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La boésson (2)

31 octobre 2015

boésson2J’ai souvent mentionné la richesse des sujets qui sont abordés dans les tableaux cansim de Statistique Canada. Par exemple, je montrais dans ce billet qu’un de ces tableaux permet de comparer les ventes de boissons alcoolisées selon le type et la province, et ce depuis 1950! J’ai aussi souvent souligné les conséquences désastreuses des compressions du gouvernement fédéral à Statistique Canada (notamment ici). Ne voit-il pas qu’un exemple que j’ai pris pour montrer la richesse de ces tableaux peut maintenant aussi servir à illustrer les conséquences des compressions à Statistique Canada. En effet, le tableau que j’ai utilisé pour le précédent billet sur la boésson, soit le tableau 183-0006, est maintenant *terminé*… Pire, ces six autres tableaux de la série sur les ventes de boissons alcoolisées le sont aussi (il en reste trois, les tableaux 183-0023 à 183-0025, mais ils ne commencent qu’en 2004-2005 et ne contiennent pas toutes les données des tableaux terminés).

Pour noyer ma peine, je ne vois pas d’autre solution que de consacrer un autre billet sur ce sujet fondamental dans notre vie quotidienne (ou hebdomadaire, ou mensuelle, dépendant des gens) avant que les données des tableaux terminés ne soient complètement obsolètes (c’est même planifié…). Pour ne pas trop me répéter, je présenterai toutefois un angle que je n’ai pas abordé dans le billet précédent.

Dans le précédent billet, j’avais essentiellement présenté des données comparatives entre le Québec et le Canada sur la consommation par habitant de spiritueux, de vin et de bière. À l’aide des données des tableaux cansim 183-0006 et 183-0016, je vais cette fois me concentrer sur l’évolution des importations de spiritueux, de vins et de bières au Québec et dans le reste du Canada, et sur les pays d’où proviennent ces importations, mais uniquement pour le Canada. J’utiliserai toujours les données sur les volumes importés (litres) et non celles sur la valeur monétaire des ventes.

Importance des importations

Le premier graphique montre l’évolution de la proportion des spiritueux vendus au Québec et dans le reste du Canada qui proviennent d’importations. boésson2-1

Si la tendance semble à la hausse dans les deux territoires, le Québec a connu une baisse soudaine de cette proportion en 2002 et 2003 (si une personne devine pourquoi, j’aimerais qu’elle me le fasse savoir…) qui a fait en sorte que la proportion des ventes provenant des importations en 2013 était exactement la même qu’en 1993, soit 39 %. La tendance du reste du Canada n’ayant pas été interrompue, cette proportion a augmenté de plus de 50 %, passant de 21 % en 1993 à 33 %. Cela dit, on voit que la proportion des importations a toujours été plus élevée au Québec, montrant peut-être que les Québécois sont moins portés que les autres Canadiens sur le Canadian Club et le gros gin (j’avertis tout de suite que je suis moins rigoureux dans mes billets sur la boésson que dans ceux sur tout autre sujet…) et plus sur le cognac ou le rhum antillais (en fait, comme les Québécois consomment en moyenne deux fois moins de spiritueux que les autres Canadiens, comme on l’a vu dans le billet précédent, les autres Canadiens consomment en fait plus de spiritueux importés que les Québécois, donc sûrement plus de cognac et rhum…).

Le deuxième graphique présente la même relation, mais pour le vin.boésson2-2

Encore une fois, la tendance à la hausse de la proportion des ventes provenant des importations observée au Québec est annulée par une baisse soudaine, mais cette fois réalisée en une seule année (2007), et, de même, si quelqu’un devine pourquoi, j’aimerais bien le savoir… Au bout du compte, cette proportion a augmenté de 15 % au Québec comme dans le reste du Canada, passant au Québec de 57 % à 66 % et de 49 % à 56 % dans le reste du Canada. On remarquera que le vin canadien est bien plus populaire dans le reste du Canada qu’au Québec. Personnellement, à part quelques bouteilles québécoises, je n’ai jamais vraiment considéré l’achat de vins canadiens…
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Le troisième graphique montre une augmentation forte et régulière de la proportion de bières importées tant au Québec que dans le reste du Canada. Cela dit, cette proportion a à peine atteint 14 % en 2013 dans les deux territoires, bien loin des proportions observées du côté des spiritueux (entre 30 % et 40 %) et des vins (entre 56 % et 66 %). On remarquera aussi que les ventes de bières importées représentaient moins de 2 % au Québec de 1993 à 1996 et que leur proportion a quatorzetuplé entre 1993 et 2013 (je sais, quatorzetruplé, ça n’existe pas, mais on comprend que ça veut dire que la proportion fut 14 fois plus élevée…), alors que cette proportion n’a même pas quadruplé dans le reste du Canada.

Pays de provenance

Comme mentionné plus tôt, les données de Statistique Canada ne fournissent de l’information sur les pays de provenance des importations de boissons alcoolisées que pour le Canada. Les graphiques qui suivent n’illustrent pas tous les pays qui en exportent au Canada, car si je les avais tous inclus, ils seraient illisibles.

Le premier graphique de cette série porte sur les pays d’où les spiritueux sont importées.

boésson2-4

J’ai été surpris de constater que le pays qui exportait le plus de spiritueux au Canada en 2013, alors qu’il se classait au cinquième rang en 1993, était les États-Unis (ligne verte). On peut aussi observer que les proportions des importations provenant du Royaume-Uni (ligne jaune) et de la Jamaïque (ligne rouge) sont celles qui ont le plus diminué (à part celles des pays non illustrés, comme le Brésil et la Guyane). Moins de rhum et de whisky, et plus de Southern Comfort (ouache…)?boésson2-5

Du côté du vin, la France (ligne jaune), qui était de loin le principal fournisseur du Canada de vins importés en 1993 (34 % des ventes), se classait troisième en 2013, avec seulement 16 % des ventes. Si la proportion des ventes de vin des États-Unis (ligne bleue pâle) a aussi diminué de façon significative (de 22 % des ventes à 15 % en 2013), ce sont surtout l’Australie et ses bins (ligne bleue foncée, avec une hausse de 13 points de pourcentage), l’Italie, l’Espagne et les autres pays qui en ont profité.

boésson2-6

Du côté de la bière, la proportion des Budweiser et Miller des États-Unis a littéralement chuté, passant de 57 % des ventes de bières importées en 1993 à seulement 24 % en 2013 (même si les quantités ont plus que doublé en raison du quadruplement de la proportion des ventes de bières importées, comme on l’a vu au troisième graphique, et de la légère hausse de consommation de bières, comme l’a montré le précédent billet). Ce sont les bières des «autres pays», les Heineken des Pays-Bas et les Corona mexicaines qui ont le plus profité de cette baisse.

Et alors…

Il n’y a pas de conclusion bien profonde à ce genre de sujet, sinon de dire que, finalement, ce billet n’a pas réussi à noyer ma peine de la terminaison de plein de séries chronologiques de données des tableaux cansim de Statistique Canada, la terminaison de la plupart d’entre elles ayant des conséquences drôlement plus importantes que celle sur les ventes de boéssons…

9 commentaires leave one →
  1. Gilbert Boileau permalink
    31 octobre 2015 10 h 25 min

    Je te lève mon verre! L’ignorance aura son prix …Petit PET saura-t-il redonner des $$$$à Stat Can pour refaire sa banque de données ?

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  2. 31 octobre 2015 11 h 38 min

    Il a parlé de rendre à nouveau obligatoire la participation au formulaire long du recensement et peut-être de renflouer un peu Statcan, mais je douterais que toutes les enquêtes supprimées ou remplacées puissent revenir.

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  3. Robert Lachance permalink
    1 novembre 2015 7 h 59 min

    Graphique vins importés, trait en légère et constante montée au Canada sans le Québec (CsQ/RoC) et au Québec en chute brusque de 2006 à 2007.

    … et, de même, si quelqu’un devine pourquoi, j’aimerais bien le savoir…

    Cinq hypothèses :

    1 – moi qui se serait mis à faire son vin;
    2 – Ricardo l’entrepreneur en cuisine aurait montré à ses auditeurs comment faire leur vin;
    3 – notre peuple a prévu et « caré »* la crise économique de 2008;
    4 – les consommateurs auraient prévu un chute marquée du dollar canadien;
    5 – la réélection de Jean Charest le 27 mars 2007.

    Si j’avais à répartir 100 points entre ces hypothèses pour leur crédibilité, d’entrée de jeu, ça irait comme suit :

    1 – 0
    2 – 10
    3 – 0
    4 – 50
    5 – 40

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  4. 1 novembre 2015 10 h 11 min

    «Cinq hypothèses :»

    Bel effort, mais ce n’est pas la quantité de vins vendus qui a diminué, comme on peut le voir sur le graphique qui suit, mais bien le pourcentage de vins importés sur les vins vendus.

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  5. Robert Lachance permalink
    1 novembre 2015 19 h 08 min

    J’ai mieux remarqué que ce n’était pas la quantité de vin mais les ventes de vin; les dollars plutôt que les litres.

    « si quelqu’un devine pourquoi, j’aimerais bien le savoir… »

    À première vue de cet écart tsunamique du tracé bleu au graphique ci-dessus du pourcentage des ventes de vins importés, je me suis dit qu’il ne pouvait pas s’expliquer par la production artisanale des Québécois qui est loin d’être ridicule mais très marginale, héroïque et divertissante. Je suis allé rapidement aux chiffres mais sans « carer ». Je rejète une hypothèse de production locale du revers de la main. Je ne l’avais pas incluse dans ma liste fournie au commentaire précédent.

    Peut-il s’expliquer par les productions combinés de la Nova Scotia, de la British Colombia et de l’Ontario. Peut-être mais pas sûr. Je dirais pas. Est-ce que les Québécois sont différents de vous ? À beaucoup d’égard oui, mais pas à celui de leur appréciation du vin de l’Ontario.

    Ma nouvelle hypothèse est qu’il y aurait eu astuce réglementaire, le Canada sans le Québec (CsQ/RoC) en 2007 importe du raisin plutôt que du vin et le Québec encore au Canada probablement aussi. Il en fait du vin qui n’est pas importé. Ça se vendrait dans les dépanneurs et les grandes surfaces que je n’en serais pas surpris. Ça nous ramène peut-être à Jean Charest, peut-être à Stephen Harper.

    Vous demandez de deviner, je m’en tiens à ça, économie d’énergie pour meilleure utilisation.

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  6. 1 novembre 2015 19 h 41 min

    Merci pour vos hypothèses, mais, je demeure sceptique!

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  7. Robert Lachance permalink
    2 novembre 2015 4 h 40 min

    Ricardo Larrivée propose sur le net une recette de vin de fleurs de pissenlit; le commentaire le plus âgé date de juillet 2012. J’écarte mon hypothèse qu’il serait de l’explication de la chute d’importation de vin au Québec en 2007.

    http://www.ricardocuisine.com/recettes/5449-vin-de-pissenlit

    L’autre Ricardo alors : travaux sur la monnaie, la valeur-travail et le commerce international ?

    http://sesperso.voila.net/tss/chap7/chapitre7.html

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  8. Robert Lachance permalink
    2 novembre 2015 7 h 31 min

    En 2006, une des plus grandes compagnies de production de vin du Canada a été achetée par une entreprise internationale dont le siège social est aux États-Unis, mais continue d’être exploitée comme une filiale canadienne.

    http://www.agr.gc.ca/fra/industrie-marches-et-commerce/statistiques-et-information-sur-les-marches/par-produit-secteur/aliments-et-boissons-transformes/l-industrie-vinicole-canadienne/?id=1172244915663

    Kruger, 2006. Acquisition de Maison des futailles qui mènera à la création de l’entité Kruger Vins et spiritueux. L’entreprise est établi à travers le Canada et ses activités incluent l’importation, la production et l’embouteillage de vin et spiritueux, la commercialisation et la représentation, l’exportation, la viticulture et la vente de vin en vrac.

    http://www.lepantheon.ca/fr/membres/kruger/profil/

    Kruger Vins et spiritueux (KVS) est le fruit d’une histoire exceptionnelle de performance et d’innovation. Ses forces reposent sur la vaste et précieuse expertise développée depuis 1922 par l’usine d’embouteillage de la SAQ (Société des Alcools du Québec), son ancêtre, devenue Maison des Futailles en 1999 et 7e unité commerciale de la société Kruger depuis 2006.


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  9. 2 novembre 2015 8 h 46 min

    Merci pour ces autres éléments!

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