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Le capitalisme expliqué à ma petite-fille

17 septembre 2018

Le titre du dernier livre de Jean Ziegler, qui a été rapporteur spécial auprès de l’ONU pour le droit à l’alimentation de 2000 à 2008, Le capitalisme expliqué à ma petite-fille (en espérant qu’elle en verra la fin), explique bien son objectif.

I : Jean Ziegler explique à Zohra, sa petite-fille, l’objet du désaccord entre lui et Peter Brabeck-Letmathe, président de Nestlé, «la société transcontinentale de l’alimentation la plus puissante du monde», au sujet du rôle du capitalisme sur la vie humaine, source de bienfaits généralisés pour le pdg et «responsable de crimes innombrables» pour le grand-père.

II : L’auteur aborde ici l’origine du capitalisme et, pour ce, clarifie de nombreux concepts, dont :

  • l’esclavagisme;
  • la féodalité;
  • le prolétariat;
  • les classes sociales;
  • la propriété des moyens de production;
  • la plus-value;
  • l’accumulation primitive;
  • le colonialisme.

III : L’auteur montre que la «Révolution française, c’est le triomphe politique, idéologique, économique de la bourgeoisie capitaliste en Europe au XVIIIe siècle», qui s’est manifesté notamment par «la sanctification de la propriété privée, fondement de l’exploitation capitaliste (…) [qui] a conduit au désastre dont – d’une façon terrible – nous souffrons aujourd’hui».

IV : L’auteur décrit le pouvoir des oligarques capitalistes et explique comment ils sont parvenus à l’obtenir et comment ils l’utilisent. Un chapitre puissant, avec des passages particulièrement horribles…

V : L’auteur compare le capitalisme mondialisé à un archipel qui contient des îlots de prospérité, essentiellement en Occident, puis décrit les caractéristiques et les conséquences de la société de consommation. Une des meilleures (et des plus déprimantes) descriptions que j’ai lue…

VI : Ce chapitre porte sur les inégalités. Pour mieux faire ressortir l’esprit de ce livre, je sens le besoin de citer un peu l’auteur. «L’inégalité est une réalité scandaleuse et parfaitement humiliante pour l’immense majorité des êtres humains sur cette terre (…). Les 500 sociétés transcontinentales privées les plus puissantes (…) ont contrôlé l’année passée 52,8 % du produit mondial brut (…). Ces cosmocrates, ces maîtres du monde détiennent un pouvoir financier, politique, idéologique tel qu’aucun empereur, aucun pape, aucun roi n’en a jamais disposé dans l’histoire des peuples. (…) [Le mode de production capitaliste] amplifie considérablement, et toujours plus, les moyens des riches et en prive dramatiquement, et toujours plus, les pauvres». Difficile de dire mieux! Et il parle ensuite de l’utilisation des paradis fiscaux par ces mêmes cosmocrates et de bien d’autres aspects des inégalités.

VII : L’auteur démonte l’image que se donnent les pays riches en prétendant aider les pays pauvres et montre que, au contraire, ce sont les pays pauvres qui financent les pays riches.

VIII : L’auteur tente de comprendre le peu de protestation de la population face aux «crimes commis par les capitalistes».

IX : Dans ce dernier chapitre, l’auteur aborde le fond du sujet de ce livre : faut-il vraiment détruire le le capitalisme (oui) et comment le faire? Par contre, la forme du système social et économique qui le remplacerait demeure une question ouverte…

Et alors…

Lire ou ne pas lire? Lire! Ce livre qui compte pourtant peu de pages (128, selon l’éditeur) est d’une richesse rare. Le mode choisi par l’auteur, soit une conversation avec sa petite-fille (dont l’âge n’est pas précisé, mais, par le contexte, on devine qu’elle est adolescente, ayant probablement une quinzaine d’années), est idéal pour obtenir un texte facile à lire et bien vulgarisé, d’autant plus que le grand-papa évite toute condescendance. Même si j’ai bien aimé ce livre, j’ai préféré de cet auteur celui que j’ai lu il y a quelques années (il dit d’ailleurs dans ce livre que c’est celui auquel il tient le plus), soit Destruction massive : Géopolitique de la faim (que j’ai présenté dans ce billet), car il est encore plus percutant. Cela dit, celui-ci est aussi excellent et vaut aussi la peine d’être lu!

5 commentaires leave one →
  1. Marc-André Lebeau permalink
    17 septembre 2018 21 h 23 min

    Bonjour
    Je me demandais si l’auteur citait une source concernant l’affirmation « Les 500 sociétés transcontinentales privées les plus puissantes (…) ont contrôlé l’année passée 52,8 % du produit mondial brut »

    Merci!

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  2. 18 septembre 2018 0 h 27 min

    Je ne me souviens pas, et ne peux pas vérifier, puisque je loue les livres que je commente aux bibliothèques. J’ai trouvé cette mention sur plein de sites (même wiki), mais sans jamais trouver de référence fiable (ça viendrait de la Banque mondiale, mais avec des années différentes, ce qui est étonnant pour un même taux!). Bref, votre question est bonne et jamais je n’aurais colporté cette phrase dans un de mes textes. Merci de me rappeler à l’ordre (j’aurais dû au moins mentionner l’absence de source)!

    J’aime

  3. Marc-André Lebeau permalink
    18 septembre 2018 9 h 00 min

    En aucun cas mon objectif était de vous ramener à l’ordre, je suis conscient que cette affirmation ne vous appartient pas. C’est seulement que je trouvais la statistique impressionnante et que mes recherches ne m’ont pas permis d’en trouver la source.
    Merci pour votre réponse

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  4. 24 septembre 2018 9 h 55 min

    Bonjour, concernant cette statistique (500=52.8%), ce que j’ai trouvé de plus similaire est:

    « Fortune Global 500 companies had revenues that equaled 37.8% of World GDP—down from 40.1% last year »

    écrit en juillet 2016, http://fortune.com/2016/07/22/global-500-in-6-charts/

    Aimé par 1 personne

  5. 24 septembre 2018 10 h 37 min

    Merci. Sa donnée semble provenir du début des années 2000. Il me semble avoir vu 2004 dans une des nombreuses pages qui citent cette donnée.

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