Les compétences non cognitives, l’éducation et le marché du travail
Dès que j’ai vu le titre du document que je vais présenter dans ce billet, soit Seven Facts on Noncognitive Skills from Education to the Labor Market (Sept constats au sujet de l’impact des compétences non cognitives sur l’éducation et sur le marché du travail), je me suis douté que j’en parlerais ici. Et je ne m’étais pas trompé!
Introduction
Les compétences cognitives, comme celles en mathématiques ou en lecture, font toujours l’objet de tests ou d’examens dans le milieu scolaire, et sont considérées comme essentielles à la réussite scolaire et au succès sur le marché du travail. Elles sont aussi associées à des revenus supérieurs tout au long de la vie. Par contre, on se préoccupe moins des compétences non cognitives (qui peuvent être sociales, émotionnelles ou comportementales, comme la persévérance, la conscience, la maîtrise de soi et bien d’autres) même si elles jouent un rôle aussi important à cet égard.
Si les compétences non cognitives sont en partie innées (on trouve d’ailleurs une forte corrélation entre la scolarité des parents et ces compétences, même si cette corrélation est moins accentuée qu’avec les compétences cognitives), elles peuvent aussi être développées. Les sept constats présentés dans ce document montreront leur importance.
Les sept constats
1. La demande de l’économie de compétences non cognitives est en hausse : Le graphique ci-contre montre que :
- depuis 30 ans, les exigences sur le marché du travail liées aux tâches routinières (ligne turquoise) sont en forte baisse de façon presque linéaire;
- celles liées aux mathématiques (ligne mauve), c’est-à-dire associées aux raisonnements analytiques non routiniers, ont crû à un bon rythme de 1980 à 2000, mais sont demeurées assez stables par la suite;
- celles liées aux services (où on travaille avec ou pour d’autres personnes) sont celles qui ont le plus augmenté (ligne verte), mais seulement un peu plus que celles associées aux compétences sociales (ligne orange), alors que les exigences pour cette dernière compétence tendent à plafonner depuis 2000.
Les auteurs (il y en a cinq) ajoutent qu’une étude récente a montré que ce sont les professions qui exigent à la fois des compétences mathématiques et sociales qui connaissent les croissances les plus fortes. Malheureusement, l’évaluation en milieu scolaire se concentre presque uniquement sur les compétences cognitives laissant trop souvent de côté ce qui n’est pas évalué, dont les compétences non cognitives.
2. Les compétences non cognitives influencent le revenu obtenu sur le marché du travail : Le graphique ci-contre montre le lien avec le revenu des compétences cognitives (points vert pâle) et des compétences non cognitives (points bleus). On voit que ce graphique indique dans les deux cas une forte corrélation entre le niveau de compétence (présenté en décile dans le graphique) et le niveau de revenu, quoique le lien est plus fort entre les revenus et les compétences cognitives et l’est moins entre les revenus et les compétences non cognitives. Les auteurs précisent que les compétences non cognitives utilisées ici sont l’extraversion, la participation à des activités parascolaires et le lieu de maîtrise.
Ce qui est pour moi encore plus intéressant est de constater que le coefficient de corrélation entre la position d’une personne donnée dans chacun de ces deux types de compétences est de seulement 0,13. Cela veut dire que les personnes qui se classent bien dans les compétences cognitives ne se classent pas nécessairement bien dans les compétences non cognitives. «Ceux dans le 10 % des capacités cognitives les plus élevées seront, en moyenne, seulement au 67e percentile des compétences non cognitives, tandis que ceux dans le 10 % le plus bas des capacités cognitives seront au 32e percentile des compétences non cognitives». On ne peut donc pas travailler à l’amélioration des compétences cognitives en pensant que les compétences non cognitives s’amélioreront automatiquement.
3 . Le marché du travail récompense de plus en plus les compétences non cognitives : Le graphique ci-contre montre que, si les compétences cognitives (barres à la droite) apportent un avantage plus grand que les compétences sociales (qui font partie des compétences non cognitives) sur le plan du travail à temps plein, cet avantage a bien plus augmenté pour ces dernières compétences que pour les premières entre les personnes nées entre 1957 et 1964 (barres pâles) et celles nées entre 1980 et 1984 (barres foncées). Les auteurs montrent aussi une hausse plus grande pour d’autres compétences non cognitives, comme la participation à des activités parascolaires et l’extraversion. Les auteurs ajoutent que la hausse la plus grande de l’emploi à temps plein s’observe chez les personnes qui se classent bien dans les deux types de compétences.
4. Les compétences non cognitives améliorent considérablement la réussite des études : Le classement dans les compétences non cognitives améliore considérablement le taux de réussite des études secondaires (barres vert foncé) et postsecondaires (barres vert pâle).
5. L’apprentissage des compétences non cognitives améliore la réussite scolaire et réduit les problèmes de comportement : Les écoles qui mettent en œuvre des programmes d’apprentissage des compétences non cognitives (compétences sociales et émotionnelles, autorégulation, vigilance, etc.) constatent une amélioration de la réussite scolaire et une réduction des problèmes de comportement et de la détresse émotionnelle. On peut voir les graphiques associés à ce constat à la page numérotée 5 (la onzième) du document. Ces expériences montrent clairement que les compétences non cognitives peuvent être enseignées et être améliorées.
6. Les interventions préscolaires mettant l’accent sur le développement des compétences cognitives et non cognitives ont des avantages économiques à long terme pour les participants : Ces avantages se concrétisent aussi bien du côté de la réussite scolaire et du succès sur le marché du travail que de celui de l’amélioration de la santé, de l’augmentation de l’activité physique et de la diminution des arrestations.
7. La capacité d’un enseignant d’améliorer les compétences non cognitives a plus d’effet sur les taux d’obtention du diplôme que ne le fait de sa capacité à améliorer les résultats à des tests : C’est clair!
Et alors…
Sans être exhaustive, cette étude montre clairement à quel point le réseau scolaire qui cherche de plus en plus à axer ses interventions sur les connaissances et compétences «utiles» fait fausse route. L’apprentissage des compétences non cognitives ne permet pas seulement d’améliorer les résultats scolaires et le succès sur le marché du travail, mais aussi de réduire le stress, d’améliorer la santé et de doter les jeunes d’outils pour en faire de «meilleurs» citoyens. J’aurais d’ailleurs aimé que l’étude étudie davantage cet aspect des gains que permet de faire l’apprentissage des compétences non cognitives. Mais bon, n’en demandons pas trop à une petite étude d’une quinzaine de pages!
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