Le marché du travail en mars 2021 et la COVID-19
Après avoir analysé les données sur l’emploi de mars 2020 à février 2021 du Bureau of Labor Statistics (BLS) et de l’Enquête sur la population active (EPA), je vais maintenant commenter celles de mars 2021, toujours influencées par les mesures gouvernementales et les changements de comportement de la population visant à limiter les dégâts de la COVID-19. On verra ici si mes prévisions d’une hausse de l’emploi au Québec, au Canada, et aux États-Unis se sont réalisées.
Mars 2021 aux États-Unis
Le BLS publie au début de chaque mois (le 2 avril pour mars 2021) les données de deux enquêtes, soit celles de la Household Survey (HS), l’équivalent de l’EPA canadienne, et de l’Establishment Survey (ES), qui ressemble plus à l’Enquête sur l’emploi, la rémunération et les heures de travail (EERH) du Canada. Toutefois, les médias ne font à peu près jamais la distinction entre ces deux enquêtes et commentent en général uniquement la variation de l’emploi selon l’ES et le taux de chômage selon la HS. La couverture journalistique de la publication des données de mars 2021 par le BLS n’a pas fait exception, les articles que j’ai lus, dont celui-ci de Radio-Canada, ne retenant que la hausse de «916 000 emplois» au cours du troisième mois de l’année 2021 (sans mentionner que cette donnée vient de l’ES, voir la dernière colonne de ce tableau) et la baisse du taux de chômage de 6,2 % à 6,0 % (sans mentionner non plus que cette donnée vient de la HS, voir la septième ligne de cet autre tableau), pensant probablement que ces deux données sont liées. Or, elles ne le sont pas.
Si on regarde les données de la dernière colonne de ce tableau, on voit que les estimations de la HS montrent une hausse de 609 000 emplois en mars plutôt que de 916 000 emplois comme l’ES, une différence de 307 000 emplois! En plus, cette hausse de 916 000 emplois s’additionne aux révisions positives de 156 000 emplois des données de janvier et février 2021, ce qui rend le niveau d’emploi en mars plus élevé de 1 072 000 que celui publié en février 2021. De son côté, la baisse du taux de chômage (de 6,2 à 6,0 %) baisse qui aurait été plus importante si les données de la HS avaient indiqué une hausse d’emploi du niveau de celle de l’ES. Notons que l’emploi selon la ES a bien plus augmenté que les prévisions moyennes (916 000 par rapport à 565 000), mais que le taux de chômage a baissé du niveau estimé par les prévisionnistes, soit de 0,2 point de pourcentage, étant donné que la hausse de l’emploi prévue (565 000) a été du même ordre de grandeur que la hausse captée par la HS (609 000). Notons aussi la faible hausse du taux d’activité de 61,4 % à 61,5 %, toujours en baisse de 1,8 point par rapport à février 2020 (63,3 %). Par ailleurs, le BLS estime que, en raison des erreurs de classification que j’ai expliquées dans le billet de juin 2020, le taux de chômage devrait être plus élevé, possiblement de 0,4 point de pourcentage, soit à 6,4 %.
Entre février 2020 et mars 2021, l’emploi a baissé de 8,4 millions ou de 5,5 % selon l’ES et de 7,9 millions ou de 5,0 % selon la HS. Les écarts entre les résultats de ces deux enquêtes ne sont pas étonnants, car elles comportent de nombreuses différences. Par exemple, l’ES ne tient compte que des salarié.es non agricoles, excluant donc les travailleur.euses autonomes et les salarié.es agricoles. Notons en outre que, selon ce tableau de l’ES, la hausse de 916 000 emplois en mars 2021 s’est traduite par une hausse de 315 000 emplois chez les femmes (0,4 %) et de 601 000 chez les hommes (0,8 %). Du côté industriel, les hausses d’emploi furent réparties entre de nombreuses industries, avec une certaine concentration dans la construction (110 000 emplois), dans les loisirs et l’hospitalité (280 000 emplois, dont 216 000 dans l’hébergement et la restauration) et dans les services d’enseignement (190 000). Entre février 2020 et mars 2021, l’emploi salarié non agricole a baissé de 4,6 millions ou de 6,1 % chez les femmes et de 3,8 millions ou de 4,9 % chez les hommes.
Les données de la HS permettent aussi de répartir la baisse du nombre de personnes en emploi entre celles qui sont considérées par le BLS en chômage ou inactives. En effet, si une personne sans emploi n’en cherche pas activement ou ne prévoit pas un rappel dans les quatre semaines qui suivent, elle sera considérée comme inactive. Entre février 2020 et mars 2021, le nombre de personnes en chômage a augmenté de 4,0 millions et le nombre d’inactif.ives de 5,3 millions. Si le taux d’activité s’était maintenu à 63,3 % comme en février 2020 (il était de 61,5 % en mars 2021), il y aurait 4,5 millions de personnes inactives de moins et 4,5 millions de personnes en chômage de plus. Dans ce cas, le taux de chômage en mars 2021 aurait atteint 8,8 % plutôt que 6,0 %, en hausse de 5,3 points de pourcentage plutôt que de 2,5 points depuis février 2020 (3,5 %).
Mars 2021 au Canada
Statistique Canada a publié le 9 avril son communiqué sur les estimations de l’EPA pour la semaine du 14 au 20 mars. On y apprend notamment que :
- avec sa hausse de 300 000 en mars 2021 (ou de 1,6 %), l’estimation de l’emploi en données désaisonnalisées était inférieure d’environ 300 000 ou de 1,5 % à son niveau de février 2020, baisse qui est demeurée bien moins élevée qu’aux États-Unis (5,0 %, selon les données de la HS, la plus comparable à l’EPA); rappelons-nous que cette baisse atteignait au Canada près de 3,0 millions d’emplois ou 15,6 % entre février et avril 2020;
- comme la population adulte a augmenté de 0,9 % depuis février 2020, son taux d’emploi a baissé davantage, soit de 2,4 % ou de 1,5 point de pourcentage, passant de 61,8 % à 60,3 %;
- l’estimation du nombre de chômeur.euses a connu une hausse de 371 000 personnes ou de 32 % entre février 2020 et mars 2021, malgré une baisse de 148 000 en mars, faisant passer le taux de chômage de 5,7 % en février 2020 à 7,5 % en mars 2021;
- le nombre de personnes inactives a diminué de 137 000 en mars, mais a augmenté de 210 000 entre février 2020 et mars 2021, faisant diminuer le taux d’activité de 65,5 % en février 2020 à 65,2 %, malgré sa hausse de 0,5 point de pourcentage en un seul mois;
- si le taux d’activité s’était maintenu à 65,5 % comme en février 2020, il y aurait moins de personnes inactives et plus de personnes en chômage; dans ce cas, le taux de chômage en mars 2021 aurait atteint 8,0 % plutôt que 7,5 %, en hausse de 2,3 points de pourcentage plutôt que de 1,8 point depuis février 2020 (5,7 %);
- selon les données non désaisonnalisées du tableau 14-10-0032-01, la part des personnes en emploi qui ne travaillaient aucune heure est passée de 7,4 % en février 2020 à 21,2 % en avril, puis à 7,5 % en mars 2021, retrouvant presque son niveau de février 2020;
- selon le tableau 14-10-0289-01, le nombre d’heures travaillées a augmenté de 2,0 % en mars, faisant passer la baisse entre février 2020 et mars 2021 à 1,2 %, soit bien moins qu’entre février et avril 2020 (27,6 %);
- l’emploi à temps plein a augmenté de 1,2 % en mars et l’emploi à temps partiel de 3,9 %; malgré cette hausse importante, celui-ci a diminué près de quatre fois plus fortement que l’emploi à temps plein (3,8 % par rapport à 1,0 %) entre février 2020 et mars 2021;
- l’emploi a diminué de 6,2 % entre février 2020 et mars 2021 chez les personnes âgé.es de 15 à 24 ans, bien plus que chez les 25 à 54 ans (1,1 % ), alors qu’il est demeuré assez stable chez les 55 ans et plus, même si l’emploi a davantage augmenté chez les plus jeunes en mars (5,0 %, 0,7 % et 2,5 %); sans surprise, le taux de chômage des 15 à 24 ans surpassait de beaucoup celui des deux autres groupes en mars 2021 (14,0 %, 6,4 % et 6,3 %).
Mars 2021 au Québec
La semaine de référence de l’EPA (du 14 au 20 mars) suivait l’annonce du passage de six régions supplémentaires en zone orange, permettant la réouverture des restaurants, gymnases, cinémas et théâtres dans ces régions. D’ailleurs, les estimations de l’EPA nous montrent que :
- l’estimation de l’emploi en données désaisonnalisées a augmenté de 26 000 en mars (ou de 0,6 %); la baisse entre février 2020 et mars 2021 était d’environ 113 000 emplois ou de 2,6 %;
- comme la population adulte a augmenté de 0,7 % depuis février 2020, son taux d’emploi a baissé davantage, soit de 3,3 % ou de 2,1 points de pourcentage, passant de 61,9 % à 59,8 %;
- cette baisse de 2,6 % est plus élevée que celle observée dans le reste du Canada (1,5 %), car celui-ci a davantage assoupli ses mesures sanitaires en mars; le Québec se classait en mars au huitième rang des pertes d’emplois les moins élevées depuis février 2020, comme on peut le voir dans l’image qui accompagne ce billet;
- 86 % de l’estimation de la baisse du nombre d’emplois observée entre février et avril 2020 a été annulée grâce à sa hausse entre avril 2020 et mars 2021 (713 000 emplois sur 826 000), proportion un peu plus basse que dans le reste du Canada (92 %), mais beaucoup plus élevée qu’aux États-Unis (69 % selon la HS);
entre février 2020 et mars 2021, l’estimation de l’emploi a diminué nettement plus chez les femmes (de 76 000 emplois ou de 3,7 %) que chez les hommes (de 36 000 emplois ou de 1,6 %); l’écart entre ces deux baisses a légèrement diminué en mars, passant de 2,5 à 2,1 points; en effet, l’estimation de l’emploi a augmenté en mars de 16 400 chez les femmes (ou de 0,8 %) et de 9 600 chez les hommes (ou de 0,4 %);
- si le nombre d’emplois a globalement diminué de 2,6 % entre février 2020 et mars 2021, cette baisse fut de 3,2 % chez les employé.es (ou salarié.es) du secteur privé et de 10,7 % chez les travailleur.euses autonomes; pendant ce temps, l’emploi augmentait de 3,9 % chez les employé.es du secteur public, surtout dans le secteur de l’éducation, secteur dont les estimations d’emploi ne cessent de surprendre depuis le début de la crise; ces estimations nous montrent aussi que la hausse de 26 000 emplois en mars fut concentrée chez les salarié.es du secteur public (+27 500), la hausse de l’emploi chez les salarié.es du secteur privé (+11 400) ayant été plus qu’annulée par la baisse dans le travail autonome (-13 000);
- selon les données non désaisonnalisées du tableau 14-10-0032-01, la part des personnes en emploi qui ne travaillaient aucune heure est passée de 7,6 % en février 2020 à 26,1 % en avril, puis à 7,8 % en mars 2021, retrouvant presque son niveau de février 2020;
- l’emploi à temps partiel a diminué de 2,9 % en mars 2021, alors que l’emploi à temps plein augmentait de 1,4 %; entre février 2020 et mars 2021, l’emploi à temps partiel a presque monopolisé la baisse de l’emploi (-12,1 %), l’emploi à temps plein ne baissant que de 0,4 %;
- l’estimation du nombre de chômeur.euses a connu une hausse de 85 000 (ou de 42 %) entre février 2020 et mars 2021, mais est demeuré stable en mars 2021; le taux de chômage est ainsi passé de 4,5 % en février 2020 à 17,6 % en avril et à 6,4 % en mars 2021;
- l’estimation du nombre de personnes inactives a augmenté de 79 000 entre février 2020 et mars 2021 (de 74 000 chez les femmes, mais de seulement 5000 chez les hommes), malgré une forte baisse de 23 000 en mars; avec cette dernière baisse, le taux d’activité (63,9 %) a augmenté de 0,3 point en mars, s’approchant légèrement de son niveau de février 2020 (64,8 %);
- l’emploi a diminué de 10,8 % entre février 2020 et mars 2021 chez les personnes âgé.es de 15 à 24 ans, malgré une hausse de 1,1 % en mars, baisse bien plus élevée que chez les 25 à 54 ans (1,4 %, malgré la stabilité de l’emploi en mars) et chez les 55 ans et plus (0,9 %, grâce à la hausse de 2,1 % en mars); sans surprise, le taux de chômage des 15 à 24 ans surpassait nettement celui des deux autres groupes en mars 2021 (12,4 % par rapport à 5,2 % et à 6,0 %).
Si le taux d’activité du Québec était en mars encore bien inférieur à son niveau de février 2020 (63,9 % par rapport à 64,8 %), c’était beaucoup moins le cas dans le reste du Canada (65,5 % par rapport à 65,7 %). Cela fait en sorte que la différence entre le taux de chômage au Québec et dans le reste du Canada était surestimée par le taux de chômage officiel. En effet, la différence entre le taux de chômage officiel au Québec (6,4 %) et son taux ajusté (7,6 %) était de 1,2 point de pourcentage, alors que cette différence n’était que de 0,3 point dans le reste du Canada (7,8 % et 8,1 %). Ainsi, si la différence entre les taux officiels du Québec et du reste du Canada était en mars 2021 de 1,4 point (6,4 et 7,8 %), la différence entre leurs taux ajustés n’était que de 0,5 point (7,6 % et 8,1 %), ce qui traduit mieux l’écart de la situation du marché du travail entre les deux territoires.
On pourrait penser que le fait que le taux d’activité ait été plus élevé dans le reste du Canada (65,5 %) qu’au Québec (63,9 %) en mars 2021 entraîne une sous-estimation du taux de chômage du Québec. En fait, c’est uniquement en raison des différences dans leur structure démographique que le taux d’activité était plus élevé dans le reste du Canada qu’au Québec, le Québec ayant une proportion beaucoup plus élevée d’adultes âgé.es de 65 ans et plus (23,4 % par rapport à 20,8 %). Ainsi, si le Québec avait eu la même structure démographique que le reste du Canada en mars 2021, son taux d’activité aurait été plus élevé que celui du reste du Canada. En effet, avec les données non désaisonnalisées du tableau 14-10-0017-01, on peut calculer, en associant les taux d’activité par tranche d’âge de cinq ans (15-19 ans, 20-24 ans jusqu’à 65-69 ans et 70 ans et plus) au pourcentage de la population adulte dans ces tranches d’âges dans le reste du Canada, que le taux d’activité aurait en fait été en mars 2021 de 65,0 % au Québec au lieu de 63,2 % par rapport à 64,8 % dans le reste du Canada. On remarquera que les taux d’activité de mars 2021 en données non désaisonnalisées sont plus bas que les taux d’activité en données désaisonnalisées de 0,7 point au Québec (63,2 % et 63,9 %) et dans le reste du Canada (64,8 % et 65,5 %).
L’effet de l’évolution de l’inactivité, du chômage et du taux d’activité a eu des impacts différents selon le sexe et selon la tranche d’âge. Ainsi, les taux de chômage officiels et ajustés en fonction du taux d’activité de février 2020 ont évolué ainsi au Québec :
- femmes : le taux de chômage officiel est passé de 4,1 % en février 2020 à 17,5 % en avril et à 5,4 % en mars 2021, alors que le taux de chômage ajusté passait de 4,1 % en février 2020 à 21,8 % en avril et à 8,2 % en mars 2021;
- hommes : le taux de chômage officiel est passé de 4,8 % en février 2020 à 17,8 % en avril et à 7,2 % en mars 2021, alors que le taux de chômage ajusté passait de 4,8 % en février 2020 à 23,4 % en avril et à 7,1 % en mars 2021; si le taux de chômage officiel des femmes était plus bas que celui des hommes en mars 2021 de 1,8 point de pourcentage (5,4 % par rapport à 7,2 %), leur taux de chômage ajusté lui était plus élevé de 1,1 point (8,2 % par rapport à 7,1 %);
- 15 à 24 ans : le taux de chômage officiel est passé de 7,0 % en février 2020 à 34,2 % en avril et à 12,4 % en mars 2021, alors que le taux de chômage ajusté passait de 7,0 % en février 2020 à 41,2 % en avril et à 16,6 % en mars 2021;
- 25 à 54 ans : le taux de chômage officiel est passé de 3,8 % en février 2020 à 14,5 % en avril et à 5,2 % en mars 2021, alors que le taux de chômage ajusté passait de 3,8 % en février 2020 à 17,9 % en avril et à 5,0 % en mars 2021;
- 55 ans et plus : le taux de chômage officiel est passé de 4,9 % en février 2020 à 16,9 % en avril et à 6,0 % en mars 2021, alors que le taux de chômage ajusté passait de 4,9 % en février 2020 à 24,3 % en avril et à 7,7 % en mars 2021.
Ces évolutions montrent clairement que ce sont les jeunes, et dans une moindre mesure les femmes et les personnes plus âgées, qui ont subi le plus durement les effets de la crise et qui la subissent encore.
En gardant en tête le fait que les marges d’erreur des estimations de l’emploi de l’EPA sont encore plus importantes avec des données désagrégées comme celles par industrie, je présente dans le tableau qui suit (tiré des données du tableau 14-10-0355-01) la variation de ces estimations par industrie entre février 2021 et mars 2021, et entre février 2020 et mars 2021. J’ai mis en caractère gras dans les quatre dernières colonnes du tableau les hausses et les baisses les plus importantes.
Il n’y a eu aucune baisse significative (de plus de 5 % ou de plus de 5000 emplois) de l’estimation de l’emploi entre février 2021 et mars 2021. Les plus fortes hausses furent de 15 900 emplois (ou de 2,7 %), dans les soins de santé et assistance sociale, 15 000 emplois (ou de 4,6 %) dans l’information, la culture et les loisirs (réouverture des gymnases, cinémas et théâtres dans les zones orange) et de 8600 emplois (ou de 4,9 %) dans les services d’hébergement et de restauration (réouverture des restaurants dans les zones orange).
Malgré la baisse de près de 113 000 emplois entre février 2020 et mars 2021, l’emploi a augmenté dans près de la moitié des industries présentées dans ce tableau (7 sur 16), mais dans certains cas de très peu. Les hausses les plus importantes se sont observées dans les services d’enseignement (31 900 emplois ou 10,0 %), dans la finance, les assurances, les services immobiliers et de location (9900 emplois ou 3,9 %) et dans la construction (9500 emplois ou 3,4 %). À l’inverse, quatre industries ont connu des baisses de plus de 10 000 emplois et de plus de 10 %, dont deux de plus de 40 000 emplois et de plus de 20 %, et subissaient donc encore fortement les effets de la crise en mars 2021:
- les services d’hébergement et de restauration (baisse de 73 600 emplois, ou de 28,4 %);
- l’information, la culture et les loisirs (42 600 ou 23,5 %);
- le transport et l’entreposage (25 300 ou 10,2 %)
- les autres services (18 700 ou 10,8 %).
Et après?
Entre les semaines de référence de mars et d’avril (cette semaine), le gouvernement du Québec a annoncé trois séries de mesures. Tout d’abord, «la fermeture des commerces non essentiels et des écoles primaires et secondaires» et «des salles à manger de restaurants, des cinémas, des théâtres, des musées, des salons de coiffure, des gyms et autres lieux publics» à Québec, Lévis, Gatineau, la Beauce et dans deux MRC de Chaudière-Appalaches, puis la fermeture des salles d’entraînement, «la suspension des activités parascolaires et le retour de l’alternance classe-maison pour les élèves de 3e, 4e et 5e secondaire» dans les zones rouges, et le passage en zone rouge du Bas-Saint-Laurent. Comme d’autres provinces ont aussi annoncé des mesures du genre, dont l’Ontario, on doit prévoir une baisse importante de l’emploi au Québec et dans le reste du Canada en avril.
Aux États-Unis, le nombre d’infections et de décès dus la COVID-19 continue à diminuer et la proportion de la population qui est vaccinée y est beaucoup plus élevée qu’au Canada, et qu’au Québec. De plus, le nombre de prestataires de l’assurance-chômage a continué à diminuer récemment, même s’il est demeuré très élevé. Finalement, le plan de soutien (ou de relance) adopté par le Congrès et le président il y a un mois pourrait stimuler l’emploi. Au bout du compte, on peut s’attendre à une hausse importante de l’emploi aux États-Unis en avril.
Et alors…
Comme prévu, les décisions gouvernementales ont entraîné une hausse de l’emploi en mars 2021 (0,6 %) au Québec. Ainsi, plus de 90 % de la hausse de l’emploi de mars s’est concentrée dans deux des secteurs avantagés par ces décisions, soit l’information, la culture et les loisirs, et les services d’hébergement et de restauration. Par contre, les autres mouvements importants de l’emploi ne semblent pas liés à ces décisions, comme la hausse dans les soins de santé et assistance sociale.
Avec une hausse de l’estimation de l’emploi de seulement 0.6 % ou de 26 000 au Québec, son impact sur les différents groupes de population est difficile à cerner, car il est à l’intérieur des marges d’erreur. Par exemple, il est étrange que les femmes aient proportionnellement davantage bénéficié de cette hausse (hausse de 0,8 % par rapport à 0,4 % pour les hommes) qu’en février, mois où la hausse de l’emploi était plus forte dans les industries où elles étaient plus nombreuses. Tout aussi étrange, la plus forte hausse de l’emploi féminin en mars se serait concrétisée dans les services professionnels, scientifiques et techniques, industrie dans laquelle elles n’occupent en moyenne qu’un peu moins de 50 % des emplois. De même, la baisse de 30 000 emplois à temps partiel étonne, d’autant plus que ce nombre a augmenté de plus de 13 000 emplois dans l’hébergement et la restauration, ce qui est plus «normal». Autre source d’étonnement, plus de 70 % de la hausse de mars s’est manifestée chez les 55 ans et plus (19 000 emplois sur 26 000). Cela montre à nouveau à quel point il faut faire attention quand on tente d’interpréter les changements d’emploi mensuels de l’EPA.
Ce mois s’est aussi distingué par la baisse importante de l’inactivité (baisse de 23 000 personnes), alors que le nombre de chômeur.euses est demeuré stable. La baisse de l’inactivité et la stabilité du chômage s’expliquent par la hausse de plus de 26 000 chômeur.euses inexpérimenté.es (qui n’ont pas travaillé depuis au moins un an, voir ce billet pour en savoir plus sur le chômage inexpérimenté). Ainsi, l’inactivité aurait baissé et le chômage serait demeuré stable malgré la hausse de l’emploi uniquement parce que plus de personnes qui n’ont pas travaillé depuis un an, dont celles qui n’ont jamais travaillé, ont décidé de chercher un emploi, ce qui est une bonne nouvelle.
L’ampleur de la troisième vague nous montre clairement que les mesures de santé publique et les programmes gouvernementaux à l’intention des victimes de la crise sont encore essentiels. L’arrivée des vaccins et notre aversion au couvre-feu ne doivent surtout pas nous faire baisser la garde!