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Sapiens : une brève histoire de l’humanité (1)

9 Mai 2016

sapiens

Sapiens : une brève histoire de l’humanité, de Yuval Noah Harari, est, selon la quatrième de couverture, «un livre audacieux, érudit et provocateur». Mérite-t-il ces éloges? Comme ce livre compte près de 500 pages, je ne pourrai qu’esquisser les sujets qu’il aborde (parfois un peu plus…). Et, encore là, je devrai y consacrer deux billets pour pouvoir donner un minimum de sens à ces esquisses.

Première Partie – La Révolution cognitive

1. Un animal insignifiant : Il y a 70 000 ans, les hommes préhistoriques «étaient des animaux insignifiants, sans plus d’impact sur leur milieu que des gorilles, des lucioles ou des méduses». Par la suite sont survenues trois révolutions importantes qui ont tout changé : la révolution cognitive, il y a justement 70 000 ans, la révolution agricole, il y a 12 000 ans, et la révolution scientifique, qui fête à peine ses 500 ans. Ce premier chapitre (de la première partie qui porte sur la première de ces révolutions) raconte avec verve et humour que l’homo sapiens ne fut qu’une des espèces de la famille des êtres humains pendant très longtemps, avant que les autres espèces ne disparaissent ou que les sapiens ne les fassent disparaître…

2. L’Arbre de la connaissance : Après quelques tentatives infructueuses, les Sapiens réussirent à sortir de l’Afrique il y a environ 70 000 ans pour se répandre partout en Eurasie. Pourquoi cette tentative a-t-elle été couronnée de succès et pas les précédentes? L’auteur présente certaines hypothèses, mais toutes essentiellement liées au langage, même si bien d’autres espèces l’utilisent. Selon lui, «la caractéristique véritablement unique de notre langage, c’est la capacité à transmettre des informations non pas sur des hommes et des lions, mais sur des choses qui n’existent pas. (…) Cette faculté de parler de choses qui n’existent pas est le trait le plus singulier du langage des Sapiens». De là viennent les légendes, les mythes et les religions, mais aussi les inventions, comme les bateaux, les arcs, les flèches et les aiguilles à coudre (plus importantes qu’on pourrait le penser!), et par la suite les États, les droits de la personne, les «corporations» (ou personnes morales…), l’argent, etc. Toutes ces fictions ont ouvert la possibilité à sapiens de coopérer en plus grand nombre que toutes les autres espèces. Les fictions étant des fictions, sapiens ne s’est jamais empêché de les renier rapidement pour en adopter d’autres (par exemple, lors de révolutions, tranquilles ou pas)!

3. Une journée dans la vie d’Adam et Ève : Compte tenu du caractère relativement récent de nos sociétés, nous sommes encore fortement influencés par notre ancienne vie de chasseurs-cueilleurs. Par contre, il est bien difficile de savoir exactement comment ils vivaient, donc la part de leurs comportements qui expliquent les nôtres. Par exemple, étaient-ils monogames ou polygames? Étaient-ils violents ou pacifiques? Vivaient-ils dans l’abondance ou dans la misère? Selon l’auteur, il est impossible de répondre à ce type de questions, d’une part parce que nous n’avons pas assez d’information pour ce faire et, d’autre part, parce que cela supposerait que toutes les tribus de l’époque éparpillées un peu partout sur la Terre auraient adopté le même mode de vie.

On peut tout de même dégager certains points communs que l’auteur présente dans la suite de ce chapitre. Chose certaine, par exemple, les individus connaissaient beaucoup plus de choses qu’aujourd’hui pour pouvoir survivre, mais la collectivité en connaissait beaucoup moins.

4. Le déluge : Ce chapitre porte sur les nombreuses extinctions causées par Sapiens, avant même la révolution agricole. L’auteur mentionne notamment la disparition de la mégafaune en Australie, en Nouvelle-Zélande, en Amérique, en Sibérie, à Madagascar et, en fait, à chaque endroit ou Sapiens mettait le pied. Cela montre bien que l’image qu’on nous donne des chasseurs-cueilleurs en symbiose avec la nature n’est qu’un mythe…

Deuxième partie – La Révolution agricole

5. La plus grande escroquerie de l’histoire : Cette escroquerie est le mythe fort répandu qui prétend que la révolution agricole fut une bénédiction pour les chasseurs-cueilleurs, qu’elle a rendu leur vie plus facile. Selon l’auteur, ce fut l’inverse : moins de loisirs, plus de travail, plus de famines, plus de maladies (souvent transmises par les animaux d’élevage ou en raison de la promiscuité de plus de Sapiens), plus de violences (et de guerres), alimentation moins variée et moins nutritive, etc. Il est vrai qu’elle a permis une plus forte croissance démographique et l’apparition d’élites choyées, mais aussi une baisse de la qualité de vie de la majorité de la population : «Telle est l’essence de la révolution agricole : la faculté de maintenir plus de gens en vie dans des conditions pires». Et cette citation s’applique encore mieux au sort des animaux d’élevage qui ont vu leur nombre exploser au prix de leur liberté, d’une vie beaucoup plus courte et de mutilations «inhumaines»…

6. Bâtir des pyramides : Paradoxalement, l’objectif de sécurité recherché par l’agriculture s’est rapidement transformé en insécurité. Trop de pluie, pas assez, crainte des voleurs, puis après, ponctions des dirigeants, tout cela a fait augmenter le stress des nouveaux agriculteurs (sans parler de ceux qui sont devenus des esclaves). Et seuls les bénéficiaires de ces craintes, qui formaient une élite choyée, remplissent nos livres d’histoire : «L’histoire est une chose que peu de gens ont faite pendant que tous les autres labouraient les champs et portaient des seaux d’eau».

La suite du chapitre porte sur la force de la fiction qui fait en sorte qu’un esclave peut accepter son sort ou qu’on puisse penser que tous les hommes sont égaux. Tout cela n’est dû qu’à la capacité des humains de se conformer aux codes de vie qu’ils se donnent et qu’ils respectent jusqu’au moment où ils se rebellent. L’auteur précise ensuite la place de l’imaginaire dans la réalité. Il distingue ce qui est objectif (comme la Terre), de ce qui est subjectif (qui relève de la croyance individuelle) et de ce qui est intersubjectif (qui relève de croyances partagées par un grand nombre, comme la religion, les droits de la personne, les États et la monnaie). Tant qu’un grand nombre y croit, ça fonctionne bien…

7. Surcharge mémorielle : Les premières traces d’écritures connues (sumériennes, il y a environ 5 ou 6000 ans) n’étaient pas des romans, mais servaient à compiler des niveaux de productions, probablement pour lever des impôts! Elles visaient à suppléer les lacunes des cerveaux des sapiens qui n’avaient jamais eu à traiter ce genre de données et ne pouvaient en stocker en grand nombre. Les systèmes d’écriture plus complets ne sont apparus que 3000 ans plus tard.

8. Il n’y a pas de justice dans l’histoire : L’auteur montre que les inégalités, qu’elles soient basées sur des classes, des castes, des ethnies ou les sexes, ont toujours reposé sur l’imaginaire intersubjectif. Cet imaginaire peut se manifester par des religions (castes en Inde), par des croyances en la révélation divine (la royauté et les esclaves), des lois (discrimination et sexisme un peu partout, et tout au long de l’histoire), un supposé mérite (les riches et les pauvres) ou des normes sociales (sexisme, racisme et discrimination). Les motivations et les mécanismes à la base des différentes formes d’imaginaire intersubjectif varient grandement. L’auteur en analyse un certain nombre dans la suite de ce chapitre. La partie sur la présence presque universelle du patriarcat est particulièrement bien menée, même si l’auteur n’apporte pas de conclusion ferme sur la question.

Et alors…

Ce n’est bien sûr pas encore le temps que je réponde à la question de savoir si je recommande de lire ou de ne pas lire ce livre. Cette réponse sera apportée lundi prochain. Mais, même si je n’ai pas terminé la lecture de ce livre au moment où j’écris ces lignes, je sens que le suspens ne doit pas être insoutenable…

10 commentaires leave one →
  1. 9 Mai 2016 12 h 41 min

    Ça semble vraiment intéressant en tout cas!

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  2. 9 Mai 2016 13 h 00 min

    J’aime beaucoup son approche. Son discours et ses analyses sont vraiment passionnants!

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  3. 10 Mai 2016 3 h 26 min

    Une I-Revolution à la Steve Jobs?

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  4. 10 Mai 2016 6 h 10 min

    Je ne saisis pas ce que vous voulez dire.

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  5. 10 Mai 2016 13 h 01 min

    Je crois qu’il veut dire à la Steve Jobs que c’est une révolution pour le mieux…. sans être pour le mieux!

    Aimé par 2 personnes

  6. 10 Mai 2016 18 h 46 min

    Ça se tient!

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  7. 11 Mai 2016 10 h 15 min

    L’analyse semble fine et intelligente, apportant une vision critique intéressante. Mais j’ai des doutes sur la chute…la conclusion à laquelle l’auteur mènera. Elle peut être réjouissante ou décevante. Le suspense monte en effet. J’ai offert ce livre à mon père pour Noël, mais il ne l’a pas encore lu. Vivement la suite de la critique.

    Aimé par 1 personne

  8. 11 Mai 2016 12 h 26 min

    Lundi prochain…

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