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Jeanne-Express : Jean-François Lisée et les données sur le taux d’emploi des personnes immigrantes

1 mai 2021

Dans sa chronique publiée ce matin dans le Devoir, Jean-François Lisée utilise des données qu’il ne semble pas maîtriser. Il écrit entre autres que, en 2020 «57,6 % des Québécois nés au Québec avaient un emploi. Les immigrants ? 60,5 %, soit 2,9 points de pourcentage de plus», et en tire plein de conclusions entre autres sur la présence de discrimination et de racisme systémique au Québec.

Il faut savoir que ces données portent sur la population adulte (15 ans et plus). Or, la population immigrante compte proportionnellement bien moins de personnes âgées que la population native, personnes qui ont bien sûr un taux d’emploi très peu élevé. (Correction : Or, la population immigrante compte environ deux fois moins de personnes âgées de 15 à 24 ans que la population native, personnes qui ont bien sûr un taux d’emploi beaucoup plus faible que la moyenne. En 2020, environ 59,0 % de sa population adulte, celle âgée de 15 ans et plus, faisait partie du «principal groupe d’âge actif», soit les personnes âgées de 25 à 54 ans, alors que cette proportion n’atteignait que 43,5 % dans la population native).

Heureusement, Statistique Canada publie aussi ces données pour la population âgée de 25 à 54 ans, bien plus comparable. Ainsi, en consultant les données du tableau 14-10-0083-01, on constate que le taux d’emploi des personnes natives du Québec âgées de 25 à 54 ans étaient en 2020 de 84,5 % et celui des personnes immigrantes de la même tranche d’âge de 76,1 %, soit 8,4 points de pourcentage de moins. Cela est un bel exemple d’effet de composition! En utilisant ces données plus comparables, on voit bien que la suite du texte de M. Lisée n’a plus aucune pertinence, notamment ses propos sur la discrimination et le racisme.

Je ne veux pas présumer de ses intentions, mais il semble clair que son biais de confirmation a joué dans l’interprétation erronée qu’il a faite de ces données.

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17 commentaires leave one →
  1. Jean-François Lisée permalink
    1 mai 2021 13 h 31 min

    Bonjour M. Jodoin,

    Si, comme vous le suggérez, je ne maîtrise pas ces données, alors merci d’adresser votre critique aux spécialistes de l’Institut de la statistique du Québec et à Statistique Canada qui utilisent le taux d’emploi pour mesurer les progrès que je cite.

    Le taux d’emploi est une mesure universellement utilisée pour évaluer la proportion d’une population donnée qui est en activité.

    Votre choix de segmenter la population avec la tranche de 25 à 54 ans est très particulière. Pourquoi pas 18 à 65 ? Ou 15 à 70 ?

    Et quelle serait l’impact de cette découpe sur le taux de chômage, ou encore sur la rémunération ?

    Je ne dis pas qu’il est inintéressant de raffiner les données par tranche d’âge. Mais lorsqu’on veut donner une image globale de la participation des immigrants et des minorités visibles en emploi, c’est la décision de ne pas utiliser la mesure acceptée qui est critiquable, pas le fait de l’utiliser, comme je le fais et comme le fait l’ISQ dans ses publications.

    Quelle que soit la découpe utilisée, M. Jodoin souhaite-t-il nier la forte montée en emploi de la population immigrée au Québec ces dernières années ?

    Voici ce qu’en dit l’ISQ:

    « De 2010 à 2020, le nombre d’emplois chez les personnes immigrantes s’est accru de 251 000, soit une hausse de 52,3 %. Cette tendance à la hausse s’observe chez l’ensemble des personnes immigrantes, en particulier chez celles dont l’arrivée au pays remonte à plus de 10 ans, lesquelles ont connu une croissance de 184 400 emplois (+ 60,6 %). En comparaison, l’emploi chez les personnes nées au Canada et vivant au Québec a décru de près de 110 000 entre 2010 et 2020 (– 3,2 %). »

    Je ne vois pas pourquoi on devrait résister à voir en ce développement une très bonne nouvelle pour le Québec.

    Bien cordialement,
    Jean-François Lisée

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  2. 1 mai 2021 15 h 05 min

    La donnée est exacte. Le problème n’est pas de citer cette donnée, mais de lui faire dire ce qu’elle ne dit pas, comme vous le faites. Il en est de même quand on compare les taux d’emploi par pays ou par province, il faut tenir compte de la structure démographique des populations qu’on compare. Vous avez sûrement déjà entendu parler de l’effet de composition, je ne peux pas croire…

    «Votre choix de segmenter la population avec la tranche de 25 à 54 ans est très particulière. Pourquoi pas 18 à 65 ? Ou 15 à 70 ?»

    Si vous aviez regardé la source que j’ai citée, vous le sauriez! C’est parce que c’est la seule autre tranche d’âge pour laquelle Statistique Canada publie des données dans cette source. Et, si elle publie des données sur cette tranche, c’est parce que c’est celle qu’elle identifie comme le «principal groupe d’âge actif» et précise «Aux fins d’analyse du marché du travail, le «principal groupe d’âge actif» désigne les personnes de 25 à 54 ans, celles-ci étant plus susceptibles d’avoir terminé leurs études et d’être disponibles pour travailler à temps plein que les personnes de 15 à 24 ans, et moins susceptibles d’être à la retraite que celles de 55 ans et plus». C’est aussi le groupe que Statistique Canada utilise le plus pour analyser le marché du travail des immigrants (voir https://www150.statcan.gc.ca/n1/pub/71-606-x/71-606-x2018001-fra.htm). Je suis donc en bonne compagnie.

    Le tableau que j’ai cité montre aussi que le principal groupe d’âge actif représentait 59,0 % de la population adulte des immigrant.es en 2020, mais seulement 43,5 % de celle des natif.es, ce qui explique l’effet de composition dont je parlais. Et elle représentait 81,6 % de celle des immigrant.es récent.es (reçus depuis moins de 5 ans).

    «Et quelle serait l’impact de cette découpe sur le taux de chômage»

    Le tableau que j’ai cité fournit les données à ce sujet. Au lieu d’être plus élevé de 2,4 points (10,7 % par rapport à 8,3 %), le taux de chômage de la population immigrante l’est de 3,7 points (10,0 % par rapport à 6,3 %). Et je n’ai rien dit sur la rémunération. Pour ce, il faudrait aussi tenir compte du niveau de scolarité des deux populations comparées. Malheureusement, je n’ai pas trouvé de source récente à ce sujet.

    «M. Jodoin souhaite-t-il nier la forte montée en emploi de la population immigrée au Québec ces dernières années ?»

    Comme votre consultation de ce blogue semble aussi sélective que le choix des données que vous utilisez, je vous invite à lire ce billet où j’ai analysée l’amélioration importante de la situation des immigrant.es sur le marché du travail, bien sûr en comparant les populations âgées de 25 à 54 ans.

    Le marché du travail des immigrant.es au Québec et au Canada

    Bref, oui, la situation du marché du travail de la population immigrante s’est améliorée, mais elles demeure encore bien moins bonne que celle de la population native (qui n’a pas toute comme ancêtres les filles du Roy, en passant). En ignorant les données les plus pertinentes, vos conclusions sur la discrimination et le racisme ne le sont pas. En en tenant compte, on voit que ces problèmes subsistent malheureusement encore.

    Aimé par 4 personnes

  3. 1 mai 2021 16 h 41 min

    M. Lisée, lorsque j’enseigne les statistiques descriptives au collégial et à l’université, j’aime citer votre article «Confirmé: Le pouvoir d’achat québécois supérieur à l’américain!» (L’actualité, 9 mars 2012) pour illustrer une judicieuse utilisation de la moyenne tronquée.

    Je pourrai désormais également citer votre chronique d’aujourd’hui pour illustrer le paradoxe de Simpson, un paradoxe statistique dans lequel un phénomène observé dans plusieurs groupes s’inverse lorsque les groupes sont combinés (l’effet de composition expliqué par M. Jodoin). À votre décharge, c’est une erreur courante en recherche, toutefois on espère plus de rigueur lorsque l’on aborde un sujet sensible dans une chronique à forte visibilité.

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  4. 1 mai 2021 19 h 12 min

    @ Sylvain Bérubé

    C’est drôle, j’ai failli mentionner cet exemple dans mon commentaire. M. Lisée avait de fait contesté avec raison l’usage des moyennes dans ses travaux avec Pierre Fortin sur l’utilisation du revenu moyen pour comparer les revenus de la population du Québec avec ceux de la population des États-Unis. Ils avaient en effet conclu que 95 % de la population du Québec (en enlevant les 5 % qui avaient les plus hauts revenus) avait en fait un revenu réel plus élevé que la proportion correspondante de la population des États-Unis. De mémoire…

    Aimé par 1 personne

  5. 2 mai 2021 12 h 49 min

    J’ai fait quelques vérifications sur l’âge de la population immigrante en recoupant des sources. En fait, la proportion de la population âgée de 55 ans et plus semble assez semblable chez les populations natives et immigrantes. Par contre, cette proportion pour les 15-24 ans est deux fois moins élevée dans la population immigrante que dans la population native.

    En y pensant bien, cela est logique, car les immigrants de longue date ne peuvent pas être jeunes, car les enfants que les immigrant.es ont au Québec (ou ailleurs au Canada) sont des natif.ives! Notons que ces proportions varient beaucoup selon le nombre d’années de présence des immigrant.es. Les récent.es ont rarement au-dessus de 65 ans, mais ceux et celles de longue date ont rarement moins de 25 ans (et aucun chez ceux et celles au Québec depuis 25 ans!) et souvent au-dessus de 55 ans (100 % pour ceux et celles au pays depuis au moins 55 ans!).

    Cela ne change rien à mon raisonnement, puisque, de toutes façons, la part dans la population la plus active sur le marché du travail (25-54) demeure beaucoup plus élevée dans la population immigrante (59 % de la population adulte en 2020) que dans la population native (43,5 %). Cette part atteint même 81,6 % dans la population immigrante récente (reçue depuis moins de six ans). Il y a donc, comme je le disais un effet de composition important. Mais, je tenais à faire cette précision par souci de rigueur. J’ai d’ailleurs apporté une correction au billet, tout en laissant le texte original pour ne pas camoufler la mauvaise explication de départ.

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  6. 2 mai 2021 17 h 01 min

    Tiré de la chronique :

    «Un tableau de l’ISQ révèle une perle : en 2020, les néo-Québécoises qui sont parmi nous depuis au moins 10 ans empochaient 102 % du salaire hebdomadaire des Québécoises « de souche » et 104 % de leur salaire horaire.»

    En cliquant sur le lien fourni (https://statistique.quebec.ca/fr/document/remuneration-horaire-et-remuneration-hebdomadaire-resultats-pour-les-personnes-immigrantes-et-celles-nees-au-canada/tableau/remuneration-horaire-et-remuneration-hebdomadaire-resultats-pour-les-personnes-immigrantes-et-celles-nees-au-canada-quebec-ontario-et-canada#tri_tertr=1&tri_sexe=1), on voit que, en 2020, le salaire hebdomadaire des immigrantes arrivées depuis plus de 10 ans était de 929,42 $ et celui des natives de 911,85 $ et que leur salaire horaire était de 27,22 $ par rapport à 27,11 $, ce qui confirme le constat de M. Lisée.

    Cela dit, on notera aussi sur ce tableau que le salaire hebdomadaire des immigrantes arrivées depuis plus de 10 ans était plus élevé que celui des natives de 2006 à 2010, en 2013, en 2014, en 2016 et en 2017 et que leur salaire horaire lui était supérieur en 2006, en 2016 et en 2017 (ce qui semble indiquer que leurs semaines de travail sont plus longues, ce qui est logique en tenant compte du fait que immigrantes comptent proportionnellement moins de jeunes et que ces jeunes travaillent plus souvent à temps partiel). Il est difficile de voir une grande amélioration de ce côté, car cette observation est loin d’être nouvelle.

    Pour bien interpréter ces données, il faut aussi tenir compte de la scolarité plus élevée des immigrantes et, comme je l’ai précisé dans mon commentaire précédent, du fait que la proportion d’immigrant.es âgé.es de 15 à 24 ans est deux fois moins élevée que chez les natif.ives (avec la même proportion chez les femmes), et que les salaires de ces jeunes sont en moyenne moins élevés que celui de leurs aînées (voir le prochain paragraphe). Malheureusement, je ne trouve pas le tableau de Statistique Canada d’où ces données sont tirées. Il est possible que ce soit une commande spéciale de l’ISQ, car on lit dans la source «Statistique Canada (SC), Enquête sur la population active, 2020, adapté par l’Institut de la statistique du Québec (ISQ)».

    J’ai quand même trouvé un tableau (https://www150.statcan.gc.ca/t1/tbl1/fr/cv.action?pid=1410006401) qui montre que le salaire horaire moyen en 2020 au Québec pour les femmes passait de 16,82 $ chez les 15-24 à 29,26 $ chez les 25-54 et à 26,75 $ chez les 55 ans et plus, et que le salaire hebdomadaire moyen passait de 419,72 $ chez les 15-24 à 1029,29 $ chez les 25-54 et à 869,23 $ chez les 55 ans et plus, écarts encore plus grands que pour le salaire horaire, ce qui est normal, car les jeunes travaillent plus souvent à temps partiel. Ce constat appuie mon argument d’un effet de composition aussi dans les salaires moyens des données de l’ISQ en raison de la plus forte proportion (le double) de jeunes chez les natif.ives.

    En fait, cette proportion est encore plus petite chez les immigrant.es arrivé.es au pays depuis au moins 10 ans, car on y trouve automatiquement moins de jeunes (0 % chez ceux et celles arrivé.es depuis 25 ans!). Selon ce tableau https://www150.statcan.gc.ca/t1/tbl1/fr/cv.action?pid=1410008501, la proportion de jeunes (15-24 ans) chez les natives en pourcentage de la population adulte était en 2020 au Canada de 15,6 % et celle chez les immigrantes arrivées au pays depuis au moins 10 ans était de 5,4 %, soit trois fois moins! Chez les personnes en emploi, ces proportions étaient de 14,6 % et de 4,9 %, encore une fois le triple. On voit donc que c’est dans la population immigrante arrivée depuis au moins 10 ans que l’effet de composition sur ces salaires est le plus fort.

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  7. Marc Sauvageau permalink
    3 mai 2021 10 h 53 min

    Permettez-moi de vous soumettre cet article récent de Statistique Canada en lien avec l’article de J.F. Lisée. Évidemment, cette étude est canadienne et touche indirectement le Québec.

    https://doi.org/10.25318/36280001202100400004-fra

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  8. Jean-François Lisée permalink
    3 mai 2021 14 h 00 min

    Bonjour,
    Je suis vos commentaires avec intérêt.
    Sur la question de la rémunération, puisque les jeunes ont généralement des salaires moins élevés, la surreprésentation des natifs dans cette classe d’âge ne signifierait-elle pas que, dans les classes d’âge supérieures, la rémunération moyenne des immigrants est donc plus forte que celle des natifs, en moyenne ? (Sans tenir compte de la diplomation, ce qui est une autre variable d’intérêt bien sûr.)

    J’avais aussi vu pour les moyennes de rémunération des immigrantes qu’elles avaient atteint l’égalité avec les natives précédemment, un fait qui n’avait jamais été porté à l’attention du grand public (comme celui de la baisse de l’écart de chômage entre immigrants et natifs, que vous avez vous-mêmes noté).

    Je ne vous ai pas encore lu sur l’effet de composition sur les résultats portant sur les minorités visibles, où les variations d’âge avec les natifs doivent être moins marqués.

    Les comparaisons avec l’Ontario (ou avec la moyenne canadienne) sont aussi d’intérêt. On sait qu’il y a davantage d’aînés en Ontario qu’au Québec, mais puisque les vagues et le nombre d’immigrants y sont plus importants et depuis plus longtemps, difficile de voir comment le comparatif pourrait être suffisamment différent pour éliminer les écarts positifs observés pour le Québec.

    Finalement pour la participation des immigrantes au marché du travail au Québec par rapport à l’Ontario, et pour la plus grande égalité de rémunération hommes-femmes chez les immigrants, il me semble que le résultat est robuste.

    Bien cordialement,
    Jean-François Lisée

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  9. 3 mai 2021 14 h 38 min

    @ Marc Sauvageau

    Merci! Je remarque que «L’analyse porte essentiellement sur les personnes appartenant au principal groupe d’âge actif constitué des personnes âgées de 25 à 54 ans». En plus, cette étude tient compte dans son analyse multivariée du niveau de scolarité, facteur que j’ai mentionné dans un commentaire précédent. Et on constate que «Au cours de la période allant de 2015 à 2019, les améliorations plus rapides du niveau de scolarité chez les nouvelles immigrantes que chez les femmes nées au Canada rendent compte de la moitié environ de l’amélioration de l’écart de rémunération pour ce groupe.», ce qui montre que c’est un facteur important.

    Même si elle touche indirectement le Québec, comme vous le dites, elle est intéressante en faisant ressortir les facteurs qui influencent ces données, montre qu’il est préférable d’utiliser les données des 25-54 ans et nous fait bien comprendre qu’on ne doit pas conclure uniquement avec des moyennes, mais regarder d’autres facteurs.

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  10. Patrick permalink
    3 mai 2021 14 h 59 min

    A ceux qui jugent le Québec pour une soi-disant plus lente intégration des immigrants au marché du travail (pour cause de racisme systémique bien sur), je serais curieux d’ajouter la variable langue à ces statistiques. J’imagine qu’une proportion beaucoup plus grande d’ immigrants qui débarquent en Ontario maitrise l’anglais, comparativement au français pour ceux arrivant au Québec. La langue parlée et comprise en milieu de travail représentant inévitablement une compétence essentielle, quelqu’un peut me dire la différence entre le taux de chômage des immigrants ne maitrisant pas le français au Québec versus ceux ne maitrisant pas l’anglais en Ontario ?

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  11. 3 mai 2021 16 h 03 min

    @ Jean-François Lisée

    «Sur la question de la rémunération, puisque les jeunes ont généralement des salaires moins élevés, la surreprésentation des natifs dans cette classe d’âge ne signifierait-elle pas que, dans les classes d’âge supérieures, la rémunération moyenne des immigrants est donc plus forte que celle des natifs, en moyenne ?»

    Je ne comprends pas bien cette question. Cette «surreprésentation» (je parlerais plutôt de cette sous-représentation chez les immigrant.es de longue date, mais bon, ce n’est pas important) fait en sorte de faire diminuer davantage la moyenne salariale globale chez les natif.ives que dans la population immigrante, surtout de longue date (au moins 10 ans dans votre comparaison). Comme cette moyenne baisse davantage chez les natives, on peut conclure que la moyenne salariale globale des immigrantes de longue date serait moins élevée si on y trouvait une proportion semblable de jeunes et que le salaire des plus âgées est moins élevé chez les immigrantes que chez les natives, soit le contraire de ce que vous semblez vouloir dire. J’ai calculé que les immigrantes de 25 ans et plus devaient avoir un salaire hebdomadaire plus bas de 4,5 % que les natives pour que leur moyenne globale soit 2 % plus élevée, comme dans le cas qui nous occupe. C’est un calcul approximatif, car je n’ai pas les proportions exactes ni les salaires exacts des jeunes et des autres, mais cela donne une idée de l’ampleur de l’effet de composition dans ce cas. Et cela ne tient pas compte de leur scolarité plus forte et de leur taux d’emploi plus faible.

    «Je ne vous ai pas encore lu sur l’effet de composition sur les résultats portant sur les minorités visibles»

    J’ai en fait écrit une série de billets sur la question avec les données du recensement, bien moins variables (marges d’erreur neaucoup plus faible) que les données mensuelles de l’EPA, mais moins récentes. En plus, votre source (soit votre blogue) ne mentionnait pas de tableaux précis de Statistique Canada, mais seulement l’ISQ, données provenant probablement de compilations spéciales ($$$). Je ne pouvais donc pas trouver ces données et Statistique Canada ne les publie pas, même pas pour l’ensemble du Canada. Cela dit, avec les données du recensement, on constate que la proportion des personnes âgées de 65 ans et plus par rapport à la population âgée de 15 ans et plus était de 21,7 % chez les personnes n’appartenant pas à une minorité visible, mais de 8,8 % chez celle y appartenant, ce qui répond à votre question (oui, les variations d’âge avec les natifs sont importantes). Mes billets portent cette fois sur les personnes âgées de 25 à 64 ans (question de disponibilité de données, cette tranche n’étant pas disponibles pour les données de l’EPA). La série est au https://jeanneemard.wordpress.com/tag/emploi-des-minorites-visibles/.

    «On sait qu’il y a davantage d’aînés en Ontario qu’au Québec»

    En nombre, bien sûr, mais pas en %! Sur les 15 ans et plus, cette proportion était en 2020 22,9 % au Québec et de 20,4 % en Ontario. C’est d’ailleurs pourquoi j’ai écrit dans un commentaire précédent «Il en est de même quand on compare les taux d’emploi par pays ou par province, il faut tenir compte de la structure démographique des populations qu’on compare.»

    «difficile de voir comment le comparatif pourrait être suffisamment différent pour éliminer les écarts positifs observés pour le Québec»

    Je n’en sais rien. Il faudrait comparer les données des 25-54 ans. Comme cette province accueille plus d’immigrant.es depuis des années, il est fort possible que la structure d’âge de leurs immigrant.es soit différente de ceux du Québec. Il faudrait vérifier.

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  12. 3 mai 2021 16 h 06 min

    @ Patrick

    Je n’en sais rien, mais il est possible que ce facteur joue un rôle. Cela prendrait une étude en bonne et due forme pour quantifier ce rôle. Si vous trouvez des données ou des études à ce sujet, ce serait gentile de les partager. Merci!

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  13. 7 mai 2021 10 h 45 min

    Même si monsieur Lisée dit suivre mes «commentaires avec intérêt», il ne semble pas pourtant les mettre en pratique. Dans Le Devoir de ce matin, il répond à une lettre mettant en doute ses conclusions en disant que «la proportion d’immigrants de moins de 5 ans en emploi était supérieure (102 %) à la proportion de natifs» et que «Le fait que davantage de ces immigrants soient, en plus, en recherche d’emploi signifie simplement qu’ils sont encore davantage intéressés par le travail que les autres Québécois. C’est tout à leur honneur, mais ce n’est pas une indication que les portes de l’emploi leur sont fermées». Voir https://www.ledevoir.com/opinion/idees/600270/idees-la-parite-en-emploi-n-est-pas-encore-acquise-pour-les-immigrants

    En commentaire à cette observation (exacte en soi), j’ai précisé que :

    Encore une fois, M. Lisée ne tient pas compte de la structure démographique des groupes qu’il compare. En fait, 81,6 % de ces immigrants avaient en 2020 entre 25 et 54 ans, ce que Statistique Canada appelle le «principal groupe d’âge actif», alors que cette proportion n’était que de 43,5 % chez les personnes nées au Canada. Quand on compare le taux d’emploi global, il est vrai que le taux d’emploi des immigrants récents était un peu plus élevé que celui des natifs (58,8 % par rapport à 57,6 %), mais si on compare du comparable, soit le taux d’emploi des personnes âgées de 25 à 54 ans, on constate un écart énorme, soit 62,9 % chez les immigrants récents et 84,5 % chez les natifs, soit 134 % du taux d’emploi des immigrants récents. Quant au taux de chômage globalement deux fois plus élevé (16,6 % par rapport à 8,3 %) et deux fois et demie plus élevé chez les 25 à 54 ans (16,0 % par rapport à 6,3 %), non, je ne trouve pas que c’est une bonne nouvelle, ni un signe que la mission est accomplie.

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  14. Simon permalink
    13 octobre 2021 12 h 15 min

    @Patrick/Jodoin; M. Gulian n’a que pour seule hypothèse la discrimination pour expliquer la différence de salaire des 5 ans et moins. Sans aucunement écarter ce facteur, c’est aller vite en affaire et ne pas explorer d’autres facteurs.

    Comme Patrick le mentionne, il y a d’abord la question de la langue maîtrisée à l’entrée. Il faudrait également ajouter non seulement la maîtrise du français à l’entrée, mais également la maîtrise de l’anglais dans le marché montréalais, lieu principal d’entrée au Québec pour les immigrants.
    Ainsi, ma conjointe d’origine mexicaine a suivi ses cours de français et la voilà déjà prête pour des petits boulots en attendant de compléter une formation professionnelle. Pour un simple emploi de placière au Cirque du Soleil, elle est refusée, car elle ne maîtrisait pas suffisamment l’anglais…. Combien d’histoire d’ingénieurs provenant de l’Algérie qui ne purent avoir un emploi dans leur domaine rapidement du fait de l’exigence de la maîtrise de l’anglais? Bref, avant d’accuser la discrimination, il faudrait explorer l’impact du bilinguisme nécessaire dans de nombreux emplois, facteur complètement absent en Ontario (sinon marginalement dans la fonction publique fédérale – et encore).

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  15. 13 octobre 2021 13 h 54 min

    @ Simon

    J’imagine que vous parlez de Thomas Gulian. Comme je ne le connais pas, ce serait de mentionner la source à la base de ce que vous dites qu’il dit.

    Sur la connaissance des langues officielles, j’ai écrit ce qui suite en janvier 2016.

    «On sera peut-être étonné (certains le seront sûrement!) de constater que les immigrantes ne connaissant que l’anglais (ce qui n’exclut bien sûr pas la connaissance de langues autres que le français et l’anglais) sont proportionnellement plus nombreuses parmi celles n’ayant pas eu de revenu d’emploi en 2013 (18 %) que parmi celles qui en ont eu un (15 %). Celles qui connaissent le français, mais pas l’anglais, sont également représentées (30 %) parmi les deux groupes. Par contre, la connaissance du français et de l’anglais favorise énormément l’intégration au marché du travail, les immigrantes bilingues (dont un grand nombre sont sûrement au moins trilingues) représentant une bien plus forte proportion de celles qui ont eu un revenu d’emploi en 2013 (45 %) que de celles qui n’en ont pas eu (33 %). Finalement, les immigrantes qui ne connaissent ni le français ni l’anglais sont au moins deux plus représentées chez celles qui n’ont pas eu de revenus d’emploi (19 %) que chez celles qui en ont eu (9 %). Encore une fois, même si la connaissance des langues officielles est un autre facteur explicatif important de l’intégration des femmes au marché du travail, il n’explique en rien les importants écarts de cette intégration entre les hommes et les femmes, car leur connaissance des langues officielles et son impact sur l’intégration au marché du travail sont très semblables chez les membres des deux sexes.»

    On peut voir le graphique associé à ce texte au :

    Les caractéristiques des immigrants au Québec (2)

    Les données se rendent maintenant jusqu’en 2015 (Statistique Canada ne l’a pas mis à jour parr après), mais les résultats seraient très semblables. Donc, oui, la connaissance de l’anglais est importante, mais celle du français encore plus.

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