un emploi à temps plein.
Sans surprise, la maladie et l’incapacité expliquent davantage le temps partiel dans les tranches d’âge les plus élevées, à des taux semblables chez les hommes et les femmes. L’absence de ce motif chez les personnes âgées de 65 ans et plus est dû aux règles de confidentialité. Pour le Canada, ce taux avoisine 5 %, tant chez les hommes que chez les femmes. En plus, il est possible que les incapacités ou maladies à cet âge empêchent simplement tout travail.
L’EPA estime que les femmes étaient 16 fois plus nombreuses en 2014 (32 000 par rapport à 2000, données non présentées) à mentionner le soin des enfants comme motif du travail à temps partiel que les hommes (cette proportion change peu d’une année à l’autre). On ne s’étonnera pas que cette différence soit particulièrement forte chez les personnes âgées de 25 à 44 ans et de 45 à 54 ans (quoique les 0 % des hommes indiqués au tableau sont dus aux règles de confidentialité; mais, même si leur nombre atteignait la limite de confidentialité pour pouvoir être publié, soit 1500 personnes, ces taux seraient inférieurs à 2,5 %). Cette observation suscite au moins deux commentaires. D’une part, les changements de rôles entre les hommes et les femmes semblent bien lents… D’autre part, est-ce que ce motif peut vraiment être considéré comme volontaire? On peut à tout le moins douter que ce soit toujours le cas!
L’école est le motif le plus fréquent pour les hommes et pour les femmes. Comme le tableau le montre, il est de loin le plus mentionné par les personnes âgées de 15 à 24 ans (autour de 80 % des cas). S’il est proportionnellement plus fréquent chez les hommes que chez les femmes âgées de 25 à 44 ans (26,8 % par rapport à 14,2 %), c’est seulement parce que celles-ci sont deux fois et demie plus nombreuses à travailler à temps partiel (le dénominateur de ces pourcentages). L’EPA estime en fait qu’elles étaient en 2014 plus nombreuses à invoquer ce motif (20 500) que les hommes (15 800).
Le choix personnel est le deuxième motif le plus fréquent à la fois chez les femmes et chez les hommes. Ce motif augmente fortement avec l’âge devenant celui qui est le plus souvent invoqué chez les 45 à 54 ans et les 55 à 64 ans, et même le seul motif significatif chez les 65 ans et plus. Ce choix était en 2014 proportionnellement un peu plus fréquent chez les femmes, mais il l’était deux fois plus au total (153 700 par rapport à 73 500).
Il y a peu à dire sur les raisons indiquées aux trois dernières lignes du tableau, sinon que les raisons à caractère économique (raisons dites involontaires) sont proportionnellement plus fréquentes chez les personnes âgées de 25 à 54 ans, âges où on aspire le plus à des emplois à temps plein.
Et alors…
On a pu voir que, si le phénomène de l’emploi à temps partiel peut sembler bien simple, il est touché par de très nombreuses tendances et s’explique par une grande variété de motifs qui peuvent souvent varier selon l’âge et le sexe. Mais, il est clair que ces motifs touchent bien davantage les femmes que les hommes. Est-ce équitable?
Une étude à diffuser. Je m’y mets. Merci.
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