Ville contre automobiles
Avec son livre Ville contre automobiles – Redonner l’espace urbain aux piétons, Olivier Ducharme, chercheur au Collectif pour un Québec sans pauvreté, «livre une charge pour sortir de nos villes ces «requins d’acier», qu’ils soient électriques ou à essence, et remettre la vie de quartier et le transport collectif au centre de l’aménagement urbain».
Introduction : L’automobile marque son empreinte sur les villes : on en voit partout et, même si on n’en voit pas par instants, on est assailli par l’asphalte et la signalisation routière. Bref, «la ville appartient à l’automobile», les cyclistes et les piétons doivent obéir à ses lois, et elle «est la source d’une importante dégradation de la qualité de vie urbaine». Ne faudrait-il pas dans ce contexte libérer la ville des automobiles? L’auteur aborde ensuite l’ampleur des émissions de gaz à effet de serre (GES) provenant des automobiles, la fausse solution des véhicules électriques et le rôle du capitalisme dans la crise environnementale.
Première partie – Avant que le piège se referme : «On oublie qu’il y a déjà eu des villes sans automobiles». Les reconstruire pour laisser toute la place aux automobiles fut un choix, un piège…
1. Le pas perdu de l’homme : L’automobile n’a pas seulement pris le contrôle des villes, elle «a accéléré le développement de la banlieue». On a en effet décidé d’aménager les villes pour accueillir les banlieusards toujours plus nombreux (autoroutes, ponts, espaces de stationnement, etc.). Le transport en commun s’est dégradé et le piéton est devenu un intrus, son pas dérangeant les automobilistes. Ce sont pourtant ses pas qui devraient redevenir l’étalon pour la planification des villes.
2. Détruire pour reconstruire : L’auteur décrit comment l’adaptation des villes selon les besoins de l’automobile est devenue un symbole du progrès, même s’il fallait pour cela détruire une grande partie des villes pour ensuite les reconstruire.
3. Le grand coup de balai : L’auteur raconte les événements entourant la disparition des tramways de Montréal, la construction du métro pour libérer la surface et la laisser aux automobiles, et celle d’autoroutes qui n’ont jamais réglé le problème de congestion, mais l’ont accentué.
Deuxième partie – Une fois dans le piège : A-t-on le droit de critiquer l’omniprésence de l’automobile?
4. On se tire dans le pied 1 : Comme moi, l’auteur se désole de constater la hausse vertigineuse du nombre de camions légers dans le parc automobile du Québec. Il aborde ensuite les tendances d’obtention du permis de conduire chez les jeunes et cite d’ailleurs un autre de mes billets à ce sujet, puis la hausse importante du nombre de camions lourds.
5. Symphonie de béton… inachevée : L’auteur explique les conséquences qu’a entraînées la construction d’autoroutes à Québec malgré la contestation par des groupes de citoyen.nes, notamment la démolition de logements à prix modiques dans les quartiers populaires et le recul du transport en commun.
6. La spirale : Le gouvernement de la CAQ est déterminé à répéter les erreurs du passé avec son projet de troisième lien à Québec et ses intentions d’agrandir ou de prolonger des autoroutes ailleurs au Québec, toujours au détriment du transport en commun, pourtant la seule véritable solution pour freiner la congestion, car le transport en commun retire des voitures de la route plutôt que d’en rajouter.
7. Les caméras tournent, les moteurs grondent : La publicité automobile dépasse les bornes de l’absurdité. Elle nous fait croire que l’automobile se marie avec la nature, alors qu’elle la détruit. Et aucune norme publicitaire peut lui reprocher cela ni ses autres abus. L’auteur recommande carrément son interdiction, comme l’organisme Le monde à bicyclette l’a fait dès 1976…
8. On se tire dans le pied 2 : L’auteur explique comment on a transformé ce bien de luxe en bien essentiel. Il est maintenant au deuxième rang des dépenses des ménages, après le logement, mais avant l’alimentation. En plus, ces coûts ne tiennent pas compte des contributions de l’État aux infrastructures routières et à leur entretien, même si ce bien est profondément inégalitaire. Étrangement, l’auteur affirme que les taxes sur l’essence sont régressives, contredisant ce qu’il disait avant sur le caractère inégalitaire de l’automobile. En fait, selon les données de l’Enquête sur les dépenses des ménages (moyenne de 2010 à 2019), le quintile le plus riche consacre une part plus grande de ses dépenses à l’essence que le quintile inférieur et que les quatre autres quintiles à l’achat d’automobiles (voir le tableau 11-10-0223-01). Et, en accompagnant ces taxes d’un crédit d’impôt pour les plus pauvres, elles deviendraient encore plus progressives.
9. La chasse est ouverte : L’auteur dénonce l’ambiguïté de la réglementation sur la protection des piétons. Cette ambiguïté consacre en fait le statut dominant des automobilistes sur les piétons.
10. On montre les dents : Ce chapitre montre qu’il y a de nombreux moyens de lutter contre la présence des automobiles et qu’ils existent depuis au moins le milieu du XXe siècle. L’auteur raconte aussi les luttes des mouvements qui s’opposent à des développements autoroutiers et à la place toujours plus grande accordée à l’automobile, et la création de partis municipaux favorisant le développement du transport en commun au lieu du réseau autoroutier.
11. Contre le bien commun : La gratuité du transport en commun est encore aujourd’hui trop souvent perçue comme une utopie, alors que son accès est essentiel pour participer à la vie sociale et qu’il contribue grandement à la lutte contre le réchauffement climatique, la pollution et l’épuisement des ressources. L’auteur aborde aussi les conséquences et l’absence de vision du projet de Réseau électrique métropolitain (REM) géré par une filiale de la Caisse de dépôt et placement du Québec (CPDQ Infra), et les lacunes du transport interurbain privé, qu’il faudrait nationaliser pour qu’il satisfasse aux besoins de la population (comme le propose QS).
Troisième partie – Le piège se verdit
12. On se tire dans le pied 3 : Les cibles (insuffisantes) de réduction des émissions de GES adoptées par le Québec sont en voie d’être ratées et le transport routier en est le principal responsable. Comme mentionné au chapitre 4, cet échec est dû aussi bien à la hausse du parc automobile qu’à l’achat d’une proportion toujours plus grande de camions légers et lourds. Par ailleurs, la stratégie gouvernementale de favoriser l’achat de voitures électriques est non seulement coûteuse et peu efficace, mais elle n’entraîne aucun changement au mode de vie centré sur l’automobile.
13. Le propre et le sale : La fixation du gouvernement sur l’impératif de croissance économique est une autre embûche qui empêche l’adoption de changements majeurs. Par exemple, le plan visant à favoriser l’achat de voitures électriques comprend aussi l’exploitation de mines de lithium pour fabriquer les batteries de ces voitures. Sous l’habit vert de ce plan se cachent la destruction d’espaces véritablement verts et la possibilité d’un désastre environnemental en raison de la contamination du sol et des eaux de vastes territoires que ce plan entraîne.
14. Zéro comme infini : L’auteur s’oppose avec raison à l’utilisation de l’expression «véhicules zéro émission» pour décrire les véhicules électriques et surtout hybrides en présentant les nombreuses sources d’émissions de GES liées à leur fabrication et à leur utilisation.
15. On tourne en rond : L’auteur élargit sa critique du chapitre précédent au mirage (et non au miracle) des nouvelles technologies qui permettraient selon ses adeptes de «continuer de produire et de consommer» comme actuellement sans conséquences environnementales. Il aborde aussi la consommation rendue possible par l’automobile (dont celle liée à l’étalement urbain) et l’obsolescence programmée (entre autres par l’absence de pièces de rechange pour les automobiles plus vieilles).
Épilogue – On se libère du piège : C’est à pied qu’on apprend à connaître une ville.
16. La ville actuelle de demain : «L’automobile est un piège» qui nous empêche de changer notre mode de vie et l’aménagement de nos villes. L’auteur promeut «la marche [et la bicyclette] comme principal moyen de déplacement et la vie de quartier comme mesure de la vie urbaine». Cela peut sembler utopique, mais si on a changé les villes en fonction de l’automobile, on peut faire l’inverse.
Et alors…
Lire ou ne pas lire? Lire! Ce livre aborde un sujet qui sera sûrement jugé durement et perçu avec incrédulité par beaucoup de monde. Mais, il montre qu’il est possible de changer notre mode de vie en cohérence avec la nécessité de réduire nos émissions de GES et de respecter les limites de notre planète. L’auteur réussit à la fois à montrer le tort immense que cause l’automobile et le bien que son absence procurerait. Ce livre contient en plus quelques illustrations qui accompagnent bien le texte. Il ne reste plus qu’à le faire, ce qui ne sera pas facile. Il est en effet difficile de voir précisément comment la transition se ferait, et l’auteur n’aborde pas cet aspect de la question. Quand on constate les réactions des automobilistes à l’installation de quelques pistes cyclables, on voit que l’ampleur du défi de sortir les automobiles des villes est immense. Mais, il n’en demeure pas moins nécessaire! Autre qualité, les notes sont en bas de page.