Le marché du travail en février 2021 et la COVID-19
Après avoir analysé les données sur l’emploi de mars 2020 à janvier 2021 du Bureau of Labor Statistics (BLS) et de l’Enquête sur la population active (EPA), je vais maintenant commenter celles de février, toujours influencées par les mesures gouvernementales et les changements de comportement de la population visant à limiter les dégâts de la COVID-19. On verra ici si mes prévisions d’une hausse de l’emploi au Québec, au Canada, et aux États-Unis se sont réalisées.
Février 2021 aux États-Unis
Le BLS publie au début de chaque mois (le 5 mars pour février 2021) les données de deux enquêtes, soit celles de la Household Survey (HS), l’équivalent de l’EPA canadienne, et de l’Establishment Survey (ES), qui ressemble plus à l’Enquête sur l’emploi, la rémunération et les heures de travail (EERH) du Canada. Toutefois, les médias ne font à peu près jamais la distinction entre ces deux enquêtes et commentent en général uniquement la variation de l’emploi selon l’ES et le taux de chômage selon la HS. La couverture journalistique de la publication des données de février 2021 par le BLS n’a pas fait exception, les articles que j’ai lus, dont celui-ci de La Presse, ne retenant que la hausse de «379 000 emplois» au cours du deuxième mois de l’année 2021 (sans mentionner que cette donnée vient de l’ES, voir la dernière colonne de ce tableau) et la baisse du taux de chômage de 6,3 % à 6,2 % (sans mentionner non plus que cette donnée vient de la HS, voir la septième ligne de cet autre tableau), pensant probablement que ces deux données sont liées. Or, elles ne le sont pas.
Si on regarde les données de la dernière colonne de ce tableau, on voit que les estimations de la HS montrent une hausse de 208 000 emplois en février plutôt que de 379 000 emplois comme l’ES, une différence de 171 000 emplois! De son côté, le taux de chômage a légèrement diminué (de 6,3 à 6,2 %), baisse qui aurait été plus importante si les données de la HS avaient indiqué une hausse d’emploi du niveau de celle de l’ES. Notons que l’emploi selon la ES a bien plus augmenté que les prévisions moyennes (379 000 par rapport à 148 000) et que le taux de chômage a diminué de 0,1 point de pourcentage alors que les prévisionnistes s’attendaient à une hausse du même ordre (à 6,4 %). Cette faible différence s’explique aussi par la stabilité du taux d’activité à 61,4 %, toujours en baisse de 1,9 point par rapport à février 2020 (63,3 %), ce qui demeure la pire nouvelle de ce rapport. Par ailleurs, le BLS estime que, en raison des erreurs de classification que j’ai expliquées dans le billet de juin 2020, le taux de chômage devrait être plus élevé, possiblement de 0,5 point de pourcentage, soit à 6,7 %.
Entre février 2020 et 2021, l’emploi a baissé de 9,5 millions ou de 6,2 % selon l’ES et de 8,5 millions ou de 5,4 % selon la HS. Les écarts entre les résultats de ces deux enquêtes ne sont pas étonnants, car elles comportent de nombreuses différences. Par exemple, l’ES ne tient compte que des salarié.es non agricoles, excluant donc les travailleur.euses autonomes et les salarié.es agricoles. Notons en outre que, selon ce tableau de l’ES, la hausse de 379 000 emplois en février 2021 s’est traduite par une hausse de 225 000 emplois chez les femmes (0,3 %) et de 154 000 chez les hommes (0,2 %). Cela s’explique par le fait que l’emploi dans la construction, très masculin, a diminué de 60 000 (ou de 2,2 %) alors qu’il a augmenté de 355 000 (ou de 2,7 %) dans les loisirs et l’hospitalité (en grande majorité dans l’hébergement et la restauration), secteur un peu plus féminin. Soulignons aussi une nouvelle baisse d’emplois dans les services d’enseignement des États (32 000) et des municipalités (36 600). Entre février 2020 et 2021, l’emploi salarié non agricole a baissé de 5,1 millions ou de 6,6 % chez les femmes et de 4,4 millions ou de 5,8 % chez les hommes.
Les données de la HS permettent aussi de répartir la baisse du nombre de personnes en emploi entre celles qui sont considérées par le BLS en chômage ou inactives. En effet, si une personne sans emploi n’en cherche pas activement ou ne prévoit pas un rappel dans les quatre semaines qui suivent, elle sera considérée comme inactive. Entre février 2020 et 2021, le nombre de personnes en chômage a augmenté de 4,3 millions et le nombre d’inactif.ives de 5,5 millions. Si le taux d’activité s’était maintenu à 63,3 % comme en février 2020 (il était de 61,4 % en février 2021), il y aurait 5,1 millions de personnes inactives de moins et 5,1 millions de personnes en chômage de plus. Dans ce cas, le taux de chômage en février 2021 aurait atteint 9,1 % plutôt que 6,2 %, en hausse de 5,6 points de pourcentage plutôt que de 2,7 points depuis février 2020 (3,5 %).
Février 2021 au Canada
Statistique Canada a publié le 12 mars son communiqué sur les estimations de l’EPA pour la semaine du 14 au 20 février. On y apprend notamment que :
- avec sa hausse de 260 000 en février 2021 (ou de 1,4 %), l’estimation de l’emploi en données désaisonnalisées était inférieure d’environ 600 000 ou de 3,1 % à son niveau de février 2020, baisse qui est demeurée moins élevée qu’aux États-Unis (5,4 %, selon les données de la HS, la plus comparable à l’EPA); rappelons-nous que cette baisse atteignait au Canada près de 3,0 millions d’emplois ou 15,6 % entre février et avril 2020;
- l’estimation du nombre de chômeur.euses a connu une hausse de 520 000 personnes ou de 45 % entre février 2020 et février 2021, malgré une baisse de 234 000 en février, faisant passer le taux de chômage de 5,7 % en février 2020 à 8,2 % en février 2021;
- le nombre de personnes inactives est demeuré stable en février, mais a augmenté de 347 000 entre février 2020 et février 2021, faisant diminuer le taux d’activité de 65,5 % en février 2020 à 64,7 %;
- si le taux d’activité s’était maintenu à 65,5 % comme en février 2020, il y aurait moins de personnes inactives et plus de personnes en chômage; dans ce cas, le taux de chômage en février 2021 aurait atteint 9,4 % plutôt que 8,2 %, en hausse de 3,7 points de pourcentage plutôt que de 2,6 points depuis février 2020 (5,7 %);
- selon les données non désaisonnalisées du tableau 14-10-0032-01, 1,5 million de personnes en emploi n’ont travaillé aucune heure en février 2021, soit 7,4 % de plus qu’en février 2020 (1,4 million); ainsi, la part des personnes en emploi qui ne travaillaient aucune heure est passée de 7,4 % en février 2020 à 21,2 % en avril, puis à 8,5 % en février 2021;
- selon le tableau 14-10-0289-01, le nombre d’heures travaillées a augmenté de 1,4 % en février, faisant passer la baisse entre février 2020 et février 2021 à 3,2 %, soit bien moins qu’entre février et avril 2020 (27,6 %);
- l’emploi à temps plein a augmenté de 0,6 % en février et l’emploi à temps partiel de 5,4 %; malgré la hausse importante de l’emploi à temps partiel, celui-ci a diminué plus de trois fois plus fortement que l’emploi à temps plein (7,4 % par rapport à 2,2 %) entre février 2020 et février 2021;
- même si le nombre d’emplois à temps partiel a diminué de 7,6 % entre février 2020 et février 2021, le nombre de personnes invoquant un motif involontaire à leur travail à temps partiel a augmenté de 18,6 %, selon les données non désaisonnalisées du tableau 14-10-0028-01; ainsi, la proportion de personnes travaillant à temps partiel involontairement est passée de 18,5 % en février 2020 à 23,8 % en février 2021;
- l’emploi a diminué de 10,6 % entre février 2020 et février 2021 chez les personnes âgé.es de 15 à 24 ans, bien plus que chez les 25 à 54 ans et les 55 ans et plus (1,8 % et 2,3 %), même si l’emploi a davantage augmenté chez les plus jeunes en février (4,5 %, 1,1 % et 0,6 %); sans surprise, le taux de chômage des 15 à 24 ans surpassait de beaucoup celui des deux autres groupes en février 2021 (17,1 %, 6,7 % et 7,2 %).
Février 2021 au Québec
La semaine de référence de l’EPA (du 14 au 20 février) suivait la réouverture des commerces non essentiels, des salons de coiffure, des musées et des bibliothèques partout au Québec, et des restaurants, des gymnases, des cinémas et des théâtres dans six régions ne regroupant toutefois que 10 % de la population du Québec. C’est donc sans surprise que les estimations de l’EPA nous montrent que :
- l’estimation de l’emploi en données désaisonnalisées a augmenté de 113 000 en février (ou de 2,7 %), faisant plus qu’annuler la baisse de 98 000 en janvier; la baisse entre février 2020 et février 2021 était d’environ 140 000 emplois ou de 3,2 %;
- cette baisse de 3,2 % est semblable à celle observée dans le reste du Canada (3,1 %); après s’être classé au dernier rang en janvier, le Québec est monté au sixième rang des pertes d’emplois les moins élevées depuis février 2020, comme on peut le voir dans l’image qui accompagne ce billet;
- 83 % de l’estimation de la baisse du nombre d’emplois observée entre février et avril 2020 a été annulée grâce à la hausse observée entre avril 2020 et février 2021 (687 000 emplois sur 826 000), proportion un peu plus élevée que dans le reste du Canada (79 %), mais beaucoup plus qu’aux États-Unis (67 % selon la HS);
entre février 2020 et février 2021, l’estimation de l’emploi a diminué nettement plus chez les femmes (de 93 000 emplois ou de 4,5 %) que chez les hommes (de 46 000 emplois ou de 2,0 %); l’écart entre ces deux baisses est demeuré stable en février, demeurant à 2,5 points; en effet, l’emploi a augmenté de 54 000 chez les femmes (ou de 2,8 %) et de 59 000 chez les hommes (ou de 2,7 %);
- si le nombre d’emplois a globalement diminué de 3,2 % entre février 2020 et février 2021, cette baisse fut de 3,6 % chez les employé.es (ou salarié.es) du secteur privé et de 8,4 % chez les travailleur.euses autonomes; pendant ce temps, l’emploi augmentait de 1,1 % chez les employé.es du secteur public, surtout dans le secteur de l’éducation, secteur dont les estimations d’emploi ne cessent de surprendre depuis le début de la crise; ces estimations nous montrent aussi que la hausse de 113 000 emplois en février fut concentrée chez les salarié.es du secteur privé, l’emploi ayant peu changé dans le travail autonome (-2000 emplois) et dans le secteur public (+1000 emplois);
- selon les données non désaisonnalisées du tableau 14-10-0032-01, 384 000 personnes en emploi n’ont travaillé aucune heure en février 2021, soit 18 % de plus qu’en février 2020 (326 000); ainsi, la part des personnes en emploi qui ne travaillaient aucune heure est passée de 7,6 % en février 2020 à 26,1 % en avril, puis à 9,3 % en février 2021;
- selon les tableaux 14-10-0036-01 et 14-10-0022-01, le nombre d’heures effectivement travaillées en données non désaisonnalisées a diminué de 4,5 % entre février 2020 et février 2021, soit seulement un peu plus que le nombre d’emplois (3,2 %);
- l’emploi à temps partiel en données désaisonnalisées a augmenté de 11,5 % en février 2021, alors que l’emploi à temps plein n’a augmenté que de 1,1 %; malgré cela, entre février 2020 et février 2021, l’emploi à temps partiel a diminué plus de cinq fois plus que l’emploi à temps plein (de 9,5 % par rapport à 1,7 %);
- même si le nombre d’emplois à temps partiel a diminué de 8,2 % entre février 2020 et février 2021, le nombre de personnes invoquant un motif involontaire à leur travail à temps partiel a augmenté de 14 %, selon les données non désaisonnalisées du tableau 14-10-0028-01; d’ailleurs, la proportion de personnes travaillant à temps partiel involontairement est passée de 12,4 % en février 2020 à 15,3 % en février 2021;
- l’estimation du nombre de chômeur.euses a connu une hausse de 85 000 entre février 2020 et février 2021 (ou de 42 %), malgré sa baisse de 105 000 en février 2021; ces variations ont fait passer le taux de chômage de 4,5 % en février 2020 à 17,6 % en avril et à 6,4 % en février 2021;
- l’estimation du nombre de personnes inactives a augmenté de 102 000 entre février 2020 et février 2021, malgré une baisse de 3 000 en février; avec cette dernière baisse, le taux d’activité (63,6 %) s’est légèrement approché de son niveau de février 2020 (64,8 %);
- l’emploi a diminué de 11,8 % entre février 2020 et février 2021 chez les personnes âgé.es de 15 à 24 ans, malgré une hausse de 10,2 % en février, baisse bien plus élevée que chez les 25 à 54 ans (1,4 %, grâce à la hausse de 1,8 % en février) et chez les 55 ans et plus (1,6 %, grâce à la hausse de 2,9 % en février); sans surprise, le taux de chômage des 15 à 24 ans surpassait nettement celui des deux autres groupes en février 2021 (11,7 % par rapport à 5,3 % et à 6,6 %).
Si le taux d’activité du Québec était en février 2021 encore bien inférieur à son niveau de février 2020 (63,6 % par rapport à 64,8 %), c’était un peu moins le cas dans le reste du Canada (65,0 % par rapport à 65,7 %). Cela fait en sorte que la différence entre le taux de chômage au Québec et dans le reste du Canada était un peu surestimée par le taux de chômage officiel. En effet, la différence entre le taux de chômage officiel au Québec (6,4 %) et son taux ajusté (8,2 %) était de 1,6 point de pourcentage, alors que cette différence était de 0,9 point dans le reste du Canada (8,8 % et 9,7 %). Ainsi, si la différence entre les taux officiels du Québec et du reste du Canada était en février 2021 de 2,4 points (6,4 et 8,8 %), la différence entre leurs taux ajustés n’était que de 1,5 point (8,2 % et 9,7 %), ce qui traduit mieux l’écart de la situation du marché du travail entre les deux territoires.
On pourrait penser que le fait que le taux d’activité ait été plus élevé dans le reste du Canada (65,0 %) qu’au Québec (63,6 %) en février 2021 entraîne une sous-estimation du taux de chômage du Québec. En fait, c’est uniquement en raison des différences dans leur structure démographique que le taux d’activité était plus élevé dans le reste du Canada qu’au Québec, le Québec ayant une proportion beaucoup plus élevé d’adultes âgé.es de 65 ans et plus (23,3 % par rapport à 20,8 %). Ainsi, si le Québec avait eu la même structure démographique que le reste du Canada en février 2021, son taux d’activité aurait été plus élevé que celui du reste du Canada. En effet, avec les données non désaisonnalisées du tableau 14-10-0017-01, on peut calculer, en associant les taux d’activité par tranche d’âge de cinq ans (15-19 ans, 20-24 ans jusqu’à 65-69 ans et 70 ans et plus) au pourcentage de la population adulte dans ces tranches d’âges dans le reste du Canada, que le taux d’activité aurait en fait été en février 2021 de 64,7 % au Québec au lieu de 62,8 % par rapport à 64,3 % dans le reste du Canada. On remarquera que les taux d’activité de février 2021 en données non désaisonnalisées sont plus bas que les taux d’activité en données désaisonnalisées de 0,8 point au Québec (62,8 % et 63,6 %) et de 0,7 point dans le reste du Canada (64,3 % et 65,0 %).
L’effet de l’évolution de l’inactivité, du chômage et du taux d’activité a eu des impacts différents selon le sexe et selon la tranche d’âge. Ainsi, les taux de chômage officiels et ajustés en fonction du taux d’activité de février 2020 ont évolué ainsi au Québec :
- femmes : le taux de chômage officiel est passé de 4,1 % en février 2020 à 17,5 % en avril et à 5,9 % en février 2021, alors que le taux de chômage ajusté passait de 4,1 % en février 2020 à 21,8 % en avril et à 8,9 % en février 2021;
- hommes : le taux de chômage officiel est passé de 4,8 % en février 2020 à 17,8 % en avril et à 6,9 % en février 2021, alors que le taux de chômage ajusté passait de 4,8 % en février 2020 à 23,4 % en avril et à 7,5 % en février 2021; si le taux de chômage officiel des femmes était plus bas que celui des hommes en février 2021 de 1,0 point de pourcentage (5,9 % par rapport à 6,9 %), leur taux de chômage ajusté lui était plus élevé de 1,4 point (8,9 % par rapport à 7,5 %);
- 15 à 24 ans : le taux de chômage officiel est passé de 7,0 % en février 2020 à 34,2 % en avril et à 11,7 % en février 2021, alors que le taux de chômage ajusté passait de 7,0 % en février 2020 à 41,2 % en avril et à 17,6 % en février 2021;
- 25 à 54 ans : le taux de chômage officiel est passé de 3,8 % en février 2020 à 14,5 % en avril et à 5,3 % en février 2021, alors que le taux de chômage ajusté passait de 3,8 % en février 2020 à 17,9 % en avril et à 5,0 % en février 2021;
- 55 ans et plus : le taux de chômage officiel est passé de 4,9 % en février 2020 à 16,9 % en avril et à 6,6 % en février 2021, alors que le taux de chômage ajusté passait de 4,9 % en février 2020 à 24,3 % en avril et à 9,5 % en février 2021.
Ces évolutions montrent clairement que ce sont les jeunes, et dans une moindre mesure les femmes et les personnes plus âgées, qui ont subi le plus durement les effets de la crise et qui la subissent encore.
En gardant en tête le fait que les marges d’erreur des estimations de l’emploi de l’EPA sont encore plus importantes avec des données désagrégées comme celles par industrie, je présente dans le tableau qui suit (tiré des données du tableau 14-10-0355-01) la variation de ces estimations par industrie entre janvier 2021 et février 2021, et entre février 2020 et février 2021. J’ai mis en caractère gras dans les quatre dernières colonnes du tableau les hausses et les baisses les plus importantes.
Il n’y a eu qu’une baisse significative (de plus de 4 % et de plus de 5000 emplois), de l’estimation de l’emploi entre janvier 2021 et février 2021, soit dans l’information, la culture et les loisirs (12 800 emplois, ou de 9,4 %). Cette baisse est étrange, car la seule différence dans les annonces sur cette industrie est l’ouverture des musées partout au Québec! La désaisonnalisation explique le tiers de cette baisse, mais le reste demeure un mystère. Je regarderai sûrement les données de l’EERH quand elles seront publiées (dans six ou sept semaines) pour voir si cette baisse est réelle ou si elle n’est due qu’à la marge d’erreur (celle à 95 % du changement mensuel dans cette industrie est justement de 12 800 emplois).
À l’inverse, les plus fortes hausses de l’estimation de l’emploi furent de 67 100 emplois (ou de 11,6 %), dans le commerce de gros et de détail, hausse qui s’explique par la réouverture des commerces non essentiels, de 18 600 emplois (ou de 13,3 %) dans les autres services (réouverture des salons de coiffure), de 13 100 emplois (ou de 4,6 %) dans la construction même si le premier ministre avait demandé aux entrepreneurs de ce secteur «de réduire au minimum les effectifs pour réaliser les engagements actuels», et de 7700 emplois (ou de 4,6 %) dans les services d’hébergement et de restauration, sûrement en raison de la réouverture des restaurants dans six régions (quoique la marge d’erreur à 95 % du changement mensuel dans cette industrie est plus de deux fois plus élevée que cette hausse).
Malgré la baisse de près de 140 000 emplois entre février 2020 et février 2021, l’emploi a augmenté dans la moitié des industries présentées dans ce tableau (8 sur 16), mais dans certains cas de très peu. Les hausses les plus importantes se sont observées dans les services d’enseignement (30 100 emplois ou 9,5 %), dans la construction (13 600 emplois ou 4,8 %) et dans la finance, les assurances, les services immobiliers et de location (10 500 emplois ou 4,2 %). Cela dit, quatre industries ont connu des baisses de plus de 10 000 emplois et de plus de 5 %, dont deux de plus de 50 000 emplois et de plus de 30 %, et subissaient donc encore fortement les effets de la crise en février 2021:
- les services d’hébergement et de restauration (baisse de 82 200 emplois, ou de 32 %);
- l’information, la culture et les loisirs (57 600 ou 32 %);
- les autres services (14 200 ou 8 %)
- le transport et l’entreposage (12 400 ou 5 %).
Et après?
Entre la semaine de référence de février et celle de mars (cette semaine), le gouvernement a annoncé le passage de six régions supplémentaires en zone orange le 8 mars, portant la proportion de la population dans ces zones de 10 % à 40 %. Celles-ci peuvent ouvrir leurs restaurants, gymnases, cinémas et théâtres avec un assouplissement du couvre-feu. On peut donc s’attendre à une nouvelle hausse de l’emploi au Québec en mars, mais moins forte qu’en février. Toutefois, comme la réouverture des secteurs liés aux sports annoncée la semaine dernière s’échelonnera du 15 au 26 mars, son impact se fera surtout sentir en avril, de même que l’assouplissement des mesures sanitaires annoncée cette semaine. Comme d’autres provinces ont aussi annoncé récemment des réouvertures, dont l’Ontario, on doit prévoir aussi une hausse de l’emploi dans le reste du Canada en mars.
Aux États-Unis, le nombre d’infections et de décès dus la COVID-19 continue à diminuer et la proportion de la population qui est vaccinée est beaucoup plus élevée aux États-Unis qu’au Canada, en fait trois fois plus au moment d’écrire ces lignes (22 % par rapport à 7 %, mais près de 10 % au Québec). En outre, de plus en plus d’États mettent fin à leurs mesures de protection (même si cela est nettement prématuré). De plus, le nombre de prestataires de l’assurance-chômage a continué à diminuer récemment, même s’il est demeuré très élevé. Finalement, le plan de soutien (ou de relance) adopté par le Congrès et le président la semaine dernière pourrait stimuler l’emploi, quoique ses effets les plus importants devraient se manifester au cours des mois suivants. Au bout du compte, on peut s’attendre, comme au Canada et au Québec, à une hausse de l’emploi en mars.
Et alors…
Comme prévu, les décisions gouvernementales qui ont entraîné une baisse importante de l’emploi en janvier 2021 au Québec (de 98 000) sont aussi à l’origine de la hausse encore plus importante de l’emploi en février (113 000). Ainsi, 83 % de la hausse de l’emploi de février s’est concentrée dans les trois secteurs les plus avantagés par ces décisions, soit le commerce de gros et de détail, les autres services et les services d’hébergement et de restauration. Notons que dans ce cas que cette hausse a toutefois fait baisser les pertes d’emplois depuis février 2020 de moins de 10 %, laissant cette industrie parmi les deux plus touchées depuis le début de la pandémie.
Si la hausse d’emploi a permis aux jeunes de connaître une hausse importante de l’emploi, faisant disparaître en un seul mois 40 % des pertes d’emplois accumulées de février 2020 à janvier 2021, plus de la moitié de cette hausse provenant du commerce de détail (selon données du tableau 14-10-0022-01), j’ai été surpris que cette hausse n’avantage pas les femmes. En fait, on l’a vu, l’emploi a augmenté de façon presque égale chez les hommes (2,7 %) et chez les femmes (2,8 %). S’il est vrai que la hausse de l’emploi dans le commerce de détail et dans les autres services a plus avantagé les femmes que les hommes (hausses respectives de 53 000 et de 31 000 emplois), la hausse de l’emploi dans l’enseignement a davantage bénéficié aux hommes (18 000 emplois par rapport à 3000), même si celles-ci sont environ deux fois plus nombreuses que les hommes dans ce secteur, ce qui rend les données sur cette industrie encore plus incompréhensibles qu’à l’habitude! Par contre, la plus forte hausse de l’emploi dans le travail à temps partiel (11,5 %) que dans le travail à temps plein (1,1 %) est plus cohérente, de même que la hausse moins forte que l’emploi du nombre d’heures travaillées.
Ce mois s’est aussi distingué par la quasi-stabilité de l’inactivité (baisse de seulement 2700 personnes). Comme les conditions de l’emploi se sont améliorées, j’ai été un peu surpris de la baisse de 8000 chômeur.euses inexpérimenté.es (qui n’ont pas travaillé depuis au moins un an, voir ce billet pour en savoir plus sur le chômage inexpérimenté), mais cette baisse (comme celle de l’inactivité) demeure peu significative compte tenu des marges d’erreur.
L’ampleur de la deuxième vague nous montre clairement que les mesures de santé publique et les programmes gouvernementaux à l’intention des victimes de la crise sont encore essentiels. L’arrivée des vaccins et la baisse récente de cas ne doivent surtout pas nous faire baisser la garde. Continuons donc à suivre les consignes de la sécurité publique, gardons nos distances, lavons-nous les mains et mettons un masque quand nous sortons de chez nous!