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Une crise agricole au Québec

17 juillet 2017

Pour les auteurs du livre Une crise agricole au Québec. Vers la fin des fermes laitières traditionnelles ?, Simon Bégin, Yannick Patelli et Yan Turmine (tous trois associés à la revue La Vie agricole), la menace qui plane sur la gestion de l’offre en agriculture «met en danger la qualité de nos produits laitiers, la survie de milliers de fermes familiales et l’existence même de nombreux villages en région – avec, à la clé, une facture salée pour les contribuables quand il faudra payer les pots cassés».

Préface : Jean Pronovost, qui a présidé de 2006 à 2008 la Commission sur l’avenir de l’agriculture et de l’agroalimentaire québécois (CAAAQ), montre entre autres que, si le secteur agroalimentaire n’a plus au Québec l’importance qu’il a déjà eue, il contribue toujours aux besoins de base de ses communautés et demeure essentiel pour assurer son indépendance alimentaire. Il nous rappelle que les choix que nous avons faits pour encadrer ce secteur datent maintenant de 40 à 50 ans et devraient être revus en tenant compte des intérêts de toutes les personnes touchées (consommateurs, producteurs, gouvernement, etc.).

Avant-propos : Avec ce livre, les auteurs veulent montrer que la question de la gestion de l’offre touche toute la population du Québec. Ils rappellent que la gestion de l’offre encadre environ 40 % de la production agricole du Québec (lait, œufs et volaille). Cela dit, ce livre portera surtout sur le secteur de la production laitière. Les auteurs poursuivent en présentant brièvement les sujets qui seront abordés dans les prochains chapitres.

Première partie, la gestion de l’offre et vous

Un modèle en péril : Les auteurs présentent tout d’abord l’importance économique de l’industrie agroalimentaire et plus particulièrement de celle de la production laitière qui en fait partie. Ils montrent ensuite à quel point la situation des exploitants agricoles était déplorable par rapport à la situation actuelle avant l’établissement de la gestion de l’offre, il y a environ 50 ans. Cette amélioration est aussi due à la protection du territoire agricole, à l’assurance récolte et à l’assurance stabilisation des revenus, mais, selon eux, la gestion de l’offre en fut le facteur déterminant.

Une crise profonde : Selon Claude Béland, ex-président du Mouvement Desjardins, la crise actuelle (dont les attaques contre la gestion de l’offre ne sont qu’une des manifestations) est une conséquence de l’idéologie dominante «qui place l’individu et non plus la collectivité au cœur de l’économie» et qui «remet en cause la légitimité et la capacité des sociétés à réguler les forces du marché au nom du bien commun». Ce chapitre contient aussi une opinion de Mathieu Bock-Côté (qui en a une même s’il reconnaît ne pas être familier avec l’univers de la gestion de l’offre) et des avis contradictoires d’économistes.

Qu’est-ce donc que la gestion de l’offre? : La gestion de l’offre repose sur trois piliers : «le contrôle de la production, le contrôle des frontières et la négociation du prix à la ferme en fonction du coût de production». Cela semble simple, mais cela se complique énormément quand ces piliers sont appliqués, comme le reste du chapitre nous l’explique bien. Les auteurs développent aussi sur des avantages autres qu’économiques du système de gestion de l’offre et sur certains dangers qui le menacent.

Payons-nous notre lait trop cher? : Oui, nous le payons plus cher qu’à certains endroits aux États-Unis, mais pas toujours, pas de beaucoup et pas nécessairement en raison de la gestion de l’offre. Les auteurs apportent les nuances qui s’imposent dans ce type de comparaison. Ils présentent ensuite la situation dans d’autres pays sans gestion de l’offre et montrent qu’aucun ne vit l’eldorado promis par les promoteurs du laisser-faire. La situation est particulièrement mauvaise en Europe où on a justement abandonné un système de gestion de l’offre en 2015.

Les grands enjeux : Ces enjeux que les auteurs abordent dans ce chapitre sont l’occupation du territoire, la sécurité alimentaire, l’économie nationale et les finances publiques.

Deuxième partie, les causes de la crise :

La tempête parfaite : La tempête parfaite actuelle (texte écrit en septembre 2016) est le résultat de la conjonction de différents faits (surtout liés aux ententes internationales) que les auteurs présentent dans ce chapitre et développent dans les suivants.

Le lait diafiltré, ennemi public no 1 : Le lait diafiltré est un produit de protéines laitières qui contourne les règles encadrant les importations de produits laitiers. Son importation des États-Unis représente la plus grande menace pour la rentabilité des producteurs laitiers canadiens et surtout québécois. Les auteurs expliquent dans ce chapitre les effets directs (pertes de marchés) et indirects (baisse des prix d’autres produits laitiers) de l’évitement des frais douaniers par les importateurs de lait diafiltré.

Place au lait diafiltré canadien! : Les auteurs présentent une entente récente permettant de remplacer le lait diafiltré des États-Unis par du lait diafiltré canadien, mais payé au prix des États-Unis. Cette entente étant encore en négociation quand le livre a été écrit, ils ne peuvent pas en dire beaucoup plus. Ils expliquent ensuite les conséquences (essentiellement négatives) de cette entente pour les producteurs du Québec en présentant les différentes formes qu’elle pourrait prendre. Cet article récent présente les derniers développements dans ce dossier (et est beaucoup plus clair que ce chapitre).

La fin des fromages fins : La crise générée par le lait diafiltré n’est pas la seule menace à laquelle nos producteurs de lait doivent faire face. Ils s’inquiètent aussi des ententes dites de libre-échange avec l’Europe et les pays du Pacifique. Si l’ampleur de la menace venant de ces ententes est moindre qu’on le craignait, la nouvelle ponction du marché du lait qu’elles entraîneront s’ajoute aux précédentes et représente une première attaque directe aux principes de la gestion de l’offre, faisant craindre que d’autres suivent. Si le titre de ce chapitre semble nettement catastrophiste, il n’en demeure pas moins que ce sont les producteurs de fromages fins, qui viennent surtout du Québec, qui subiront les conséquences négatives les plus importantes de ces ententes.

Le dilemme des quotas : Ce dilemme se situe entre la nécessité des quotas pour assurer un bon fonctionnement de la gestion de l’offre, soit une rémunération juste et stable aux producteurs, et la valeur exorbitante de ces quotas qui fait augmenter le coût de production du lait de façon importante (surtout en frais d’intérêts sur les emprunts nécessaires pour les acheter), affaiblissant la pertinence de la gestion de l’offre et ajoutant un argument à ses opposants.

Une maison divisée : Les auteurs expliquent ici la division entre les intérêts des producteurs et des transformateurs de lait, deux secteurs qui ont pourtant appuyé historiquement la gestion de l’offre. Par contre, plus récemment, les gros transformateurs (trois sociétés qui achètent 80 % de la production) semblent davantage favoriser les bas prix que la sécurité et la qualité de leurs approvisionnements. Les auteurs observent aussi des divisions entre les petits et les gros producteurs (qui aimeraient devenir encore plus gros) et entre les producteurs de chacune des provinces canadiennes.

Conclusion. Comment sauver la gestion de l’offre? : Les auteurs reviennent sur les principaux éléments de discorde entre les intervenants du secteur de la production de lait et sur les autres problèmes soulevés dans le livre, et proposent des solutions pour les résoudre, y compris des changements au fonctionnement de la gestion de l’offre.

Et alors…

Lire ou ne pas lire? J’hésite un peu. Si j’ai appris avec ce livre, je ne peux que déplorer les nombreuses répétitions qu’il contient. Je sais bien que ce livre serait trop court pour être un livre si les auteurs avaient coupé la moitié de son contenu, mais c’est probablement ce qu’ils auraient dû faire. Et, il ne s’agit pas que de répétitions, mais aussi de l’insertion ici et là de contenu pas vraiment pertinent. Par exemple, a-t-on vraiment besoin de l’opinion de Mathieu Bock-Côté sur ce sujet? Dans la même optique, la structure du livre est un peu confondante et explique peut-être les nombreuses répétitions. Cela dit, comme ce sujet est souvent à peine effleuré dans les médias, il est certain que ce livre permet de mieux comprendre l’importance des enjeux qui entourent la gestion de l’offre et les attaques qu’elle subit. Autre aspect positif, les notes sont en bas de pages. Alors, à vous de décider s’il faut le lire!

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