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L’automatisation des emplois, toujours plus d’études

19 novembre 2020

automatisation des emplois, toujours plus d’étudesCela fait environ un an que je n’ai pas publié de billet portant sur l’automatisation des emplois. En fait, il se publie plus d’études sur ce sujet qu’on ne voit de réels changements dans nos milieux de travail! Oui, il y a et il y aura des changements, mais ils sont nettement moins dramatiques que ce que bien de ces études nous annoncent. Je vais ici présenter quelques études récentes sur le sujet qui apportent un éclairage intéressant sur cette question.

La démographie de l’automatisation au Canada – Qui est à risque ?

L’étude intitulée The Demographics of Automation in Canada: Who Is at Risk? de Marc Frenette et Kristyn Frank, deux chercheur.es de Statistique Canada, a été publiée par l’Institut de recherche en politiques publiques (IRPP) en juin 2020. On peut lire un résumé de cette étude en français sur cette page.

– L’automatisation et les emplois : Les nombreux exemples d’automatisation qui sont médiatisés font craindre un remplacement massif des emplois par des robots. Pourtant, les recherches les plus récentes concluent plutôt que l’automatisation amènera bien plus souvent la transformation des emplois existants que leur remplacement, que cette transformation se fera graduellement et que tout ce qui est possible de façon technique ne sera pas nécessairement mis en œuvre. Cette étude vise à définir plus clairement les caractéristiques des personnes les plus vulnérables face à la transformation de leurs emplois.

– Personnes les plus vulnérables : Après avoir comparé leur méthode à celles utilisées dans des études antérieures arrivant à des résultats plus catastrophiques, les auteur.es présentent leurs résultats :

  • 98 % des travailleur.es ont une probabilité d’au moins 10 % de voir leur emploi se transformer, mais seulement 11 % en ont une d’au moins 70 %, 29 % d’entre 50 et 70 %, et 58 % d’entre 10 et 50 %;
  • le risque élevé (au moins 70 %) s’observe chez 36 % des travailleur.es occupant des emplois de soutien de bureau (commis de bureau, réceptionnistes, etc.) et chez 20 % du personnel de supervision en services et du personnel de services spécialisés (superviseur.euses, chef.fes et cuisinier.ères, boucher.ères, etc.) et des métiers de l’électricité, de la construction et des industries (électricien.nes, plombier.ères, machinistes, etc.);
  • la prévalence de ce risque élevé tombe ensuite rapidement, se situe sous 2 % dans les emplois spécialisés du commerce de détail et les postes de professionnel.les dans les sciences naturelles, les affaires et la finance, et est même nulle dans trois groupes professionnels, soit ceux des cadres intermédiaires spécialisé.es, des enseignant.es et du personnel professionnel du droit et des services gouvernementaux, sociaux et communautaires (voir ce tableau);
  • cette prévalence est égale chez les hommes et les femmes (11 %), mais passe de 8 % chez les personnes âgées de 25 à 34 ans à 15 % chez celles âgées de 55 ans et plus, de 1,3 % chez les titulaires d’une maîtrise à 33 % chez les personnes sans diplôme, et varie selon le domaine d’études (voir ce tableau);
  • elle varie aussi en fonction du revenu d’emploi, passant de 2,1 % chez les personnes faisant partie des 10 % les mieux payées à 27 % chez celles faisant partie des 10 % les moins bien payées, et du temps de travail, passant de 9 % chez les personnes qui travaillent à temps plein à 26 % chez celles qui travaillent à temps partiel (voir ce tableau);
  • les auteur.es n’ont trouvé aucune différence significative liée au statut d’immigration, à la présence d’une incapacité ou au fait d’être syndiqué.e (voir le même tableau);
  • elle passe de 2,8 % dans l’industrie de l’information et dans les industries culturelles à 27 % dans le secteur manufacturier (voir ce tableau).

– Conclusion : «Les conclusions de cette étude contrastent vivement avec les prédictions de nombreux observateurs, selon qui les nouvelles technologies pourraient nuire à des travailleurs qu’on croyait à l’abri de l’automatisation. Elles indiquent plutôt que les travailleur.euses fortement menacés par l’automatisation présentent globalement les mêmes caractéristiques que ceux et celles qui risquaient déjà de se retrouver désavantagé.es sur le marché du travail». Les auteur.es mettent en garde contre des interprétations directes de leurs résultats. Les caractéristiques mentionnées ne sont pas nécessairement liées aux risques qui leur sont associés, mais peuvent être le résultat du risque associé à une autre caractéristique. Par exemple, travailler à temps partiel n’est pas un risque en soi, ce sont les emplois occupés par ces personnes et les industries dans lesquelles on les retrouve le plus qui causent ces risques, de même que leur âge et leur niveau de scolarité. Pour départager le tout, cela prendrait une autre étude que les auteur.es souhaitent voir réalisée. Il et elle précisent aussi que ces risques ne verront peut-être pas le jour, par exemple si les entreprises jugent ces automatisations trop coûteuses. Par contre, l’arrivée de la COVID-19 pourrait convaincre des entreprises de les adopter plus rapidement qu’elles ne l’envisageaient auparavant. On verra! Finalement, les auteur.es soulignent que leur étude n’aborde pas la création de nouveaux emplois que l’automatisation entraînera. Ça aussi, ce sera pour une autre étude.

Le rapport de 2020 sur l’avenir des emplois

The Future of Jobs Report 2020 a été publié en octobre 2020 par le Forum économique mondial de Davos.

– Introduction : Ce rapport «vise à faire la lumière sur 1) les perturbations liées à la pandémie jusqu’à présent, replacées dans le contexte d’une histoire plus longue de cycles économiques, et 2) les perspectives en matière d’emplois et de compétences liés à l’adoption des technologies au cours des cinq prochaines années».

– Principaux constats :

  • les investissements des entreprises ont plongé en raison de la lutte contre la COVID-19 et le chômage a fortement augmenté, touchant au moins 15 % de la main-d’œuvre mondiale, dont une partie risque d’en subir les effets à long terme, ces proportions variant beaucoup selon les pays;
  • l’automatisation des emplois jumelée à l’utilisation accrue d’autres technologies, notamment des données massives, du commerce électronique et de l’intelligence artificielle, et aux perturbations dues à la lutte contre la COVID-19 accélérera d’ici 2025 la transformation des emplois, des tâches et des compétences exigées;
  • entre le tiers et la moitié des entreprises consultées comptent réduire leur main-d’œuvre en raison de changements technologiques (pour une baisse de 85 millions d’emplois), mais presque autant prévoient embaucher du personnel avec de nouvelles compétences (pour une hausse de 97 millions d’emplois);
  • environ 40 % de la main-d’œuvre aura besoin de formation (en emploi ou à la maison, notamment sur Internet), pour s’adapter aux nouvelles exigences d’emploi;
  • les effets de la pandémie et de la transformation des emplois risquent, si rien n’est fait, d’accentuer les inégalités; la pandémie devrait entre autres faire augmenter en 2020 de 100 millions le nombre de personnes en situation de pauvreté extrême;
  • les entreprises devront investir davantage en adoptant des mesures environnementales, sociales et de gouvernance.

Le rapport aborde aussi :

  • les effets de la pandémie (télétravail, industries les plus touchées, etc.);
  • des prévisions sur les professions qui sont les plus à risque de subir des transformations en raison de l’automatisation des emplois (voir le tableau au bas de cette page);
  • les tâches qui seront les plus transformées par l’automatisation;
  • les facteurs qui pourraient retarder l’implantation de nouvelles technologies;
  • les compétences qui seront moins et plus exigées,
  • des propositions pour accompagner les travailleur.euses et les entreprises dans ces transformations (protection sociale, formation, aide à l’innovation, etc.).

Ce rapport contient en plus des fiches par pays (celle du Canada est aux pages 73 et 74) et par industrie (à partir de la page 120), ainsi qu’un guide pour expliquer les données contenues dans ces fiches (à partir de la page 56).

Répercussions des robots sur l’emploi : données à l’échelle des entreprises

Statistique Canada a publié trois études de Jay Dixon sur les robots et l’emploi le 2 novembre dernier. Je présente tout d’abord la première de ces études.

– Introduction : «La présente étude porte sur la mesure dans laquelle l’emploi et les organisations se sont transformés par suite de l’adoption des robots». Elle porte surtout sur des données allant de 2000 à 2006.

– Résultats : Après avoir fait le tour de la théorie sur les effets de l’adoption de technologies d’application générale (TAG), dont font partie les robots, avoir décrit les données et les mesures utilisées, et avoir expliqué la stratégie adoptée dans cette étude, l’auteur présente ses résultats :

  • les investissements en robotique sont associés à des augmentations de l’emploi total dans les entreprises qui les adoptent;
  • ces investissements font diminuer le nombre de travailleur.euses moyennement spécialisé.es et le nombre de cadres, et ce, dans toutes les industries, mais augmenter le nombre de travailleur.euses peu spécialisé.es et très spécialisé.es;
  • ces mouvements entraînent des effets ambigus sur le salaire moyen;
  • les décisions dans les entreprises fortement robotisées sont plus souvent prises par la haute direction et par les travailleur.es, mais moins souvent par les cadres intermédiaires;
  • l’adoption des robots sur l’emploi n’a donc pas les effets apocalyptiques mentionnés dans certaines études, mais entraîne des changements dans les pratiques organisationnelles et des exigences portant sur «une combinaison de compétences différente de celle sur laquelle reposent actuellement de nombreux secteurs de l’économie»;
  • «les robots contribuent à l’amélioration de la mesure du rendement lorsque des changements organisationnels sont mis en œuvre».

– Conclusion : L’auteur revient sur ses principaux constats et insiste sur l’importance de poursuivre les recherches sur les effets de la robotisation. «Étant donné les progrès rapides des capacités en robotique, il est essentiel de comprendre leurs répercussions, car les investissements dans les robots sont susceptibles d’avoir des répercussions profondes tant sur l’emploi que sur les organisations».

L’effet des robots sur le rendement et l’emploi des entreprises

Cette étude est la deuxième de Jay Dixon sur les robots et l’emploi publiée par Statistique Canada le 2 novembre dernier. Comme certains résultats de cette étude répètent ceux de la précédente, je ne mentionnerai ici que les résultats qui portent sur d’autres aspects de la question.

– Les robots dans l’économie canadienne :

  • la valeur des actifs (après dépréciation) de robots au Canada est passée de 19 à 1060 millions $ entre 1996 et 2017;
  • automatisation des emplois, toujours plus d’études_1le graphique ci-contre montre que l’industrie qui en possédait le plus en valeur d’actifs de 2000 à 2017 est celle de la fabrication de machines, suivie par celle de la fabrication de véhicules automobiles; on en trouvait aussi de façon appréciable dans les industries de la fabrication de produits en plastique et en caoutchouc, de la première transformation des métaux et de la fabrication de produits métalliques, et de la fabrication de matériel électrique et électronique;
  • en dehors du secteur manufacturier, on en trouvait dans les autres biens (notamment dans les secteurs de l’agriculture, de l’exploitation minière, des services publics et de la construction), et encore plus dans les services, sans concentration notable, sinon dans les soins de santé, probablement, selon l’auteur, en raison de l’automatisation des laboratoires aux fins de diagnostics médicaux;
  • ces robots se retrouvaient un peu partout au Canada, avec une certaine concentration dans les grandes villes (surtout Vancouver, Toronto et Montréal) et dans les régions industrielles de Windsor et de Hamilton, où se trouve le secteur de l’automobile du Canada.

La création d’une base de données Robots!

Cette étude est la troisième de Jay Dixon sur les robots et l’emploi publiée par Statistique Canada le 2 novembre dernier. Cette étude porte sur une base de données à l’échelle des entreprises baptisée Robots!, créée à l’aide des données sur les importations canadiennes de 1996 à 2017. C’est cette base de données qui a été utilisée pour les deux études précédentes. L’auteur y définit ce qu’est un robot et distingue les types de robots, soit les robots industriels pour la manutention de matériaux et les services machines (en appui au fonctionnement d’une machine), et les robots de service qui ont des applications beaucoup plus variées. On trouve aussi dans cette étude la description des codes utilisés pour différencier les robots et d’autres variables incluses dans la base de données. Cette étude est plus aride que les précédentes et répète des résultats des deux autres études…

Et alors…

Je me suis longtemps désolé des prévisions apocalyptiques des premières études parues sur les effets sur l’emploi de l’automatisation (voir notamment ce billet) et me désole encore que ces études soient encore parmi les plus citées. Oui, l’automatisation a et aura des impacts importants sur les emplois, mais il n’en fera pas disparaître près de la moitié en 10 à 20 ans (il ne reste d’ailleurs que moins de trois ou 13 ans pour que cette prévision se réalise…). Les études présentées ici sont bien plus intéressantes, car elles présentent ces impacts de façon beaucoup plus réaliste. Ainsi, leurs auteur.es peuvent explorer d’autres aspects de la question de façon sereine. Chacune apporte un éclairage complémentaire aux autres. Je dois toutefois souligner que les trois études de Statistique Canada sont bizarrement structurées, les mêmes parties se trouvant dans deux ou même dans les trois documents. Mais, peu importe, ces cinq études peuvent permettre de développer des politiques en fonction de ce qui s’en vient vraiment et non en fonction de visions catastrophistes.

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2 commentaires leave one →
  1. 23 novembre 2020 14 h 51 min

    En ce moment tout change, surtout depuis la venu du Covid-19 qui a accéléré des changements qu’on prévoyait d’ici quelques années. Juste le télétravail et le numérique ont vu une déploiement incroyable. Nous sommes appeler à voir ces changements dans nos vies, est-ce un mal ou un bien ? Je ne saurais le dire, mais je sais que depuis des siècles l’homme s’adapte toujours au changement

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  1. Tendances de l’emploi pour quelques professions potentiellement vulnérables à l’automatisation |

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