Le marché du travail en novembre 2020 et la COVID-19
Après avoir analysé les données de mars à octobre du Bureau of Labor Statistics (BLS) et de l’Enquête sur la population active (EPA), je vais maintenant commenter celles de novembre, toujours influencées par les mesures gouvernementales et les changements de comportement de la population visant à limiter les dégâts de la COVID-19. On verra ici si mes prévisions d’une stabilité de l’emploi au Québec et au Canada, et d’une faible hausse aux États-Unis se sont réalisées.
Novembre 2020 aux États-Unis
Le BLS publie au début de chaque mois (le 4 décembre pour novembre 2020) les données de deux enquêtes, soit celles de la Household Survey (HS), l’équivalent de l’EPA canadienne, et de l’Establishment Survey (ES), qui ressemble plus à l’Enquête sur l’emploi, la rémunération et les heures de travail (EERH) du Canada. Toutefois, les médias ne font à peu près jamais la distinction entre ces deux enquêtes et commentent en général uniquement la variation de l’emploi selon l’ES et le taux de chômage selon la HS. La couverture journalistique de la publication des données de novembre par le BLS n’a pas fait exception, les articles que j’ai lus, dont celui-ci de Radio-Canada, ne retenant que la création de «245 000 emplois» en novembre (sans mentionner que cette donnée vient de l’ES, voir la dernière colonne de ce tableau) et la baisse du taux de chômage de 6,9 % à 6,7 % (sans mentionner non plus que cette donnée vient de la HS, voir la septième ligne de cet autre tableau), pensant probablement que ces deux données sont liées. Or, elles ne le sont pas et cela est encore une fois évident ce mois-ci.
Si on regarde les données de la dernière colonne de ce tableau, on voit que les estimations de la HS montrent une baisse de 74 000 emplois en novembre plutôt qu’une hausse de 245 000 emplois comme l’ES, une différence de 319 000 emplois! Malgré cette baisse d’emploi, on peut aussi voir que le taux de chômage a diminué (de 6,9 à 6,7 %), en raison de la hausse de 560 000 inactif.ives, ce qui est plus une mauvaise nouvelle qu’une bonne. Ainsi, même si l’emploi selon la ES a moins augmenté que les prévisions moyennes (235 000 par rapport à 500 000), le taux de chômage a diminué au niveau prévu (6,7 %) en raison de la baisse du taux d’activité (de 61,7 % à 61,5 %). Par ailleurs, le BLS estime dans son communiqué que, en raison des erreurs de classification que j’ai expliquées dans le billet de juin, le taux de chômage devrait être plus élevé, possiblement de 0,4 point de pourcentage, soit à 7,1 %.
Entre février et novembre, la baisse fut de 9,8 millions d’emplois ou de 6,5 % selon l’ES et de 9,0 millions d’emplois ou de 5,7 % selon la HS. Les écarts entre les résultats de ces deux enquêtes ne sont pas étonnants, car elles comportent de nombreuses différences. Par exemple, l’ES ne tient compte que des salarié.es non agricoles, excluant donc les travailleur.euses autonomes et les salarié.es agricoles.
Notons en outre que le niveau de l’emploi en novembre a été réduit en raison de la fin de l’emploi, entre les semaines de référence d’octobre et de novembre, d’environ 93 000 personnes embauchées temporairement pour tenir le recensement de 2020 (de 99 500 à 6 500, selon le Census Bureau) et de la baisse de 22 000 emplois dans les services d’enseignement (total des variations des Educational services, State government education et Local government education, sur ce tableau de l’ES).
Les données de la HS permettent aussi de répartir le nombre de personnes qui ont perdu leur emploi entre celles qui sont considérées par le BLS en chômage ou inactives. En effet, si une personne sans emploi n’en cherche pas activement ou ne prévoit pas un rappel dans les quatre semaines qui suivent, elle sera considérée comme inactive. Entre février et novembre, si le nombre de personnes en chômage a augmenté de 4,9 millions, le nombre d’inactif.ives a augmenté encore plus, soit de 5,5 millions. Si le taux d’activité s’était maintenu à 63,4 % comme en février (il était de 61,5 % en novembre), il y aurait 5,0 millions de personnes inactives de moins et 5,0 millions de personnes en chômage de plus. Dans ce cas, le taux de chômage en novembre aurait atteint 9,5 % plutôt que 6,7 %, en hausse de 6,0 points de pourcentage plutôt que de 3,2 points depuis février (3,5 %). Notons que ce taux de chômage ajusté montre une amélioration plus importante que le taux de chômage officiel par rapport à avril, avec une baisse de 9,5 points de pourcentage (19,0 % en avril par rapport à 9,5 % en novembre), plutôt que de 8,0 points pour le taux officiel (14,7 % en avril et 6,7 % en novembre), ce qui est normal étant donné que le taux d’activité est passé de 60,2 % en avril à 61,5 % en novembre.
Novembre 2020 au Canada
Statistique Canada a publié le 4 décembre son communiqué sur les estimations de l’EPA pour la semaine du 8 au 14 novembre. On y apprend notamment que :
- même si elle a augmenté d’environ 60 000 emplois en novembre (ou de 0,5 %), l’estimation de l’emploi en données désaisonnalisées est demeurée inférieure d’environ 575 000 ou de 3,0 % à son niveau de février, baisse nettement moins élevée qu’aux États-Unis (5,7 %, selon les données de la HS, la plus comparable à l’EPA); rappelons-nous que cette baisse atteignait au Canada 3,0 millions d’emplois ou 15,7 % entre février et avril;
- l’estimation du nombre de chômeur.euses a connu une hausse de 600 000 personnes ou de 53 % entre février et novembre, malgré une baisse de 82 000 en novembre, faisant passer le taux de chômage de 5,6 % en février à 8,5 % en novembre (en forte baisse par rapport à son sommet de 13,7 % en mai);
- le nombre de personnes inactives a augmenté de 45 000 en novembre, pour une hausse totale de 220 000 entre février et novembre, faisant diminuer le taux d’activité de 65,5 % en février à 65,1 % en novembre (par rapport à son plancher de 59,8 % en avril, alors que le nombre de personnes inactives avait augmenté de près de 1,8 million depuis février); la hausse de novembre résulte probablement de l’arrêt de la recherche d’emploi par quelques milliers de personnes en raison de l’arrivée de la deuxième vague de la COVID-19;
- si le taux d’activité s’était maintenu à 65,5 % comme en février, il y aurait moins de personnes inactives et plus de personnes en chômage. Dans ce cas, le taux de chômage en novembre aurait atteint 9,1 % plutôt que 8,5 %, en hausse de 3,5 points de pourcentage plutôt que de 2,9 points depuis février (5,6 %); notons que ce taux de chômage ajusté montre une amélioration beaucoup plus importante que le taux de chômage officiel par rapport à son niveau maximal de la crise, avec une baisse de 11,4 points de pourcentage (20,5 % en avril par rapport à 9,1 % en novembre), plutôt que de 4,2 points pour le taux officiel (13,7 % en mai et 8,5 % en novembre), ce qui est normal étant donné que le taux d’activité est passé de 59,8 % en avril à 65,1 % en novembre;
- en plus de la baisse de 575 000 d’emplois depuis février, Statistique Canada souligne que, parmi les personnes en emploi, 448 000 de plus qu’en février (mais 2,05 millions de moins qu’en avril) ont travaillé en novembre moins de la moitié de leurs heures habituelles, parfois aucune;
- selon les données non désaisonnalisées du tableau 14-10-0032-01, 1,44 million de personnes n’ont travaillé aucune heure en novembre, soit 6,5 % de plus qu’en novembre 2019 (1,36 million), alors que ce niveau était 134 % plus élevé en avril 2020 qu’en avril 2019 (3,4 millions par rapport à 1,5 million); ainsi, la part des personnes en emploi qui ne travaillaient aucune heure est passée de 7,4 % en février 2020 à 21,3 % en avril, puis à 7,8 % en novembre;
- selon le tableau 14-10-0289-01, le nombre d’heures travaillées a augmenté de 1,2 % en novembre, faisant passer la baisse entre février et novembre à 5,0 %, soit bien moins qu’entre février et avril (27,7 %); alors que cette baisse entre février et avril était plus élevée que celle du nombre d’emplois de 12,0 points de pourcentage (27,7 % par rapport à 15,7 %), elle ne lui était supérieure que de 2,0 points entre février et novembre (5,0 % par rapport à 3,0 %); cela montre que la baisse des heures travaillées a perdu environ 83 % de son impact entre avril et novembre;
- alors que l’emploi à temps plein a augmenté de 0,7 % en novembre, l’emploi à temps partiel a diminué de 1,1 %; entre février et novembre, l’emploi à temps partiel a diminué un peu plus que l’emploi à temps plein (3,3 % par rapport à 2,9 %); notons que l’emploi à temps partiel avait diminué plus de deux fois plus que l’emploi à temps plein entre février et avril (baisses respectives de 29,5 % et de 12,5 %); cela montre que le travail à temps partiel a subi plus durement que l’emploi à temps plein le confinement (surtout celui du commerce de détail non prioritaire et de la restauration), mais a bénéficié davantage du déconfinement, d’autant plus que certaines entreprises ont rouvert avec des horaires réduits; d’ailleurs, même si l’emploi à temps partiel a diminué de 3,8 % entre novembre 2019 et novembre 2020, le nombre de personnes invoquant un motif involontaire à leur travail à temps partiel a augmenté de 25,3 %, selon les données non désaisonnalisées du tableau 14-10-0028-01; ainsi, la proportion de personnes travaillant à temps partiel qui le font involontairement est passée de 18,6 % en février à 29,7 % en juillet et à 23,0 % en novembre;
- l’emploi a diminué de 9,4 % entre février et novembre chez les personnes âgé.es de 15 à 24 ans, bien plus que chez les 25 à 54 ans (1,6 %) et les 55 ans et plus (3,2 %); il a par contre augmenté davantage en novembre (0,9 %, par rapport à 0,2 et 0,6 %); sans surprise, le taux de chômage des 15 à 24 ans surpassait de beaucoup celui des deux autres groupes (17,4 % par rapport à 7,1 % pour les membres des deux autres tranches d’âge).
Novembre 2020 au Québec
La semaine de référence de l’EPA (du 8 au 14 novembre) suivait l’ajout de quelques régions du Québec dans les zones rouges. Les données de l’EPA nous montrent que :
- l’estimation de l’emploi en données désaisonnalisées a augmenté de 16 000 en novembre (ou de 0,4 %), faisant plus que compenser la baisse de 13 000 en octobre; avec cette hausse, la baisse entre février et novembre était d’environ 111 000 ou de 2,5 %, malgré une hausse de 710 000 emplois depuis avril (ou de 19,9 %);
- cette baisse de 2,5 % est demeurée inférieure à celle observée dans le reste du Canada (3,1 %); après s’être classée au deuxième rang en septembre, la baisse de l’emploi depuis février au Québec était en novembre la cinquième plus basse au Canada (comme on peut le voir dans l’image qui accompagne ce billet), alors que le Québec avait connu la plus forte baisse entre février et avril; l’ampleur de ces baisses est en grande partie due aux différences dans les mesures prises dans les provinces pour combattre la COVID-19;
- 86,5 % de l’estimation de la baisse du nombre d’emplois observée entre février et avril a été annulée grâce à la hausse observée de mai à novembre (710 000 emplois sur 820 500), proportion nettement plus élevée que la situation observée dans le reste du Canada (79 %) et aux États-Unis (entre 55 et 65 %, selon l’enquête);
entre février et novembre, l’estimation de l’emploi a diminué davantage chez les femmes (de 63 000 emplois ou de 3,0 %) que chez les hommes (de 47 800 emplois ou de 2,1 %); l’écart entre ces deux baisses a diminué en novembre, passant de 2,0 points de pourcentage entre février et octobre à 0,9 point entre février et novembre, en raison d’une baisse de 4000 emplois chez les hommes en novembre et d’une hausse de près de 20 000 emplois chez les femmes;
- si le nombre d’emplois a globalement diminué de 2,5 % entre février et novembre, cette baisse fut de 4,6 % chez les employé.es (ou salarié.es) du secteur privé, et chez les travailleur.euses autonomes; pendant ce temps, l’emploi augmentait de 4,9 % chez les employé.es du secteur public, surtout dans le secteur de l’éducation, secteur dont les estimations d’emploi ne cessent de surprendre depuis le début de la crise; ces estimations nous montrent aussi que la hausse de 15 700 emplois en novembre est le résultat de hausses de 44 600 dans le secteur public et de 1200 dans le travail autonome, et d’une baisse de 30 000 emplois chez les salarié.es du secteur privé; notons toutefois que seule la hausse de l’emploi dans le secteur public surpasse la marge d’erreur à 95 % de ces variations mensuelles;
- selon les données non désaisonnalisées du tableau 14-10-0032-01, 345 000 personnes n’ont travaillé aucune heure en novembre, soit 14 % de plus qu’en novembre 2019 (301 000), alors que ce niveau était 142 % plus élevé en avril 2020 qu’en avril 2019 (920 000 par rapport à 380 000); ainsi, la part des personnes en emploi qui ne travaillaient aucune heure est passée de 7,6 % en février 2020 à 26,2 % en avril, puis à 8,1 % en novembre;
- selon les tableaux 14-10-0036-01 et 14-10-0022-01, le nombre d’heures effectivement travaillées en données non désaisonnalisées a diminué de 2,0 % entre novembre 2019 et novembre 2020, soit un peu plus que l’emploi (1,5 %); cet écart de 0,5 point de pourcentage est beaucoup moins élevé que celui observé en avril (12,4 points, soit une baisse des heures travaillées de 30,5 % et de l’emploi de 18,1 % entre avril 2019 et avril 2020), faisant diminuer l’impact de la baisse des heures travaillées de 96 % entre avril et novembre;
- la baisse du nombre d’heures effectivement travaillées par rapport à celle de l’emploi entre novembre 2019 et novembre 2020 fut la plus forte dans la foresterie, pêche, mines, exploitation en carrière, et extraction de pétrole et de gaz (baisse de 21 % par rapport à une baisse de l’emploi de 3 %), les services d’hébergement et de restauration (baisse de 44 % par rapport à une baisse de l’emploi de 32 %) et le travail autonome (baisse de 17 % par rapport à une baisse de l’emploi de 5 %);
- l’emploi à temps partiel en données désaisonnalisées est demeuré assez stable en novembre, alors que l’emploi à temps plein a augmenté de 0,4 %; entre février et novembre, l’emploi à temps partiel a diminué davantage que l’emploi à temps plein (de 5,9 % par rapport à 1,8 %); cet écart de 4,1 points de pourcentage était de 19 points entre février et avril (baisse de 34 % de l’emploi à temps partiel par rapport à la baisse de 15 % dans l’emploi à temps plein);
- même si l’emploi à temps partiel a diminué de 6,7 % entre novembre 2019 et novembre 2020, le nombre de personnes invoquant un motif involontaire à leur travail à temps partiel a augmenté de 22 %, selon les données non désaisonnalisées du tableau 14-10-0028-01; d’ailleurs, la proportion de personnes travaillant à temps partiel qui le font involontairement est passée de 12,4 % en février à 22,9 % en août et à 14,8 % en novembre;
- l’estimation du nombre de chômeur.euses a connu une hausse de 125 000 entre février et novembre (ou de 73 %), malgré une baisse 24 500 en novembre et de 375 200 entre avril et novembre (ou de 51 %), variations qui ont fait passer le taux de chômage de 4,5 % en février à 17,0 % en avril et à 7,2 % en novembre;
- l’estimation du nombre de personnes inactives a augmenté de 33 500 entre février et novembre, dont 14 000 en novembre; malgré ces hausses, le taux d’activité a presque retrouvé en novembre son niveau de février (64,4 % par rapport à 64,7 %), en hausse de 4,0 points de pourcentage par rapport à son niveau plancher d’avril (60,4 %);
- l’emploi a diminué de 9,0 % entre février et novembre chez les personnes âgé.es de 15 à 24 ans, malgré une hausse de 1,8 % en novembre, baisse bien plus élevée que chez les 25 à 54 ans (1,8 %, malgré une hausse de 0,6 % en novembre) et chez les 55 ans et plus (0,7 %, en raison d’une baisse de 1,2 % en novembre); sans surprise, le taux de chômage des 15 à 24 ans surpassait de beaucoup celui des deux autres groupes en novembre (12,8 % par rapport à 6,3 % dans les deux autres tranches d’âge).
Si le taux d’activité du Québec a presque retrouvé en novembre son niveau de février (64,4 % par rapport à 64,7 %), c’est un peu moins le cas dans le reste du Canada (65,3 % par rapport à 65,7 %). Cela fait en sorte que la différence entre le taux de chômage au Québec et dans le reste du Canada était un peu sous-estimée par le taux de chômage officiel. En effet, le taux de chômage officiel au Québec (7,2 %) était à peine un peu plus bas que son taux ajusté (7,5 %). Dans le reste du Canada, le taux de chômage officiel était de 8,9 %, mais, si son taux d’activité s’était maintenu à 65,7 % comme en février, son taux de chômage aurait atteint 9,6 %, soit 0,7 point de pourcentage de plus que son taux officiel, Ainsi, si la différence entre les taux officiels du Québec et du reste du Canada était en novembre de 1,7 point (7,2 et 8,9 %), la différence entre leurs taux ajustés était de 2,1 points (7,5 et 9,6 %), ce qui traduit mieux l’écart de la détérioration du marché du travail entre les deux territoires.
On pourrait penser que le fait que le taux d’activité ait été en novembre plus élevé dans le reste du Canada (65,3 %) qu’au Québec (64,4 %) entraîne au contraire une sous-estimation du taux de chômage du Québec. En fait, c’est uniquement en raison de la structure démographique que le taux d’activité était plus élevé dans le reste du Canada qu’au Québec. Ainsi, si le Québec avait eu la même structure démographique que le reste du Canada en novembre, son taux d’activité aurait été plus élevé que celui du reste du Canada. En effet, avec les données non désaisonnalisées du tableau 14-10-0017-01, on peut calculer, en associant les taux d’activité par tranche d’âge de cinq ans (15-19 ans, 20-24 ans jusqu’à 65-69 ans et 70 ans et plus) au pourcentage de la population adulte dans ces tranches d’âges dans le reste du Canada, que le taux d’activité aurait en fait été plus élevé au Québec (65,8 % par rapport à 64,9 %, au lieu des taux officiels de 64,0 % et de 64,9 %) que dans le reste du Canada.
L’effet de l’évolution de l’inactivité, du chômage et du taux d’activité a eu des impacts différents selon le sexe et selon l’âge. Ainsi, les taux de chômage officiels et ajustés en fonction du taux d’activité de février ont évolué ainsi au Québec :
- femmes : le taux de chômage officiel est passé de 4,0 % en février à 17,4 % en avril et à 5,8 % en novembre, alors que le taux de chômage ajusté passait de 4,0 % en février à 21,8 % en avril et à 7,4 % en novembre ;
- hommes : le taux de chômage officiel est passé de 4,9 % en février à 16,6 % en avril et à 8,3 % en novembre, alors que le taux de chômage ajusté passait de 4,9 % en février à 23,1 % en avril et à 7,6 % en novembre; si le taux de chômage officiel des femmes était plus bas que celui des hommes de 2,5 points de pourcentage (5,8 % par rapport à 8,3 %), son taux de chômage ajusté n’était plus bas que de 0,2 point (7,4 % par rapport à 7,6 %);
- 15 à 24 ans : le taux de chômage officiel est passé de 6,8 % en février à 34,4 % en avril et à 12,8 % en novembre, alors que le taux de chômage ajusté passait de 6,8 % en février à 41,0 % en avril et à 15,0 % en novembre;
- 25 à 54 ans : le taux de chômage officiel est passé de 3,8 % en février à 13,9 % en avril et à 6,3 % en novembre, alors que le taux de chômage ajusté passait de 3,8 % en février à 17,8 % en avril et à 5,8 % en novembre;
- 55 ans et plus : le taux de chômage officiel est passé de 5,0 % en février à 15,6 % en avril et à 6,3 % en novembre, alors que le taux de chômage ajusté passait de 5,0 % en février à 24,4 % en avril et à 6,8 % en novembre.
Ces évolutions montrent clairement que ce sont les jeunes, et dans une moindre mesure les femmes, qui ont subi le plus durement les effets de la crise et qui la subissent encore.
En gardant en tête le fait que les marges d’erreur des estimations de l’emploi de l’EPA sont encore plus importantes avec des données désagrégées comme celles par industrie, je présente dans le tableau qui suit (tiré des données du tableau 14-10-0355-01) la variation de ces estimations par industrie entre octobre et novembre, et entre février et novembre. J’ai mis en caractère gras dans les quatre dernières colonne du tableau les hausses et les baisses les plus importantes.
Les baisses de l’estimation de l’emploi entre octobre et novembre à la fois supérieures à 5 000 emplois et à 5 % se sont concentrées dans deux industries, soit l’information, la culture et les loisirs (baisse de 9 100, ou de 6 %) et les services d’hébergement et de restauration (baisse de 9 300, ou de 5 %). En fait, l’estimation de l’emploi dans les autres industries a augmenté de 34 000 emplois, avec une certaine concentration dans les services professionnels, scientifiques et techniques (hausse de 11 700, ou de 3 %) et l’agriculture (hausse de 7 800 emplois ou de 14 %).
Entre février et novembre, l’emploi a augmenté dans la moitié des industries présentées dans ce tableau (8 sur 16). Les hausses les plus importantes se sont observées dans les services d’enseignement (de 35 200 emplois ou de 11 %) et dans les services professionnels, scientifiques et techniques (de 19 000 emplois ou de 5 %). Cela dit, cinq industries ont connu des baisses de plus de 15 000 emplois, dont trois subissent encore durement les effets de la crise, avec des baisses de plus de 10 % :
- les services d’hébergement et de restauration (baisse de 89 900 emplois, ou de 34 %);
- l’information, la culture et les loisirs (38 700 ou 21 %);
- la fabrication (18 600 ou 4 %);
- les autres services (18 300 ou 10 %);
- la construction (15 500 ou 6 %).
Et après?
Comme la semaine de référence de l’EPA est cette semaine, soit du 6 au 12 décembre, on peut déjà prévoir qu’il est peu probable que l’ajout de quelques régions dans les zones rouges depuis la semaine de référence de novembre entraînera une baisse de l’emploi notable au Québec en décembre, compte tenu de la croissance de l’emploi dans les secteurs qui demeurent actifs partout au Québec. Il est toujours possible que le gouvernement décide un nouveau confinement, mais il prendrait effet pendant les Fêtes. Par contre, certaines décisions gouvernementales dans le reste du Canada (comme celle-ci) pourraient faire diminuer l’emploi, quoique cette baisse, si elle avait lieu, serait probablement faible.
La situation aux États-Unis dépend de facteurs allant dans des sens opposés. Le nombre d’infections, d’hospitalisations et de décès dus la COVID-19 a continué à augmenter et rien ne semble vouloir ralentir cette tendance. Ces hausses devraient avoir un effet négatif sur l’emploi, d’autant plus que la plupart des États ont adopté de nouvelles mesures (quoique peu de confinements). À l’opposé, comme il ne reste presque plus d’employé.es temporaires embauché.es pour le recensement, leur nombre baissera beaucoup moins le mois prochain. De même, l’effet saisonnier de la baisse du nombre d’emplois dans le secteur de l’enseignement semble derrière eux. Dans le même sens, le nombre de prestataires de l’assurance-chômage a continué à diminuer récemment. Au bout du compte, on ne peut pas s’attendre à des mouvements majeurs de l’emploi en décembre dans le rapport du BLS.
Et alors…
On a vu dans ce billet que la baisse du nombre d’emplois d’octobre au Québec fut temporaire. En novembre, les hausses de l’emploi dans les secteurs non touchés par les décisions gouvernementales ont plus que compensé les baisses dans les secteurs confinés ou reconfinés. De même, la baisse des heures travaillées observée depuis février semble en grande partie derrière nous, surtout au Québec.
Si on a encore observé en novembre un niveau beaucoup plus élevé d’inactivité qu’en février aux États-Unis, ce phénomène s’estompe graduellement au Canada et au Québec, quoique ce niveau ait augmenté légèrement en novembre, probablement en raison de la deuxième vague de COVID-19. Il demeure toutefois pertinent de continuer à suivre son évolution, cela permettant des comparaisons plus valides entre les territoires et les groupes de la population.
L’ampleur de la deuxième vague, ici, mais encore plus en Europe et aux États-Unis, nous montre clairement que les mesures de santé publique et les programmes gouvernementaux à l’intention des victimes de la crise sont encore essentiels. L’arrivée d’au moins un vaccin ne doit surtout pas nous faire relâcher la garde. Continuons donc à suivre les consignes de la sécurité publique, gardons nos distances, lavons-nous les mains et mettons un masque quand nous sortons de chez nous!
«Dans le même sens, le nombre de prestataires de l’assurance-chômage a continué à diminuer récemment.» aux États-Unis.
Il fallait que j’écrive ça pour que la tendance s’inverse! En effet, le rapport du Department of Labor de ce matin (https://www.dol.gov/sites/dolgov/files/OPA/newsreleases/ui-claims/20202249.pdf) montre pour la semaine s’étant terminée le 5 décembre une hausse des demandes d’assurance-chômage de 137 000, soit de 716 000 à 853 000, une hausse de 19 %. De même, ce rapport montre que le nombre de prestataires a augmenté de 230 000 (de 5 527 000 à 5 757 000, en hausse de 4 %) dans la semaine se terminant le 28 novembre (ces données sont mises à jour avec une semaine de retard par rapport à celles sur les demandes). Cela regarde mal pour les données de décembre sur l’emploi…
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