Les effets de la hausse du salaire minimum en Ontario (3)
Face aux réactions et aux questions soulevées par l’intention d’augmenter le salaire minimum à 15,00 $ au Québec annoncée par le Parti québécois (en quatre ans) et par Québec solidaire (dès mai 2019), notamment dans un texte de «vérif» de Radio-Canada sur les affirmations des porte-parole de QS sur le fait que la hausse de 21 % (et non pas de 17 % ou de 23 % comme mentionné dans l’article de Radio-Canada) du salaire minimum en Ontario, qui est passé de 11,60 $ à 14,00 $ le premier janvier 2018, n’a eu aucun impact négatif sur l’économie de cette province, j’ai décidé de mettre à jour mon billet sur les effets du salaire minimum en Ontario, d’autant plus qu’on dispose enfin de données sur les postes vacants pour les premiers mois de 2018.
L’article de Radio-Canada reconnaît que «le taux de chômage est demeuré stable», que l’économie «ontarienne a continué à créer des emplois» et que c’est «globalement» vrai que «la hausse du salaire minimum en Ontario n’a pas eu d’incidence sur le coût de la vie», mais insiste sur le fait que «le prix d’un repas au restaurant a grimpé d’environ 7 % en Ontario». Notons que cet article contredit tout de même les craintes des opposant.es à la hausse du salaire minimum, dont les personnes qui affirment depuis des années que dès que le salaire minimum surpasse un certain taux, variant de 45 à 50 % du salaire horaire moyen des salarié.es rémunéré.es à l’heure (avant le temps supplémentaire), les pertes d’emplois deviennent énormes, alors que le salaire minimum ontarien a atteint 58 % de ce salaire horaire moyen de janvier à juin 2018, soit 14,00 $ / 24,14 $ selon les données du tableau 14-10-0205-01 de Statistique Canada, et qu’aucune des conséquences néfastes annoncées ne s’est pointée.
Ce billet examinera les données disponibles qui font le plus l’objet de prévisions négatives de la part des opposant.es à cette hausse, soit celles sur l’inflation (sept mois de données), sur les heures travaillées (huit mois de données provenant de l’Enquête sur la population active, ou EPA, et six pour les données de l’Enquête sur l’emploi, la rémunération et les heures de travail ou EERH), sur l’emploi (idem), sur le chômage (huit mois de données de l’EPA) et sur la fréquentation scolaire (quatre mois de données de l’EPA). Je regarderai aussi les données les plus récentes sur les postes vacants provenant de l’Enquête sur les postes vacants et les salaires (EPVS).
Inflation
Le graphique ci-contre, tiré du tableau 18-10-0004-01 de Statistique Canada, montre que si la hausse des prix dans les aliments achetés au restaurant entre janvier à juillet 2017 et les mois correspondants de 2018 fut nettement plus élevée en Ontario (6,6 % en moyenne, barres vertes) que dans l’ensemble du Canada (4,3 % en moyenne, barres jaunes), elle a eu peu d’impact sur l’inflation d’ensemble (2,33 % en moyenne en Ontario, barres rouges, par rapport à 2,29 % en moyenne dans l’ensemble du Canada, barres bleues). Je dois même présenter cette moyenne avec deux chiffres après le point pour voir une différence, sinon j’aurais montré un taux identique de 2,3 % pour les deux territoires! Bref, même si bien d’autres facteurs peuvent influencer l’inflation, il est clair que la hausse du salaire minimum de 21 % en Ontario n’a eu aucun impact perceptible sur l’inflation globale.
Les heures travaillées
Le graphique ci-contre, tiré des tableaux 14-10-0042-01 et 14-10-0034-01, montre l’évolution de la moyenne des heures habituellement travaillées («les heures habituelles d’un employé correspondent à ses heures régulières rémunérées ou définies par contrat, exclusion faite des heures supplémentaires») en Ontario dans un emploi principal entre les mois de janvier et août 2017, et les mois correspondants de 2018. On constate dans ce graphique que le nombre moyen d’heures habituellement travaillées par l’ensemble de la population ontarienne âgée de 15 ans et plus dans un emploi principal (barres bleues) a augmenté en moyenne de 0,4 %, alors que celui d’heures habituellement travaillées par les jeunes âgé.es de 15 à 24 ans, soit les employé.es qui devraient subir le plus durement les effets négatifs de la hausse du salaire minimum selon ses opposant.es, a augmenté en moyenne de 1,9 % (barres rouges), et que le nombre moyen d’heures travaillées dans les deux industries où on retrouve le plus de travailleur.euses payé.es au salaire minimum a augmenté de 0,7 % dans le commerce de gros et de détail (barres jaunes) et est demeuré stable dans l’hébergement et la restauration (barres vertes), malgré des hausses variant de 2,4 à 4,9 % de mai à août.
Les estimations de l’EPA d’où est tiré le graphique précédent comportent toutefois d’importantes marges d’erreur. Il est donc sage de valider ces résultats avec les données de l’EERH, plus fiables, car issues d’un échantillon de 15 000 établissements. Même si ces données sont publiées avec près de deux mois de retard par rapport aux estimations de l’EPA, nous disposons maintenant de six mois de données, soit de janvier à juin 2018. Le graphique ci-contre, tiré du tableau 14-10-0255-01, montre que le nombre d’heures hebdomadaires moyennes des salarié.es rémunéré.es à l’heure (excluant le temps supplémentaire, comme dans les estimations de l’EPA) entre janvier et juin 2017, et les mêmes mois de 2018 pour l’ensemble des industries (barres bleues) a augmenté en moyenne de 0,5 % (hausse presque identique à la hausse de 0,4 % des estimations de l’EPA pour les mêmes mois), qu’il a augmenté en moyenne de 1,5 % (barres rouges) dans le commerce de gros et de détail (hausse nettement plus élevée que celle de 0,5 % des estimations de l’EPA pour les mêmes mois), et de 0,2 % (barres jaunes) dans l’hébergement et la restauration (hausse qui contraste avec la baisse de 1,4 % des estimations de l’EPA pour les mêmes mois), et qu’il a baissé de 0,2 % dans la restauration seulement (barres vertes), sous-industrie qui présente la proportion la plus élevée d’employé.es au salaire minimum, essentiellement en raison de la baisse de 2,2 % observée en juin. Si ces données ne correspondent pas parfaitement aux estimations de l’EPA pour les industries spécifiques (sujettes à de plus grosses marges d’erreur), elles sont semblables pour l’ensemble des industries. Ces données, tant de l’EPA que de l’EERH, n’indiquent pas que la hausse du salaire minimum aurait fait diminuer les heures de travail de façon importante ni dans l’ensemble du marché du travail ni dans les industries qui devraient être les plus vulnérables à cette hausse.
Emploi
Le graphique ci-contre, tiré du tableau 14-10-0022-01, illustre l’évolution de l’estimation de l’emploi de l’EPA entre les mois de janvier et août 2017, et les mois correspondants de 2018 en Ontario. Ce graphique montre que :
- l’estimation de l’emploi pour l’ensemble du marché du travail a augmenté en moyenne de 1,8 % (barres bleues);
- le nombre de jeunes âgés de 15 à 24 ans en emploi a augmenté en moyenne de 2,8 % (barres rouges);
- l’estimation de l’emploi dans le commerce de détail a augmenté de 1,7 % (barres jaunes), malgré des baisses moyennes de 2,0 % de mai à août;
- l’estimation de l’emploi dans l’hébergement et la restauration a augmenté de 4,5 % (barres vertes), surtout grâce à des augmentations moyennes se situant entre 6,6 et 8,7 % d’avril à juillet.
Ces estimations sont pour le moins étonnantes, tout d’abord celles portant sur la hausse de l’emploi des jeunes, alors que ces jeunes devraient, selon les opposant.es à la hausse du salaire minimum, être les premières victimes de cette hausse, mais surtout celles des grands écarts de la croissance dans le commerce de détail et dans l’hébergement et la restauration entre les premiers et derniers mois de la période analysée. En fait, ces écarts s’expliquent surtout par les mouvements de ces estimations en 2017. En effet, l’estimation de l’emploi dans le commerce de détail fut anormalement faible entre janvier et avril 2017 et anormalement élevée de mai à décembre de la même année. Ce fut un peu l’inverse dans l’hébergement et la restauration, avec un niveau anormalement bas d’avril à juillet 2017, ce qui explique les taux de croissance très élevés d’avril à juillet 2018. Pour l’ensemble de l’emploi, les taux de croissance ont aussi été influencés, mais dans une moindre mesure, par la hausse de 95 000 emplois (en estimations désaisonnalisées) entre mai et juillet 2018, et par la baisse de 80 000 emplois en août, mouvements que Brian DePratto, économiste principal de la Banque TD, a associés à «du bruit statistique». On voit à quel point on doit être prudent quand on analyse les estimations d’emplois de l’EPA qui, je le répète, comportent d’importantes marges d’erreur.
Dans ce contexte, il est encore plus important de comparer ces estimations avec les données de l’EERH, beaucoup plus fiables, car issues d’un recensement des salarié.es de toutes les entreprises à partir de leur liste de paye. Le graphique ci-contre, tiré du tableau 14-10-0201-01, montre que le nombre d’emplois salariés entre janvier et juin 2017 et les mêmes mois de 2018 dans l’ensemble des industries (barres bleues) a augmenté en moyenne de 2,2 %, moyenne assez semblable à celle montrée par l’EPA pour les mêmes mois (1,8 %), que ce nombre a augmenté en moyenne de 0,7 % dans le commerce de détail (barres rouges), relativisant la hausse de 2,9 % montrée par les estimations de l’EPA pour les mêmes mois, qu’il a augmenté en moyenne de 1,6 % dans l’hébergement et la restauration (barres jaunes), moyenne élevée, mais nettement inférieure à celle montrée par les estimations de l’EPA pour les mêmes mois (4,4 %), et qu’il a augmenté en moyenne de 1,2 % dans la sous-industrie de la restauration (barres vertes). Si ces données corrigent l’estimation de la croissance de l’emploi de l’EPA pour le commerce de détail et l’hébergement et la restauration, conformément à mes remarques sur les estimations anormalement basses ou élevées dans ces industries en 2017, elles confirment les estimations de l’EPA pour l’ensemble du marché du travail et contredisent éloquemment les prévisions de fortes pertes d’emplois de la part des opposant.es à la hausse du salaire minimum.
Taux de chômage
L’estimation des taux de chômage n’est disponible que dans les données de l’EPA. Selon les estimations du tableau tableau 14-10-0022-01, le taux de chômage en Ontario entre la moyenne de janvier à août 2017 et celle des mêmes mois de 2018 est passé :
- pour l’ensemble de la population de 6,4 à 5,9 %, en baisse de 0,5 point de pourcentage;
- pour les jeunes âgés de 15 à 24 ans de 13,3 à 12,2 %, en baisse de 1,0 point;
- dans le commerce de détail de 4,3 à 4,2 %, en baisse de 0,1 point;
- dans l’hébergement et la restauration de 5,2 à 5,4 %, en hausse de 0,2 point.
Il faut noter ici que le taux de chômage industriel est en moyenne beaucoup plus faible que le taux de chômage officiel. En effet, au cours des 16 mois considérés, 43 % du chômage global et 48 % de celui des jeunes n’étaient pas associés à des industries, car ces personnes n’avaient pas travaillé depuis au moins un an, y compris celles qui n’avaient jamais travaillé. Ainsi, alors que le taux de chômage global était en moyenne de 6,1 % au cours de ces 16 mois, le taux de chômage industriel (en fait, on l’appelle le taux de chômage de la population active expérimentée) était de 3,6 %. On voit donc que les taux de chômage du commerce de détail et de l’hébergement et la restauration étaient légèrement plus élevés que la moyenne, aussi bien avant qu’après la hausse du salaire minimum, mais qu’ils sont demeurés assez stables. Encore là, le discours sur l’explosion du chômage, surtout pour les jeunes et dans les industries où les travailleur.euses payés au salaire minimum sont les plus nombreux.ses, ne s’observe nullement dans ces estimations.
Fréquentation scolaire
Un des effets craints par une hausse importante du salaire minimum est qu’elle incite plus de jeunes à quitter l’école pour le marché du travail. Il est en effet possible que la hausse de l’emploi chez les jeunes ait fait diminuer la fréquentation scolaire à temps plein en Ontario. Par contre, il est un peu contradictoire de la part des opposant.es à des hausses importantes du salaire minimum de prévoir à la fois une baisse de l’emploi chez les jeunes et une hausse de leur décrochage scolaire pour occuper des emplois moins nombreux. Mais, passons…
Le tableau ci-contre, tiré du fichier 14-10-0021-01, présente le taux de fréquentation scolaire à temps plein au cours des quatre premiers mois de 2017 et de 2018 (notons que l’EPA ne publie pas ces données de mai à août, car les établissements scolaires sont souvent fermés l’été) en Ontario et dans le reste du Canada, ainsi que les écarts entre ces deux périodes et entre ces deux territoires. Il montre que :
-
ce taux pour des jeunes âgé.es de 15 à 24 ans est demeuré stable en Ontario, mais qu’il a baissé de 0,31 point de pourcentage dans le reste du Canada, pour une différence de 0,33 point à l’avantage des jeunes ontarien.nes entre les deux territoires;
-
ce taux était au cours des quatre premiers mois de 2018 en moyenne plus élevé de 4,6 points en Ontario que dans le reste du Canada (61,6 % par rapport à 57,0 %).
Les deux autres lignes montrent que cet avantage de l’Ontario s’observe aussi bien chez les jeunes âgé.es de 15 à 19 ans que chez ceux et celles âgé.es de 20 à 24 ans. Si ce taux a diminué un peu en Ontario (de 0,4 point) chez les jeunes âgé.es de 15 à 19 ans, il a baissé davantage dans le reste du Canada (de 1,4 point). Chez les jeunes âgé.es de 20 à 24 ans, il a augmenté davantage en Ontario que dans le reste du Canada (de 0,64 point par rapport à 0,46 point). Bref, non seulement la hausse du salaire minimum n’a pas empêché l’emploi d’augmenter en Ontario, mais il ne semble pas non plus avoir causé de baisse de la fréquentation scolaire, donc de hausse du décrochage.
Postes vacants
Le tableau ci-contre, dont les données proviennent du fichier 14-10-0326-01 tiré des données de l’Enquête sur les postes vacants et les salaires (EPVS) de Statistique Canada, montre que le taux de postes vacants en Ontario entre les premiers trimestres de 2017 et de 2018 est passé de 2,8 % à 1,8 % dans le commerce de détail (moins de la moitié de son sommet de 3,8 % au quatrième trimestre de 2017), et de 3,6 % à 3,1 % dans les services de restauration et débits de boissons (Restauration, dans le graphique), loin de son sommet de 5,1 % du deuxième trimestre de 2017, et cela, même si ce taux pour l’ensemble des industries a légèrement augmenté (de 2,8 à 2,9 %). Fait encore plus éloquent, les taux de postes vacants du premier trimestre de 2018 dans le commerce de détail et la restauration étaient les plus bas depuis les premières données de l’EPVS), au premier trimestre de 2015 (données non illustrées).
Dans mes précédents billets sur le sujet, j’avais justement émis l’hypothèse que la hausse du salaire minimum pouvait avoir contribué à atténuer les difficultés de recrutement dans ces industries et à favoriser le maintien en poste des employé.es actuel.les, et, du même coup, à expliquer au moins en partie la hausse de l’emploi en 2018. Il semble bien que cette hypothèse se confirme, quoiqu’il faudra attendre les prochaines données de l’EPVS pour voir si la baisse du taux de postes vacants se maintient.
Résumé
Au bout du compte, on peut voir qu’aucun désastre ne s’est manifesté sur le marché du travail ontarien depuis la hausse du salaire minimum, ni même le moindre ralentissement. L’emploi dans l’ensemble de la population a crû a un bon rythme, que ce soit selon les estimations de l’EPA ou selon les données de l’EERH. Selon les premières, la croissance de l’emploi chez les jeunes ainsi que leur nombre d’heures de travail n’a pas souffert, bien au contraire, et ce, sans causer de hausse du décrochage scolaire. L’emploi dans le commerce de détail semble aussi avoir bien réagi, secteur qui est, n’oublions pas, sujet à la concurrence avec le commerce électronique. La restauration montre bien une augmentation des prix, mais la croissance de l’emploi résiste bien, sans baisse du nombre d’heures travaillées. Mieux encore, la hausse du salaire minimum a fort probablement contribué à atténuer les difficultés de recrutement dans ces industries. Le chômage des jeunes, qui est censé exploser en même temps que son emploi est censé s’effondrer, est au contraire à la baisse. L’inflation, qui aurait dû connaître une croissance plus forte qu’ailleurs au Canada, selon certains, a augmenté en Ontario au même rythme que dans l’ensemble du Canada, malgré une hausse plus élevée du prix des aliments achetés au restaurant. On dirait donc que les données de la vie réelle ne collaborent pas avec les prévisions négatives des adversaires de la hausse du salaire minimum. Réjouissons-nous-en!
Et alors…
Il est certain qu’il est encore tôt pour pouvoir conclure sur les impacts de la hausse de 21 % du salaire minimum en Ontario. Les estimations de l’EPA comportant une marge d’erreur importante (surtout pour des sous-populations comme celle des jeunes et des personnes travaillant dans des industries spécifiques), elles doivent être interprétées avec prudence. Par contre, avec six mois de données plus fiables de l’EERH, la tendance positive de l’emploi en Ontario se confirme mois après mois. De même, après sept mois de données qui ne montrent aucune inflation supplémentaire globale, mais seulement une hausse du prix des aliments, il semble clair que la hausse du salaire minimum n’a pas eu d’impact perceptible sur l’inflation. Bien sûr, les comparaisons que j’ai faites ne peuvent pas nous informer sur ce qui se serait passé sans hausse du salaire minimum. Par contre, j’ai aussi comparé les données de ce billet avec leur évolution au cours des années précédentes et j’ai constaté que la croissance de l’emploi observée en 2018 est semblable ou supérieure à celle des années antérieures.
Chose certaine, ces données convergent pour écarter l’hypothèse que le fait que le salaire minimum dépasse 47 ou même 50 % du salaire minimum entraîne automatiquement une baisse importante de l’emploi, surtout chez les jeunes. Et c’est normal. Lorsque les calculs pour en arriver à cette conclusion ont été faits pour le Québec, soit dans les années 1970, dernière période où on a pu observer un ratio du salaire minimum sur le salaire moyen supérieur à 50 %, les baby-boomers arrivaient en grand nombre sur le marché du travail, causant par le fait même un fort chômage qui aurait probablement eu lieu même si le salaire minimum avait été moins élevé. Même si le baby-boom fut moins fort en Ontario qu’au Québec, il y avait en 1976 en Ontario 2,29 jeunes âgé.es de 15 à 24 ans pour chaque personne âgée de 55 à 64 ans. Ce ratio des entrant.es sur les sortant.es était au cours des huit premiers mois de 2018 rendu à 0,92, soit à peine 40 % de son niveau de 1976, ou 2,5 fois moins élevé, ce qui veut dire qu’il entre de nos jours moins de jeunes sur le marché du travail ontarien qu’il n’y a de personnes qui le quitteront bientôt. À l’époque, on se plaignait du manque d’emplois, tandis que de nos jours les entreprises se plaignent du manque de travailleur.euses, et ce, au Québec comme en Ontario. Avec une hausse importante du salaire minimum, on a vu que plus de personnes semblent intéressées à joindre le marché du travail, ce que veulent justement les entreprises, même si nombre de ses représentant.es se plaignent de cette hausse! Bref, il se pourrait bien que ce dont ces entreprises se plaignent contribue en fait à les aider!
« Dans mes précédents billets sur le sujet, j’avais justement émis l’hypothèse que la hausse du salaire minimum pouvait avoir contribué à atténuer les difficultés de recrutement dans ces industries et à favoriser le maintien en poste des employé.es actuel.les »
Je vous invite à parcourir cette étude qui corrobore votre hypothèse sur la rétention du personnel. Elle contredit par contre votre remarque sur l’attraction, mais l’étude ne s’effectuait pas dans un contexte de rareté de main d’œuvre, ce explique peut-être la divergence. Globalement, ils concluent qu’une augmentation de salaire minimum « rigidifie » le marché du travail, c’est-à-dire moins de recrutements mais moins de licenciements ou de départs volontaires.
Cliquer pour accéder à pdf_paper_david-green-impact-minimum-wages-labour.pdf
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«Elle contredit par contre votre remarque sur l’attraction, mais l’étude ne s’effectuait pas dans un contexte de rareté de main d’œuvre, ce qui explique peut-être la divergence»
Voilà. Je demeure, je pense, toujours prudent dans mes affirmations. Des études sur les effets d’une hausse sur le salaire minimum, il y en a des tonnes et j’ai dû en présenter au moins une dizaine ici. La plupart de ces études concluent à des effets modérés. Cela dit, j’ai toujours dit qu’un effet à un endroit ne signifie pas qu’une hausse similaire aurait le même effet ailleurs. Il y a trop de facteurs en jeu, dont un bon nombre sont psychologiques (des entreprises pourraient fermer pensant que les effets de la hausse seraient graves pour elle, même s’ils ne le seraient pas), et ces facteurs peuvent varier d’un endroit à l’autre et d’une époque à l’autre au même endroit.
Par contre, on peut tenter d’analyser ces facteurs. En gros, une hausse du salaire minimum rend la création d’emplois plus cher, mais rend ces emplois plus attrayants (à la fois pour les chercheur.euses d’emploi et les personnes qui les occupent). Dans les années 1970, face à la forte hausse de l’offre de main-d’oeuvre due à l’arrivée des baby-boomers sur le marché du travail (arrivée d’autant plus massive qu’elle était formée de presqu’autant de femmes que d’hommes, alors qu’auparavant, elle était beaucoup plus masculine), le premier effet (création d’emplois plus cher) a pu, de fait, accentuer le chômage. Aujourd’hui, ce ne sont pas les emplois qui manquent, mais les travailleur.euses. Alors, c’est le deuxième effet (attrait plus fort) qui devrait prédominer.
Je ne prétends surtout pas être en mesure de mesurer l’ampleur de ces deux effets. Mais, les données récentes sur les postes vacants en Ontario vont dans le sens de mon analyse. Est-ce l’élément attrait ou l’élément rétention qui a primé? Impossible à dire pour l’instant. J’ai regardé rapidement les données sur l’aide sociale en Ontario, et n’ai pas vu f’effet notable sur le nombre de prestataires. Quand on aura accès aux données annuelles de l’EPA, je regarderai plus attentivement les données sur les jeunes (taux d’emploi chez les étudiant.es et non-étudiant.es, par exemple), mais, encore là, avec les marges d’erreur de ces données, il est possible que je ne trouve pas d’éléments concluants. Bref, les certitudes, ce n’est pas fréquent en économie, et encore moins dans le domaine du marché du travail!
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