Les radicaux libres
Les radicaux libres de Jean-François Nadeau regroupe une cinquantaine de textes pour la plupart déjà parus dans Le Devoir ou dans d’autres médias, mais remaniés. Il ne me sera donc pas possible de tous les résumer. Je vais plutôt, comme je le fais parfois, me contenter d’en citer quelques extraits.
Sur Margaret Thatcher :
«la dame de fer a accouché d’une société mesquine qui connaissait le prix de toute chose, mais en ignorait la valeur»
Sur les manifestations, en pensant à Michel Chartrand :
«(…) le désordre social le plus profond, celui qu’il faut vraiment combattre, ne tient pas à l’action d’une poignée de manifestants qui cherchent de l’air comme ils peuvent pensant que la société les étouffe»
Sur ceux qui s’indignent que 49 % des Québécois.e.s éprouvent des difficultés à lire et à comprendre l’information lue :
«(…) on a appris collectivement en Occident à stigmatiser l’analphabète, à le considérer comme une sorte de paria, à le classer comme un sous-homme inapte à la vie moderne, et donc à le combattre.»
Sur les commentaires de Réjean Tremblay qui conseillait au gouvernement du Québec d’imiter la Jamaïque en raison du succès de leurs coureurs aux Olympiques et de François Legault qui recommandait le modèle asiatique pour qu’on devienne plus productifs :
«(…) il s’agit au fond de l’expression d’un même mythe : celui du travail individuel capable de conduire, par un effet d’aspiration, une société vers une forme de réussite globale – cette dernière ramenée à la satisfaction de nantis qui confondent leur bonheur personnel avec celui d’une collectivité.»
Dans un texte sur les abeilles et le miel, qui est «le symbole fort des fruits sacrés du travail», symbole utilisé notamment par le «mouvement» Desjardins :
«Nous sommes passés d’une société solidaire à un monde atomisé. Les objectifs communs sont désormais modelés selon les besoins d’une caste de rentiers préoccupés par un hédonisme qu’elle fait payer bien cher à tous. Le fétichisme marchand et le divertissement, aspirations suprêmes de ces privilégiés, ont conduit à la propagation des mesures d’austérité, apparente nécessité pour que le cap soit maintenu sur de pareilles insignifiances. (…) Nous voici à l’heure où ces gens veulent déposer les armes de l’État aux pieds des puissances privées, oubliant ainsi que non seulement les institutions publiques créent de la richesse, mais qu’elles sont aussi un moyen d’accomplir des fins sociales, comme la justice, l’égalité et la liberté. Il y a urgence pour que nous puissions redécouvrir ensemble la douceur du miel.»
Réagissant à des déclarations de Xavier Dolan et de Luc Langevin sur l’importance de croire à nos rêves, dans un contexte où trop d’artistes manquent de travail :
«Le monde n’est pas une constellation d’individus qui sont tous, comme des étoiles, le foyer de leur rayonnement. Même en le voulant très fort, peu de cinéastes iront un jour à Cannes. (…) En fait, recommander de faire confiance à ses rêves n’est qu’une mystification de plus au service de tous les grands illusionnistes de notre société. (…) Entretenir les rêves de chacun, soutenir que cela ouvre, à terme, de réels débouchés, cela donne le sentiment commode de n’avoir aucune responsabilité dans la débâcle générale des possibilités réelles qui s’offrent aujourd’hui aux individus de changer leur vie (…). (…) On ne change pas la réalité en croyant à Cannes ou aux bonnes cartes qu’on tirerait soudain d’un jeu social truqué.» (Non, quand on veut, on ne peut pas toujours…)
Face à la décision d’un ministre japonais de faire fermer des départements de sciences humaines et sociales dans les universités de ce pays, et aux compressions de notre gouvernement en éducation :
«Les nouveaux capitalistes qui règnent sur le monde sont prêts à sacrifier partout l’école afin de soutenir une idéologie qui n’est en fait que de l’arithmétique. Ils racontent que nous allons toucher une nouvelle rive, poser le pied sur un nouvel Éden. En réalité, c’est un naufrage auquel nous assistons. Saoulés par leur propre discours, ils réclament que nous nous mouillions jusqu’au cou pour les sauver alors qu’il conviendrait plutôt de les jeter à l’eau.»
Et alors…
Lire ou ne pas lire? Habituellement, je l’ai déjà dit, je ne raffole pas des recueils de textes d’un même auteur. Mais, là, j’ai été envoûté… Malgré la grande variété des thèmes abordés dans ce livre, on embarque instantanément dans le sujet de chaque texte dès ses premières lignes. Cela montre aussi bien la pertinence des textes que la qualité de l’écriture de l’auteur. Même si les thèmes sont variés, l’histoire y occupe une place prépondérante, ce qui n’est pas étonnant, car cela correspond à la formation de l’auteur. Pas long à lire, ce petit livre mérite sans contredit le détour.
Oh oui, je vais l’acheter tout de suite.
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Moi, je l’ai loué… 😉
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