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Jeanne-express : Le réseautage

3 septembre 2016

réseautageL’été s’achève et je n’ai pas encore écrit au cours de cette saison un seul billet sur une expression qui me tape sur les nerfs! Pire, je n’en ai écrit qu’un en 2016, et il date de janvier! Et tant qu’à reprendre la rédaction de billets sur les expressions, pourquoi ne pas faire revivre mes Jeanne-express que je n’ai pas utilisés depuis encore plus longtemps (près de deux ans, si je ne m’abuse…)?

En fait, si je n’ai pas écrit de billet sur les expressions qui me tape sur les nerfs depuis un bout, ce n’est surtout pas parce que j’ai vidé ma célèbre liste des expressions que j’y ai notées, loin de là : il m’en reste au moins une dizaine. L’expression du jour est la plus récente dans cette liste, mais devrait y être depuis quelques années…

Je réseaute, tu réseautes…

Je suis désolé, mais mon site favori pour présenter des définitions n’en trouve pas pour les mots réseautage et réseauter… Quel dinosaure! En effet, Google trouve pas moins de 3 460 000 résultats avec ce mot et 449 000 avec «activités de réseautage» et même 88 300 avec cette expression entre parenthèses!

Selon le wiktionnaire, le réseautage est un «Ensemble d’activités ayant pour but de multiplier les contacts professionnels». Cela est bien beau, mais comment cela se concrétise-t-il? Selon la Jeune chambre de commerce de Québec, le réseautage peut aussi bien se faire par des déjeuners-conférences, des rencontres dans des clubs fermés et lors de 5 à 7. L’Ordre des ingénieurs du Québec élargit ce spectre à des activités sportives (quoi de mieux que de transformer une compétition sportive en concurrence entre travailleurs?), des activités gastronomiques (il n’y a probablement rien de mieux que de parler d’affaires pour la digestion…), des activités des femmes (toutes pour une, toutes pour les affaires!) et même à des activités familiales (il faut préparer nos enfants aux affaires le plus tôt possible!). On en fait bien sûr aussi sur Internet (pas pour s’amuser, bien sûr!) ou en discutant informellement entre collègues (si un patron nous reproche de perdre notre temps, on peut lui répondre qu’on réseaute!). Et quoi de mieux que de réseauter durant un party de Noël, que ce party se déroule en famille (au cours duquel, bien sûr «le sujet de conversation privilégié est le TRAVAIL») ou au bureau (en effet, «toutes les sphères de notre vie sont propices au réseautage», n’est-ce pas?)?

En plus, on vous offre maintenant des formations qui vous apportent «des techniques concrètes et efficaces pour multiplier plus rapidement vos contacts» et on vous donne des conseils pour pouvoir «améliorer vos compétences en réseautage d’affaires». Sachez que de nos jours, «Ce n’est pas ce que vous savez qui compte, mais bien qui vous connaissez» (et cela n’a bien sûr pas toujours été le cas…) et que «Vous devez voir cela comme un investissement et non comme un coût» (non, non, on ne parle pas des dépenses en éducation ou en santé, mais bien en développement de compétences pour bien utiliser nos connaissances pour faire plus d’argent…).

Et alors…

Non seulement le néolibéralisme ambiant favorise-t-il l’individualisme et brise-t-il les solidarités historiques entre les êtres humains, mais il s’immisce maintenant dans toutes nos activités sociales. Plus moyen d’aller prendre une bière avec des collègues pour simplement faire connaissance et échanger sur des sujets qui n’ont rien à voir avec le travail, mais on doit profiter de ces moments de relaxation pour stresser!

Rendez-moi le plaisir d’échanger sans que ce soit pour faire avancer ma carrière ou mes profits! À bas la marchandisation de nos 5 à 7!

4 commentaires leave one →
  1. bimi permalink
    3 septembre 2016 10 h 53 min

    En fait, le réseautage a toujours existé, sous d’autres noms. Tout individu qui tente de pousser une idée cherche des collaborateurs, tente de construire une association qui donnera plus de poids à une vision…

    Plusieurs initiatives sont nées grâce à la mise sur pied d’abord d’un réseautage qui s’est muté en action. Le mot ne m’énerve pas autant que vous…

    Voir cet exemple d’action qui cherche à augmenter son réseautage : Villeray en transition

    Là où j’adhère à votre douce colère, c’est que ce vocabulaire est trop souvent l’apanage de l’homo économicus; et de ce fait déborde dans toutes les sphères de l’activité humaine et occulte les contacts, les relations autres qu’utilitaristes : comme si chaque bonjour, chaque poignée de main étaient asservis à un projet de carrière… Comme si une entrée en relation avec l’autre devait être à plus ou moins court terme rentabilisé !

    Comment ne pas se souvenir de ce passé où les aristocrates qui contrôlaient les nations, arrangeaient leur vie jusqu’à leur mariage pour satisfaire à des besoins politiques? En ces temps, la génétique générait les assises de la puissance politique… Cette mécanique génétique a maintenant été remplacée par de puissantes associations aux vies plus chaotiques dont les visées se déploient dans une domination économique.

    Ces mots («réseautage» et ses extensions), qui sortent droit du giron informatique, sont à la mode; sont employés à toutes les sauces. Ces mots me heurtent peu, c’est la sauce qui les accompagne qui me laisse souvent un arrière-goût amer, mais pas toujours…

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  2. 3 septembre 2016 11 h 21 min

    Bien sûr que le réseautage a toujours existé! C’est d’ailleurs le sens de la parenthèse ironique dans cet extrait «Ce n’est pas ce que vous savez qui compte, mais bien qui vous connaissez» (et cela n’a bien sûr pas toujours été le cas…)». J’ai dû avoir au moins quatre emplois grâce à mes contacts. Mais, je n’ai pas établi ces contacts dans ce but!

    Par ailleurs, j’ai inscrit ce billet dans la catégorie «Humour» pour bien montrer qu’il ne faut pas le prendre au sérieux, même si l’institutionnalisation (si je peux dire) du réseautage et son utilisation à toutes les sauces (comme vous le dites) me tape vraiment sur les nerfs!

    Autre exemple : mon punch «À bas la marchandisation de nos 5 à 7!» est en fait un peu ironique, puisque les bars qui offrent des pris réduits de 17 h à 19 h le font bien sûr pour des raisons marchandes. Cela dit, il est clair dans le contexte que je parle de la marchandisation des relations qui s’établissent lors de cette activité marchande…

    Merci pour cet éclairage!

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  3. 3 septembre 2016 12 h 05 min

    J’adorrrrrrre !

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  4. 3 septembre 2016 12 h 10 min

    Merci!

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