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L’hydre mondiale

29 juin 2015

Hydre_mondialeSi vous aimez vous faire étourdir par des sommes d’argent pharamineuses, L’hydre mondiale – L’oligopole bancaire de François Morin est pour vous! Ce livre fait le tour des 28 banques considérées d’importance «systémique», c’est-à-dire trop grosses pour faire faillite.

Définition

Selon le Conseil de stabilité financière (CSF), les banques d’importance systémique sont celles «dont la chute ou la faillite désordonnée, en raison de leur taille, de leur complexité et de leur interconnexion systémique serait la cause d’une perturbation importante du système financier dans son ensemble et de l’activité économique».

Cette définition ne permettant pas de déterminer les banques qui correspondent à cette définition, on lui a associé cinq critères :

  • la taille de la banque en termes de risques sur l’économie réelle;
  • «le degré d’interconnexion avec d’autres banques ou institutions financières»;
  • leur degré de concentration sur les marchés fondamentaux de la finance;
  • le niveau de leur activité internationale;
  • la complexité des produits qu’elles émettent ou contrôlent (comme les produits dérivés).

L’auteur développe ces critères par après pour l’ensemble des banques. Cela dit, je ne suis pas certain de la clarté réelle de cette définition et de ces critères pour les appliquer à une seule banque. D’ailleurs, l’auteur mentionne qu’il y avait 29 de ces banques lorsque cette définition et ces critères ont été établis, mais qu’il n’en restait que 28 au moment où il a écrit ce livre. Il n’en dit guère plus, surtout pas comment il est possible que la disparition de cette banque dite d’importance systémique n’ait pas entraîné de «perturbation importante du système financier dans son ensemble et de l’activité économique». Il s’agit de la banque Dexia, qui exerçait «ses activités principalement en Belgique, au Luxembourg, en France et en Turquie». Il semble que son démantèlement ait coûté 13 milliards $ d’euros, répartis également entre la Belgique et la France, ce qui n’est pas négligeable, mais n’a pas, à ma connaissance, causé une perturbation du système financier si importante que cela. Je me trompe peut-être (en fait, sa faillite a été bien ordonnée, ce qui a probablement évité des perturbations plus importantes), mais déplore que l’auteur n’ait pas au moins étudié l’impact de la seule faillite d’une banque d’importance systémique depuis la création de ce concept.

L’oligopole

Pour montrer le caractère oligopolistique des banques d’importance systémique, François Morin se base sur les trois premiers critères qui déterminent si une banque est d’importance systémique.

– La taille : il présente le «bilan» (je ne comprends pas bien ce terme qui est supposé comprendre l’actif, le passif et le capital d’une entité; il semble que, ici, ce terme représente les actifs, mais je n’en suis pas certain) de ces 28 banques en faisant remarquer que leur bilan total correspondait en 2012 au total de l’endettement public mondial, ce qui illustre le rapport de force du secteur financier sur les pouvoirs publics (d’autant plus que le secteur financier est directement responsable d’une part importante de cet endettement).

L’auteur présente ensuite la taille des encours notionnels de produits dérivés (soit la «valeur des produits sous-jacents dont ils sont censés couvrir les risques»; tout est clair, maintenant…) des banques d’importance systémique. La taille de ces encours était à la fin 2012 presque 15 fois supérieure à celle de leur bilan et correspondait à 10 fois le PIB mondial! Cela illustre bien la fragilité de cet immense château de cartes… L’auteur termine l’examen de la taille de ces banques en présentant les profits et la rémunération des dirigeants de ces banques. D’autres chiffres qui donnent le tournis.

– L’interconnexion : L’auteur présente deux types d’interconnexion : financière et institutionnelle. L’interconnexion financière se manifeste tout d’abord par un fort niveau d’échanges d’actifs financiers entre les banques (équivalant à 12 à 13 % de leur bilan), et ensuite par un niveau encore plus élevé des échanges de produits dérivés, dont plus de 90 % se réalisent entre institutions financières. Cette dernière interconnexion représente donc le «principal facteur de fragilité du système en cas de choc».

L’interconnexion institutionnelle se manifeste par exemple par le contrôle des institutions internationales financières (l’auteur en décortique cinq) par les banques d’importance systémique, qui sont majoritaires sur leurs conseils d’administration. Elles contrôlent donc les institutions qui sont supposées les contrôler et les réglementer (ou à tout le moins responsables de proposer leur réglementation).

Concentration sur les marchés fondamentaux de la finance : Les banques d’importance systémique dominent sur plusieurs marchés fondamentaux de la finance. Sur le marché des changes, ces banques échangent annuellement l’équivalent de 30 fois la valeur du PIB mondial, et la moitié de ces échanges sont réalisées par seulement quatre de ces banques. Sur le marché des taux d’intérêt «au jour le jour», les banques d’importance systémique occupent 14 des 18 postes du panel qui est formé pour établir ces taux (Libor, Euribor et Tibor). Elles dominent aussi le marché obligataire, sur lequel les entreprises et les États financent leurs dettes, et les activités de spéculation sur le marché des actions, notamment sur les transactions (l’auteur parle du «trading») à haute fréquence (qui atteignaient 50 % des transactions boursières en 2012).

La suite

L’auteur analyse par la suite les dangers que représente l’oligopole des banques d’importance systémique sur la stabilité du système financier, sur l’ampleur des fraudes, sur l’endettement des États, sur la démocratie, sur les ententes internationales de commerce, etc. Il propose ensuite quelques réformes qui pourraient potentiellement réduire ces dangers (partie que j’ai trouvée moins bien étayée) et conclut sur l’importance de démanteler cet oligopole.

Et alors…

Alors, lire ou ne pas lire? D’un côté, ce livre contient une quantité de données impressionnante pour pouvoir se faire une idée de l’ampleur du problème des banques d’importance systémique. L’auteur présente vraiment la question sur toutes ses coutures. De l’autre, j’ai déploré le manque d’explications sur les concepts qu’il utilise. Je sais bien qu’il est impossible de rendre simple quelque chose de complexe sans prendre des raccourcis regrettables, mais il me semble qu’il aurait pu expliquer davantage. Alors, à vous de voir si les côtés positifs l’emportent sur les aspects plus négatifs. Pour ma part, malgré mes réserves, je ne regrette nullement d’avoir lu ce livre.

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