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Les libéraux n’aiment pas les femmes

23 novembre 2015

libéraux_femmesJ’aime bien varier la présentation des billets que j’écris sur des livres. J’ai donc décidé cette fois de ne pas résumer le livre Les libéraux n’aiment pas les femmes d’Aurélie Lanctôt, ni de présenter son contenu, mais de plutôt concentrer ce billet sur quelques-unes des citations qu’on y trouve qui ont le plus retenu mon attention.

Citations

Dès le début du livre, ce premier extrait campe bien son sujet…

«Le désamour des libéraux n’est ni de la haine ni du mépris, c’est une froide indifférence au sort que réserve l’austérité aux femmes.»

Sur le rôle des femmes pour faire augmenter le PIB :

«Si les femmes doivent être aussi estimées, considérées et respectées que les hommes – pas seulement en entreprise, mais partout dans la société – ce n’est pas parce qu’il serait «dommage» de ne pas les mettre à contribution pour augmenter le produit intérieur brut (PIB). L’égalité est le moyen d’une valeur inaliénable et inconditionnelle : la liberté.»

Face aux compressions qui touchent davantage les emplois féminins :

«Les services et programmes qui soutiennent les femmes, tout comme les emplois adaptés à leur réalité, ne sont pas que des béquilles pour pallier la prospérité que l’État n’arrive pas à générer. Ils sont la condition même de leur autonomie. On ne peut pas détruire les institutions publiques qui ont été historiquement garantes de la liberté et de l’égalité des femmes, puis se contenter d’encourager ces dernières à prendre part à l’orgie extractiviste pour que les inégalités disparaissent, comme par magie. Le marché n’arrange pas tout, parce qu’il n’est pas tout, n’en déplaise aux libéraux.»

Sur la phobie des libéraux qui trouvent que l’impôt sur le revenu est la pire des taxes :

«L’impôt rappelle aux individus et aux groupes les plus privilégiés qu’ils ont une dette envers la collectivité qui, à bien des égards, a rendu leur succès possible.»

Sur la récupération des libéraux du concept d’équité intergénérationnelle pour justifier leur objectif du déficit zéro, tout en réduisant les services aux jeunes et aux enfants :

«On finit par se dire que ce qu’il y a de bien avec le futur, du moins celui des discours et des promesses de politiciens, c’est qu’on n’y arrive jamais (…)

En commentant les affirmations du ministre François Blais qui a déclaré au sujet des conséquences des compressions en éducation que les commissions scolaires n’avaient qu’à faire des «choix intelligents» :

«Dans un monde qui aurait perdu tout sens de la dignité humaine, de telles sottises vaudraient au ministre de l’Éducation d’être reconduit aux portes de la cité enduit de goudron et de plumes.»

Sur la «sous-traitance» des services sociaux aux organismes communautaires sans leur donner de budgets suffisants :

«Pourquoi financer des institutions publiques qui emploient des gens qu’il faut bien payer et à qui il faut, en plus, fournir des avantages sociaux, si on peut déléguer ce travail à des organismes dont on présume qu’ils seront prêts à donner sans compter, et dont les travailleuses n’embêtent personne avec leurs fichus régimes de retraite?»

Sur la philanthropie qui, selon trop de gens et surtout trop de politiciens, devrait remplacer le financement gouvernemental :

«(…) la substitution du financement public par des subventions privées assujettit forcément le travail des groupes communautaires aux intérêts des bailleurs de fonds, et ce, au détriment de leur mission fondamentale. (…) La mère monoparentale devra chercher un loyer modique dans le quartier où œuvre le bon docteur chouchou des média.»

Je m’étais juré de ne mettre aucune citation de la conclusion du livre, me disant que j’écrirais plutôt qu’il fallait la lire en entier (ce qui demeure vrai), mais celle-ci est trop bonne :

«Nous devrions ainsi croire que les infirmières, en prodiguant des soins, les enseignantes en formant les jeunes, les éducatrices en prenant soin des enfants, ne créent pas de richesse. Pire, qu’elles les dilapident. Honte à elles de vivre ainsi aux dépens des banquiers, des boursicoteurs et des valeureux gestionnaires des grandes entreprises, les seules et vraies sources de prospérité.»

Et alors…

Lire ou ne pas lire? Je n’ai aucune hésitation à recommander cette lecture, d’autant plus que l’auteure y cite deux de mes billets…. Blague à part, ce petit livre (128 pages) se lit comme du bonbon (OK, ça ne se lit pas, du bonbon, mais on comprend…), est rempli d’images justes et de sarcasmes bien placés, et surtout explique bien à quel point les libéraux (et libérales) ne se préoccupent nullement de l’équité entre les femmes et les hommes (sauf quand cela peut servir à faire passer leurs politiques), sacrifiant tout au dieu de l’austérité et du déficit zéro…

J’ai appris depuis que j’ai écrit ce billet que ce livre a reçu le prix Pierre-Vadeboncoeur. Même sans connaître les livres concurrents, cet honneur me semble bien mérité!

10 commentaires leave one →
  1. 23 novembre 2015 12 h 07 min

    J’aime bien celle-ci:
    «On finit par se dire que ce qu’il y a de bien avec le futur, du moins celui des discours et des promesses de politiciens, c’est qu’on n’y arrive jamais (…).»

    Pour le prix Pierre-Vadeboncoeur, je crois bien que le Vadebonboeur en question est le père de l’urgentologue Alain Vadeboncoeur… qui serait un Ministre de la santé idéal. Comme quoi les pommes ne tombent jamais loins du pommier!

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  2. Robert Lachance permalink
    23 novembre 2015 12 h 21 min

    Paru en Amérique du Nord britannique, 8 octobre 2015.

    Il y a libéral, libéral et place à La Juste Inégalité,1995, d’un libéral récemment retiré de la cène politique et non de la saine, Robert Dutil (je sais, vous auriez écrit scène).

    L’ouvrage est à réécrire, le temps, l’espace et Amartya Sen ayant fait leurs oeuvres, sans parler de Martha Nussbaum.

    La démocratie et les humanités

    Dans ce livre je présume, il s’agit du gouvernement Couillard, pas celui de Justin Trudeau et arrière-garde.

    – Payez-vous la lecture de ce Lux, c’est pas du luxe !

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  3. 23 novembre 2015 16 h 17 min

    «je crois bien que le Vadebonboeur en question est le père de l’urgentologue Alain Vadeboncoeur»

    Exact. Alain Vadeboncoeur en parle dans ses livres et était présent lors de la remise du prix à Aurélie Lanctôt.

    «Payez-vous la lecture de ce Lux, c’est pas du luxe !»

    Bon, d’accord, sauf que je préfère «ce n’est pas du luxe !» On parle d’un éditeur, il faut donc écrire en bon français!

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  4. Robert Lachance permalink
    16 janvier 2016 9 h 50 min

    J’avais écrit sans avoir lu et sans cérémonie « Payez-vous la lecture de ce Lux, ce n’est pas du luxe !». J’ai corrigé ma première négligence sans réellement payer en empruntant à la bibliothèque et l’autre dans les guillemets ci-devant.

    J’ai remarqué du coup l’une des deux citations à vos billets, en bas de page 43; comme vous aimez. J’ai retrouvé en cherchant fort l’autre en page 84. Je retiens qu’en citation, on met un pseudonyme entre guillemets.

    Les titres de chapitres sauf avant-propos et conclusion sont plus intriguants qu’éclairants : Loin des yeux, loin du coeur; pour en finir avec le « gouvernemaman »; Si votre seul outil est un marteau, tout ressemble à un clou; Liquider le présent; Les petites pointures; faire plus avec rien. Ça fait quand même drôle et joli, en fort contraste du texte.

    Le prix Pierre-Vadeboncoeur me semble aussi bien mérité, sans en connaître la couverture.

    http://www.csn.qc.ca/web/csn/communique/-/ap/COMM2015-11-19a?p_p_state=maximized#.VppWXzbzf4c

    C’est corrigé, c’est mérité.

    « Madame Carbonneau a remercié les maisons d’édition québécoises qui ont soumis une vingtaine d’ouvrages. L’essai d’Emmanuelle Walter, Sœurs volées, consacré aux femmes autochtones assassinées ou disparues, publié chez Lux, de même que l’ouvrage collectif L’austérité au temps de l’abondance, publié par la revue Liberté, ont aussi retenu l’attention du jury. »

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  5. 16 janvier 2016 11 h 26 min

    «L’austérité au temps de l’abondance» est aussi très bien (https://jeanneemard.wordpress.com/2015/05/18/lausterite-au-temps-de-labondance/). Mais j’ai préféré le livre gagnant!

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  6. benton65 permalink
    16 janvier 2016 15 h 39 min

    @Robert Lachance

    « Gouvernemaman » est l’un de ces mots qui me fait rire… jaune.

    Les gens qui utilisent ce mot ne veulent pas d’intermédiaires dans les faits. Pourquoi les entreprises et la finance ne gèraient pas directement nos vies!

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  7. 16 janvier 2016 16 h 23 min

    Surtout que c’est un calque sur l’expression anglaise nanny state…

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  8. Robert Lachance permalink
    18 janvier 2016 12 h 43 min

    Vous m’en apprenez une !

    Je pensais que Joanne Marcotte pouvait prétendre à un droit d’auteur pour avoir été la première à utiliser le mot gouvernemaman (Ah ce correcteur !).

    Elle n’aurait droit qu’à une rémunération de traductrice. En fait, non, même pas, le titre d’un livre relève de l’éditeur je me suis laissé dire. Elles auraient dû au préalable en obtenir la tâche. En l’occurence, l’éditeur sont plusieurs : Les Éditions Francine Breton. Le français est une langue à simplifier si ON veut qu’elle dure.

    Avez-vous lu les cinq pages d’introduction de Pour en finir avec le Gouvernemaman ? C’est instructif et touchant ! Je dirais que c’est vrai ! J’aurais entendu aux nouvelles une mention de l’accident et retenu pour familiarité de voisinage avec le nom des passagers de l’autre automobile. Ça ferait environ 50 ans.

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  9. Robert Lachance permalink
    18 janvier 2016 13 h 21 min

    @ Benton65,

    Admettons que gouvernemaman soit un mot « phare », gens du pays peuvent entendre fort ou fard, ça va chercher…

    J’imagine, je n’écoute plus qu’exceptionnellement, que gouvernemaman s’entend à des radios commerciales qui évoluent à l’avant-garde de notre destin collectif, qui dépend de notre force de régénération et de travail, notre natalité et notre immigration, prise à écouter matin et soir dans la circulation ou à la maison, moins notre émigration. J’ai écouté il y a 10 ans, pour voir et faute de mieux.

    Je viens de terminer la lecture de L’austérité au temps de l’abondance, une collection d’auteurs de qualité inégale je dirais mais très acceptable. La dépossession tranquille d’Éric Pineault y donne à réfléchir. Pour en savoir plus :

    L’austérité au temps de l’abondance

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  10. 18 janvier 2016 14 h 17 min

    «Avez-vous lu les cinq pages d’introduction de Pour en finir avec le Gouvernemaman ?»

    Non!

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