Le marché du travail en juin 2020 et la COVID-19
Après avoir analysé les données de mars, d’avril et de mai du Bureau of Labor Statistics (BLS) et de l’Enquête sur la population active (EPA), je vais maintenant commenter celles de juin, deuxième mois après le creux de l’emploi en avril dû aux mesures de confinement visant à limiter les dégâts de la COVID-19. On verra ici si ma prévision (pas très risquée…) d’un deuxième mois consécutif de reprise s’est réalisée.
Juin 2020 aux États-Unis
Le BLS publie au début de chaque mois (le 2 juillet pour juin 2020) les données de deux enquêtes, soit celles de la Household Survey (HS), l’équivalent de l’EPA canadienne, et de l’Establishment Survey (ES), qui ressemble plus à l’Enquête sur l’emploi, la rémunération et les heures de travail (EERH), dont les données sont publiées au Canada près de deux mois après celles de l’EPA. Toutefois, les médias ne font à peu près jamais la distinction entre ces deux enquêtes et commentent en général uniquement la variation de l’emploi selon l’ES et le taux de chômage selon la HS. La couverture journalistique de la publication des données de juin dernier par le BLS n’a pas fait exception, les articles que j’ai lus, dont celui-ci de Radio-Canada, ne retenant que l’ajout de «4,8 millions d’emplois» (sans mentionner que cette donnée vient de l’ES, voir la dernière colonne de ce tableau) et la baisse du taux de chômage de 13,3 % à 11,1 % entre mai et juin (sans mentionner non plus que cette donnée vient de la HS, voir la septième ligne de cet autre tableau), pensant probablement que ces deux données sont liées. Or, elles ne le sont pas.
Si on regarde plus attentivement les données de la dernière colonne du tableau de la HS, on verra que, selon les estimations de cette enquête, il se serait ajouté 4,9 millions (4 940 000, dans le tableau) en juin, soit 140 000 de plus qu’estimé par l’ES. Entre février et juin, cela nous donne une baisse de 14,7 millions d’emplois ou de 9,6 % selon l’ES et de 16,6 millions ou de 10,4 % selon l’HS. Notons que l’écart entre les hausses de juin de ces deux enquêtes est de loin le plus faible depuis mars. Ces écarts ne sont pas étonnants, car ces deux enquêtes comportent de nombreuses différences. Par exemple, les périodes de référence de ces deux enquêtes ne sont pas identiques (du 7 au 13 juin pour la HS et la période de paye incluant le 12 juin pour l’ES, période qui peut être hebdomadaire, aux deux semaines, bimensuelle ou mensuelle), et l’ES ne tient compte que des salarié.es non agricoles, excluant donc les travailleur.euses autonomes et les salarié.es agricoles.
Contrairement à la situation en mai, l’ampleur de la hausse de l’emploi, quoique plus importante que prévu, n’a pas causé de surprise. Il faut dire que le BLS a publié un billet le 29 juin dans lequel on a appris qu’un certain nombre de personnes interrogées (que le BLS estime représenter un maximum de 4,9 millions de personnes!) ont été mal classées par les interviewers. Ainsi, des personnes qui auraient dû être considérées en mises à pied temporaire, donc en chômage, ont plutôt été classées comme inactives avec un motif «autres raisons», ou encore en emploi (mais avec 0 heure travaillée). En plus, le BLS ne peut pas corriger ces données, car il ne sait pas combien de personnes ont été classées inactives et en emploi, et combien ont été correctement classées comme inactives. Le BLS peut seulement espérer que les données de juin sont correctes, ce qui expliquerait une partie de la forte hausse de l’emploi et la baisse importante de personnes inactives (voir plus loin).
Les données de la HS permettent aussi de savoir le nombre de personnes qui perdent leur emploi qui sont considérées par le BLS en chômage ou inactives. En effet, si une personne sans emploi n’en cherche pas activement ou ne prévoit pas un rappel dans les quatre semaines qui suivent, elle sera considérée comme inactive (en plus des cas d’erreurs de classification…). Par contre, les données du tableau de la HS montrent que, en juin, le nombre de personnes en chômage a diminué deux fois plus fortement (3,24 millions) que le nombre de personnes inactives (1,55 million), alors qu’on aurait dû s’attendre à l’inverse si les erreurs avaient été corrigées. Les données de cet autre tableau de la HS nous montrent que le nombre de personnes en chômage a augmenté davantage que le nombre d’inactif.ives entre février et juin, soit de près de 12,0 millions par rapport à 5,2 millions. Si toutes ces personnes avaient satisfait aux critères du chômage, le taux de chômage en juin aurait atteint 13,9 % plutôt que 11,1 %, en hausse de 10,4 points de pourcentage plutôt que de 7,6 points depuis février (3,5 %). Notons que ce calcul montre une amélioration encore plus importante que du côté du taux de chômage officiel par rapport à avril, avec une baisse de 5,2 points de pourcentage (13,9 % en juin par rapport à 19,1 % en avril), plutôt que de 3,6 points (14,7 % et 11,1 %).
Juin 2020 au Canada
La semaine de référence de l’EPA pour le mois de juin était du 14 au 20 juin, soit une semaine après celle de la HS des États-Unis. Statistique Canada a d’ailleurs publié son communiqué sur les données de l’EPA du mois de juin une semaine après celui du BLS, soit le 10 juillet. Statistique Canada, comme dans ses communiqués pour les mois de mars, avril et mai, a publié plus d’informations qu’à l’habitude. On y apprend notamment que :
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en raison d’une hausse de près de 950 000 emplois en juin (ou de 5,8 %), suivant celle de 300 000 emplois en mai, l’estimation de l’emploi en données désaisonnalisées a diminué d’environ 1,8 million ou de 9,2 % entre février et juin, baisse moins élevée qu’aux États-Unis (10,4 %, selon les données de la HS, la plus comparable à l’EPA);
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l’estimation du nombre de chômeur.euses a connu une hausse de près de 1,3 million de personnes entre février et juin, malgré la baisse de 167 000 en juin, faisant passer le taux de chômage de 5,6 % en février à 12,3 % en mai (13,7 % en mai);
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le nombre de personnes inactives a diminué de plus de 750 000 en juin, mais a augmenté de 560 000 personnes entre février et juin, faisant diminuer le taux d’activité de 65,5 % en février à 63,3 % en juin (61,4 % en mai); la baisse quatre à cinq fois plus élevée du nombre d’inactif.ives que du nombre de chômeur.euses en juin (750 000 par rapport à 167 000) montre que bien des inactif.ives sont retourné.es en emploi ou ont recommencé à en chercher;
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les proportions de la hausse du chômage et de l’inactivité sur la hausse totale de ces deux données depuis février (soit 70 % et 30 %) étaient en juin identiques à celles observées aux États-Unis, mais très différentes de ces proportions entre février et mai (53 % et 47 %); cela confirme que beaucoup de personnes qui ont perdu leur emploi au Canada ont repris confiance;
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alors que des «économistes tablaient, en moyenne, sur la création de 700 000 emplois et sur un taux de chômage de 12 %», le taux de chômage s’est situé à un niveau plus élevé que ces prévisions (12,3 %) même si la hausse de l’emploi a été bien plus forte que prévu (950 000); cela illustre bien la confusion entre l’inactivité et le chômage, car il est manifeste que ces économistes n’ont pas prévu une baisse aussi importante de l’inactivité;
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si la hausse du chômage et de l’inactivité avait plutôt été uniquement une hausse du chômage, le taux de chômage en juin aurait atteint 14,7 % plutôt que 12,3 %, en hausse de 9,1 points de pourcentage plutôt que de 6,7 points depuis février (5,6 %); notons que la différence entre ces deux types de taux de chômage est passée de 5,6 points en mai (19,3 % et 13,7 %) à seulement 2,4 points en juin, autre conséquence de la forte baisse de l’inactivité;
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en plus de la perte de 1,8 million d’emplois, Statistique Canada souligne que, parmi les personnes en emploi, 1,4 million de plus qu’en février (mais 800 000 de moins qu’en mai et 1,2 million de moins qu’en avril) ont travaillé moins de la moitié de leurs heures habituelles, parfois aucune;
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selon le tableau 14-10-0289-01, le nombre d’heures travaillées a augmenté de 9,8 % en juin, faisant passer la baisse entre février et juin à 15,6 %, soit bien moins qu’entre février et mai (23,2 %) et qu’entre février et avril (27,7 %); alors que cette baisse entre février et avril était plus élevée que celle du nombre d’emplois de 12,0 points de pourcentage (27,7 % par rapport à 15,7 %), elle ne lui était supérieure que de 6,4 points entre février et juin (15,6 % par rapport à 9,2 %); cela montre que la baisse des heures travaillées a perdu environ la moitié de son impact entre avril et juin;
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l’emploi à temps partiel a diminué près de deux fois plus entre février et juin (14,6 %) que l’emploi à temps plein (7,9 %), même si cette différence a grandement diminué en juin, en raison d’une hausse de 17,9 % de l’emploi à temps partiel et de seulement 3,5 % de l’emploi à temps plein;
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selon le tableau 14-10-0286-01, le taux de chômage des jeunes âgé.es de 15 à 24 ans qui étudiaient à temps plein en mars et qui prévoyaient poursuivre leurs études à l’automne est passé de 12,9 % en juin 2019 à 33,13 % en juin 2020 (40,3 % en mai 2020) et leur taux d’emploi de 50,6 % à 38,6 % (27,4 % en mai 2020).
Juin 2020 au Québec
La semaine de référence de l’EPA suivait la reprise des activités à Montréal dans les commerces non essentiels (le 25 mai), dans les services de garde (premier juin), dans les salons de coiffure (le 15 juin), et hors de Montréal, dans les restaurants (le 15 juin, mais une semaine plus tard dans la région de Montréal, soit le 22 juin) ainsi que dans les centres commerciaux (le premier juin, mais seulement le 19 dans la région de Montréal). Au Québec :
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malgré une hausse de près de 250 000 en juin (ou de 6,5 %), qui suit celle de 231 000 en mai, l’estimation de l’emploi en données désaisonnalisées a diminué d’environ 340 000 ou de 7,8 % entre février et juin (mais de 21,6 % chez les 15 à 24 ans, malgré une hausse de 16,5 % en juin);
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cette baisse de 7,8 % est inférieure à celle observée dans le reste du Canada (9,6 %); le graphique qui accompagne ce billet montre d’ailleurs que la baisse au Québec était en juin la quatrième plus basse au Canada, après le Nouveau-Brunswick (2,9 %), le Manitoba (7,2 %) et la Saskatchewan (7,4 %), alors que le Québec avait connu la plus forte baisse entre février et avril (car il avait proportionnellement plus d’industries confinées au Québec que dans le reste du Canada);
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58 % de l’estimation de la baisse du nombre d’emplois observée entre février et avril (820 500 par rapport à 342 100 entre février et juin) a été annulée grâce aux hausses de mai et juin (230 900 et 247 500), proportion qui n’atteint que 35 % dans le reste du Canada; comme la baisse de l’emploi entre février et avril au Québec était la plus élevée du Canada, la hausse de l’emploi y a aussi été plus importante lors des déconfinements;
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entre février et juin, l’emploi a diminué davantage chez les femmes (187 000 ou 8,9 %) que chez les hommes (156 000 ou 6,8 %), mais cet écart (2,1 points de pourcentage) s’est légèrement réduit en juin (2,4 points en mai, soit 14,7 % par rapport à 12,3 %);
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si le nombre d’emplois a globalement diminué de 7,8 % entre février et juin, cette baisse fut de 9,6 % chez les employé.es (ou salarié.es) du secteur privé (malgré une hausse de 10,6 % en juin, car ces employé.es sont très présent.es dans les secteurs réouverts), de 3,6 % chez les employé.es du secteur public et de 6,0 % chez les travailleur.euses autonomes; notons que la catégorie des travailleur.euses autonomes est la seule à avoir connu une baisse de l’estimation de l’emploi en juin (de 2,2 %), baisse sans concentration industrielle notable; il faut dire que la marge d’erreur à 95 % du changement mensuel de l’emploi des travailleur.euses autonomes est deux fois plus fois plus élevée que cette baisse (25 200 par rapport à 11 700), selon le tableau 14-10-0288-01;
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en raison de deux hausses consécutives de 29 % en mai et de 14 % en juin, le nombre d’heures travaillées en données non désaisonnalisées a diminué de seulement 5,9 % entre février et juin, baisse rendue à peine un peu plus forte que la baisse du nombre d’emplois en données non désaisonnalisées (3,8 %), alors qu’elle était beaucoup plus forte en avril (36 % par rapport à 19 %), selon les tableaux 14-10-0036-01 et 14-10-0022-01;
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la hausse du nombre d’heures travaillées en données non désaisonnalisées en juin s’explique surtout par la hausse de 51 % de ces heures dans les services d’hébergement et de restauration (par rapport à une hausse de l’emploi de 31 %), de 30 % dans les autres services (10 %), de 33 % dans la construction (9 %) et de 26 % dans l’information, culture et loisirs (13 %), tous des secteurs déconfinés au moins partiellement en juin;
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l’emploi à temps partiel en données désaisonnalisées a diminué beaucoup plus (16,8 %) entre février et juin que l’emploi à temps plein (5,8 %), même si cette différence a grandement diminué en juin, en raison d’une hausse de 26,4 % de l’emploi à temps partiel et de seulement 3,3 % de l’emploi à temps plein;
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l’estimation du nombre de chômeur.euses a connu une hausse de 280 600 entre février et juin, malgré une baisse de 244 100 entre avril et juin (ou de 33 %, dont 118 400 en juin), faisant passer le taux de chômage de 4,5 % en février à 10,7 % en mai, en baisse de 6,3 points de pourcentage par rapport à avril (17,0 % et 13,7 % en mai);
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l’estimation du nombre de personnes inactives a augmenté de 83 000 entre février et juin, malgré des baisses de 101 400 en mai et de 123 300 en juin, faisant diminuer le taux d’activité de 64,7 % en février à 63,6 % en juin, en hausse de 1,7 points de pourcentage par rapport à mai et de 3,2 points par rapport à avril (61,9 % en mai et 60,4 % en avril);
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si l’ajout d’inactif.ives avait plutôt été un ajout de chômeur.euses (bref, si ces personnes avaient dit avoir cherché un emploi ou prévoir un rappel dans moins de cinq semaines), le taux de chômage aurait atteint 12,3 %, soit 1,6 point de pourcentage de plus que le taux officiel (10,7 %); notons que cet écart était de 5,6 points en avril (22,5 % et 17,0 %)
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le taux de chômage des jeunes âgé.es de 15 à 24 ans qui étudiaient à temps plein en mars et qui prévoyaient poursuivre leurs études à l’automne est passé de 10,8 % en juin 2019 à 27,4 % en juin 2020 (37,1 % en mai 2020) et leur taux d’emploi de 59,1 % à 50,7 % (35,0 % en mai 2020); étrangement, leur taux d’activité était plus élevé en juin 2020 (69,4 %) qu’en juin 2019 (66,2 %); on voit que, même si cette situation est bien moins bonne qu’en 2019, elle s’est grandement améliorée entre mai et juin 2020.
Les proportions de la hausse du chômage et de l’inactivité sur la hausse totale de ces deux données, soit 77 % et 23 %, sont passablement différentes de ces proportions pour le reste du Canada, soit 68 % et 52 % et pour les États-Unis, soit 70 % et 30 %, ce qui montre que les personnes qui ont perdu un emploi au Québec ont plus souvent (77 % par rapport à 68 % dans le reste du Canada) répondu chercher un emploi ou prévoir un rappel dans moins de cinq semaines. Ainsi, alors que l’écart entre le taux de chômage officiel au Québec et dans le reste du Canada était en juin de 2,1 points de pourcentage (12,8 % et 10,7 %), l’écart entre leur taux de chômage ajusté en fonction de la hausse de l’inactivité était de 3,2 points (15,5 % et 12,3 %). Cela montre à quel point il faut faire preuve de prudence quand on analyse les données sur le chômage, surtout au cours d’une période comme celle-ci.
Il est aussi possible que la désaisonnalisation des données soit douteuse cette année, car les mouvements de l’emploi sont dus en grande majorité à un phénomène non saisonnier, soit la fermeture et la réouverture de secteurs jugés non prioritaires. Par exemple, les taux de chômage en juin des hommes et des femmes étaient presque égaux en données désaisonnalisées (10,7 % et 10,8 %), mais nettement plus élevés chez les femmes en données non désaisonnalisées (10,6 % par rapport à 9,5 %). Alors que la différence entre les deux taux de chômage (désaisonnalisées et non désaisonnalisées) des hommes était en juin 2020 de 1,2 point de pourcentage, elle ne l’était que de 0,6 point en juin 2019. Pourtant, l’effet de la saisonnalité ne peut pas être deux fois plus important en 2020 qu’en 2019! Bref, voilà bien une autre incertitude dont on doit tenir compte pour interpréter correctement ces données, surtout celles qui touchent les secteurs les plus saisonniers.
Je me suis posé beaucoup de questions dans mes billets sur les données de mars, d’avril et de mai de l’EPA sur la baisse de 72 600 emplois (baisse de plus de 24 %) entre février et mars dans les services d’enseignement, baisse ramenée à 54 900 en avril, puis à 19 700 en mai, pendant que les données beaucoup plus fiables de l’EERH (car sans marges d’erreur) de mars montraient plutôt une baisse de seulement 3000 emplois ou de 0,9 %, puis de 35 000 entre février et avril, s’approchant de la baisse de 54 900 des estimations de l’EPA ce mois-là. Voilà que, en raison d’une hausse de 9400 emplois en juin, la baisse entre février et juin n’était plus que de 10 300 (ou de 3,2 %). S’il est possible que la réouverture des écoles à Montréal puisse expliquer au moins en partie cette hausse, elle montre probablement aussi un troisième ajustement consécutif par rapport à la baisse douteuse de mars. En effet, les personnes travaillant dans les écoles réouvertes sont pour la plupart demeurées en emploi au cours des mois précédents (sauf possiblement des enseignant.es suppléant.es et d’autres employé.es non permanent.es). On verra à quel point cette hausse est bien réelle quand les données de l’EERH sur le mois de juin paraîtront, soit dans six semaines (ou sept pour la parution de mon billet). Mais, les choses semblent s’être remises en place.
En tenant compte de cette réserve qui illustre bien les marges d’erreur importantes des estimations de l’EPA, je présente dans le graphique qui suit (tiré des données du tableau 14-10-0355-01) les industries dont les estimations d’emploi ont le plus augmenté entre mai et juin, et celles dont les estimations d’emploi ont le plus diminué entre février et juin.
Les six hausses les plus importantes entre mai et juin 2020 se sont observées dans des industries dont les activités ont repris au moins en partie entre les semaines de références de l’EPA de ces deux mois. Ces six hausses représentent en tout 83 % de la hausse totale entre ces deux mois, soit 204 600 emplois sur 247 500 :
- le commerce de gros et de détail (hausse de 50 900 emplois ou de 9 %);
- les soins de santé et d’assistance sociale (36 500 ou 6,4 %);
- les services d’hébergement et de restauration (34 700, ou 27 %);
- le transport et l’entreposage (29 900, ou 16 %);
- les services aux entreprises, services relatifs aux bâtiments et autres services de soutien (27 900, ou 20 %);
- la construction (24 700, ou 11 %).
Les sept baisses les plus importantes entre février et juin 2020 représentent en tout 84 % de la baisse totale entre ces deux mois, soit 288 000 emplois sur 342 000 :
- les services d’hébergement et de restauration (baisse de 102 300, ou de 39 %, malgré la hausse de près de 35 000 en juin);
- la fabrication (35 600 ou 7 %, malgré une hausse de plus de 23 000 en juin);
- l’information, la culture et les loisirs (33 700, ou 18 %);
- les autres services (33 100 ou 19 %);
- le transport et l’entreposage (28 400, ou 12 %, malgré une hausse de près de 30 000 en juin);
- la construction (27 500, ou 10 %, malgré une hausse de près de 25 000 en juin);
- le commerce de gros et de détail (27 400, ou 4 %, malgré une hausse de près de 51 000 en juin).
Comme l’exemple de l’enseignement le montre bien, il faut prendre ces niveaux de hausses et de baisses avec des pincettes. On notera que quatre des six industries dont les estimations d’emploi ont le plus augmenté entre mai et juin se retrouvent aussi parmi les sept industries dont les estimations d’emploi ont le plus diminué entre février et juin (construction, transport, commerce de gros et de détail, et hébergement et restauration). Bref, les industries qui ont été les plus touchées par le confinement sont celles qui bénéficient le plus des réouvertures, ce qui est bien normal!
Et après?
À quoi s’attendre pour les prochains mois? Sûrement à une nouvelle hausse de l’emploi en juillet (la semaine de référence pour ce mois est cette semaine, soit du 12 au 18 juin) au Québec et au Canada en raison de la reprise des activités dans d’autres secteurs (restaurants et centres commerciaux à Montréal, bars et autres), et espérons au cours des mois suivants, si le nombre de cas, d’hospitalisations et de décès dus à la COVID-19 ne repart pas trop en hausse. Bref, il n’y a rien de certain, comme toujours avec cette crise!
Aux États-Unis, la situation est plus complexe. Si certains États ont poursuivi le déconfinement après la semaine de référence de la HS et de l’ES (comme celui de New York), d’autres ont au contraire reconfiné des secteurs (comme la Californie, le Texas et la Floride) en raison de la forte hausse du nombre de personnes atteintes de la COVID-19. Cela dit, le nombre de prestataires de l’assurance-chômage a continué à diminuer, même si à un rythme assez lent. On verra le résultat de ces facteurs opposés le mois prochain! En tout cas, la plus forte baisse de l’emploi aux États-Unis qu’au Québec et la possibilité d’un arrêt de la reprise dans ce pays devraient faire réfléchir les personnes qui demandent un déconfinement plus rapide au Québec.
Et alors…
Ce billet a permis de constater, comme les précédents, la grande adéquation entre les mouvements de l’emploi, surtout par industrie, et les décisions gouvernementales. Par exemple, les hausses les plus importantes des estimations de l’emploi ont toutes eu lieu dans des industries qui ont repris leurs activités. Il est presque inutile dans ce genre de situation d’analyser des facteurs macroéconomiques, ce que je faisais souvent auparavant dans mes billets sur les données du marché du travail.
Encore une fois, on a pu constater l’inadéquation du taux de chômage comme seul indicateur de la situation sur le marché du travail. S’il n’y a rien de nouveau à ce constat, les limitations à l’interprétation à donner au taux de chômage ressortent encore plus dans une situation comme celle qu’on vit, alors que les hausses du chômage et de l’inactivité se confondent plus que jamais. Notons toutefois que l’importance relative de l’inactivité a diminué en juin, encore plus au Québec que dans le reste du Canada et aux États-Unis, reflet d’un gain de confiance dans les possibilités de retrouver un emploi. On pourrait dire que ce facteur a ralenti la baisse du taux de chômage en juin, mais je trouve plus exact de dire qu’il a plutôt fait diminuer sa hausse au cours des mois précédents!
On a aussi constaté ce mois-ci la diminution importante de l’écart entre la baisse des heures travaillées et celle du nombre d’emplois, des milliers de personnes étant auparavant payées sans travailler ayant repris le travail et d’autres ayant pu augmenter leurs heures de travail. Finalement, je tiens à souligner que la hausse rapide de l’emploi et surtout des heures travaillées en juin au Québec et dans le reste du Canada semble indiquer que le marché du travail pourrait se rétablir rapidement si la crise se terminait. Mais, terminée, elle ne l’est pas! Continuons donc à suivre les consignes de la sécurité publique si on veut qu’elle se termine le plus rapidement possible et surtout qu’elle ne revienne pas. Alors, gardez vos distances, lavez-vous les mains et mettez un masque quand vous sortez de chez vous!
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