Faites les bons choix
Avec son livre Faites les bons choix – 10 courtes leçons d’économie appliquée, Pierre Emmanuel Paradis, économiste et consultant, «propose dans cet ouvrage un survol de la discipline, suivi de dix leçons pratiques et applicables dès aujourd’hui pour augmenter vos chances de réussir au travail, de vivre heureux et de vous enrichir».
Préface : Selon des sondages, les deux facteurs qui influencent le plus le bonheur sont d’avoir un revenu décent et un travail satisfaisant. Selon Pierre Fortin, le principal objectif de ce livre «est de démontrer qu’on peut y parvenir en appliquant les principes de la science économique dans sa vie personnelle».
Introduction – Le grand problème économique de nos vies : Notre vie dépend de nos choix et des contraintes qui se posent sur notre route. Cela est justement l’objet de l’analyse économique, vision qui diffère considérablement de ce qu’on entend sur l’économie dans les médias.
Première partie – Les bases de l’économie
Chapitre 1. À l’origine : Où l’auteur a appris à la dure dans son enfance le concept de la cause et de l’effet. Cela lui a servi en économie, notamment pour réaliser que les prévisions économiques sont bien fragiles et que les comportements des humains peuvent varier considérablement.
Chapitre 2. On n’échappe pas à l’économie : L’économie «est omniprésente dans nos vies et gouverne notre monde». Si la première affirmation est indéniable, la deuxième est discutable. De même, il est vrai, comme le dit l’auteur, que l’économie n’a pas de couleur politique, mais ses théories en ont, ce qu’il ne mentionne pas.
Chapitre 3. L’échelle humaine – le marché : L’auteur mentionne les caractéristiques des marchés, mais sans parler des institutions qui sont essentielles à leur fonctionnement, comme le droit de propriété (une évidence souvent oubliée). Il mentionne au moins celles qui les encadrent. Il donne ensuite des exemples simples du fonctionnement de ses caractéristiques (demande, offre, prix et environnement), sans évoquer les nombreuses défaillances du marché.
Chapitre 4. La vue d’ensemble : L’auteur présente dans ce chapitre «les principales composantes de l’économie, les dynamiques qui s’y déroulent et les liens qui les unissent». Il y aborde le chômage, les relations entre les personnes, les entreprises et le gouvernement, le PIB, l’environnement naturel et socio-économique et le commerce international.
Chapitre 5. Ceci explique cela : Ce chapitre porte sur l’utilisation des mathématiques en économie. Même si je n’aurais pas du tout présenté ce sujet comme l’auteur et si j’aurais choisi des exemples bien différents, ce chapitre est quand même pertinent.
Deuxième partie – Dix courtes leçons d’économie appliquée
Leçon 1. Objectif – bonheur…dans la mesure du possible : Il ne faut pas confondre l’économie avec la finance. En fait, l’économie vise en premier lieu à maximiser le bonheur ou le bien-être de la population. Il aborde aussi les concepts du rendement marginal décroissant et de l’utilité.
Leçon 2. Nous sommes pleins de défauts de fabrication : Je dirais plutôt que c’est la théorie économique dominante qui est pleine de défauts de fabrication, car elle est basée sur des hypothèses qui ne correpondent pas à la réalité. C’est d’ailleurs un peu ce que dit l’auteur, mais sans vraiment remettre en cause la pertinence des hypothèses fautives de cette théorie, mais plutôt en regrettant presque que nous ne soyons pas parfaitement rationnels comme un homo oeconomicus. Pourtant, c’est avec ces «défauts» que nous avons survécu jusqu’ici. Il aborde aussi ce que seraient des comportements rationnels, quelques-uns de nos biais cognitifs (bien présentés) et les défauts des entreprises (la concurrence parfaite n’existe pas) et des gouvernements (dont certains sont plus des caractéristiques que des défauts, comme de prendre le temps qu’il faut pour analyser un projet de loi, même si c’est plus long).
Leçon 3. Plus de ceci = moins de cela : Ce chapitre porte sur le concept de coût, dont le coût d’opportunité (ou de renonciation), les coûts fixes, les coûts variables, le coût marginal et le coût total. Il aborde aussi des sujets connexes comme les profits et les rentes (ou les profits excessifs).
Leçon 4. Le pouvoir des incitations : L’incitation «à l’achat se concentre en un seul point bien précis : le prix», selon la nature des produits, quand même. Bizarre, moi j’ai bien d’autres incitatifs à acheter ou à ne pas le faire, dont leurs effets sur l’environnement, la provenance des produits (dont leur mode de production) et ma répulsion face à la société de consommation. L’auteur aborde aussi le concept de l’offre et de la demande, l’inflation et d’autres types d’incitations qui ne concernent pas les achats, mais des choix de vie (punitions, amour de ses proches, etc.).
Leçon 5. Bonne idée? : L’auteur présente les outils d’analyse économique qui permettent d’évaluer les mesures gouvernementales, dont l’analyse avantages-coûts et l’analyse d’impact,
Leçon 6. Les prévisions à long terme – oubliez ça! : L’auteur explique pourquoi les économistes sont mauvais pour faire des prévisions à long terme. Ses arguments sont surtout mathématiques, alors que, selon moi, les plus grands problèmes des prévisions économiques sont le grand nombre de facteurs impossibles à modéliser et le caractère imprévisible des comportements humains. Il mentionne aussi les événements imprévus, la crise actuelle en étant un exemple parfait. Bref, ce ne sont pas que les prévisions économiques à long terme qui sont peu fiables, mais aussi celles à court terme, même si elles le sont un peu plus.
Leçon 7. Avantage comparatif: trouver son X : Ce chapitre porte sur l’emploi, les salaires et le concept de l’avantage comparatif. Pour lui, l’emploi idéal est lié en premier lieu à nos aptitudes et au salaire offert, ne mentionnant qu’en second lieu nos intérêts, élément pourtant aussi important que les aptitudes en orientation de carrière. Il aborde aussi l’entrepreneuriat (les étapes pour se lancer en affaires), mais pas les syndicats.
Leçon 8. Trois ressources spéciales – l’argent, le corps et le temps : Le titre décrit bien l’objet de ce chapitre. Notons qu’il propage ici le mythe que les humains utilisaient le troc avant l’invention de l’argent, mythe contredit avec brio par le regretté David Graeber dans son livre Dette : 5000 ans d’histoire (voir ce billet).
Leçon 9. Ah, la richesse… ça vous tente? : L’auteur présente les principaux indicateurs économiques pour estimer la richesse, soit les actifs, les revenus et les dépenses. Il aborde aussi les inégalités (en trouvant qu’elles sont à la fois un problème et une bénédiction, car elles fournissent un incitatif pour améliorer son sort…), la redistribution, les façons de devenir riche (axées surtout sur le mérite, bien sûr), la misère des riches (sans vraiment d’ironie) et la valeur humaine d’une personne qui n’est pas liée à sa richesse (au moins). Mais il passe rapidement sur les conséquences sociales de la richesse et des inégalités, et ne dit rien sur l’impact environnemental de la richesse.
Leçon 10. Vaincre sa peur : L’auteur décrit les changements (surtout sectoriels et technologiques) depuis deux siècles sur le marché du travail et leur impact sur le travail physique et intellectuel, dont le confort et l’enrichissement, mais aussi l’anxiété, et les moyens d’y faire face.
Conclusion – Votre économie est celle qui compte! : Il récapitule ses leçons et conclut que le plus important est notre économie personnelle, pas l’économie en général (nous n’avons manifestement pas les mêmes valeurs), car c’est elle qui peut le plus contribuer à notre bonheur.
Et alors…
Lire ou ne pas lire? Pas vraiment… Ma plus grande consolation à la fin de ce livre est de me dire que j’éviterai peut-être à d’autres de le lire. Quand j’ai entendu parler de ce livre à l’émission Zone économie, je me suis dit que ce serait une bonne occasion de lire un livre portant sur l’économie avec lequel je ne serais pas d’accord. Il est en effet bon de lire de temps en temps (pas trop souvent) les arguments des personnes qui ne pensent pas comme nous, ne serait-ce que pour mieux les contrer. Quand j’ai appris que l’auteur a déjà été économiste principal pour la Fédération canadienne de l’entreprise indépendante (FCEI), j’étais convaincu que ce livre remplirait mes attentes et ne me décevrait pas sous cet angle. Et je ne l’ai pas été! J’ai sûrement été parfois un peu sévère dans mes commentaires, mais je me suis même retenu! En plus, les tics d’écriture de l’auteur m’ont déplu, notamment quand il se donne en exemple. Personnellement, la vie privée d’un auteur ne m’intéresse pas vraiment, surtout dans un livre qui porte sur l’économie. Cela dit, il est vrai que la quatrième de couverture mentionne clairement que l’objet du livre est d’appliquer «les principes de la science économique dans sa vie personnelle» et qu’on ne doit donc pas s’attendre à autre chose. Il est donc un peu normal, mais tout à fait décevant qu’il parle si peu des problèmes que la théorie économique orthodoxe entraîne sur la société et sur l’environnement (qui n’est manifestement pas une de ses sources d’anxiété). Au moins, les notes sont en bas de page.
Mission accomplie! Je saute mon tour!
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« Pour lui, l’emploi idéal est lié en premier lieu à nos aptitudes et au salaire offert, ne mentionnant qu’en second lieu nos intérêts, élément pourtant aussi important que les aptitudes en orientation de carrière. »
J’avais assez peu d’aptitudes en langues, mais j’avais un immense intérêt. Cette passion continue, et le travail supplémentaire qu’elle permet, peut combler quelques talents naturels! Quant au salaire… Il parle peut-être à une autre génération? Car les milléniaux n’en font pas le critère no1 quand ils évaluent les emplois. En fait, la conciliation et la flexibilité de l’employeur montent beaucoup plus haut. Et avoir l’impression que l’emploi « fait sens ». Mmm…
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@ Nomadesse
J’ai travaillé environ 25 ans en information sur le marché du travail. Notre objectif était d’aider les gens à faire des choix éclairés, pas de diriger nécessairement les gens vers les professions dont les perspectives étaient les «meilleures», même si cela pouvait y contribuer. Comme je disais souvent, ce qui est bon pour une personne ne l’est pas nécessairement pour une autre.
Avant ça, j’ai travaillé moins d’un an comme conseiller en emploi. Ce fut peut-être court, mais cela m’a montré concrètement ce que tu dis, soit qu’une passion pour un domaine peut compenser bien d’autres facteurs. Pire, renoncer à une passion peut hypothéquer ses autres tentatives, car la personne regrettera longtemps et parfois toujours de ne pas s’être au moins essayé. Si cela ne marche pas, au moins elle aura essayé.
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