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Le marché du travail en janvier 2021 et la COVID-19

11 février 2021

marché du travail en janvier 2021 et la COVID-19Après avoir analysé les données sur l’emploi de mars à décembre du Bureau of Labor Statistics (BLS) et de l’Enquête sur la population active (EPA), je vais maintenant commenter celles de janvier, toujours influencées par les mesures gouvernementales et les changements de comportement de la population visant à limiter les dégâts de la COVID-19. On verra ici si mes prévisions d’une baisse de l’emploi au Québec et au Canada, et d’une baisse moins importante aux États-Unis se sont réalisées.

Janvier 2021 aux États-Unis

Le BLS publie au début de chaque mois (le 5 février pour janvier 2021) les données de deux enquêtes, soit celles de la Household Survey (HS), l’équivalent de l’EPA canadienne, et de l’Establishment Survey (ES), qui ressemble plus à l’Enquête sur l’emploi, la rémunération et les heures de travail (EERH) du Canada. Toutefois, les médias ne font à peu près jamais la distinction entre ces deux enquêtes et commentent en général uniquement la variation de l’emploi selon l’ES et le taux de chômage selon la HS. La couverture journalistique de la publication des données de janvier 2021 par le BLS n’a pas fait exception, les articles que j’ai lus, dont celui-ci de La Presse, ne retenant que la hausse de «49 000 emplois» au cours du premier mois de l’année 2021 (sans mentionner que cette donnée vient de l’ES, voir la dernière colonne de ce tableau) et la baisse du taux de chômage de 6,7 % à 6,3 % (sans mentionner non plus que cette donnée vient de la HS, voir la septième ligne de cet autre tableau), pensant probablement que ces deux données sont liées. Or, elles ne le sont pas.

Exceptionnellement, le BLS ne mentionne pas de hausses ou de baisses des indicateurs pour le mois courant à la dernière colonne de ce tableau, car il a révisé ses données démographiques, comme il le fait chaque année en janvier. Mais, comme il ne révise pas ses données antérieures, il ne peut pas savoir qu’elle est la véritable différence entre ses estimations de décembre 2020 et de janvier 2021. En plus, la révision démographique est particulièrement importante cette année, avec une baisse de l’estimation de la population âgée de 16 ans et plus (Civilian noninstitutional population) de 380 000, alors que cette estimation augmentait de plus de 150 000 par mois en moyenne en 2020. Cela dit, on peut constater que si le taux de chômage a diminué de 0,4 point et que le taux d’emploi a augmenté de 0,1 point entre décembre 2020 et janvier 2021, la taux d’activité a encore diminué (de 0,1 point) en raison de la hausse de l’inactivité.

Si l’emploi selon la ES a augmenté de 49 000 conformément les prévisions moyennes (50 000), la baisse du taux de chômage a surpris. En effet, avec une hausse de l’emploi aussi faible, on prévoyait plutôt une stabilité à 6,7 %. Il faut dire que la hausse de 49 000 emplois est un peu trompeuse, car le BLS a révisé à la baisse ses estimations de la variation de l’emploi de novembre de 72 000 et celles de décembre de 87 000, pour une baisse totale de 159 000. Bref, ce rapport montre en fait une baisse de 110 000 emplois par rapport au niveau non révisé de décembre. Par ailleurs, le BLS estime dans son communiqué que, en raison des erreurs de classification que j’ai expliquées dans le billet de juin, le taux de chômage devrait être plus élevé, possiblement de 0,6 point de pourcentage, ce qui le porterait à 6,9 %.

Entre février 2020 et janvier 2021, la baisse fut de 9,9 millions d’emplois ou de 6,5 % selon l’ES et de 8,7 millions d’emplois ou de 5,5 % selon la HS. Les écarts entre les résultats de ces deux enquêtes ne sont pas étonnants, car elles comportent de nombreuses différences. Par exemple, l’ES ne tient compte que des salarié.es non agricoles, excluant donc les travailleur.euses autonomes et les salarié.es agricoles. Notons en outre que, selon ce tableau de l’ES, la hausse de 49 000 emplois s’est traduite par une hausse de 87 000 emplois chez les femmes, mais une baisse de 38 000 chez les hommes. Entre janvier 2020 et janvier 2021, l’emploi salarié non agricole a baissé de 5,2 millions ou de 6,8 % chez les femmes et de 4,4 millions ou de 5,8 % chez les hommes.

Les données de la HS permettent aussi de répartir la baisse du nombre de personnes en emploi entre celles qui sont considérées par le BLS en chômage ou inactives. En effet, si une personne sans emploi n’en cherche pas activement ou ne prévoit pas un rappel dans les quatre semaines qui suivent, elle sera considérée comme inactive. Entre février 2020 et janvier 2021, le nombre de personnes en chômage a augmenté de 4,4 millions et le nombre d’inactif.ives de 5,3 millions. Si le taux d’activité s’était maintenu à 63,3 % comme en février 2020 (il était de 61,4 % en janvier 2021, en hausse de 1,2 point depuis avril 2020 à 60,2 %), il y aurait 5,1 millions de personnes inactives de moins et 5,1 millions de personnes en chômage de plus. Dans ce cas, le taux de chômage en janvier 2021 aurait atteint 9,2 % plutôt que 6,3 %, en hausse de 5,7 points de pourcentage plutôt que de 2,8 points depuis février 2020 (3,5 %). Ce taux de 9,2 % correspond assez bien à l’évaluation faite hier par le président de la Banque centrale des États-Unis, Jerome Powell, qui l’estimait à près de 10 %.

Janvier 2021 au Canada

Statistique Canada a publié le 5 février son communiqué sur les estimations de l’EPA pour la semaine du 10 au 16 janvier. Notons que cette mise à jour comprend une révision majeure de ces estimations en fonction des données démographiques du recensement de 2016, de changements de limites géographiques de quelques régions métropolitaines de recensement (RMR), régions économiques (RE) et agglomérations de recensement (AR), de la classification des industries et des professions, du type de famille et de l’état matrimonial (cela touche essentiellement les couples de même sexe), et finalement de la désaisonnalisation (dans ce cas, uniquement pour les données désaisonnalisées). Les données ont finalement été révisées depuis 2002 pour la désaisonnalisation et depuis 2006 pour les données démographiques. On y apprend notamment que :

  • avec sa baisse de 212 800 en janvier 2021 (ou de 1,2 %), l’estimation de l’emploi en données désaisonnalisées était inférieure d’environ 860 000 ou de 4,5 % à son niveau de février 2020, baisse qui est malgré la diminution de janvier demeurée moins élevée qu’aux États-Unis (5,5 %, selon les données de la HS, la plus comparable à l’EPA); rappelons-nous que cette baisse atteignait au Canada près de 3,0 millions d’emplois ou 15,6 % entre février et avril 2020;
  • l’estimation du nombre de chômeur.euses a connu une hausse de 753 300 personnes ou de 66 % entre février 2020 et janvier 2021, dont 125 000 en janvier, faisant passer le taux de chômage de 5,7 % en février 2020 à 9,4 % en janvier 2021 (en forte baisse par rapport à son sommet de 13,7 % en mai 2020);
  • le nombre de personnes inactives a augmenté de 101 500 en janvier, pour une hausse totale de 347 000 entre février 2020 et janvier 2021, faisant diminuer le taux d’activité de 65,5 % en février 2020 à 64,7 % en janvier 2021 (par rapport à son plancher de 60,0 % en avril, alors que le nombre de personnes inactives avait augmenté de près de 1,7 million depuis février); la hausse notable de janvier résulte probablement de l’arrêt de la recherche d’emploi par de nombreuses personnes en raison de l’accentuation de la deuxième vague de la COVID-19;
  • si le taux d’activité s’était maintenu à 65,5 % comme en février 2020, il y aurait moins de personnes inactives et plus de personnes en chômage. Dans ce cas, le taux de chômage en janvier 2021 aurait atteint 10,6 % plutôt que 9,4 %, en hausse de 4,9 points de pourcentage plutôt que de 3,7 points depuis février 2020 (5,7 %), mais en baisse de 9,9 points depuis son sommet de 20,5 % d’avril 2020;
  • selon les données non désaisonnalisées du tableau 14-10-0032-01, 1,6 million de personnes en emploi n’ont travaillé aucune heure en janvier 2021, soit 12,3 % de plus qu’en janvier 2020 (1,4 million), alors que ce niveau était 134 % plus élevé en avril 2020 qu’en avril 2019 (3,4 millions par rapport à 1,5 million); ainsi, la part des personnes en emploi qui ne travaillaient aucune heure est passée de 7,4 % en février 2020 à 21,2 % en avril, puis à 9,0 % en janvier 2021;
  • selon le tableau 14-10-0289-01, le nombre d’heures travaillées a augmenté de 0,9 % en janvier, faisant passer la baisse entre février 2020 et janvier 2021 à 4,5 %, soit bien moins qu’entre février et avril 2020 (27,6 %); alors que cette baisse entre février et avril était plus élevée que celle du nombre d’emplois de 12,0 points de pourcentage (27,6 % par rapport à 15,6 %), elle lui était égale entre février 2020 et janvier 2021 (4,5 % dans les deux cas); cela montre que la baisse des heures travaillées a perdu totalement son impact entre avril 2020 et janvier 2021;
  • alors que l’emploi à temps plein a augmenté de 0,1 % en janvier, l’emploi à temps partiel a diminué de 6,7 %; entre février 2020 et janvier 2021, l’emploi à temps partiel a diminué plus de quatre fois plus fortement que l’emploi à temps plein (12,2 % par rapport à 2,7 %);
  • même si le nombre d’emplois à temps partiel a diminué de 12,4 % entre janvier 2020 et janvier 2021, le nombre de personnes invoquant un motif involontaire à leur travail à temps partiel a augmenté de 12,2 %, selon les données non désaisonnalisées du tableau 14-10-0028-01; ainsi, la proportion de personnes travaillant à temps partiel involontairement est passée de 18,5 % en février 2020 à 30,0 % en juillet et à 25,0 % en janvier 2021;
  • l’emploi a diminué de 14,5 % entre février 2020 et janvier 2021 chez les personnes âgé.es de 15 à 24 ans, bien plus que chez les 25 à 54 ans et les 55 ans et plus (2,9 % dans les deux cas); ce scénario s’est répété en janvier (-4,6 %, -0,9 et stable); sans surprise, le taux de chômage des 15 à 24 ans surpassait de beaucoup celui des deux autres groupes en janvier 2021 (19,7 %, 7,6 % et 8,2 %).

Janvier 2021 au Québec

La semaine de référence de l’EPA (du 10 au 16 janvier) suivait la fermeture des commerces non essentiels et le couvre-feu annoncés le 7 janvier. C’est donc sans surprise que les estimations de l’EPA nous montrent que :

  • l’estimation de l’emploi en données désaisonnalisées a diminué de 98 000 en janvier (ou de 2,3 %); la baisse entre février 2020 et janvier 2021 était d’environ 250 000 emplois ou de 5,8 %, malgré une hausse de 575 000 emplois depuis avril 2020 (ou de 16,3 %);
  • cette baisse de 5,8 % est supérieure à celle observée dans le reste du Canada (4,5 %); après s’être classé la deuxième plus basse en septembre, la baisse de l’emploi depuis février 2020 au Québec est devenue en janvier 2021 la plus élevée au Canada (comme on peut le voir dans l’image qui accompagne ce billet) pour la première fois depuis avril 2020; il faut dire que l’ampleur de ces baisses est en grande partie due aux différences dans les mesures prises dans les provinces pour combattre la COVID-19;
  • 70 % de l’estimation de la baisse du nombre d’emplois observée entre février et avril 2020 a été annulée grâce à la hausse observée entre avril 2020 et janvier 2021 (575 000 emplois sur 826 000), proportion un peu moins élevée que dans le reste du Canada (72 %), mais plus élevée qu’aux États-Unis (66 % selon la HS); notons que cette proportion a atteint son sommet en septembre 2020 avec 84 %;
  • marché du travail en janvier 2021 et la COVID-19_1entre février 2020 et janvier 2021, l’estimation de l’emploi a diminué nettement plus chez les femmes (de 146 600 emplois ou de 7,1 %) que chez les hommes (de 104 600 emplois ou de 4,6 %); l’écart entre ces deux baisses a augmenté en janvier, passant de 0,8 point de pourcentage entre février et décembre 2020 à 2,5 points février 2020 et janvier 2021, en raison d’une baisse en janvier plus de deux fois plus forte chez les femmes (68 200 emplois) que chez les hommes (29 700 emplois);
  • si le nombre d’emplois a globalement diminué de 5,8 % entre février 2020 et janvier 2021, cette baisse fut de 7,8 % chez les employé.es (ou salarié.es) du secteur privé et de 8,0 % chez les travailleur.euses autonomes; pendant ce temps, l’emploi augmentait de 1,0 % chez les employé.es du secteur public, surtout dans le secteur de l’éducation, secteur dont les estimations d’emploi ne cessent de surprendre depuis le début de la crise; ces estimations nous montrent aussi que la baisse de 98 000 emplois en janvier est le résultat de baisses de 91 000 emplois chez les salarié.es du secteur privé et de 7000 dans le travail autonome et du maintien de l’emploi dans le secteur public;
  • selon les données non désaisonnalisées du tableau 14-10-0032-01, 404 000 personnes en emploi n’ont travaillé aucune heure en janvier 2021, soit 12 % de plus qu’en janvier 2020 (360 000), alors que ce niveau était 142 % plus élevé en avril 2020 qu’en avril 2019 (909 000 par rapport à 376 000); ainsi, la part des personnes en emploi qui ne travaillaient aucune heure est passée de 7,6 % en février 2020 à 26,1 % en avril, puis à 10,1 % en janvier 2021;
  • selon les tableaux 14-10-0036-01 et 14-10-0022-01, le nombre d’heures effectivement travaillées en données non désaisonnalisées a diminué de 5,9 % entre janvier 2020 et janvier 2021, soit seulement un peu plus que le nombre d’emplois (5,6 %); cet écart de 0,3 point de pourcentage est beaucoup moins élevé que celui observé en avril (12,3 points, soit une baisse des heures travaillées de 30,6 % et de l’emploi de 18,3 % entre avril 2019 et avril 2020), faisant diminuer l’impact de la baisse des heures travaillées de 98 % entre avril 2020 et janvier 2021;
  • l’emploi à temps partiel en données désaisonnalisées a diminué de 12,2 % en janvier 2021, alors l’emploi à temps plein a peu varié (-0,2 %); entre février 2020 et janvier 2021, l’emploi à temps partiel a diminué sept fois plus que l’emploi à temps plein (de 18,8 % par rapport à 2,8 %); cet écart de 16,0 points de pourcentage s’est grandement approché celui de 25,1 points entre février et mai (baisses de 34,0 % et de 8,8 %), alors que cet écart avait presque disparu en septembre (0,3 point) et n’était que de 4,8 points en décembre 2020;
  • même si le nombre d’emplois à temps partiel a diminué de 17,4 % entre janvier 2020 et janvier 2021, le nombre de personnes invoquant un motif involontaire à leur travail à temps partiel a augmenté de 20 %, selon les données non désaisonnalisées du tableau 14-10-0028-01; d’ailleurs, la proportion de personnes travaillant à temps partiel involontairement est passée de 12,4 % en février 2020 à 23,1 % en août, à 14,1 % en décembre et à 18,3 % en janvier 2021;
  • l’estimation du nombre de chômeur.euses a connu une hausse de 190 000 entre février 2020 et janvier 2021 (ou de 93 %), dont 90 000 en janvier 2021, malgré une baisse de 361 000 entre avril 2020 et janvier 2021 (ou de 48 %), variations qui ont fait passer le taux de chômage de 4,5 % en février 2020 à 17,6 % en avril, à 6,8 % en décembre et à 8,8 % en janvier 2021;
  • l’estimation du nombre de personnes inactives a augmenté de 105 000 entre février 2020 et janvier 2021, dont 11 000 en janvier; avec cette dernière hausse, le taux d’activité (63,5 %) s’est éloigné de son niveau de février 2020 (64,8 %), alors qu’il l’avait presque retrouvé en septembre (64,6 %); il était toutefois en janvier 2021 en hausse de 2,7 points de pourcentage par rapport à son niveau plancher d’avril 2020 (60,8 %);
  • l’emploi a diminué de 20,0 % entre février 2020 et janvier 2021 chez les personnes âgé.es de 15 à 24 ans, dont une baisse de 8,2 % en janvier, baisse bien plus élevée que chez les 25 à 54 ans (3,2 %, dont 1,9 % en janvier) et chez les 55 ans et plus (4,5 %, dont 0,2 % en janvier); sans surprise, le taux de chômage des 15 à 24 ans surpassait nettement celui des deux autres groupes en janvier 2021 (18,0 % par rapport à 6,9 % et à 8,8 %).

Si le taux d’activité du Québec s’est éloigné en janvier 2021 son niveau de février 2020 (63,5 % par rapport à 64,8 %), c’est un peu moins le cas dans le reste du Canada (65,0 % par rapport à 65,7 %). Cela fait en sorte que la différence entre le taux de chômage au Québec et dans le reste du Canada était un peu surestimée par le taux de chômage officiel. En effet, la différence entre le taux de chômage officiel au Québec (8,8 %) et son taux ajusté (10,5 %) était de 1,7 point de pourcentage, alors que cette différence était de 1,0 point dans le reste du Canada (9,6 % et 10,6 %). Ainsi, si la différence entre les taux officiels du Québec et du reste du Canada était en janvier 2021 de 0,8 point (8,8 et 9,6 %), la différence entre leurs taux ajustés était presque inexistante (de 0,1 point, 10,5 % et 10,6 %), ce qui traduit mieux l’écart de la détérioration du marché du travail entre les deux territoires.

On pourrait penser que le fait que le taux d’activité ait été plus élevé dans le reste du Canada (65,0 %) qu’au Québec (63,5 %) en janvier 2021 entraîne une sous-estimation du taux de chômage du Québec. En fait, c’est uniquement en raison des différences dans leur structure démographique que le taux d’activité était plus élevé dans le reste du Canada qu’au Québec. Ainsi, si le Québec avait eu la même structure démographique que le reste du Canada en janvier 2021, son taux d’activité aurait été plus élevé que celui du reste du Canada. En effet, avec les données non désaisonnalisées du tableau 14-10-0017-01, on peut calculer, en associant les taux d’activité par tranche d’âge de cinq ans (15-19 ans, 20-24 ans jusqu’à 65-69 ans et 70 ans et plus) au pourcentage de la population adulte dans ces tranches d’âges dans le reste du Canada, que le taux d’activité aurait en fait été en janvier 2020 de 64,4 % au Québec au lieu de 62,6 % par rapport à 64,1 % dans le reste du Canada. On remarquera que les taux d’activité de janvier 2021 en données non désaisonnalisées sont plus bas que les taux d’activité en données désaisonnalisées de 0,9 point aussi bien au Québec (62,6 % et 63,5 %) que dans le reste du Canada (64,1 % et 65,0 %).

L’effet de l’évolution de l’inactivité, du chômage et du taux d’activité a eu des impacts différents selon le sexe et selon l’âge. Ainsi, les taux de chômage officiels et ajustés en fonction du taux d’activité de février 2020 ont évolué ainsi au Québec :

  • femmes : le taux de chômage officiel est passé de 4,1 % en février 2020 à 17,5 % en avril, à 5,0 % en décembre et à 8,6 % en janvier 2021, alors que le taux de chômage ajusté passait de 4,1 % en février 2020 à 21,8 % en avril, à 8,0 % en novembre et à 11,3 % en janvier 2021;
  • hommes : le taux de chômage officiel est passé de 4,8 % en février 2020 à 17,8 % en avril, à 7,5 % en septembre à 9,0 % en janvier 2021, alors que le taux de chômage ajusté passait de 4,8 % en février 2020 à 23,4 % en avril, à 6,9 % en septembre et à 9,8 % en janvier 2021; si le taux de chômage officiel des femmes était plus bas que celui des hommes en janvier 2021 de 0,4 point de pourcentage (8,6 % par rapport à 9,0 %), leur taux de chômage ajusté lui était plus élevé de 1,5 point (11,3 % par rapport à 9,8 %);
  • 15 à 24 ans : le taux de chômage officiel est passé de 7,0 % en février 2020 à 34,2 % en avril, à 10,7 % en décembre et à 18,0 % en janvier 2021, alors que le taux de chômage ajusté passait de 7,0 % en février 2020 à 41,2 % en avril, à 13,0 % en septembre et à 25,3 % en janvier 2021;
  • 25 à 54 ans : le taux de chômage officiel est passé de 3,8 % en février 2020 à 14,5 % en avril, à 5,6 % en décembre et à 6,8 % en janvier 2021, alors que le taux de chômage ajusté passait de 3,8 % en février 2020 à 17,9 % en avril, à 4,9 % en décembre et à 6,7 % en janvier 2021;
  • 55 ans et plus : le taux de chômage officiel est passé de 5,0 % en février 2020 à 16,9 % en avril, à 6.2 % en novembre et à 8,8 % en janvier 2021, alors que le taux de chômage ajusté passait de 5,0 % en février 2020 à 24,3 % en avril, à 5,8 % en octobre et à 10,8 % en janvier 2021.

Ces évolutions montrent clairement que ce sont les jeunes, et dans une moindre mesure les femmes et les personnes plus âgées, qui ont subi le plus durement les effets de la crise et qui la subissent encore.

En gardant en tête le fait que les marges d’erreur des estimations de l’emploi de l’EPA sont encore plus importantes avec des données désagrégées comme celles par industrie, je présente dans le tableau qui suit (tiré des données du tableau 14-10-0355-01) la variation de ces estimations par industrie entre décembre 2020 et janvier 2021, et entre février 2020 et janvier 2021. J’ai mis en caractère gras dans les quatre dernières colonnes du tableau les hausses et les baisses les plus importantes.

marché du travail en janvier 2021 et la COVID-19_2

Les deux baisses de l’estimation de l’emploi entre décembre 2020 et janvier 2021 les plus importantes se sont observées dans le commerce de gros et de détail (84 600 emplois, ou de 12,8 %), dont le personnel a subi 86 % de la baisse totale en raison de la fermeture des commerces non essentiels, et dans les services professionnels, scientifiques et techniques (17 400 emplois, ou de 4,7 %). À l’inverse, les plus fortes hausses de l’estimation de l’emploi furent de 25 900 emplois (ou de 10,9 %) dans la construction, probablement en raison du temps doux ce mois-là (d’ailleurs, l’emploi non désaisonnalisé y a diminué de 2200), et de 13 000 emplois (ou de 5,1 %) dans la finance, assurances, services immobiliers et de location.

Malgré sa forte baisse en janvier 2021, l’emploi a augmenté dans près de la moitié des industries présentées dans ce tableau (7 sur 16) entre février 2020 et janvier 2021 (mais dans certains cas de très peu). Les hausses les plus importantes se sont observées dans les services d’enseignement (21 200 emplois ou 7 %) et dans la finance, les assurances, les services immobiliers et de location (15 900 emplois ou 6 %). Cela dit, quatre industries ont connu des baisses de plus de 30 000 emplois et de plus de 10 %, et subissaient donc encore fortement les effets de la crise en janvier 2021 :

  • les services d’hébergement et de restauration (baisse de 89 900 emplois, ou de 35 %);
  • le commerce de gros et de détail (85 600 ou 13 %);
  • l’information, la culture et les loisirs (44 800 ou 25 %);
  • les autres services (32 800 ou 19 %).

Et après?

Entre la semaine de référence de janvier et celle de février (la semaine prochaine), le gouvernement a annoncé la réouverture des commerces non essentiels, des salons de coiffure, des musées et des bibliothèques partout au Québec, et des restaurants, des gymnases, des cinémas et des théâtres dans six régions (mais qui ne regroupent que 10 % de la population du Québec) avec un assouplissement du couvre-feu. On peut donc s’attendre à une hausse importante de l’emploi au Québec en février. Comme d’autres provinces ont aussi annoncé récemment des réouvertures, dont l’Ontario, on doit prévoir aussi une hausse notable de l’emploi dans le reste du Canada.

Aux États-Unis, le nombre d’infections, d’hospitalisations et de décès dus la COVID-19 a finalement commencé à diminuer et la proportion de la population qui est vaccinée est beaucoup plus élevée aux États-Unis qu’au Canada. En plus, le nombre de prestataires de l’assurance-chômage a continué à diminuer récemment, même s’il est demeuré très élevé. Au bout du compte, on peut s’attendre, comme au Canada et au Québec, à une hausse de l’emploi en février.

Et alors…

Tel que prévu, les décisions gouvernementales ont entraîné une baisse importante de l’emploi en janvier 2021 au Québec. Le lien avec ces décisions est particulièrement évident ce mois-ci, puisque 86 % de la baisse de l’emploi vient du commerce de gros et de détail, baisse due à la fermeture des commerces non essentiels. Notons aussi que la hausse de près de 26 000 emplois en estimations désaisonnalisées dans la construction a permis de réduire la baisse totale de l’emploi, même si le premier ministre avait demandé aux entrepreneurs de ce secteur «de réduire au minimum les effectifs pour réaliser les engagements actuels». Il devrait pourtant savoir que ce genre de demande ne sert à rien (et il le sait probablement, ce genre de demande ne visant vraisemblablement qu’à faire semblant de répartir les efforts entre la population et les entreprises)… En outre, comme la présence des femmes et des jeunes est importante dans le commerce de détail, ces deux groupes furent les plus touchés, Il en fut de même du travail à temps partiel, dont la baisse fut si forte que la baisse depuis février 2020 du nombre d’heures travaillées a rejoint celles des emplois. Les décisions gouvernementales feront en sorte que la baisse de l’emploi de janvier sera bien temporaire et que l’emploi à temps partiel et celui des femmes et des jeunes devraient rebondir en février.

La population semble aussi avoir tablé sur un confinement temporaire, puisque le niveau d’inactivité a relativement peu augmenté en janvier 2021, ce qui montre que les gens ayant perdu leur emploi en ont cherché un ou se sont attendus à un rappel dans moins de quatre semaines. De même, le nombre de chômeur.euses inexpérimenté.es (qui n’ont pas travaillé depuis au moins un an, voir ce billet pour en savoir plus sur le chômage inexpérimenté) a légèrement augmenté en janvier. Ces constats montrent qu’il demeure pertinent de continuer à suivre l’évolution de l’inactivité, d’autant plus que cela permet des comparaisons plus valides de l’impact de la crise entre les territoires et les groupes de la population.

L’ampleur de la deuxième vague nous montre clairement que les mesures de santé publique et les programmes gouvernementaux à l’intention des victimes de la crise sont encore essentiels. L’arrivée des vaccins et la baisse récente de cas ne doivent surtout pas nous faire baisser la garde. Continuons donc à suivre les consignes de la sécurité publique, gardons nos distances, lavons-nous les mains et mettons un masque quand nous sortons de chez nous!

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