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Dire non ne suffit plus

1 janvier 2018

Dans son livre Dire non ne suffit plus, Naomi Klein «s’attaque cette fois à ce moment politique surréel pour les États-Unis et le monde : Trump l’idéologue ultralibéral raciste et misogyne, le fou du pétrole, le chef de guerre incontrôlable, le compulsif du tweet, la vedette people et l’empire commercial, Trump est à la Maison-Blanche». Elle «campe une série de propositions fortes, pour une Amérique plus heureuse, plus verte et plus juste, un continent nouveau aussi désirable que réaliste».

Introduction : Naomi Klein a écrit sur différents types de politiques de choc : les marques, le pouvoir des super-riches, les stratégies racistes du néolibéralisme, le déni du changement climatique, etc. Même si l’arrivée de Donald Trump au pouvoir peut sembler d’un autre ordre, sa doctrine en est aussi une de choc, tirant parti du désarroi de la population face aux chocs collectifs pour imposer «des mesures extrémistes en faveur des grandes corporations, mesures souvent qualifiées de «thérapies de choc». L’auteure conclut cette introduction en présentant l’objectif de son livre : «Tenter d’analyser comment nous en sommes arrivés à ce moment politique surréel; comment, concrètement, ce monde pourrait empirer; et comment, si nous gardons la tête froide, nous pourrions simplement inverser le scénario et déboucher sur un avenir radicalement meilleur».

Première partie – Comment en sommes-nous arrivés là? La montée des super-marques

1. Comment Trump a gagné en devenant la marque suprême : L’élection de Trump n’a pas seulement mis au pouvoir un personnage odieux, «c’est aussi, et surtout, une riposte féroce au pouvoir croissant des mouvements sociaux et politiques qui revendiquent un monde plus juste et plus sûr. (…) Après avoir vu pendant des années la sphère publique être privatisée morceau par morceau, Trump et ses acolytes ont finalement pris le contrôle du gouvernement lui-même. Une mainmise totale». L’auteure explique ensuite que Trump est une marque (en se basant sur le concept qu’elle a développé dans son livre No logo : la tyrannie des marques) et que, dans ce contexte, sa substance importe peu, car c’est son image de «héros de la success-story capitaliste par excellence» qui a été élue.

2. Une famille de marques sans précédent : Ce n’est pas que le président des États-Unis qui est une marque, c’est toute sa famille! On assiste au conflit d’intérêts le plus monumental de l’histoire! Comme le dit bien l’auteure, «Le gouvernement américain est transformé en entreprise familiale à but lucratif». Si on veut affaiblir Trump, il faut donc saboter ce qu’il a de plus vulnérable, soit sa marque, ou encore s’attaquer à ce qui fait sa fortune, par exemple par des boycotts et par des campagnes pour encombrer les lignes téléphoniques de ses hôtels.

3. Les Hunger Games de Mar-a-Lago : L’auteure donne de nombreux exemples des méthodes utilisées par Trump pour bâtir sa marque (pas pour devenir riche, ça il n’a pas eu besoin, car il est né ainsi). Ce sont les mêmes méthodes qu’il met en pratique au pouvoir, notamment avec son utilisation des «faits alternatifs».

Deuxième partie – Où en sommes-nous? Le temps des inégalités

4. L’horloge du climat sonne minuit : La lutte au réchauffement climatique est particulière, car un délai avant de s’y attaquer peut difficilement être compensé par une intensification de la lutte par la suite. Or, l’arrivée de Trump la fait reculer d’au moins quatre ans. Elle souligne entre autres la nomination de nombreux membres du cabinet fédéral qui sont proches de l’industrie fossile, dont Rex Tillerson au poste de secrétaire d’État, lui qui fut pdg d’ExxonMobil de 2006 à 2016. Elle montre ensuite que la négation du réchauffement climatique et de la science est intimement liée au néolibéralisme. En effet, «le changement climatique met à terre l’échafaudage idéologique sur lequel repose le conservatisme contemporain», car la science «révèle que le crédo néolibéral «business as usual» mène droit à la catastrophe qui menace notre espèce».

5. Le prédateur-en-chef : L’auteure montre comment Trump a utilisé la division (entre les races, les genres, les classes et le statut de citoyenneté, ainsi qu’entre l’être humain et la nature) et même la haine pour l’emporter et pourquoi le néolibéralisme qui a teint les politiques de Clinton ne lui a pas permis d’offrir un projet de société stimulant distinguant vraiment ses politiques de celles des républicains (je simplifie).

6. La politique a horreur du vide : L’auteure se demande ici comment des travailleurs et encore pire des syndicats ont pu croire la «posture si manifestement absurde de Trump en champion du travailleur». À l’aide d’une démonstration intéressante (mais impossible à résumer en quelques mots), elle montre que bien des peuples se sont, comme aux États-Unis, tournés vers la droite et même l’extrême droite, en espérant améliorer leur sort. Et, elle conclut : «Si la gauche n’apprend pas à s’adresser à la colère légitime du peuple, la droite continuera à gagner. (…) Nous allons devoir nous sauver nous-mêmes, en rassemblant nos forces comme jamais».

7. Apprendre à aimer le populisme économique : L’auteure a appuyé Bernie Sanders lors de la dernière élection aux États-Unis et explique ce qu’elle croit qui lui a manqué pour l’emporter contre Hillary Clinton.

Troisième partie – Comment le pire arrive : les chocs à venir

8. Les maîtres du désastre : court-circuiter la démocratie : L’auteure raconte comment de grosses sociétés privées ont profité de la guerre en Irak, à même l’argent des gouvernements des États-Unis et de l’Irak. Elle explique ensuite le processus suivi par tous les gouvernements libéraux qui est bien présenté dans l’image ci-contre réalisée par l’Institut de recherche et d’informations socioéconomiques (IRIS), processus souvent appelé «Affamer la bête», la bête étant les gouvernements et les services publics qu’ils offrent. On réduit les impôts, ce qui crée des déficits qui «doivent» ensuite être combattus par des compressions (en utilisant des narratifs du type «on n’a pas le choix», «on vit au-dessus de nos moyens», «on doit se serrer la ceinture», etc.) qui entraînent le sous-financement des services publics et un nouvel équilibre budgétaire (mais avec un niveau de revenus et de dépenses moins élevé que le précédent équilibre) ce qui permet au gouvernement d’offrir de nouvelle baisses d’impôts qui créeront à nouveau des déficits et la roue continuera à tourner…

Elle donne ensuite de nombreux exemples de chocs majeurs qui peuvent aussi bien se traduire par des actes de solidarité et d’entraide que par l’exploitation des faibles par les puissants. Comme elle le montre bien, Trump et ses proches sont tous du côté des exploiteurs qui profitent des malheurs des autres pour s’enrichir.

9. L’agenda délétère : à quoi s’attendre en cas de crise : Depuis son accession au pouvoir, Trump a vu de nombreuses de ses décisions renversées par les tribunaux, le congrès ou d’autres institutions des États-Unis. Mais, si un événement majeur survenait, comme une attaque terroriste, une guerre (encore pire si elle était nucléaire), il a fort à parier que ces résistances au programme extrême de Trump s’effaceraient. Si la France a pu se maintenir en état d’urgence pendant deux ans après des attentats terroristes et interdire entre autres des manifestations politiques dans un pays où les manifestations sont aussi courantes, on doit craindre le pire si des attentats survenaient aux États-Unis.

Troisième partie – Comment faire mieux

10. Quand la stratégie du choc tourne mal : Il arrive que la stratégie du choc ne fonctionne pas comme ceux qui l’utilisent le voudraient. L’auteure donne quelques exemples de situations où le peuple a résisté aux intentions des vautours en se serrant les coudes plutôt qu’en se divisant, et cela un peu partout dans le monde, même aux États-Unis depuis l’élection de Trump.

11. Un «non» qui n’a pas suffi : L’auteure se demande pourquoi la crise débutée en 2007 et l’élection d’Obama en 2008 n’ont pas permis plus de changements dans la politique des États-Unis. Le secteur financier est toujours aussi arrogant (et les banques encore trop grandes pour faire faillite), rien ou presque n’a été fait pour lutter contre le réchauffement climatique et les programmes sociaux y sont toujours les moins avantageux des pays industrialisés. Pourtant, les grands chocs précédents, comme la Grande Dépression, ont permis de grandes avancées. Si nous voulons en faire autant, il ne suffit pas de dire non aux politiques de droite de Trump et des autres néolibéraux. «Cela suppose d’avoir le courage de brosser le tableau d’un monde différent, d’un monde qui, même s’il n’existe que dans nos esprits, puisse nous donner envie de nous engager dans des batailles possibles à remporter».

12. Les leçons de Standing Rock : oser rêver : L’auteure raconte la résistance du peuple sioux contre l’installation du pipeline Dakota Access «sous le lac Oahe, la seule source d’eau potable des Sioux de Standing Rock». Si Obama a suspendu ces travaux, Trump les a fait relancer. Malgré cette défaite, l’auteure soutient que le genre de solidarité qui s’est exprimé lors de cette contestation est la voie à suivre.

13. Le temps est venu de bondir : les petits pas ne suffisent pas : «[L]a précarité économique (…) et les attaques contre les droits territoriaux des Autochtones et contre la Terre elle-même (…) ont toutes une origine commune : un système de valeur délétère qui place le profit au-dessus du bien-être des individus et de la planète». Ce constat vient de rencontres auxquelles l’auteure a participé et qui ont débouché sur le manifeste «Un bond vers l’avant» qui est présenté en annexe de ce livre. Elle explique ensuite plus en détail cette démarche, décrit les nombreux appuis que le manifeste a reçu et souligne des initiatives du même type entreprises un peu partout.

Conclusion – Une société bienveillante est à notre portée : L’auteure précise que ce n’est pas la peur qui l’a habitée lors de l’élection de Trump, mais bien la terreur, car le pire des cauchemars réalistes se réalisait. Elle poursuit en revenant sur l’espoir qui demeure compte tenu des nombreux mouvements progressistes qui gagnent en popularité aux États-Unis et ailleurs.

Un bond vers l’avant : Ce chapitre contient le manifeste dont il a été question plus tôt. Comme je l’ai lu il y a quelques années, j’ai sauté cette annexe. J’en conseille toutefois la lecture aux personnes qui ne l’ont pas lu, car il contient certaines propositions intéressantes.

Et alors…

Lire ou ne pas lire? J’ai toujours des sentiments mitigées en terminant les livres de cette auteure (bon, ce n’est que le deuxième que je lis…). Certaines parties du livre sont super intéressantes (celles où elle parle de Trump et des trumpistes), tandis que d’autres sont longuettes (le reste du livre). En plus, ce livre semble un condensé de ses trois livres précédents, reposant sur l’impact des chocs (La stratégie du choc), le concept des marques (No Logo : la tyrannie des marques) et sur l’espoir de pouvoir renverser la situation actuelle, aussi déprimante qu’elle puisse être (Tout peut changer : capitalisme et changement climatique). Elle avoue qu’elle a moins travaillé à ce livre qu’aux précédents devant l’urgence qu’elle ressentait de réagir à l’horreur que représente la présence de Donald Trump à la présidence des États-Unis. Ça paraît… Mais, bravo pour les notes en bas de pages, surtout que j’avais souffert lors de la lecture de son livre précédent qui avait 64 pages de notes à la fin…

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4 commentaires leave one →
  1. Robert Lachance permalink
    5 janvier 2018 8 h 51 min

    Fort instructif et pris par les cornes !

    Est-ce que No Logo dans la langue de Shakespeare se traduit par Zéro slogan dans celle de Michel Tremblay et de Luc Plamondon ? Comme par exemple dans le thème retenu d’ici le début de la campagne électorale au XVIIe congrès du PQ en discours de clôture le 10 septembre dernier :

    Un plan solide. Zéro slogan.

    J’irais lire ce chapitre « 7. Apprendre à aimer le populisme économique : L’auteure a appuyé Bernie Sanders lors de la dernière élection aux États-Unis et explique ce qu’elle croit qui lui a manqué pour l’emporter contre Hillary Clinton ». Jean-François Lisée en course à la chefferie voyait en Bernie Sanders un modèle imitable.

    En raison des j’aime à sa page Facebook, j’aurais dit que François Legault a lu ce chapitre mais le livre ne date que du 19 octobre 2017; sa montée date de janvier 2017 et sa consécration dans les sondages de fin octobre. Il s’est plutôt inspiré avec succès de Donald Trump; contesté mais efficace, auprès d’assez d’électeurs au champ droit.

    J’aurais lu ce chapitre avant d’en écrire mais il n’est pas disponible en ligne de la bibliothèque avant mi-février, ni présentement à l’étage.

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  2. 5 janvier 2018 9 h 35 min

    «Est-ce que No Logo dans la langue de Shakespeare se traduit par Zéro slogan dans celle de Michel Tremblay et de Luc Plamondon ?»

    Je pense (je n’ai pas lu ce livre). Mais, dans le cas du PQ, le Zéro slogan est un slogan…

    Pour Legault, j’ai surtout l’impression qu’il bénéficie plua de la perte de popularité du PQ et du PLQ que d’un gain de popularité (comme on peut dire que c’est Clinton qui a perdu).

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  3. Robert Lachance permalink
    5 janvier 2018 10 h 59 min

    Simplement pour corriger à mon commentaire précédent le lien au Discours de clôture de JFL où il expose brièvement son plan d’ici la transformation du nouveau programme en plateforme électorale.

    Un plan solide. Zéro slogan.

    Et ajouter qu’en 2017 sur un graphique de Léger, de janvier à décembre, le PLQ varie légèrement autour de 32, entre 29 et 35 en intentions de vote. Le PQ plonge de 29 à 19, la CAQ monte de 22 à 36. Le chemin des victoires passe actuellement par la CAQ.

    Évolution, sondage Léger, 2017

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