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Les fausses nouvelles

28 janvier 2019

Sous la direction de Florian Sauvageau, Simon Thibault et Pierre Trudel, le livre Les fausses nouvelles – nouveaux visages, nouveaux défis – Comment déterminer la valeur de l’information dans les sociétés démocratiques ? analyse les impacts des fausses nouvelles sur les journalistes et la population, et propose des mesures pour y faire face.

Introduction : Florian Sauvageau et Simon Thibault présentent les différents types de fausses nouvelles, distinguant les «fake news» des «false news», elles-mêmes se divisant en différentes manifestations, puis expliquent que, même si l’utilisation du terme fake news est récent, le phénomène est loin d’être nouveau, servant aussi bien la propagande de guerre que la vente de journaux à scandale (notamment dans des tabloïds). Le phénomène est toutefois plus inquiétant de nos jours en raison de la «transmission rapide de quantités énormes de messages à des milliers de personnes» et «de l’impact de cette désinformation sur la qualité de notre expérience démocratique».

Première partie – De quoi parle-t-on ?

1. Sur l’étude des sujets populaires ou les confessions d’un spécialiste des fausses nouvelles : Tommaso Venturini «se demande si nous ne parlons pas trop des fausses nouvelles», notamment parce qu’il «n’existe aucun moyen sérieux de délimiter un tel champ d’expertise», les fausses nouvelles désignant «des phénomènes aussi différents que la satire, la parodie, la fabrication, la manipulation», certaines publicités, la propagande, la désinformation et même les choix de nouvelles à présenter.

2. Nouvelles bidon et propagande informatique à travers le monde : Samantha Bradshaw et Philip Howard examinent la quantité de nouvelles bidon («junk news») «diffusées lors des élections majeures de 2016 et 2017, ainsi que l’investissement croissant dans ces méthodes et technologies pour perturber le débat public». Les auteur.es se demandent en conclusion quelles sont les conséquences de ces nouvelles sur la démocratie et sur l’accessibilité d’Internet.

3. Les « fausses nouvelles », éléments d’un écosystème médiatique alternatif ? : Guillaume Latzko-Toth avance que les fausses nouvelles sont en fait «un élément d’un écosystème médiatique global» et non seulement un «système alternatif ou parallèle, comme le croient certains chercheurs».

4. L’accusation de fake news – médias sociaux et effets politiques : Serge Proulx «se demande s’il ne faut pas voir le succès des fausses nouvelles comme une réaction des exclus qui auraient l’impression que la vérité des médias de masse n’est plus la leur».

Deuxième partie – Regards de journalistes

5. Craig Silverman : pionnier de l’enquête journalistique sur la désinformation en ligne : Simon Thibault mène une entrevue avec Craig Silverman, l’inventeur de l’expression «fake news». Celui-ci a dépisté des sites qui propagent ce genre de nouvelles uniquement pour faire de l’argent, sans objectif politique ou de désinformation. Il considère que la vérification des faits, quoique nécessaire, ne suffit pas. Pour compléter et améliorer ces vérifications, il plaide «pour une collaboration des journalistes et des scientifiques».

6. L’écosystème des fake news : état des lieux au Québec : Jeff Yates, chroniqueur spécialisé en vérification des faits et phénomènes de désinformation sur le web, présente les deux principaux sites de fausses nouvelles du Québec (dont mondialisation.ca en français), puis montre que le Québec est moins vulnérable à la manipulation politique d’envergure que les États-Unis en raison de sa petite taille et de sa langue. Cela dit, les fausses nouvelles créées à petite échelle par des groupes surtout conspirationnistes, anti-immigration et d’extrême-droite y circulent quand même abondamment.

7. La production de fausses nouvelles scientifiques – le cas de la vaccination : Après avoir présenté brièvement quelques fausses nouvelles scientifiques célèbres, Jean-Marc Fleury s’attarde à celles «sur la vaccination, car elles jouent un rôle dans le retour de maladies pratiquement disparues des sociétés modernes, comme la rougeole». Avec cet exemple, «nous ferons connaissance avec la nouvelle réalité des revues scientifiques dites «prédatrices», sources croissantes de fausses nouvelles scientifiques».

8. Le conflit ukrainien et la traque des fausses nouvelles : Nadine I. Kozak, Maria Haigh et Thomas Haigh «relatent les efforts du groupe de journalistes StopFake.org pour contrer les fausses nouvelles en Ukraine».

9. La propagande, de Bush père à Donald Trump : John R. MacArthur relate une enquête qu’il a menée en 1992 sur la guerre du Golfe qui «a contribué à mettre à jour une des plus importantes opérations de désinformation des dernières décennies».

Troisième partie – Quelques pistes de solution – 1. L’appui aux citoyens

10. La détection des nouvelles trompeuses et fallacieuses dans les contenus en ligne : Victoria L. Rubin présente les caractéristiques de divers types de tromperies et de fausses nouvelles, explique comment les reconnaître et décrit des technologies de détection automatisées développées au cours des dernières années, technologies qui peuvent contribuer à repérer plus facilement ces nouvelles et tromperies, et même à les distinguer des parodies. Elle recommande aussi plus de formation à la pensée critique et une réglementation mieux adaptée aux techniques de tromperie.

11. Alphabétiser à l’actualité – examen des réponses éducatives aux fausses nouvelles : Normand Landry se penche sur la nécessité de développer des savoirs et des compétences «jugées indispensables à l’analyse critique de l’actualité». Ces savoirs et compétences «doivent inculquer des attitudes et favoriser des comportements jugés adéquats, en plus de développer des savoir-faire en production et en analyse de l’actualité».

Troisième partie – Quelques pistes de solution – 2. La voie législative ?

12. La Loi d’application sur les réseaux – L’approche allemande pour lutter contre les « fausses nouvelles », la violence et le discours terroriste dans les réseaux sociaux : Bernd Holznagel «analyse de façon détaillée l’approche allemande pour lutter contre les fausses nouvelles, la violence et le discours terroriste sur les réseaux sociaux».

13. Lutte contre les « fausses informations » en France : Emmanuel Derieux «explique pourquoi la proposition de loi sur les fausses nouvelles en France ne lui semble guère utile», surtout parce que les lois actuelles sont suffisantes pour atteindre les objectifs de la proposition de loi sur les fausses nouvelles et que la priorité serait de voir à leur application plutôt que de créer de nouvelles lois qui pourraient, dans certains cas, compromettre la liberté d’expression.

14. Déluge et pollution – des métaphores pour penser la lutte aux fausses nouvelles : Christopher Terry montre «comment la protection constitutionnelle de la liberté de la presse aux États-Unis y rend difficile toute intervention de l’État».

15. Les fausses nouvelles – nouveaux visages et nouveaux défis : Pierre Trudel et Simon Thibault font le point sur les sujets abordés dans les textes de ce livre. Ils concluent en se demandant si les législations adoptées jusqu’à maintenant sont suffisantes et adéquates. Selon eux, elles «négligent d’intervenir au niveau des processus algorithmiques, ceux-là mêmes qui sont au cœur des processus de création de valeur qui prévalent sur Internet».

Épilogue – Fausses nouvelles et mauvaises (h)Histoires : Michael Palmer «nous rappelle avec humour que les fausses nouvelles ne sont pas nées avec Facebook. Il y a eu (…), il y a et il y aura encore des fausses nouvelles». Cet épilogue clôt très bien ce livre!

Et alors…

Lire ou ne pas lire? Lire, mais avec quelques réserves. Si ce livre couvre bien les différents aspects de la question et que les textes qu’on y lit sont bien appuyés par les faits et suscitent notre intérêt, on y trouve aussi de nombreuses répétitions (particulièrement sur les différentes définitions de «fausses nouvelles»), ce qui est inévitable dans un tel livre composé de textes provenant d’autant d’auteur.es (18). Chose certaine, j’en sais plus sur ce sujet qu’avant de lire ce livre. Les notes sont en bas de page et les références sont à la fin des chapitres, ce qui est approprié, car tous les textes sont indépendants les uns des autres.

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One Comment leave one →
  1. 28 janvier 2019 5 h 27 min

    Ce qui est clair pour moi est qu’il faut réfuter toute proposition d’établir un Ministère de la Vérité

    J’aime

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