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La dure école

6 juin 2016

dure école

La dure école de Normand Baillargeon regroupe dix textes déjà parus dans des revues ou des livres, mais remaniés par l’auteur.

Avant-propos – Devoir de vigilance : Même les auteurs du dernier siècle qui craignaient le plus l’espionnage de la vie privée n’ont jamais imaginé à quel point des entreprises et des États peuvent de nos jours amasser autant d’informations sur nous. Et, ils n’auraient pas non plus crus que nous les aiderions autant à le faire! L’auteur se demande dans ce livre si deux institutions qui sont censées nous protéger de ces intrusions, soit les médias et l’école, accomplissent bien cette tâche et même si elles l’accomplissent encore.

1. Philosophie politique

Retour sur le modèle propagandiste des médias : L’auteur présente dans ce chapitre le modèle propagandiste des médias développé par Noam Chomsky et Edward Herman dans leur livre Manufacturing Consent. The Political Economy of the Mass Media (La fabrication du consentement : De la propagande médiatique en démocratie) et cherche à savoir si ce modèle était valide à l’époque et s’il l’est encore de nos jours. Pour ce, il le situe par rapport à d’autres modèles des médias et examine les critiques qu’il a suscitées.

Ce modèle est basé sur cinq facteurs :

  • la propriété : indépendant, employeur unique, société anonyme, etc.
  • l’influence des annonceurs : soit directe, soit suscitant de l’autocensure;
  • la dépendance aux sources d’information : on ne veut pas leur déplaire;
  • susceptibilité aux critiques : là encore, soit directement, soit suscitant de l’autocensure;
  • l’idéologie : de droite, de gauche, croyance au marché, etc.

Après avoir donné quelques exemples probants de l’application de ce modèle, l’auteur aborde ensuite ses critiques, des plus superficielles et malhonnêtes aux plus pertinentes et constructives.

Esquisse d’une phénoménologie de la résistance : Dans ce texte, l’auteur tente de catégoriser les types de résistance. Certains de ces types sont individuels (les héros, les saints, les nihilistes, etc.), d’autres plus collectifs, que l’auteur préfère, car liés à l’espérance du changement.

L’art au prisme de la métaphore du corps social : La société est souvent représentée comme un organisme. On parle en effet du corps social et de ses dérivés (cœur de la société, la tête et le bras armé de l’État, la cellule de base, etc.). Après avoir montré que cette métaphore est bien ancienne, l’auteur présente quatre catégories de métaphores qui la relient aux arts :

  • la métaphore organiciste (où l’art contribue à l’équilibre et à l’harmonie de la société);
  • la métaphore médicale (la santé de la société) où l’art peut par exemple être qualifié de dégénéré;
  • la métaphore matérialiste avance que la société ne peut exister que si un cerveau matériel la conçoit;
  • la métaphore finaliste prétend que toute chose et tout être doit se poser la question de sa fin (dans le sens d’objectif), ce qui est aussi le cas du corps social et de l’art.

L’auteur conclut que, si les métaphores sont utiles pour mieux comprendre des phénomènes, elles ont aussi des limites et il faut donc s’en méfier (en effet!).

Deux concepts de la laïcité et leurs enjeux : En utilisant le contexte du débat sur les supposées valeurs québécoises (débat qui n’en fut pas vraiment un, puisque les tenants et les opposants se lançaient plus de roches que d’arguments), l’auteur présente les deux grandes visions de la laïcité qui se sont affrontées, soit la laïcité républicaine et la laïcité ouverte. Selon lui, ces deux positions de départ sont légitimes, comportent des avantages et des désavantages qui peuvent l’emporter ou pas selon les sociétés. Il conclut en énonçant huit enjeux touchant la question de la laïcité qu’il trouve plus importants que les autres et en tentant de les clarifier.

Edward L. Bernays et l’invention du «gouvernement invisible» : Edward L. Bernays est souvent considéré comme le père de l’industrie des relations publiques et de la propagande. L’auteur raconte tout d’abord le cheminement peu commun de Bernays pour devenir publiciste, puis relationniste. Il explique ensuite en quoi il se distinguait des autres relationnistes de son époque. Il mentionne notamment que Bernays basait ses campagnes de relations publiques sur les sciences sociales, comme la psychologie et la sociologie (le fait qu’il était le neveu de Freud n’est probablement pas étranger à cet intérêt) et qu’il jugeait sain de manipuler les masses pour que le pouvoir demeure dans les mains des hommes les plus éclairés et qu’ils puissent ainsi faire partie d’un «gouvernement invisible»… L’auteur conclut que les relations publiques, telles que pratiquées par Bernays, sont «l’exacte antithèse de ce qu’exige une démocratie».

Paternalisme et autonomie : L’autonomie est un concept qui s’applique aussi bien en économie (autonomie de choisir ses achats) qu’en médecine (choisir de suivre un traitement), et est un objectif de l’éducation. Le paternalisme, ici, est le fait pour un individu, une institution ou un État de limiter l’autonomie d’une personne «pour son bien». L’auteur donne entre autres comme exemples l’interdiction de la baignade dans un cours d’eau pollué (plutôt que de seulement informer les personnes du danger de le faire, ce qu’on pourrait alors appeler un «paternalisme doux»), l’obligation de porter une ceinture de sécurité dans une automobile ou un casque en moto. Il se demande ensuite quelles sont les limites de ce paternalisme dans une société libre et démocratique.

Il présente ensuite le paternalisme libertaire (le «nudge» ou le «coup de pouce», concept tiré du livre que j’ai présenté dans ce billet) que je considère plus comme un paternalisme libertarien, alors que l’auteur hésite entre ces deux traductions («libertarian» en anglais peut aussi bien se traduire en «libertaire» qu’en «libertarien» en français). Ce paternalisme libert… consiste en manœuvres, comme des choix par défaut, pour influencer un comportement (l’exemple classique est de prévoir qu’une personne qui ne fait pas de choix est en accord pour donner ses organes à sa mort, plutôt que de supposer qu’elle le refuse). L’auteure du livre dont ce texte était la préface n’hésite pas à recommander le paternalisme coercitif, soit l’interdiction nette de comportements nocifs (cela m’a donné le goût de lire ce livre!). De mon côté, je crois que ce genre de paternalisme doit être utilisé que dans des situations très particulières et avec beaucoup de prudence, mais, sait-on jamais, elle me convaincra peut-être de la pertinence de l’utiliser plus largement!

2. Philosophie de l’éducation

Le musée pédagogue : L’auteur tente de distinguer le dispositif didactique des musées de ceux de l’école et des médias : «l’école instruit, les médias informent et le musée interroge». Il ouvre ainsi une discussion. Le danger de l’école est l’endoctrinement, celui des médias est la propagande et celui des musées est qu’il se fasse «l’instrument de la propagation d’une réponse unique» à la discussion qu’il a ouverte. L’auteur donne comme exemple de ce danger un musée dédié au créationnisme.

Le devoir de transmission culturelle et les responsabilités qu’il nous impose : Ce texte aborde trois questions et vise à y répondre :

  • quels buts poursuivons-nous avec l’éducation obligatoire et avec la transmission de la culture?
  • quels obstacles se dressent devant la détermination des contenus à transmettre?
  • quelle culture transmettre?

Comme l’auteur fonctionne par questionnement, il serait simpliste de révéler ses réponses. C’est sans contredit le texte que j’ai préféré dans ce livre. On sent l’auteur au sein de son principal champ de compétences. Il conclut «qu’une culture commune, par laquelle nous disposons notamment d’un vocabulaire et de référents communs, est indispensable à la poursuite de la conversation démocratique et è la constitution même d’un monde commun. (…) Il s’ensuit aussi qu’en faciliter l’acquisition par chacun est un devoir de la collectivité tout particulièrement envers ceux et celles qui ne disposent pas à la maison d’un accès sans entraves à cette culture – le plus souvent les membres des classes les plus pauvres».

L’université à la croisée des chemins : Sur le même modèle, l’auteur se pose d’autres questions, mais cette fois sur l’université :

  • qu’est-ce qu’est une université?
  • comme étudiant ou comme société, que doit-on attendre d’une université?

Encore là, je ne révélerai bien sûr pas les réponses de l’auteur. Notons que ce texte est basé en grande partie (sinon complètement) sur le livre Je ne suis pas une PME que j’ai présenté dans ce billet.

Des leçons à tirer de la réforme : Comme le titre de ce dernier texte du livre l’indique, il présente des leçons (12, pour être précis) à tirer de la réforme de l’éducation. Ces leçons sont regroupées en quatre catégories :

  • des leçons scientifiques et épistémologiques;
  • des leçons de politique;
  • des leçons idéologiques;
  • des leçons professionnelles.

Comme j’en ai pris l’habitude, je n’élaborerai pas davantage sur le contenu de ces leçons.

Et alors…

Lire ou ne pas lire? Si, comme moi, vous n’avez pas lu les versions originales de ces textes, oui, ce livre vaut la peine d’être lu. Comme toujours avec cet auteur, les textes sont clairs et abordent des thèmes que je trouve intéressants. Ces textes sont juste assez longs pour bien présenter les arguments de l’auteur et pas trop pour éviter de nous en lasser.

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