Le marché du travail en mai 2020 et la COVID-19
Les données de mars et d’avril du Bureau of Labor Statistics (BLS) et de l’Enquête sur la population active (EPA) nous ont montré les effets majeurs des mesures adoptées pour limiter les dégâts de la COVID-19 sur les marchés du travail des États-Unis, du Canada et du Québec. On verra ici si ma prévision d’une baisse de l’ampleur de ces effets s’est réalisée en mai.
Mai 2020 aux États-Unis
Le BLS publie au début de chaque mois (le 5 juin pour mai 2020) les données de deux enquêtes, soit celles de la Household Survey (HS), l’équivalent de l’EPA canadienne, et de l’Establishment Survey (ES), qui ressemble plus à l’Enquête sur l’emploi, la rémunération et les heures de travail (EERH), dont les données sont publiées au Canada près de deux mois après celles de l’EPA. Toutefois, les médias ne font à peu près jamais la distinction entre ces deux enquêtes et commentent en général uniquement la variation de l’emploi selon l’ES et le taux de chômage selon la HS. La couverture journalistique de la publication des données de mai dernier par le BLS n’a pas fait exception, les articles que j’ai lus, dont celui-ci du Devoir, ne retenant que l’ajout de «2,5 millions d’emplois» (sans mentionner que cette donnée vient de l’ES, voir la dernière colonne de ce tableau) et la baisse du taux de chômage de 14,7 % à 13,3 % entre avril et mai (sans mentionner non plus que cette donnée vient de la HS, voir la septième ligne de cet autre tableau), pensant probablement que ces deux données sont liées. Or, elles ne le sont pas.
Si on regarde plus attentivement les données de la dernière colonne du tableau de la HS, on verra que, selon les estimations de cette enquête, il ne se serait pas ajouté 2,5 millions d’emplois en mai, mais plutôt 3,8 millions (3 839 000, dans le tableau), soit 1,3 million de plus qu’estimé par l’ES. Entre février et mai, cela nous donne une baisse de 19,6 millions d’emplois ou de 12,8 % selon l’ES et de 21,5 millions ou de 13,6 % selon l’HS, écart moins élevé qu’au cours des deux derniers mois. Rappelons que les périodes de référence de ces deux enquêtes ne sont pas identiques (du 10 au 16 mai pour la HS et la période de paye incluant le 12 mai pour l’ES, période qui peut être hebdomadaire, aux deux semaines, bimensuelle ou mensuelle), et que l’ES ne tient compte que des salarié.es non agricoles, excluant donc des travailleur.euses autonomes et les salarié.es agricoles.
Par ailleurs, la hausse de l’emploi et la baisse du taux de chômage de mai ont surpris beaucoup d’économistes selon tous les articles que j’ai lus, dont celui du Devoir mentionné plus tôt. J’ai par exemple lu Paul Krugman remettre ces données en question et même mettre en doute l’indépendance du BLS pour cette raison (il s’est rapidement rétracté et excusé). Comme le mois dernier, ces économistes se basaient sur le nombre de demandes de prestations d’assurance-chômage depuis le 21 mars (42,6 millions), mélangeant ainsi des flux (ces demandes) et des variations de stocks (baisse du nombre d’emplois entre deux périodes ou hausse du nombre de personnes qui n’ont plus d’emploi). Pourtant, le communiqué de presse du 28 mai Department of Labor (DOL) a précisé que le nombre de prestataires (insured unemployment) a diminué de 3,9 millions entre les semaines se terminant le 9 et le 16 mai (soit la semaine de référence de la HS) pour atteindre 21,1 millions, niveau du même ordre de grandeur que l’estimation des pertes d’emplois selon la HS (21,5 millions, je le rappelle) ou que la hausse du nombre de chômeur.euses et d’inactif.ives (21,9 millions). On voit que même au cours d’une période de pandémie, les personnes en chômage ou inactives sont nombreuses à retrouver un emploi par la suite.
Les données de la HS permettent aussi de savoir le nombre de personnes qui perdent leur emploi qui sont considérées par le BLS en chômage ou inactives. En effet, si une personne sans emploi n’en cherche pas activement ou ne prévoit pas un rappel dans les quatre semaines qui suivent, elle sera considérée comme inactive. Si les données de ce tableau de la HS nous montrent que le nombre de personnes en chômage a augmenté davantage que le nombre d’inactif.ives entre février et mai, soit de près de 15,2 millions par rapport à 6,7 millions, il demeure que si toutes ces personnes avaient satisfait aux critères du chômage, le taux de chômage en mai aurait atteint 16,8 % plutôt que 13,3 %, en hausse de 13,3 points de pourcentage plutôt que de 9,8 points depuis février (3,5 %). Notons que ce calcul montre une amélioration encore plus importante que du côté du taux de chômage officiel par rapport à avril, avec une baisse de 2,3 points de pourcentage (16,8 % en mai par rapport à 19,1 % en avril), plutôt que de 1,4 point (14,7 % et 13,3 %), ce qui montre que le chômage a baissé même si moins de personnes ont renoncé à chercher un emploi.
Mai 2020 au Canada
La semaine de référence de l’EPA pour le mois de mai était du 10 au 16 mai, soit la même que celle de la HS des États-Unis. Statistique Canada a d’ailleurs publié son communiqué sur les données de l’EPA du mois de mai le même jour que celui du BLS, soit le 5 juin. Cette semaine de référence suivait la reprise graduelle des activités au Québec dans les écoles primaires et les services de garde, ainsi que dans les secteurs manufacturier et de la construction à partir du 11 mai. Ajoutons la réouverture de certains magasins à l’extérieur de la grande région de Montréal le 4 mai. On m’excusera de ne pas avoir suivi d’aussi près les décisions du genre dans le reste du Canada.
Statistique Canada, comme dans ses communiqués pour les mois de mars et avril, a publié plus d’informations qu’à l’habitude ainsi que trois tableaux présentant les faits saillants (ici, ici et ici). On y apprend notamment que :
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en raison d’une hausse de près de 300 000 emplois en mai (ou de 1,8 %), l’estimation de l’emploi en données désaisonnalisées a diminué d’environ 2,7 millions ou de 14,1 % entre février et mai, baisse de la même ampleur qu’aux États-Unis (13,6 %, selon les données de la HS, la plus comparable à l’EPA);
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l’estimation du nombre de chômeur.euses a connu une hausse de près de 1,5 million de personnes entre février et mai, en raison d’une nouvelle hausse de 200 000 en mai, faisant passer le taux de chômage de 5,6 % en février à 13,7 % en mai (13,0 % en avril);
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par contre, le nombre de personnes inactives a diminué de 470 000 en mai, mais a augmenté de 1,3 million de personnes entre février et mai, faisant diminuer le taux d’activité de 65,5 % en février à 61,4 % en mai (59,8 % en avril); la hausse du nombre de chômeur.euses jumelée à la baisse encore plus forte du nombre d’inactif.ives montre que bien des inactif.ives sont retourné.es en emploi ou ont recommencé à en chercher ou à prévoir un retour au travail dans au plus quatre semaines;
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les proportions de la hausse du chômage et de l’inactivité sur la hausse totale de ces deux données depuis février (soit 53 % et 47 %) étaient encore une fois en mai très différentes de celles observées aux États-Unis (soit 69 % et 31 %); cela indique que les personnes qui ont perdu leur emploi aux États-Unis cherchaient plus souvent un emploi ou auraient plus confiance de retrouver leur emploi dans au plus quatre semaines que celles du Canada;
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si la hausse du chômage et de l’inactivité avait plutôt été uniquement une hausse du chômage, le taux de chômage en mai aurait atteint 19,3 % plutôt que 13,7 %, en hausse de 13,7 points de pourcentage plutôt que de 8,1 points depuis février (5,6 %); Statistique Canada estime le taux de chômage ajusté à 19,6 %, mais ne fournit pas de précision sur son calcul («Si l’on inclut les personnes qui voulaient travailler mais qui n’ont pas cherché d’emploi, […] on obtient un taux de chômage ajusté de 19,6 % en mai»);
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en plus de la perte de 2,7 millions d’emplois, Statistique Canada souligne que, parmi les personnes en emploi, 2,2 millions de plus qu’en février (mais 300 000 de moins qu’en avril) ont travaillé moins de la moitié de leurs heures habituelles, parfois aucune;
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le nombre d’heures travaillées a augmenté de 13,8 % en mai, faisant passer la baisse entre février et mai à 18,5 %, soit bien moins qu’entre février et avril (28,3 %); alors que cette baisse entre février et avril était près de deux fois plus élevée que celle du nombre d’emplois (15,7 %), elle ne lui était plus élevée que de 30,5 % en mai (18,5 % par rapport à 14,1 %);
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l’emploi à temps partiel a diminué beaucoup plus entre février et mai (27,6 %) que l’emploi à temps plein (11,1 %);
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mai est le premier mois au cours duquel Statistique Canada fournit des données sur le travail d’été des étudiant.es; selon ces données, le taux de chômage des étudiant.es qui étudiaient à temps plein en mars et qui prévoyaient poursuivre leurs études à l’automne est passé de 13,8 % en mai 2019 à 40,3 % en mai 2020 et leur taux d’emploi de 46,8 % à 27,4 %.
Malheureusement, Statistique Canada n’a pas publié en mai de graphique ou de données sur les flux entrants et sortants de l’emploi et du chômage. Dommage…
Mai 2020 au Québec
Au Québec :
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avec une hausse de 231 000 en mai (ou de 6,5 %), l’estimation de l’emploi en données désaisonnalisées a diminué d’environ 590 000 ou de 13,4 % entre février et mai (mais de 32,7 % chez les 15 à 24 ans, malgré une hausse de 6,3 % en mai), soit un peu moins que dans le reste du Canada (14,4 %); si l’emploi a diminué à un rythme semblable
chez les femmes (18,4 %) et chez les hommes (19,0 %) entre février et avril, la hausse de mai fut deux fois plus importante chez les hommes (8,3 %) que chez les femmes (4,5 %), surtout en raison de la reprise graduelle des activités dans les secteurs manufacturier et de la construction, alors que celle dans les écoles et les services de garde a eu peu d’impact sur l’emploi, la majorité des salarié.es étant demeuré.es en emploi en mars et en avril (surtout dans les écoles); de février à mai, la baisse fut de 281 000 chez les hommes (12,3 %) et de 308 000 chez les femmes (14,7 %);
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la baisse de l’emploi chez les hommes et chez les femmes ramène leur niveau d’emploi à celui du début de 2007;
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si le nombre d’emplois a globalement diminué de 13,4 % entre février et mai, cette baisse fut de 19,3 % chez les employé.es (ou salarié.es) du secteur privé, de 4,7 % chez les employé.es du secteur public et de seulement 3,9 % chez les travailleur.euses autonomes (l’ajustement à une baisse d’activité se traduit plus souvent par une baisse d’heures travaillées et de revenus que par une perte d’emploi chez ces travailleur.euses);
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en raison d’une hausse étonnante de 29 % en mai (trois fois plus importante que la hausse de 9 % du nombre d’emplois), le nombre d’heures travaillées en données non désaisonnalisées a diminué de 17 % entre février et mai, baisse nettement plus forte que le nombre d’emplois (11,1 %); notons que la hausse trois fois plus forte du nombre d’heures travaillées que le nombre d’emplois en mai s’explique surtout par la hausse de 155 % de ces heures dans la construction (par rapport à une hausse de l’emploi de 51 %), de 66 % dans l’enseignement (9 %), de 66 % aussi dans les autres services (surtout la coiffure et la réparation d’automobiles, 6 %), de 37 % dans la fabrication (18 %), de 33 % dans l’hébergement et la restauration (7 %) et de 27 % dans le commerce de gros et de détail (12 %); ces secteurs déconfinés au moins partiellement sont responsables de plus de 70 % de la hausse du nombre d’heures travaillées;
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l’emploi à temps partiel en données désaisonnalisées a diminué beaucoup plus (34,2 %) entre février et mai que l’emploi à temps plein (8,8 %);
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l’estimation du nombre de chômeur.euses a connu une hausse de 399 200 entre février et mai, malgré une baisse de 125 500 (ou de 17 %) entre avril et mai (alors que ce nombre a augmenté de 181 000 ou de 22 % en Ontario, comme on peut le voir dans l’image qui accompagne ce billet), faisant passer le taux de chômage de 4,5 % en février à 13,7 % en mai, en baisse de 3,3 points de pourcentage par rapport à avril (17,0 %); notons que le Québec fut la seule province qui a connu un baisse du nombre de chômeur.euses en mai;
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l’estimation du nombre de personnes inactives a augmenté de 206 300 entre février et mai, malgré une baisse de 101 400 en mai, faisant diminuer le taux d’activité de 64,7 % en février à 61,9 % en mai, en hausse de 1,5 point de pourcentage par rapport à avril (60,4 %);
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si l’ajout d’inactif.ives avait plutôt été un ajout de chômeur.euses (bref, si ces personnes avaient dit avoir cherché un emploi ou prévoir un rappel dans moins de cinq semaines), le taux de chômage aurait atteint 17,6 %;
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le taux de chômage des étudiant.es qui étudiaient à temps plein en mars et qui prévoyaient poursuivre leurs études à l’automne est passé de 11,1 % en mai 2019 à 37,1 % en mai 2020 et leur taux d’emploi de 52,4 % à 35,0 %.
Les proportions de la hausse du chômage et de l’inactivité sur la hausse totale de ces deux données, soit 66 % et 34 %, sont passablement différentes de ces proportions pour le reste du Canada, soit 49 % et 51 %, ce qui montre un comportement différent entre les personnes qui ont perdu un emploi au Québec et dans le reste du Canada, celles du Québec ayant beaucoup plus souvent (66 % par rapport à 49 %) répondu chercher un emploi ou prévoir un rappel dans moins de cinq semaines. Cette proportion pour le Québec ressemble plus à celle observée aux États-Unis (soit 69 % et 31 %). Ainsi, alors que le taux de chômage officiel au Québec et dans le reste du Canada était identique (13,7 %), le taux de chômage ajusté en fonction de la hausse de l’inactivité était nettement moins élevé au Québec (17,6 %) que dans le reste du Canada (19,3 %). Cela montre à quel point il faut faire preuve de prudence quand on analyse les données sur le chômage, surtout dans une période comme celle-ci.
Il est aussi possible que la désaisonnalisation des données soit douteuse cette année, car les mouvements de l’emploi sont dus en grande majorité à un phénomène non saisonnier, soit la fermeture et la réouverture de secteurs jugés non prioritaires. Par exemple, les taux de chômage en mai des hommes et des femmes étaient presque égaux en données désaisonnalisées (13,7 % et 13,8 %), mais plus élevés chez les hommes en données non désaisonnalisées (13,6 % par rapport à 13,2 %). Bref, voilà bien une autre incertitude dont on doit tenir compte pour interpréter correctement ces données, surtout celles qui touchent les secteurs les plus saisonniers.
J’hésite habituellement à analyser les variations mensuelles d’emploi par industrie à partir des données de l’EPA, car les marges d’erreur à 95 % de ces variations sont bien souvent supérieures aux changements de ces estimations. D’ailleurs, je me suis posé beaucoup de questions dans mes billets sur les données de mars et d’avril de l’EPA sur la baisse de 72 600 emplois (baisse de plus de 24 %) entre février et mars dans les services d’enseignement, baisse ramenée à 54 900 en avril, pendant que les données beaucoup plus fiables de l’EERH (car sans marges d’erreur) de mars montraient plutôt une baisse de seulement 3000 emplois ou de 0,9 %! Dans ce contexte, je n’ai pas été surpris de constater que les estimations de mai de l’EPA montrent une hausse de 35 200 emplois dans cette industrie, pour ramener la baisse de l’emploi dans l’enseignement à un peu moins de 20 000 (19 700) entre février et mai. S’il est possible que la réouverture des écoles hors de Montréal puisse expliquer au moins en partie cette hausse, elle montre probablement aussi un ajustement par rapport aux baisses douteuses des mois précédents. En effet, les personnes travaillant dans les écoles rouvertes sont pour la plupart demeurées en emploi au cours des mois précédents, les enseignant.es tentant par exemple d’enseigner à distance. On verra à quel point cette hausse est bien réelle quand les données de l’EERH sur le mois de mai paraîtront, soit dans sept semaines (ou huit pour la parution de mon billet).
En tenant compte de cette réserve qui illustre bien les marges d’erreur importantes des estimations de l’EPA, je vais présenter les industries dont les estimations d’emploi ont le plus augmenté entre avril et mai, et celles dont les estimations d’emploi ont le plus diminué entre février et mai. Pour mieux suivre, j’ai produit un tableau qui montre justement ces données pour toutes les industries pour lesquelles le tableau 14-10-0355-01 de Statistique Canada publie des estimations.
Les quatre hausses les plus importantes entre avril et mai 2020 se sont observées dans des industries dont les activités ont repris au moins en partie entre les semaines de références de l’EPA de ces deux mois. Ces quatre hausses représentent en tout 88 % de la hausse totale entre ces deux mois, soit 202 800 emplois sur 230 900 :
- la construction (hausse de 57 900 emplois, ou de 34 %);
- la fabrication (56 100 ou 14,5 %);
- le commerce de gros et de détail (53 600 ou 10 %);
- les services d’enseignement (35 200 ou 13,4 %).
Notons aussi la hausse de 6900 emplois dans la foresterie, pêche, mines, exploitation en carrière, et extraction de pétrole et de gaz, relativement faible en nombre, mais la deuxième plus élevée en pourcentage (21 %).
Pour atteindre une représentation semblable à la précédente (88 %), je dois présenter les baisses de huit industries au lieu de quatre. Cela montre que les réouvertures ont été plus concentrées que les fermetures dues à la COVID-19. Ces huit baisses représentent en tout 85 % de la baisse totale entre février et mai, soit 503 400 emplois sur 589 600 :
- les services d’hébergement et de restauration (baisse de 137 000, ou de 52 %, soit de loin l’industrie la plus touchée, à la fois en nombre d’emplois et en pourcentage);
- le commerce de gros et de détail (78 300, ou 12 %);
- la fabrication (58 900, ou 12 %);
- le transport et l’entreposage (58 900, ou 24 %);
- la construction (52 200, ou 19 %); notons que, en données non désaisonnalisées, la baisse ne fut que de 14 500, selon le tableau 14-10-0022-01;
- les autres services (sauf les administrations publiques), dont les salons de coiffure, les autres services personnels et la réparation de véhicules automobiles (45 000 ou 26 %);
- l’information, la culture et les loisirs (38 500, ou 21 %);
- les soins de santé et d’assistance sociale (35 200 ou 5,8 %).
Comme l’exemple de l’enseignement le montre bien, il faut prendre ces niveaux de hausses et de baisses avec des pincettes. On notera que trois des quatre industries dont les estimations d’emploi ont le plus augmenté entre avril et mai se retrouvent aussi parmi les huit industries dont les estimations d’emploi ont le plus diminué entre février et mai (construction, fabrication et commerce de gros et de détail).
Et après?
À quoi s’attendre pour les prochains mois? Sûrement à une nouvelle hausse de l’emploi en juin (la semaine de référence pour ce mois sera la semaine prochaine, soit du 14 au 20 juin) en raison de la reprise des activités dans d’autres secteurs depuis trois semaines et la semaine prochaine, et espérons au cours des mois suivants, si le nombre de cas, d’hospitalisations et de décès dus à la COVID-19 continue à diminuer. Bref, il n’y a rien de certain, comme toujours avec cette crise!
Et alors…
Ce billet permet de constater de façon encore plus claire que les précédents la grande adéquation entre les mouvements de l’emploi, surtout par industrie, et les décisions gouvernementales. Par exemple, les hausses les plus importantes des estimations de l’emploi ont toutes eu lieu dans des industries dont les activités ont repris. Il est inutile dans ce genre de situation d’analyser des facteurs macroéconomiques, ce que je faisais souvent auparavant dans mes billets sur les données du marché du travail.
Encore une fois, on a pu constater l’inadéquation du taux de chômage comme seul indicateur de la situation sur le marché du travail. S’il n’y a rien de nouveau à ce constat, les limitations à l’interprétation à donner au taux de chômage ressortent encore plus dans une situation comme celle qu’on vit, alors que les hausses du chômage et de l’inactivité se confondent plus que jamais. Notons toutefois que l’importance relative de l’inactivité a diminué en mai, aussi bien aux États-Unis qu’au Québec et que dans le reste du Canada, reflet d’un gain de confiance dans les possibilités de retrouver un emploi. On pourrait dire que ce facteur a ralenti la baisse du taux de chômage en mai, mais je trouve plus exact de dire qu’il a plutôt fait diminuer sa hausse au cours des mois précédents!
On a aussi vu comme en avril que les techniques de désaisonnalisation risquent de mal ajuster les données, car la saisonnalité ne peut expliquer qu’une faible part des mouvements actuels de l’emploi, du chômage et de l’inactivité. On aura aussi remarqué ce mois-ci la diminution importante de l’écart entre la baisse des heures travaillées et celle du nombre d’emplois, des milliers de personnes étant auparavant payées sans travailler ayant repris le travail. Finalement, je tiens à souligner que la hausse rapide de l’emploi et surtout des heures travaillées en mai au Québec semble indiquer que le marché du travail pourrait se rétablir rapidement si la crise se terminait. Mais, terminée, elle ne l’est pas! Continuons donc à suivre les consignes de la sécurité publique si on veut qu’elle se termine le plus rapidement possible et surtout qu’elle ne revienne pas. À suivre!
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