Le Pharmachien (3)
Quelques mois après sa sortie, j’ai enfin mis la main sur le troisième opus du Pharmachien. C’est qu’il est populaire, ce pharmachien! Intitulé La bible des arguments qui n’ont pas d’allure, ce livre d’Olivier Bernard «t’apprendra à reconnaître certains types d’arguments douteux que tu rencontres partout (…) et qui sonnent l’alerte de la niaiserie. Ce guide te permettra de t’immuniser contre les faux débats et les arguments bidon, mais aussi de répliquer en beauté à ceux qui disent n’importe quoi». Notons que si l’auteur affirmait présenter 84,13 % de contenu original dans son premier livre et que cette proportion est passée à 99 % dans son deuxième, il redescend à un quand même honorable 92 % dans ce troisième livre.
Prologue – Le détecteur de bullshit : Après une introduction et quelques avertissements, l’auteur explique comment détecter les arguments fallacieux (ou bullshit) en quelques étapes simples. Il présente de façon amusante une grande variété de sophismes et les associe à des logos qui serviront dans la suite du livre à les reconnaître.
1. La maudite science : Dans ce chapitre, l’auteur aborde quelques questions portant sur la science :
- les facteurs qui permettent de différencier la science de la religion;
- les raisons qui font en sorte que la science ne peut pas répondre à toutes les questions;
- les comportements qui expliquent le fait que ce que certain.es perçoivent comme de l’arrogance de la part des scientifiques est souvent de la prudence ou du scepticisme, et ceux qui montrent que les scientifiques font parfois preuve d’arrogance pour vrai;
- les caractéristiques qui permettent de reconnaître un vrai innovateur ou de confondre un vil usurpateur qui se prend pour Galilée.
2. Dans le temps, c’était mieux : L’auteur remet à leur place certaines croyances reposant sur le fait qu’elles sont anciennes :
- la médecine traditionnelle chinoise;
- la façon de manger de nos ancêtres qui serait la meilleure (si on savait au moins ce qu’ils et elles mangeaient, ça pourrait se discuter!);
- la supposée supériorité de l’accouchement naturel;
- l’alimentation comme seul médicament nécessaire.
3. Les extrémistes alimentaires : … sont des personnes qui dénoncent les dangers du lait (ou exagèrent ses bienfaits), du gluten, du sucre raffiné (mais qui vantent les sucres «naturels») et des OGM. D’autres prétendent que les médecins ne connaissent rien en nutrition. Comme dans bien des croyances, il y a bien certains fondements à ces extrémismes, mais qui n’ont aucune mesure commune avec les croyances de leurs adeptes!
4. C’est prouvé : L’auteur rétorque cette fois aux personnes qui mettent en doute la validité des résultats des études cliniques, qui rejettent les conclusions des tests qui ne leur plaisent pas (ni les conclusions, ni les tests ne leur plaisent), qui prétendent que les effets auxquels elles croient ne peuvent pas être testés ou qui généralisent un effet non démontré qu’elles ressentent.
Pause santé – Comment faire dire ce qu’on veut à une étude clinique : L’auteur explique ici comment faire dire ce qu’on veut à des études cliniques et comment débusquer ces façons de faire. L’équivalent de cette pause peut être consulté sur cette page du site du Pharmachien.
5. Nos amis les animaux et les plantes : Le Pharmachien s’attaque cette fois aux affirmations gratuites portant sur les animaux et les plantes. Il les mord et les plante (scusez-la…), mais avec tact et nuance. Il précise ensuite que les plantes ont été l’objet de très très nombreuses études et que bien des médicaments sont d’ailleurs composés de molécules qui en proviennent.
6. Les expressions floues qui ne veulent rien dire : Comme en économie, la mise en récit est une forme d’argument répandue dans le domaine de la santé. Et, dans les deux cas, il faut s’en méfier! L’auteur commente entre autres des récits portant sur les citrons, les cerveaux et les intestins…
7. Au royaume de l’opinion : Ou quand on confond les faits avec les opinions, et les opinions non fondées avec les opinions professionnelles.
Pause santé – La cause de toutes les maladies : le V.E.O. ou ver extraterrestre omnipotent : Ce condensé d’arguments qui n’ont pas d’allure peut être consulté sur cette page du site du Pharmachien. Avec la précédente pause santé elle aussi tirée de ce site, on peut estimer à 29 pages le contenu non inédit, ce qui représente bien plus que le 8 % annoncé. Comme l’éditeur nous informe que ce livre compte 224 pages (j’en ai pourtant vu 227…), ce contenu atteindrait donc 12,9 % du total, à moins que le Pharmachien ait utilisé une autre forme de calcul!
8. Payé par Big Pharma : Argument conspirationniste par excellence, et contestable uniquement par la négation qui ne sera pas crue, cette accusation gratuite et sans preuve évite à son auteur de se pencher sur des faits pour confronter ses opinions. L’auteur profite de cet argument pour expliquer que, oui, les médecins peuvent se faire influencer par les activités organisées par les sociétés pharmaceutiques et par ses représentant.es aux ventes (il ajoute dans les notes que les pharmaciens succombent aussi parfois à cette influence, tout comme les nutritionnistes à celle de l’industrie alimentaire). Il propose par la suite la façon, selon lui, dont on devrait financer la recherche pharmaceutique et la mise en marché de ses produits. Big Pharma n’aimerait pas!
9. Conclusion : Les bouchés durs : L’auteur s’attaque ici aux irréductibles sophistes :
- non, remettre en question des croyances erronées ne signifie pas qu’on pense que tout va bien et qu’on ne peut rien améliorer;
- même s’il y a des problèmes plus importants que ceux qu’on aborde dans ce livre, ça ne veut pas dire qu’on ne doit pas tenter de les solutionner;
- même si on ne peut pas connaître LA vérité absolue, on peut tenter de s’en approcher.
Puis… : Le livre se poursuit avec des tests de détection d’arguments fallacieux, et 14 pages de notes et de références en caractères minuscules (c’est là que j’apprécie d’être très myope et de pouvoir lire un livre avec les yeux collés sur une page!). Pour une fois, je trouve adéquat d’avoir mis ces notes à la fin, car, compte tenu de l’aspect ludique et artistique du livre, les mettre en bas de pages aurait rompu le rythme de lecture et aurait été laid. Cela dit, j’aurais préféré que l’auteur (ou plutôt l’éditeur) indique la page où on trouve les éléments sur lesquels portent ces notes et qu’il traduise les citations en anglais.
Et alors…
Lire ou ne pas lire? Lire, bien sûr! Ce livre est bien différent des deux premiers qu’a publiés l’auteur. En effet, le premier s’attaquait aux mythes entourant la santé, le deuxième nous a mis en garde contre les bobos qui nous menacent, tandis que ce troisième ne porte pas sur des sujets spécifiques, mais vise plutôt à nous aider à reconnaître les arguments fallacieux et à s’immuniser contre eux. Cela ne l’empêche pas d’aborder de nombreux sujets sérieux de façon toujours humoristique et amusante. Mais, attention aux effets secondaires! En effet, quand on regarde son fil Facebook ou que l’on consulte des commentaires d’articles de journaux au cours de la lecture de ce livre, on se surprend à voir ses logos d’arguments fallacieux nous apparaître dans la tête à tout moment! On réalise alors que l’auteur n’a pas eu à chercher bien loin les exemples de son livre, même si ceux-ci portent uniquement sur des sujets scientifiques et surtout sur la santé. Cela dit, s’il est facile de trouver des exemples de sophismes, y répondre adéquatement exige toujours beaucoup de recherche. Bref, n’hésitez pas à vous procurer ce livre, car il représente une valeur ajoutée appréciable aux deux premiers!
Merci beaucoup pour cette critique de mon tome 3 !
J’imagine que je dois expliquer mon calcul du pourcentage de nouveau contenu, hein ? 😉
Je tiens compte des dessins que j’ai dû refaire pour le livrer. Par exemple, dans la B.D. du VEO sur mon site web, j’avais utilisé plusieurs images trouvées sur le web comme toiles de fond, dans le but de minimiser le travail de dessin. Mais dans un livre, pas permis ! J’ai donc dû redessiner beaucoup de trucs, par exemple les statues de l’Île de Pâques. Je compte ces pages comme du nouveau contenu, car après tout les dessins sont ce qui me demande le plus de temps.
Merci encore et A+!
Olivier
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Voilà un mystère de moins dans ma vie! Merci! Et j’ai bien fait de mentionner que la méthode de calcul était peut-être différente…
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