Détournement d’État
Avec Détournement d’État – Bilan de quinze ans de gouvernement libéral, Guillaume Hébert et Julia Posca «rappellent à notre mémoire les grandes figures du règne libéral (Jean Charest, Monique Jérôme-Forget, Raymond Bachand, Nathalie Normandeau, Tony Tomassi, Philippe Couillard, etc.) et peignent un tableau réaliste de la révolution (néo)libérale qu’a connue le Québec».
Introduction. De Charest… : Si, au cours du XXe siècle, «les politiques du PLQ ont contribué à changer en profondeur le visage du Québec moderne», depuis 15 ans, «il a pris une tout autre direction que celle choisie par la fameuse «équipe du tonnerre» de Jean Lesage dans les années 1960. Au terme de ce cycle, un bilan s’impose». Les auteur.es présentent ensuite quelques options pour situer le virage néolibéral au Québec, puis expliquent leur choix de se concentrer sur les 15 dernières années et le sens donné dans ce livre au terme «néolibéral».
1. Jérôme-Forget : Le retour les libéraux au pouvoir en 2003 est marqué par la «réingénierie de l’État», par la réduction de sa taille. Cette réingénierie s’est manifestée par :
- le remplacement d’un fonctionnaire sur deux (à la suite d’une retraite, d’un décès ou d’un départ);
- la signature de nombreux projets en partenariat public-privé (PPP);
- la promotion et la croissance de la sous-traitance.
Et, bien sûr, toutes ces décisions ont été inefficace et ont coûté très cher à l’État, donc à nous.
2. Bachand : Le passage de Raymond Bachand au poste de ministre des Finances s’est distingué par sa révolution culturelle (ou tarifaire) qui s’est traduite par l’augmentation de nombreux tarifs et de la taxe de ventes (de 7,5 à 9,5 %) et surtout par la création d’une taxe santé de 200 $ par contribuable, peu importe son revenu (à partir d’un seuil très faible), trois mesures fortement régressives (surtout la dernière).
3. Leitão : Ce chapitre débute en montrant des effets concrets sur des personnes des compressions libérales en santé mentale depuis l’arrivée au pouvoir de Philippe Couillard. Les auteur.es présentent ensuite une courte bio de Carlos Leitão et les tentatives de ce gouvernement pour noircir la situation financière du Québec pour ainsi justifier leur programme de réduction de la taille de l’État, puis analysent les principales compressions effectuées par ce gouvernement, compressions qui ont touché en premier lieu les plus vulnérables de la société, selon un rapport de la Protectrice du citoyen.
4. Couillard : Après une courte bio de Philippe Couillard dans laquelle on constate ses liens étroits avec le secteur privé et avec deux fraudeurs notoires, les auteur.es montrent en décrivant plusieurs de ses décisions qu’il est un grand promoteur du libéralisme économique et politique, et concluent : «À partir de 2014, le gouvernement dirigé par Philippe Couillard non seulement ne tient plus compte de l’opposition des mouvements sociaux aux politiques d’austérité et aux reculs sociaux considérables, mais il accélère la reconfiguration de l’État en faveur d’une gouvernance entrepreneuriale qui élimine une à une les instances de participation démocratique».
5. Chagnon : Après un exemple des conséquences déplorables de la mise en concurrence d’organismes communautaires due à la fin de subventions provenant de la Fondation Lucie et André Chagnon, les auteur.es montrent que les «fondations forment quasiment un nouvel État dans l’État» et avancent qu’à ce chapitre, «la place occupée par la Fondation Lucie et André Chagnon est exemplaire». C’est donc cette place ainsi que l’évolution du mouvement communautaire et du philanthrocapitalisme qui seront l’objet de ce chapitre.
6. Beaudoin : Pas de bio, cette fois! Ce chapitre décrit les nombreuses interventions gouvernementales (prêts sans intérêts, investissements, subventions, etc.) pour aider les entreprises de la famille Beaudoin-Bombardier depuis 2003, surtout dans Bombardier, mais aussi dans la cimenterie McInnis. J’aurais aimé que les auteur.es parlent aussi des débuts de Bombardier aéronautique par l’achat de la société de la couronne Canadair en 1986, mais, comme ce livre porte sur les 15 ans au pouvoir du parti libéral, il est normal que cet épisode n’ait pas été abordé. Les auteur.es se penchent ensuite sur l’influence sur les gouvernements libéraux des familles Péladeau et Desmarais, ainsi que de celle des fédérations de médecins.
7. Normandeau : Les ambitions de la première version du Plan Nord de Jean Charest étaient énormes. Elle ne se sont jamais réalisées. Les auteur.es décrivent le secteur minier au Québec et montrent à quel point son niveau d’activité dépend de l’évolution des prix des métaux (qui varient énormément, parfois d’une année à l’autre). Suivent ensuite une série de mauvaises décisions, aussi bien sur le plan économique qu’environnemental, dans les secteurs hydroélectrique (la construction du complexe de la Romaine) et des hydrocarbures (gaz de schiste), la plupart prises lors du passage de Nathalie Normandeau à la tête du ministère des Ressources naturelles (de juin 2009 à septembre 2011), époque particulièrement marquée par les nombreuses portes tournantes dans ces secteurs pour des ami.es du parti libéral.
8. Tomassi : Après une courte bio de Tony Tomassi, les auteur.es racontent ses aventures peu glorieuses lorsqu’il fut ministre de la Famille de 2008 à 2010, aventures tellement bien pourvues de magouilles de toutes sortes que son chef le congédia et qu’il termina son mandat comme député indépendant. Les auteur.es décrivent ensuite de nombreux autres cas de corruption impliquant des ministres libéraux.ales, et montre que la diminution du personnel compétent dans les ministères (notamment dans celui des Transports) ainsi que les passages fréquents du service public au secteur privé sont susceptibles «de générer des conflits d’intérêt» et de créer «un terreau fertile à la corruption». Les auteur.es concluent ce chapitre en soulignant que le «sens de la chose publique, [le] soucis des intérêts collectifs, la capacité d’en débattre, d’en distinguer les différents aspects, rien ne semble avoir été plus mis à mal que ces aptitudes en quinze années de règne libéral. Telle est sans doute la plus terrible des corruptions, dont les enveloppes brunes, les campagnes de financement obscures, le commerce illicite des garderies, des hôpitaux, des routes et des infrastructures en tout genre ne sont que les symptômes les plus douloureux. Les causes d’une telle dégradation sont sans doute complexes, mais le tout-au-privé des politiques néolibérales n’est assurément pas la moindre d’entre elles».
Conclusion. … à Legault : Les auteur.es résument l’impact de la présence des libéraux au pouvoir depuis 2003 et s’inquiètent que leurs remplaçants, si jamais c’était des caquistes, ne fassent pas que poursuivre cette tendance, mais l’empire. Malheureusement, cette inquiétude était justifiée…
Et alors…
Lire ou ne pas lire? Lire! Ce qui m’a le plus impressionné dans ce livre, c’est la qualité de la recherche, l’exhaustivité des faits rapportés. Il se lit comme se boit du petit lait. Même si on connaît la plupart des faits mentionnés, le fait de les regrouper dans des chapitres thématiques permet de mieux visualiser l’impact complet des décisions des gouvernements du PLQ qui ne seraient pas aussi dommageables si elles n’étaient pas si nombreuses et si elles ne touchaient pas autant de secteurs de la politique, de la société et de l’économie. Et, les notes sont en bas de page. Bravo!
À l’émission « Enquête » sur Péladeau, il y avait une partie touchant la vente de Vidéotron. La famille Chagnon avait pratiquement conclue la vente avec Rogers lorsque le gouvernement québécois intervena. Il demanda à Péladeau d’acheter Vidéotron… sauf qu’avec ses investissement dans un domaine « plein d’avenir » qu’était l’impression, il n’avait pas l’argent.
C’est alors qu’intervient la Caisse de Dépôt pour avancer l’argent.
Le problème pour les Chagnon, c’est qu’ils avaient un arrangement financier avec Rogers qui permettait l’évasion fiscale… ce qui n’était plus possible avec la Caisse de dépôt… qui devra compenser en partie la « différence »!
Nonobstant cela, la famille Chagnon trouva un échappatoire plan « B » en créant une fondation.
D’ailleurs, j’ai déjà lue dans un article sur les fondations canadiennes (Malheureusement le titre de l’article m’échappe) où la fondation Chagnon était la 4ième plus grosse fondation au Canada…. mais qu’elle ne se classait pas parmi les 50 premières pour les sommes distribuées annuellement!
La fiscaliste Brigitte Alepin l’avait cité comme cas à TLMEP… mais son entrevue fut l’une des deux seules coupée au complet au montage! (Je soupçonne qu’elle citait aussi Guy Laliberté, un chum de poker de Guy A. Lepage)
La raison que Guy A. Lepage donnait c’est qu’elle était trop technique et pas assez bien préparée. Or Louise Portal, qui était l’une des invités, affirmait que Mme Alepin était très intéressante et avait très bien vulgarisé le sujet…
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Oui, je me souviens du retrait de l’entrevue de Brigitte Alepin de TLMEP. J’ai aussi parlé des passes de la famille Chagnon (en me basant sur le contenu d’un livre de Mme Alepin) à :
https://jeanneemard.wordpress.com/2011/02/23/charite-bien-ordonnee/
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