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Survivre à l’offensive des riches

13 juin 2016

Survivre à l'offensive des riches

Survivre à l’offensive des riches de Roméo Bouchard livre «un testament politique clair et magistral sur la crise écologique et la crise de civilisation qu’elle entraîne, au Québec comme partout ailleurs dans le monde», comme on peut le lire en quatrième de couverture.

Première partie : le piège de la croissance économique : Après avoir fourni une liste qui résume tout ce qui va mal sur notre Terre (sauf pour les riches), l’auteur utilise une citation prémonitoire du livre Le meilleur des mondes d’Aldous Huxley pour décrire le conditionnement en douceur de notre société «où la dictature aurait les apparences de la démocratie […], où un système d’esclavage dans lequel, grâce à la consommation et au divertissement, les esclaves auraient l’amour de leur servitude […], où l’idée même de la révolte ne reviendrait même plus à l’esprit des hommes».

Il se désole du consentement fabriqué au consumérisme et aux valeurs des plus puissants, dans un contexte où les ressources s’épuisent et le font encore plus rapidement en raison du dogme de la croissance.

Deuxième partie : l’offensive des riches : L’auteur s’attaque d’entrée de jeu à notre système électoral inéquitable qui résulte en une alternance au pouvoir de partis qui mettent en pratique sensiblement les mêmes politiques au profit des riches et des entreprises. Il poursuit en avançant que :

  • le problème budgétaire de nos gouvernements n’est pas du côté des dépenses, mais plutôt du côté des revenus;
  • le pouvoir des banques croît de plus en plus;
  • les nouvelles ententes de libre-échange avantagent les plus riches et désavantagent le reste de la population;
  • le pétrole nous asservit et détermine notre mode de vie;
  • les ressources de la Terre s’épuisent à grande vitesse et l’écosystème de notre planète se fragilise sans cesse;
  • le «Québec, comme société distincte, est en péril», notamment en raison du multiculturalisme, de la mondialisation ou du désintérêt pour l’indépendance;
  • le français est en recul au Québec, tant qualitativement que quantitativement;
  • nos ressources naturelles «sont littéralement pillées par les multinationales»;
  • «la politique de développement régional et d’occupation du territoire est un échec total» et, en conséquence, nos régions se vident;
  • les droits des autochtones sont bafoués;
  • notre agriculture est devenu une industrie comme les autres et elle nous échappe et nous empoisonne (j’ai résumé encore plus ici; rappelons que l’auteur connaît à fond ce sujet, notamment en tant que fondateur de l’Union paysanne);
  • la religion fait un retour en force au Québec;
  • les médias sont rendus une véritable usine à fabriquer le consentement aux idées des élites et les revenus tirés de la publicité semblent leur principal objectif;
  • l’État et les entreprises nous espionnent sans cesse davantage.

Troisième partie : survivre ! : Je vais continuer de la même façon. Cela correspond d’ailleurs à la façon de faire de l’auteur qui multiplie les listes! L’auteur affirme que :

  • la question n’est pas de savoir si les limites de la croissance seront atteintes, mais quand; on doit aussi se demander comment éviter ses pires conséquences;
  • nous devons reprendre le contrôle de la démocratie, actuellement contrôlée par les plus riches, pour pouvoir espérer qu’un gouvernement adopte les mesures permettant la survie de notre espèce; un des moyens les plus efficaces pour ce faire serait la mise sur pied d’une assemblée constituante indépendante;
  • nous devons aussi nous affranchir de l’objectif de la croissance à tout prix;
  • nous devons adopter une véritable économie verte (notamment en cessant de consommer de la viande) et non pas une supposée «économie verte qui maintiendrait le cap sur la croissance», ce qui «ne serait qu’une autre façon de refuser d’admettre les limites de notre planète»;
  • «il est temps de réaliser que c’est la cupidité, la compétition, la croissance à tout prix qui ont conduit notre civilisation au bord du gouffre. C’est en misant sur la solidarité et la coopération que nous aurons des chances d’inverser le processus de disparition de notre espèce qui est enclenché»;
  • la souveraineté du peuple doit s’exercer au plus bas niveau possible, «seules devant être déléguées à un niveau supérieur celles qui, de par leur nature ou leur étendue, dépassent les frontières locales ou régionales»;
  • pour bien vivre, il faut miser «sur la justice sociale, l’harmonie avec la nature, l’entente entre les communautés, la qualité de l’environnement et la participation démocratique».

Quatrième partie : une constitution écrite par le peuple : Selon l’auteur, pour que les principes énoncés dans les parties précédentes du livre puissent se concrétiser, ils doivent être inscrits dans une constitution. Cette dernière partie du livre porte justement sur les bases de la formation d’une assemblée constituante qui «doit permettre au peuple de redéfinir les règles du jeu démocratique».

Cette assemblée constituante doit reposer sur le principe de la souveraineté du peuple et non pas sur celle de l’État exercée par ses représentants élus. Pour s’assurer de l’application de ce principe, l’auteur mise sur le choix des citoyens qui formeront cette assemblée et rédigeront la constitution par tirage au sort, de façon à ce qu’elle soit «représentative, non partisane et libre de toute pression indue». Cette assemblée consultera la population ainsi que tous les membres de la société civile (organismes, syndicat, partis politiques, etc.), rédigera une constitution portant sur l’ensemble des enjeux qui confrontent notre société (la liste est longue!) et la soumettra au peuple par référendum.

L’auteur poursuit en précisant que même si l’appartenance au Canada réduirait la portée des enjeux que pourrait contenir la constitution ainsi élaborée, l’exercice demeurerait pertinent. Il ajoute que ce serait bien sûr préférable que cette constitution soit celle d’un pays…

Il donne ensuite de nombreux exemples d’assemblées constituantes (notamment en Amérique du Sud et en Gironde) et présente même quelques exemples de textes de constitutions qui pourraient émaner de ce genre d’exercice.

Conclusion : oser la souveraineté du peuple : L’auteur revient sur certaines de ses propositions et termine sa conclusion de belle façon :

«L’oligarchie économique et financière est responsable du gâchis social et environnemental dans lequel nous nous trouvons : l’éloignement et la destruction de la nature nous ont conduits au seuil de l’apocalypse. Seule la démocratie politique, sociale et économique peut nous en tirer. Il faut miser, dans tous les secteurs et à tous les niveaux, sur la souveraineté et l’autonomie du peuple, sur l’éducation et la participation démocratique, sur le respect de la nature et la collaboration avec nos frères humains partout sur cette planète, qui est notre unique demeure, notre fragile habitat, notre écoumène, notre maison commune.»

Et alors…

Lire ou ne pas lire? Moi, j’ai bien aimé, même si certaines des affirmations contenues dans ce livre mériteraient d’être nuancées. La ferveur et le dynamisme de l’auteur compensent amplement pour ces légères faiblesses dans son discours. Il demeure, que si on saute certains détails, son constat est lucide et solidaire! Même si on peut, comme dans mon cas, ne pas y apprendre beaucoup, la façon de l’auteur de regrouper et relier tous ces éléments disparates permet de se faire une idée de l’ampleur du défi qui est devant nous pour à la fois permettre à notre planète de continuer à nous accueillir et pour que notre vie sur celle-ci soit la plus conviviale possible.

4 commentaires leave one →
  1. Richard Langelier permalink
    13 juin 2016 21 h 37 min

    Lorsque Roméo Bouchard nous (les membres du comité de rédaction du manifeste du Rassemblement pour l’alternative politique) a expliqué ce principe: «on ne délègue à un niveau supérieur que ce qu’il peut faire de façon plus efficace que le niveau local», j’ai d’abord été impressionné. Par la suite, je me suis dit: «ce que les gens de Westmount et Sillery délégueront ne correspond pas nécessairement à ce que les gens de St-Henri et Limoilou délégueront». Le risque d’apartheid m’inquiète.

    Il nous a aussi expliqué que les gens des régions voient partir les ressources naturelles qui seront transformées dans le sud, sous prétexte d’économies d’échelle. Je me souviens que l’administration Trudeau-Lalonde appliquait cette politique sans vergogne: «pas de problèmes, nous compensons ces citoyens en leur accordant plus de semaines d’assurance-chômage». Félix Leclerc a composé la chanson: «La meilleure façon de tuer un homme, c’est de le payer à ne rien faire», non pas parce qu’il suggérait de mettre la hache dans le filet de sécurité sociale, mais parce qu’il s’opposait à cette politique.
    Même si on trouve un juste équilibre, sera-t-il exercé par des roitelets chez qui une once de pouvoir monte à la tête et des technocrates vivant dans une tour d’ivoire? Vaste chantier de réflexion!

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  2. 13 juin 2016 21 h 52 min

    Ta réflexion est pour moi pertinente. Je me suis souvent posé les mêmes questions, surtout sur l’inévitable émergence de «roitelets» comme tu le dis. Mais, ce problème se pose parce que nos institutions sont ainsi faites. Il faudrait bien sûr prévoir des mécanismes de contrôle démocratique (basées sur la démocratie directe) et c’est ce que Roméo Bouchard propose. Il reste à peaufiner ces mécanismes, ce qui est, de fait, un vaste chantier!

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  3. benton65 permalink
    13 juin 2016 23 h 21 min

    Pour nos gouvernements, le ruissellement de la richesse est la meilleure solution. Dans une démocratie, le rôle premier d’un gouvernement est de prendre des mesures pour amener la société à plus d’équité. Or, au lieu de travailler pour le citoyen, nos gouvernements travaillent pour les entreprises, (et la finance, et les plus nantis). Nos gouvernements (qui ne nous appartiennent plus, du moins appartiennent à une minorité) soustraient alors leurs responsabilités d’équité aux dites entreprises et à la finance.
    Le problème dans cette logique de ruissellement, c’est que la vocation première des entreprises… c’est de faire du profit! (Quoique qu’ils la redistribuent… aux actionnaires! Certains de la droite diront: « Achetez des actions! »)

    P.S.: Pour paraphraser Félix Leclerc: Au final, un actionnaire, ce n’est qu’un rentier payé… à rien faire! (Au fait, pourquoi travailler quand l’on peut faire « travailler » son argent… et mieux encore, faire travailler l’argent des autres!)

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  4. 13 juin 2016 23 h 32 min

    On s’entend!

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