Les résultats des élèves québécois au PISA 2015 (2)
Dans le premier billet de cette série de deux, j’ai montré que, même en prenant les hypothèses les plus conservatrices, on ne peut pas rejeter complètement les résultats des élèves québécois de la version 2015 du Programme international pour le suivi des acquis des élèves (PISA), même si seulement 51,7 % des écoles québécoises sélectionnées ont participé aux tests de ce programme, alors que la norme est de 85 %. Par contre, on doit faire ce que le consortium international du PISA conseille, soit de traiter ces résultats «avec circonspection, en raison d’un possible biais de non-réponse». J’ai aussi montré que ce verdict touche en fait les résultats en sciences, possiblement aussi en mathématiques, mais pas du tout en lecture. Je vais donc présenter dans ce billet certains de ces résultats, mais en évitant ceux en sciences, les plus sujets à la réserve du consortium.
Quelques résultats
En lecture, les élèves québécois ont eu un résultat global de 532, ce qui les classe au quatrième rang sur 81 territoires (les 10 provinces canadiennes et 71 pays), derrière deux provinces canadiennes (la Colombie-Britannique et l’Alberta) et Singapour. Ce résultat aussi peut sembler suspect, mais l’analyse de la non-réponse a conclu qu’aucun écart significatif n’a été noté dans les scores des répondants du PISA en français et ceux de l’ensemble des élèves du Québec. En mathématiques, les élèves québécois ont eu un résultat global de 544, ce qui les classe au troisième rang derrière Singapour (loin devant avec 564) et Hong Kong (la province canadienne qui s’est classée juste derrière le Québec, soit la Colombie-Britannique, n’a atteint que 522). Malheureusement, l’analyse de la non-réponse n’a pas du tout porté sur les résultats en mathématiques. Mais, comme le Québec s’est toujours bien classé dans cette discipline (entre 536 et 543 de 2003 à 2012), il serait douteux que ce résultat soit beaucoup trop élevé. D’ailleurs, le graphique qui suit (tiré de la page numérotée 40 du rapport) fournit des arguments dans ce sens.
Ce graphique montre que les meilleurs Québécois (le 90e centile) surpassent nettement ceux des autres provinces (652 par rapport à 631 en Colombie-Britannique). Il serait étonnant que l’ajout d’écoles, dont certaines étaient moins fortes, eût pu faire diminuer de plus de 20 le résultat du 90e centile. De même, le résultat du 10e centile du Québec (426) n’aurait pas pu non plus rejoindre celui qui arrive au deuxième rang (412 en Colombie-Britannique) et surtout pas celui des autres provinces qui est toujours sous la barre des 400.
– selon la langue du système scolaire
Ce tableau est probablement le plus révélateur de ceux que je voulais montrer ici. Il illustre les différences énormes entre les résultats des francophones et des anglophones, surtout en lecture. On remarquera que la moyenne canadienne est presque identique en lecture dans les systèmes anglophone (527) et francophone (526), mais que cette égalité est trompeuse. En effet, cette quasi-égalité n’est due qu’à la performance légèrement supérieure des francophones au Québec (533 par rapport à 523 pour les anglophones) et à leur forte concentration dans cette province. Je dis bien légèrement, car, si on tient compte de l’erreur-type, elle n’est pas statistiquement significative (comme le montre l’absence de caractère gras au -10 dans la dernière colonne). L’écart mentionné dans le rapport (à la page numérotée 53) entre la participation aux tests du PISA des écoles francophones et anglophones pourrait peut-être expliquer cet écart. Par contre, les résultats des anglophones sont significativement supérieurs à ceux des francophones dans quatre des six autres provinces du tableau, et par une marge importante (allant de trois à cinq fois la somme des erreurs-types). Par ailleurs, je ne comprends pas que l’écart ne soit pas statistiquement significatif au Nouveau-Brunswick, puisqu’il est supérieur à la somme des deux erreurs-types (16 et 12,9), alors que l’écart dans la dernière province, la Colombie-Britannique, est à peine un peu inférieur à la somme des deux erreurs-types, soit 20/20,5.
En mathématiques, les seules différences significatives sont à l’avantage des francophones, et pas seulement au Québec, mais aussi au Nouveau-Brunswick. Les résultats sont aussi meilleurs chez les francophones de la Colombie-Britannique, mais pas de façon statistiquement significative. Dans les autres provinces, les écarts favorisent les anglophones, mais jamais de façon significative (quoique la somme des erreurs-types en Ontario soit inférieure à cet écart (10,9 par rapport à 14). Ces résultats sont troublants… Ils montrent sans doute que c’est en lecture que les francophones sont les plus désavantagés dans les provinces anglophones.
– selon le sexe
En lecture, comme d’habitude, les filles ont de bien meilleurs résultats que les garçons, et cela, dans toutes les provinces et toujours de façon statistiquement significative. La similitude des écarts (allant de 18 à 36) est tout de même étonnante. Une version antérieure du PISA, celle de 2000, je crois, associait ces résultats à différents facteurs, dont le fait que les filles lisent plus et aiment plus la lecture.
À l’inverse, les garçons ont de meilleurs résultats que les filles en mathématiques, dans presque toutes les provinces (les deux sont égaux dans l’Île-du-Prince-Édouard), la différence n’étant toutefois statistiquement significative que dans la moitié des provinces, dont au Québec. Ce qu’il y a de plus remarquable ici, c’est que le résultat des filles du Québec se démarque autant que celui de ses garçons des résultats des filles des autres provinces. Et cela était aussi le cas dans les versions précédentes du PISA (voir par exemple les pages numérotées 73 à 75 du rapport de 2012). Il doit y avoir quelque chose de différent au Québec…
Et alors…
Dans le premier billet de cette série de deux, j’ai cité Eugide Royer, professeur à la faculté des sciences de l’éducation de l’Université Laval, qui rejette non seulement les résultats du PISA 2015, mais aussi ceux des versions précédentes, car ces «résultats, selon lui, ne sont pas compatibles avec le faible taux de diplomation des écoles québécoises». Il y a pourtant une hypothèse qui rendrait ces deux faits compatibles. Et si l’enseignement au Québec était plus exigeant qu’ailleurs? Par exemple, les bons résultats des élèves du Québec, surtout en mathématiques, sont peut-être la conséquence du fait qu’ils auraient étudié en classe plus de concepts mathématiques et autres dont la connaissance est testée par le PISA que les élèves des autres territoires. De même, ces exigences plus élevées pourraient aussi expliquer le taux de diplomation plus faible au Québec, ce diplôme étant plus difficile à obtenir.
Le tableau ci-contre est tiré du tableau A3 de la page 22 d’une étude de Statistique Canada réalisée dans le cadre de l’Enquête auprès des jeunes en transition (EJET). Cette enquête suivait sur une longue période des jeunes ayant participé à la version de 2000 du PISA (enquête dite longitudinale). La première colonne indique le résultat obtenu en lecture lors du PISA 2000 lorsque ces jeunes avaient 15 ans et la deuxième le pourcentage de ces jeunes qui avaient obtenu un diplôme d’études secondaires (DES) quatre ans plus tard, quand ils avaient 19 ans.
Ce tableau montre que 62 % des jeunes du Canada ayant eu un résultat de 1 ou moins au PISA 2000 en lecture avaient tout de même obtenu un diplôme d’études secondaires (DES) quatre ans plus tard. Ce taux était de seulement de 30 % au Québec, ce qui signifie que ce taux atteint en fait 70 % dans le reste du Canada (j’ai communiqué à l’époque avec un des auteurs de cette étude notamment pour obtenir le nombre de jeunes au Québec et au Canada pour faire ce calcul). Et, cet écart est en fait encore plus spectaculaire quand on tient compte du fait que l’obtention du DES prend un an de plus dans les autres provinces qu’au Québec. De même, le taux d’obtention du DES a aussi été inférieur au Québec pour les jeunes qui avait atteint le niveau 2 au PISA (60 % par rapport à 77 %), mais s’est effacé complètement pour ceux ayant atteint les niveaux 4 et 5. Cette série d’observations va drôlement dans le sens de mon hypothèse que l’enseignement serait plus exigeant au Québec!
Bon, cela n’est qu’une hypothèse. Il faudrait étudier attentivement le contenu des cours du secondaire dans toutes les provinces pour la valider. Mais, il demeure qu’elle cadre très bien avec toutes les observations sur le PISA et sur le taux de diplomation plus faible au Québec. Mais, elle va tellement à l’encontre des idées reçues que pas grand monde lui portera la moindre attention…
Hypothèse fort intéressante . De fait, peu de journalistes approfondiront l’analyse comme tu le fais, et très peu d’universitaires aussi. Merci de veiller au grain. Et bonne année de lectures!
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Comme je l’ai mentionné dans le billet précédent en présentant les lectures fort différentes de ces résultats de quatre professeurs du milieu de l’enseignement, «il y en a pour tous les goûts et on peut choisir notre expert favori selon ce qu’on préfère entendre.». Ils ne semblent pas analyser ces résultats pour approfondir leurs connaissances, mais plutôt chercher dans ces résultats les éléments qui appuient leurs perceptions.
Quant à mon hypothèse, je la traîne depuis une quinzaine d’années et les faits semblent l’appuyer. Cela dit, d’autres facteurs que je ne connais pas pourrait expliquer ces observations.
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«Il y a pourtant une hypothèse qui rendrait ces deux faits compatibles. Et si l’enseignement au Québec était plus exigeant qu’ailleurs?»
Wow. Je m’intéresse (en amateur) à la question de la qualité de l’enseignement des mathématiques au Québec et je trouve cette hypothèse fort intéressante. D’ailleurs je m’étonne de n’y avoir jamais pensé.
Comment pourrait-on s’y prendre pour étudier cette hypothèse avec rigueur? Une étude attentive du contenu des cours du secondaire dans toutes les provinces serait effectivement une bonne piste, mais ce serait plutôt complexe à mener j’ai l’impression.
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«Comment pourrait-on s’y prendre pour étudier cette hypothèse avec rigueur? »
Je n’en ai aucune idée! C’est en effet complexe. Cela dit, j’ai toujours suivi les études de mes enfants et ai constaté que le contenu de leurs cours de maths était bien plus exigeant qu’à mon époque. Mais, cela ne prouve rien, car cela pourrait être le cas ailleurs.
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«le contenu de leurs cours de maths était bien plus exigeant qu’à mon époque»
L’arrivée de la calculatrice nous a quand même libéré beaucoup de temps pour réfléchir au lieu de «bêtement» calculer «5412 + 12*log(27)» à la main (et en s’aidant de table de calculs) 🙂
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C’est de fait probablement un des facteurs qui ont joué.
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Effectivement, ça fait du bien de lire ton hypothèse parce que ça fait changement de l’habitude « fouettage » sur les écoles québécoises.
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Je l’ai établie sans objectif, mais uniquement parce que c’est la seule qui concilie toutes ces observations. Mais, tant mieux si elle fait du bien!
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