Nonviolence
Avec Nonviolence : une arme urgente et efficace, Dominique Boisvert, avocat et cofondateur du Réseau québécois pour la simplicité volontaire (RQSV), «présente l’essentiel des principes de la nonviolence pour en montrer la pertinence et la portée, tant dans nos rapports quotidiens que dans nos stratégies de lutte».
Mise en route : Malgré les nombreux conflits armés et actes terroristes en cours actuellement, l’auteur «affirme que le temps de la nonviolence est venu, tout comme celui d’une société mondialisée ou de la fin prochaine des énergies fossiles». Mais, cela ne se fera pas tout seul. Il faudra en premier lieu «décoloniser notre imaginaire sur tout ce qui concerne la violence et la nonviolence». L’objectif que s’est donné l’auteur avec ce livre est justement de contribuer à cette décolonisation.
1. La nonviolence, en un mot : Écrit en deux mots, le mot «non-violence» fait référence «aux stratégies de lutte politique excluant l’usage de la violence», tandis qu’écrit en un seul mot, le mot «nonviolence» désigne selon l’auteur «cette attitude globale de bienveillance tant à l’égard des autres humains que de la création tout entière» (la création?). Il distingue aussi le concept de violence trop souvent banalisée de ceux des «inévitables conflits», de «l’utile agressivité», de «l’indispensable lutte» et de la «force nécessaire».
2. La violence dans l’histoire : un constat surprenant! : En fait, son constat ne me surprend pas du tout. En effet, il n’est pas le premier à constater que, malgré les nombreux conflits armés et actes terroristes mentionnés auparavant, nous vivons probablement «dans l’ère la plus paisible de toute l’existence de notre espèce».
3. Les piliers de tous les pouvoirs : Ce court chapitre vise seulement à montrer que le pouvoir «ne repose ultimement que sur le consentement de ceux sur qui il s’exerce. (…) C’est pourquoi la nonviolence peut être aussi efficace» en utilisant la force du nombre pour retirer au besoin la coopération de ceux sur qui le pouvoir s’exerce.
4. La nonviolence: une tendance lourde : L’auteur donne de très nombreux exemples d’application de la nonviolence (qu’il écrit parfois non-violence sans expliquer pourquoi, ce qui m’a un peu confondu), bien sûr ceux de Gandhi et de Martin Luther King, mais aussi des dizaines d’autres.
5. Beaucoup plus efficace que la violence : Une étude a déjà montré que l’utilisation de la non-violence (bizarrement en deux mots) est deux fois plus efficace que la violence pour l’emporter dans un conflit politique, cet avantage variant toutefois selon le type de conflit. Cette étude présente aussi quelques facteurs qui expliquent cette plus grande efficacité.
6. La violence se délègue, pas la non-violence : Si la violence se délègue (aux policiers, à l’armée, etc.) et n’implique pas nécessairement les personnes qui décident de l’utiliser, la non-violence (en deux mots) «repose essentiellement sur la participation collective d’un grand nombre de personnes» et doit donc être «choisie et acceptée par chacun des individus concernés».
7. Une urgence planétaire, comme les changements climatiques : L’auteur explique pourquoi l’adoption de la nonviolence pour résoudre les conflits est urgente.
8. La nonviolence et les conflits: l’exemple du terrorisme : Après avoir souligné que le nombre de victimes du terrorisme en Occident est moins important que les médias semblent l’indiquer et qu’il est en baisse, l’auteur montre que la nonviolence est bien plus efficace pour contrer le terrorisme que la riposte armée. «La réponse fondamentale au terrorisme réside dans la disparition graduelle des conditions d’inégalités et d’injustices criantes qui génèrent les révoltes et nourrissent les rancœurs». Il précise ici que la nonviolence est avisée en prévention, mais pas quand les attentats sont en voie de réalisation.
9. La nonviolence et l’économie néolibérale mondialisée : Privilégiant la coopération sur la concurrence, «le partage sur la possession, la mise en commun sur l’accumulation, la relation sur l’individualisme, l’être sur l’avoir», la nonviolence s’oppose naturellement au néolibéralisme.
10. La nonviolence et les défis environnementaux : Comme mentionné plus tôt, la nonviolence prône le respect de l’humain et de toute la création. Il est donc normal que le regard que portent les adeptes de la nonviolence sur la nature passe «d’un objet à exploiter à un sujet à respecter et avec lequel interagir», favorisant ainsi l’atteinte des défis environnementaux.
11. La nonviolence et les migrations internationales : Même si la nonviolence n’a pas réponse à tous les enjeux soulevés par les migrations internationales (que ce soit pour des motifs économiques ou pour fuir la guerre, des désastres ou les conséquences du réchauffement climatique), le respect des autres sur lequel elle repose permet d’amoindrir grandement les chocs de culture qui les accompagnent.
12. La nonviolence et la gouvernance du monde : Selon l’auteur, l’Organisation des Nations unies (ONU) «représente ce qui s’est fait de mieux (ou de moins mauvais) jusqu’ici pour la gouvernance du monde», même si les rapports de force entre les États demeurent violents et si le critère du bien commun est trop souvent ignoré au bénéfice des plus forts.
13. Un changement de paradigme: de la «guerre juste» à la «paix juste» : L’auteur raconte l’évolution du concept de «guerre juste». Il montre que ce concept n’a pas été créé pour rejeter la guerre, mais pour la moraliser. Ce concept (ainsi que celui de «guerre sainte») tend toutefois à s’effacer pour être remplacé par celui de «paix juste». Comme cela a été fait avec l’esclavage et la torture, il faut «en venir à ce que la violence et la guerre perdent toute légitimité».
14. Deux exemples concrets de la violence et de la nonviolence : Comme le titre l’indique, l’auteur donne ici deux exemples, le premier montrant que «la guerre est toujours un échec» (la violence en Syrie) et le deuxième vérifiant «les possibilités réelles de la nonviolence» (peut-on avoir des pays sans armée? Dont le Canada?)
15. La nonviolence et les techniques d’action non-violente : Plutôt que de présenter lui-même les principales techniques d’action non-violente, l’auteur préfère recommander des livres qui sont entièrement consacrés à cette question, certains portant même sur des aspects spécifiques de la nonviolence (communication, alimentation, éducation, etc.).
Pour la suite du monde… : Pour conclure ce livre, l’auteur présente quatre témoignages de personnes pratiquant la nonviolence dans des contextes et des pays qu’on associe habituellement à beaucoup de violence.
Et alors…
Lire ou ne pas lire? Lire! Tout d’abord, ce livre n’est pas bien long à lire (120 pages, selon l’éditeur, dont moins de 110 de textes) et contient peu ou pas de répétitions. Sans être exhaustif, il aborde brièvement tous les aspects de la question dans un langage clair et… non-violent! Ensuite, ce livre se lit bien, on n’y sent aucun jugement des personnes qui auraient des réserves sur la question, ni de dogmatisme qui rendrait les analyses de l’auteur désagréables. Il ne prétend pas non plus que la nonviolence serait la panacée qui résoudrait par magie tous les problèmes, mais seulement qu’elle pourrait contribuer grandement à améliorer la situation actuelle. Seul bémol, si la distinction entre la nonviolenece et la non-violence est importante, on est souvent confus par l’utilisation alternative de l’écriture de ces concepts que l’auteur présente comme bien différents. Il écrit même le titre d’un livre qu’il recommande des deux façons à deux endroits différents! Mais, bon, il s’agit d’un bémol bien mineur, alors que ce livre comporte beaucoup de dièses plus importants! Finalement, les 76 notes de ce livre sont en bas de page! Bravo!