La consommation de viande au Canada
On sait depuis un bout de temps que «La croissance continue de la consommation de viande dans le monde constitue la plus importante menace pour la biodiversité», comme le rapportait il y a près d’un an cet article du Devoir qui commentait une étude dont j’ai parlé dans ce billet. J’y écrivais entre autres que «L’élevage de ruminants (bovins, moutons, chèvres, buffles, etc.) est de loin l’activité de production animale la plus nocive pour l’environnement, tant par la surface qu’elle exige que par sa plus grande production de pollution et d’émission de GES». En m’apercevant que la série cansim de Statistique Canada contient deux tableaux sur la consommation de viande au Canada, je me suis dit que ce serait intéressant de savoir si la consommation de viande et de ruminants au Canada est en hausse ou en baisse. J’aurais aimé examiner aussi la situation au Québec, mais ces tableaux ne contiennent des données que pour le Canada. Pour ce billet, j’ai choisi de présenter les données d’un seul de ces tableaux, soit le 002-0011, car il présente les données en kilos par personne, ce qui évite de voir les données évoluer davantage en fonction des changements de prix ou de l’augmentation de la population qu’en fonction de la consommation réelle. En passant, ce tableau contient aussi des données sur l’évolution de la consommation de tous les autres aliments. J’y reviendrai peut-être un jour…
Consommation de viande
Compte tenu de la très grande différence du niveau de consommation des différents types de viande au Canada, j’ai décidé de réaliser deux graphiques, un avec les viandes les plus consommées et l’autre avec celles qui le sont le moins, de façon à ce qu’on puisse y voir quelque chose. J’ai aussi choisi de montrer les données en kilos désossés pour les viandes et «comestibles» pour le poisson pour que les poids soient véritablement comparables (le tableau contient aussi les données en poids total d’abattage).
Bœuf (ligne jaune) : le graphique nous montre bien que, pour la consommation de bœuf, il y a eu avant et après les Jeux olympiques de Montréal. En effet, la consommation de bœuf par personne a augmenté de 44 % entre 1960 et 1976, puis a diminué de 54 % (de 35,2 kilos par personne à 16,3 kilos, soit moins de la moitié) entre 1976 et 2015, pour une baisse globale de 25 % entre 1960 et 2015.
Poulet (ligne bleue) : la consommation de poulet, la viande qui cause le moins d’émissions de gaz à effet de serre, a augmenté constamment au cours de cette période, quoique à un rythme moins rapide depuis le tournant du siècle. Au total, sa consommation par personne a presque triplé, passant de 6,5 kilos en 1960 (et même 6,1 en 1963) à 19,2 kilos en 2015.
Porc (ligne rouge) : la consommation de porc a augmenté de 41 % entre 1960 et 1980, pour ensuite diminuer de 28 % entre 1980 et 2015, baisse en fait réalisée principalement depuis 1999 (24 des 28 points de pourcentage de baisse). Au bout du compte, la consommation de porc par personne est presque revenue au point de départ (hausse de seulement 2 % entre 1960 et 2015).
Poisson (ligne verte) : on notera que ce tableau ne fournit des données que depuis 1988; j’ai ici en fait regroupé les données sur les poissons de mer, les poissons d’eau douce et les fruits de mer; la consommation de ces produits a augmenté légèrement entre 1988 et 1999 (de 16 %), mais, à ma surprise, a diminué de 25 % par la suite (de 10,0 kilos à 7,6). Est-ce un signe de baisse de popularité ou de l’épuisement des ressources? La question se pose d’autant plus que la baisse depuis 1999 fut la plus forte du côté des poissons de mer et des fruits de mer.
Dindon (ligne bleue) : la consommation de dindon a augmenté fortement en début de période, mais a peu varié par la suite, se situant la plupart des années entre 3,0 et 3,5 kilos par personne.
Veau (ligne rouge) : la consommation de veau est beaucoup plus faible que je le pensais; en plus, elle a diminué de plus de 70 % entre 1960 et 2015, passant de 2,1 kilos à 0,6.
Abats (ligne verte) : malgré des variations annuelles importantes, il est clair que la consommation d’abats (et non pas d’ABBA…) a suivi une tendance baissière importante au cours de notre période (comme celle d’ABBA!); sa consommation a diminué de 80 % entre 1960 et 2014, avant de soudainement doubler en 2015 (pourtant, je n’ai pas entendu parler de la sortie d’un Mamma Mia! II…).
Poule à bouillir (ligne rouge vin) : la consommation de poules à bouillir a diminué de plus de moitié entre 1960 et 1986 pour ensuite augmenter graduellement pour surpasser son niveau de consommation de 1960 en 2015 d’environ 33 %.
Mouton et agneau (ligne jaune) : à lire les journaux, la consommation de ces viandes serait en hausse; pourtant, elle est moins élevée de 20 % par rapport à 1960 et de 55 % depuis son sommet de 1969. On notera que plus de la moitié de la consommation de cette viande provient d’importations, selon le tableau cansim 002-0010.
Ce dernier graphique compile la consommation de viande provenant de ruminants et de non ruminants, mis à part les poissons et fruits de mer, car les données sur leur consommation ne commencent qu’en 1988, comme mentionné auparavant. Le graphique est très clair : depuis 1976, la consommation de ruminants par personne a diminué de plus de moitié (de 53 %), alors que celle de non ruminants a augmenté de près de 30 %. Au total, la consommation de viande par personne a diminué de plus de 15 % depuis 1976.
Le tableau cansim utilisé dans ce billet contient aussi des données sur les pertes «qui peuvent survenir dans les points de vente au détail, les foyers, lors de la cuisson et dans l’assiette». Par contre, comme Statistique Canada prévient que ces données sont fournie «à titre expérimental» et doivent être utilisée avec prudence, et que j’ai observé que les taux de pertes sont presque identiques d’une année à l’autre (entre 18 % pour le poulet et 45 % pour les fruits de mer), j’ai jugé l’exercice peu fiable.
Et alors…
Le bilan de cet exercice est mitigé. D’un côté, on ne peut que se réjouir de la baisse de consommation de viande par personne depuis son sommet de 1976 et surtout de celle de plus de la moitié qui provient de ruminants, baisse qui passe toutefois de 53 % à 28 % quand on tient compte de l’augmentation de la population (selon le tableau cansim 051-0001). De l’autre côté, cette consommation demeure énorme, soit de plus de 67 kilos par personne (en incluant cette fois les poissons et les fruits de mer, mais pas les viandes non mentionnées dans ce tableau, comme le cheval, le bison, etc.), dont 17,6 kilos de viande provenant de ruminants (ce qui représente l’équivalent de 152 hamburgers quart de livres par personne par année…). La direction est bonne, mais sa progression est lente, très lente…
Il est intéressant de comparer ces statistiques avec une étude réalisée en 2005, «Tendances alimentaires au Canada d’ici à 2020 Perspectives de la consommation à long terme», notamment le tableau de la page iv. (http://tinyurl.com/hva336d) Pour ce qui est de la consommation moyenne par personnes, il faudrait pouvoir exclure les végétariens et les végétaliens dont le nombre va en croissant. Quoique nous serions à peine 4-5% à faire ce choix.
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Merci pour le lien. Je préfère toutefois le graphique de la page numérotée 48 (Figure 7.3) au tableau que vous mentionnez. En fait, les prévisions sont assez bonnes pour la volaille et le boeuf, pas trop mal pour le porc (ils prévoyaient une consommation stable alors qu’elle a diminué légèrement), mais complètement erronées pour le poisson (ils prévoyaient une hausse et il y a eu une baisse quand même importante). Je dois dire que, comme je l’ai écrit dans le billet, cette baisse m’a surpris.
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D’autant plus étonnante, la baisse de la consommation de la catégorie poisson, qu’on lit ce qui suit à la page 5 du bulletin BioClips + Volume 16, numéro 1 – février 2014 – du MAPAQ: «En 2011, les poissons et autres produits marins représentaient 3,8 % de la valeur du panier d’épicerie des Québécois par rapport à 3,3 % en 2001.» (http://tinyurl.com/hmnujs8). Par contre, on lit dans le dernier Bottin statistique de l’alimentation du MAPAQ (édition 2015) que la part des poissons et fruits de mer dans les dépenses alimentaires en 2013 est de 3,1% (page 19, http://tinyurl.com/h2jvkce). Il est bien possible que les chiffres pour l’ensemble du Canada occulte la situation au Québec. À ce propos, le bottin publié en 2015 précise en page 4 que «la part de l’alimentation (aliments et boissons non alcoolisées) dans les dépenses totales des ménages québécois s’élève à 12%, ce qui est un peu plus que la moyenne canadienne (10%).»
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Selon «Les pondérations du panier de l’Indice des prix à la consommation», la part des achats de poissons dans le panier de consommation est demeurée assez stable tant au Québec qu’au Canada entre 1986 et 2013. Mais, cette stabilité peut aussi bien vouloir dire une hausse de prix jointe à une baisse de quantité. De fait, l’inflation fut un peu plus forte pour les poissons que pour l’ensemble des prix (quoique la différence est bien mince, doublement des prix pour le poisson entre 1986 et 2015 par rapport à une hausse de 93 % pour l’ensemble).
Quant à la part du poisson (sans les fruits de mer) dans les achats d’aliments achetés au magasin, elle est passée de 3.1 % en 1986 à 2,7 % en 2013 au Canada et fut la même à 3,2 % au Québec en 1986 et en 2013, quoique cette proportion était tombée à 2,2 % en 2011.
Les achats d’aliments au magasin auraient plutôt représenté 13,6 % des achats au Québec et 11,6 % au Québec, selon «Les pondérations du panier de l’Indice des prix à la consommation». C’est cela quand on utilise des sources différentes (le MAPAQ utilise les données de l’Enquête sur les dépenses des ménages). En passant, le montant des achats est à peu près le même au Québec et au Canada selon le fichier utilisé par le MAPAQ, mais est divisé par un montant plus élevé au Canada.
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Difficile pour une profane de s’y retrouver 😉
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