Aller au contenu principal

Éloge des communs

7 décembre 2020

Éloge des communsDans son livre Éloge des communs, Patrick Pharo, chercheur en sociologie morale, «alimente la réflexion en retraçant l’histoire de l’abandon du commun par les adversaires de l’État social mis en place à la Libération, et propose une critique de la sacralisation de la propriété privée pour retrouver le sens de la communauté indifférenciée du contrat social».

Introduction : La plupart des problèmes actuels, du désastre écologique au rejet des migrant.es, sont liés à l’érosion de la part des biens qui doivent être communs. L’auteur raconte l’historique de l’idée des communs, qui remonte à l’Antiquité. Il explique ensuite comment on en est venu à rejeter ce concept en lui préférant l’individualisme capitaliste (je simplifie) par la perversion de notre mécanisme de désir et de récompenses qui ignore ses conséquences nocives, notamment environnementales, économiques et sociales. Puis, il présente l’objectif de ce livre, soit de voir comment on peut «rétablir et renforcer la part du commun dans la conduite des sociétés libérales» et les sujets qui seront abordés dans les chapitres qui le composent.

1. L’oubli du commun : Dans ce chapitre, l’auteur esquisse «une généalogie de l’érosion des communs dans les sociétés libérales», explore «la culture de l’insatiabilité et son rejet», explicite «le fonctionnement des dispositifs neurologiques de la récompense» et s’interroge «sur les moyens de rétablir une société commune». Pour ce, il aborde notamment, en présentant fréquemment des exemples tirés de films :

  • la logique du capitalisme sur l’accumulation illimitée d’argent et de richesses, et ses conséquences sur les comportements des plus riches, puis sur ceux de l’ensemble de la population;
  • les étapes menant graduellement à l’érosion des communs et la forme que ces étapes ont prise;
  • la culture de l’insatiabilité et de la cupidité, les personnes qui y succombent (notamment dans le secteur financier) et celles qui la fuient;
  • le développement, au cours de l’évolution, des dispositifs neurologiques de la récompense (surtout immédiate) pour contribuer à la survie de l’espèce et les effets de leurs adaptations pathologiques sur les dépendances et les comportements;
  • les souffrances du manque et leur exploitation par la droite et par l’extrême droite;
  • la difficulté de renverser le capitalisme pour rétablir une société commune;
  • l’importance de développer des causes communes entre des groupes variables de personnes selon la cause, en se reposant sur la solidarité et la fraternité.

2. La part du commun : L’avancement des idées socialistes a fait penser à de nombreuses personnes que les principes de solidarité et de fraternité, se manifestant entre autres par une meilleure redistribution des ressources, s’implanteraient et demeureraient. Dans ce chapitre, l’auteur analyse le cadre historique de cette évolution et de son échec relatif, critique «l’approche libertarienne», propose une «délimitation entre biens communs et biens privés», revient sur la limitation des appétits par «des alternatives au capitalisme glouton» et reconsidère «la gestion publique du bien commun». Pour ce, il aborde notamment (avec quelques exemples tirés de films et de chansons) :

  • l’insensibilité capitaliste face à l’exploitation des travailleur.euses, aux inégalités et aux autres conséquences de sa gloutonnerie;
  • la posture marxiste, guère plus empathique, qui a toutefois évolué avec les mouvements d’indignation;
  • la propriété, selon la vision libertarienne de Robert Nozick, qui n’est pourtant qu’une institution créée par les humains qui peuvent tout aussi bien créer des institutions pour rendre des biens communs;
  • les conditions posées par Nozick pour justifier l’accaparement des ressources, notamment qu’il en reste suffisamment pour les autres, conditions qui sont loin d’être respectées dans le monde réel;
  • le libre accès de tous aux biens communs et aux ressources d’existence, à la condition de s’assurer de leur préservation ou de leur renouvellement;
  • la séparation des pouvoirs législatif, judiciaire et exécutif, mais pas du pouvoir économique;
  • l’emballement du désir en politique et en matière économique, et la nécessité de la redistribution;
  • des initiatives pour reprendre le contrôle sur le travail et la consommation;
  • les caractéristiques d’un État du bien commun, la nature de ce bien et l’allocation de ressources d’existence.

3. Les contours de la communauté : Les réactions au capitalisme glouton peuvent aussi bien pousser une partie de la population vers le socialisme que vers le populisme de droite, vers la solidarité que vers le repli identitaire. Dans ce chapitre, l’auteur aborde notamment (encore avec des exemples tirés de films et de chansons) :

  • la façon avec laquelle le mécanisme de récompense peut produire ces deux réactions opposées (solidarité ou repli identitaire);
  • les attachements originaires, avec leurs préjugés sexistes, patriarcaux et xénophobes, face à l’empathie, qui provient de la sélection naturelle des groupes qui se montraient plus coopératifs;
  • des situations d’enfermements communautaires et de ruptures avec eux;
  • notre tendance à rejeter ce nous paraît indésirable, que ce soit des personnes, des situations ou des environnements ;
  • l’illusion du communisme primitif et sa remise en question;
  • les mesures des pays européens pour limiter, voire empêcher, l’arrivée de migrant.es, au grand bonheur des dirigeant.es populistes, et le renversement de la perception des migrant.es lors d’événements où ces migrant.es se distinguent, comme dans le cas de Mamoudou Gassama;
  • des moyens pour sortir de l’enfermement communautaire et pour «donner sa forme émancipatrice au sentiment du commun», notamment en élargissant la communauté aux personnes qui souffrent d’une injustice.

4. Désintoxiquer les sentiments : La collecte de données personnelles à des fins commerciales ou de contrôle social est une nouvelle menace à laquelle il faut réagir. L’auteur aborde ici notamment (encore avec des exemples tirés de films et de chansons) :

  • la dépendance par design à des sites Internet qui veulent notre attention pour en savoir toujours plus sur nous et faire de l’argent avec nos données personnelles;
  • les différentes notations établies par des algorithmes à partir des données personnelles (voir entre autres ce billet sur le livre Algorithmes : la bombe à retardement de Cathy O’Neil, que l’auteur cite);
  • la généralisation de ces utilisations des données personnelles par les entreprises et les institutions gouvernementales;
  • la liberté du corpsle droit de disposer de son corps et le droit à l’intégrité physique») et la liberté politique («liberté de conscience, d’expression, de religion, de réunion et d’égalité de droits et de statut juridique»);
  • la propagande et les fausses nouvelles;
  • le retour du commun comme solution à ces phénomènes;
  • la liberté du commerce en respect des autres libertés;
  • la liberté de circulation, mise à mal par des règles d’immigration de plus en plus limitatives, notamment aux États-Unis et en Europe, limitations qui dégénèrent dans les pays qui adoptent le national-populisme;
  • les visions de la droite et de la gauche sur libertés individuelles, qui sont finalement sont «une ressource commune qui doit faire l’objet d’une régulation par toutes les parties prenantes, la part de libertés des uns étant conditionnée par celle des autres, sous la garantie de la communauté».

Et alors…

Lire ou ne pas lire? Je ne sais pas. Tout au long du livre, je me demandais quand l’auteur allait aborder de front la question des communs, qui est censée être le thème central du livre. L’auteur parle de beaucoup de sujets intéressants, avec une préséance sur les dispositifs neurologiques de la récompense, mais la question des communs m’a toujours semblé en arrière-plan, tout comme la question de la propriété privée que décrit pourtant comme centrale la quatrième de couverture. Même si les nombreux exemples cinématographiques allègent la lecture, j’ai trouvé l’auteur parfois difficile à suivre, comme cela m’arrive souvent quand je lis des sociologues. La structure du livre est pour moi déroutante, les sujets se succédant sans ligne directrice évidente et sans conclusion claire. Pour terminer sur un bon point, je souligne que les notes sont en bas de page, essentiellement des références.

Publicité
No comments yet

Votre commentaire

Entrez vos coordonnées ci-dessous ou cliquez sur une icône pour vous connecter:

Logo WordPress.com

Vous commentez à l’aide de votre compte WordPress.com. Déconnexion /  Changer )

Image Twitter

Vous commentez à l’aide de votre compte Twitter. Déconnexion /  Changer )

Photo Facebook

Vous commentez à l’aide de votre compte Facebook. Déconnexion /  Changer )

Connexion à %s

%d blogueurs aiment cette page :