La tête haute
Avec son livre La tête haute – Guide d’autodéfense intellectuelle, Mathilde Levesque montre que «se faire respecter est un art qui s’apprend à travers le discours. Avec force, humour, et dignité».
Avant-propos : L’autrice explique à qui s’adresse ce livre et précise ses objectifs. Elle conclut que «Garder la tête haute, c’est d’abord ne pas avoir à baisser les yeux. Ni face à l’autre, ni face à soi-même».
I. Pourquoi se défendre : Le concept d’autodéfense intellectuel désigne en général la «nécessité de se construire un esprit critique». L’autrice cite notamment Noam Chomsky et Normand Baillargeon à cet égard. Elle entend ici compléter le sens de ce concept avec la défense contre «la violence ordinaire des échanges humains».
L’autodéfense – une réalité tardivement reconnue : L’autodéfense physique est souvent composée de techniques offensives, tandis que l’autodéfense intellectuelle ne contient que des mesures de protection.
Se défendre pour ne pas être écrasé(e) : La violence intellectuelle est souvent liée au positionnement social des interlocuteur.trices, positionnement qui est lié au statut social, à la classe sociale, à l’origine ethnique, au sexe, etc. L’autrice donne ensuite des exemples de violence intellectuelle et d’autodéfense en fonction de différents positionnements sociaux.
Se défendre – un droit et une nécessité : L’autrice énonce les principes que doit respecter l’autodéfense intellectuelle qu’elle associe à de la légitime défense. Elle présente ensuite avec des exemples les motifs des personnes agressantes intellectuellement et les huit raisons de lire ce livre.
Test – Comment vous défendez-vous ? : Ces huit mises en situation sont intéressantes. Si les «bonnes» réponses ne sont pas trop difficiles à trouver, j’ai regretté à quelques reprises que l’autrice n’ait pas ajouté des options «aucune de ces réponses». Disons que les différences culturelles entre la France et le Québec sont ici évidentes. À moins que ce soit seulement entre elle et moi!
II. Repérer la manipulation
Test – Dis-moi quel est ton agresseur, je te dirai qui tu es : Un autre test nous demande de choisir les commentaires agressants qui nous rebutent le plus. Cela permet, selon l’autrice, de trouver le type d’agressions ou d’agresseurs qui nous enragent le plus,
Comment repérer quelqu’un qui veut qu’on le voie ? : L’autrice décrit les signes qui permettent de reconnaître les personnes qui ont du pouvoir et surtout celles qui veulent qu’on le sache.
Les 11 figures de rhétorique des manipulateurs : L’autrice explique le fonctionnement de ces 11 figures de rhétorique (qui ont parfois, comme elle le dit, des noms à coucher dehors), en donne des exemples et propose des façons d’y réagir ou d’y répondre. Ce chapitre est celui que j’ai trouvé le plus intéressant et instructif jusqu’ici.
Aux frontières de l’argumentation : sophismes et autres embrouilles : L’autrice procède comme dans le chapitre précédent, mais cette fois avec le fonctionnement de sophismes et les façons d’y faire face.
Marionnettes et langue de bois – la manipulation dans les discours médiatique et politique : Ce chapitre porte sur le fait que bien des gens se méfient plus des informations transmises par les médias traditionnels que par les médias sociaux, même conspirationnistes. L’autrice invite ici les gens à faire preuve de pensée critique, comme le recommande notamment Normand Baillargeon. Elle analyse ensuite les caractéristiques du discours conspirationniste (le texte proposé en exemple est un des plus hallucinants que j’ai lus) et de l’utilisation de la «langue de bois» (soit «ne rien dire, mais tout faire pour donner l’impression du contraire»), notamment par les politicien.nes et les gestionnaires. Un autre chapitre de bonne tenue!
Test – Êtes-vous devenu un fin limier ? : J’ai trouvé ce test bien plus intéressant et pertinent que les précédents. L’autrice nous demande de reconnaître la rhétorique manipulatrice utilisée dans huit citations.
III. Comment se faire respecter : Après avoir donné des outils pour reconnaître les moyens utilisés par les manipulateur.trices, l’autrice se penche sur les moyens d’y réagir.
Les 10 idées reçues qu’il faut absolument oublier : Ces idées viennent souvent de ce qu’on appelle la «sagesse populaire», mais ne sont en fait que des formes d’arguments ad populum. Par exemple, la première de ces idées, «l’habit ne fait pas le moine» est erronée, car l’habit représente l’image qu’une personne veut donner d’elle-même. Parlez-en à Catherine Dorion! De même, il n’est pas toujours bon d’avoir le dernier mot, car répliquer à un argument sans fondement est lui donner de l’importance. C’est le principe derrière la règle de ne pas nourrir les trolls (l’autrice n’a pas donné cet exemple).
10 règles d’or pour se faire respecter : Ces règles visent à nous permettre de «tirer notre épingle du jeu». Même si ce genre de conseils me laisse en général plutôt froid, ce chapitre est intéressant et ses conseils pertinents. Ils favorisent la réflexion plutôt que de simplement transmettre des recettes.
Le plaisir de la confrontation : Le titre résume bien le contenu de ce court chapitre (4 pages).
Savoir prendre des risques : Il serait facile de simplement se tenir loin des confrontations. Mais, non seulement on se priverait d’un plaisir, mais ce serait un comportement contre nature. Mais, pour cela, il faut prendre des risques. Et, encore ici, l’autrice le montre et le démontre avec moult exemples.
Et alors…
Lire ou ne pas lire? Lire! En lisant le résumé de ce livre, je craignais un peu d’être tombé sur un livre de croissance personnelle, même si l’article qui m’avait donné le goût de me le procurer était élogieux. On y trouve bien certains aspects ressemblant à des recettes pour mieux vivre, mais ce n’est pas l’essence du livre et même ces aspects sont présentés avec tellement d’humour et de distanciation qu’ils se lisent avec plaisir. C’est aussi et surtout un livre qui nous fait réfléchir sur les interactions humaines. Et j’ai aimé!
J’ai failli oublier de préciser que les notes sont en bas de page.