Le marché du travail en avril 2021 et la COVID-19
Après avoir analysé les données sur l’emploi de mars 2020 à mars 2021 du Bureau of Labor Statistics (BLS) et de l’Enquête sur la population active (EPA), je vais maintenant commenter celles d’avril 2021, toujours influencées par les mesures gouvernementales et les changements de comportement de la population visant à limiter les dégâts de la COVID-19. On verra ici si mes prévisions d’une baisse importante de l’emploi au Québec et au Canada, et d’une hausse importante aux États-Unis se sont réalisées.
Avril 2021 aux États-Unis
Le BLS publie au début de chaque mois (le 7 mai pour avril 2021) les données de deux enquêtes, soit celles de la Household Survey (HS), l’équivalent de l’EPA canadienne auprès des ménages, et de l’Establishment Survey (ES), qui ressemble plus à l’Enquête sur l’emploi, la rémunération et les heures de travail (EERH) du Canada auprès des entreprises. Toutefois, les médias ne font à peu près jamais la distinction entre ces deux enquêtes et commentent en général uniquement la variation de l’emploi selon l’ES et le taux de chômage selon la HS. La couverture journalistique de la publication des données d’avril 2021 par le BLS n’a pas fait exception, les articles que j’ai lus, dont celui-ci de La Presse, ne retenant que la hausse de «266 000 emplois» (sans mentionner que cette donnée vient de l’ES, voir la dernière colonne de ce tableau) et la hausse du taux de chômage de 6,0 % à 6,1 % (sans mentionner non plus que cette donnée vient de la HS, voir la septième ligne de cet autre tableau), pensant probablement que ces deux données sont liées. Or, elles ne le sont pas.
On peut se demander à bon droit comment une hausse de l’emploi tout de même importante a pu faire augmenter le taux de chômage. Habituellement, cela s’explique par le fait que l’estimation de l’emploi de la HS a moins augmenté que celle de l’ES ou qu’elle a même diminué. Mais, si on regarde les données de la dernière colonne de ce tableau, on voit que l’estimation de la HS montre en fait une hausse de 328 000 emplois en avril plutôt que de 266 000 emplois comme l’ES, en fait 62 000 de plus! Comment alors expliquer la hausse du taux de chômage? Par le fait que ce même tableau indique une baisse de 330 000 personnes inactives. Avec cette baisse de l’inactivité et la hausse de la population adulte de 100 000 personnes, la population active a augmenté de 430 000 personnes, dont 328 000 en emploi et 102 000 en chômage, expliquant la hausse du taux de chômage.
Notons que la hausse de 266 000 emplois selon l’ES fut bien inférieure aux prévisions moyennes de 978 000 emplois (certaines personnes parlaient 1,5 million et même de 2,1 millions!). Ces mêmes prévisionnistes envisageaient une baisse du taux de chômage de 6,0 % à 5,7 %. En plus, cet écart énorme est en fait plus élevé, puisque les données des deux derniers mois ont été en tout révisées à la baisse de 78 000, ce qui fait en sorte que le niveau d’emploi en avril n’était plus élevé que celui publié en mars 2021 que de 188 000. Cela dit, la baisse de l’inactivité (et donc la hausse du taux de chômage) est la meilleure nouvelle de ce rapport, car il a fait augmenter le taux d’activité de 61,5 % à 61,7 %, toujours en baisse de 1,6 point par rapport à février 2020 (63,3 %). Par ailleurs, le BLS estime que, en raison des erreurs de classification que j’ai expliquées dans le billet de juin 2020, le taux de chômage devrait être plus élevé, possiblement de 0,3 point de pourcentage, soit à 6,4 %.
Entre février 2020 et avril 2021, l’emploi a baissé de 8,2 millions ou de 5,4 % selon l’ES et de 7,6 millions ou de 4,8 % selon la HS. Les écarts entre les résultats de ces deux enquêtes ne sont pas étonnants, car elles comportent de nombreuses différences. Par exemple, l’ES ne tient compte que des salarié.es non agricoles, excluant donc les travailleur.euses autonomes et les salarié.es agricoles. Notons en outre que, selon ce tableau de l’ES, la hausse de 266 000 emplois en avril 2021 s’est traduite par une hausse de 161 000 emplois chez les femmes (0,2 %) et de 105 000 chez les hommes (0,1 %). Entre février 2020 et avril 2021, l’emploi salarié non agricole a baissé de 4,5 millions ou de 5,9 % chez les femmes et de 3,7 millions ou de 4,8 % chez les hommes. Du côté industriel, les hausses d’emploi furent concentrées dans les loisirs et l’hospitalité (331 000 emplois, dont 241 000 dans l’hébergement et la restauration, et 90 000 dans les arts, spectacles et loisirs, reflet des déconfinements). On note aussi des hausses notables dans les autres services (44 000) et dans les services gouvernementaux (48 000), surtout dans l’enseignement (37 000, reflet de la réouverture d’écoles), plus qu’annulées par des baisses importantes dans les services de messageries et services de messagers (77 000) et dans les services d’emploi (115 000).
Les données de la HS permettent aussi de répartir la baisse du nombre de personnes en emploi entre celles qui sont considérées par le BLS en chômage ou inactives. En effet, si une personne sans emploi n’en cherche pas activement ou ne prévoit pas un rappel dans les quatre semaines qui suivent, elle sera considérée comme inactive. Entre février 2020 et avril 2021, le nombre de personnes en chômage a augmenté de 4,1 millions et le nombre d’inactif.ives de 4,9 millions. Si le taux d’activité s’était maintenu à 63,3 % comme en février 2020 (il était de 61,7 % en avril 2021), il y aurait 4,4 millions de personnes inactives de moins et 4,4 millions de personnes en chômage de plus. Dans ce cas, le taux de chômage ajusté aurait atteint 8,6 % en avril 2021 plutôt que 6,1 %, en hausse de 5,1 points de pourcentage plutôt que de 2,6 points depuis février 2020 (3,5 %).
Avril 2021 au Canada
Statistique Canada a publié le 7 mai son communiqué sur les estimations de l’EPA pour la semaine du 11 au 17 avril. On y apprend notamment que :
- avec sa baisse de 207 000 en avril 2021 (ou de 1,1 %), l’estimation de l’emploi en données désaisonnalisées était inférieure d’un peu plus de 500 000 ou de 2,6 % à son niveau de février 2020, baisse qui est demeurée proportionnellement bien moins élevée qu’aux États-Unis (4,8 %, selon les données de la HS, la plus comparable à l’EPA); rappelons-nous que cette baisse atteignait au Canada près de 3,0 millions d’emplois ou 15,6 % en avril 2020;
- comme la population adulte a augmenté de 1,0 % depuis février 2020, son taux d’emploi a baissé davantage, soit de 3,6 % ou de 2,2 points de pourcentage, passant de 61,8 % à 59,6 %, baisse qui illustre mieux l’ampleur de la crise actuelle;
- l’estimation du nombre de chômeur.euses a connu une hausse de 495 000 personnes ou de 43 % entre février 2020 et avril 2021, dont 124 000 en avril, faisant passer le taux de chômage de 5,7 % en février 2020 à 8,1 % en avril 2021, en hausse de 0,6 point par rapport à mars (7,5 %);
- le nombre de personnes inactives a augmenté de 101 000 en avril, portant le total de la hausse à 311 000 entre février 2020 et avril 2021, faisant diminuer le taux d’activité de 65,5 % en février 2020 à 64,9 % en avril 2021;
- si le taux d’activité s’était maintenu à 65,5 % comme en février 2020, le taux de chômage en avril 2021 aurait atteint 9,0 % plutôt que 8,1 %, en hausse de 3,3 points de pourcentage plutôt que de 2,4 points depuis février 2020 (5,7 %);
- l’emploi à temps plein a diminué de 0,8 % en avril et l’emploi à temps partiel de 2,3 %; la baisse de l’emploi à temps partiel fut aussi beaucoup plus forte que celle de l’emploi à temps plein entre février 2020 et avril 2021 (6,0 % par rapport à 1,9 %);
- l’emploi a diminué de 10,1 % entre février 2020 et avril 2021 chez les personnes âgé.es de 15 à 24 ans, bien plus que chez les 25 à 54 ans (1,5 % ) et chez les 55 ans et plus (1,3 % ), comme ce fut le cas en avril (4,2 %, 0,4 % et 1,4 %); sans surprise, le taux de chômage des 15 à 24 ans surpassait de beaucoup celui des deux autres groupes en avril 2021 (16,1 %, 6,6 % et 7,4 %).
Avril 2021 au Québec
La semaine de référence de l’EPA (du 11 au 17 avril) suivait la fermeture de nombreux établissements à Québec, Lévis, Gatineau et dans deux MRC de Chaudière-Appalaches, de quelques-uns dans les zones rouges, et le passage en zone rouge du Bas-Saint-Laurent. Je m’attendais donc à une baisse importante de l’emploi, un peu comme on vient de le voir pour l’ensemble du Canada. Pourtant, cette baisse fut beaucoup moins forte que je le prévoyais:
- l’estimation de l’emploi en données désaisonnalisées a diminué de 13 000 en avril (ou de 0,3 %); la baisse entre février 2020 et avril 2021 était d’environ 126 000 emplois ou de 2,9 %;
- comme la population adulte a augmenté de 0,8 % depuis février 2020, son taux d’emploi a baissé davantage, soit de 3,6 % ou de 2,2 points de pourcentage, passant de 61,9 % à 59,6 %;
- la baisse de l’emploi de 2,9 % depuis février 2020 fut plus élevée au Québec que dans le reste du Canada (2,6 %); le Québec se classait en avril au huitième rang des pertes d’emplois les moins élevées depuis février 2020, comme on peut le voir dans l’image qui accompagne ce billet;
entre février 2020 et avril 2021, l’estimation de l’emploi a diminué nettement plus chez les femmes (de 95 000 emplois ou de 4,6 %) que chez les hommes (de 31 000 emplois ou de 1,3 %); l’écart entre ces deux baisses a augmenté en avril, passant de 2,1 à 3,3 points; en effet, l’estimation de l’emploi a augmenté de 5 700 chez les hommes (ou de 0,3 %), mais a diminué de 19 000 chez les femmes (ou de 1,0 %);
- si le nombre d’emplois a globalement diminué de 2,9 % entre février 2020 et avril 2021, cette baisse fut de 4,4 % chez les employé.es (ou salarié.es) du secteur privé et de 10,1 % chez les travailleur.euses autonomes; pendant ce temps, l’emploi augmentait de 5,7 % chez les employé.es du secteur public, surtout dans le secteur de l’éducation, secteur dont les estimations d’emploi ne cessent de surprendre depuis le début de la crise; ces estimations nous montrent aussi que la baisse de 13 000 emplois en avril fut plus que concentrée chez les salarié.es du secteur privé (-37 400), l’emploi ayant augmenté chez les salarié.es du secteur public (+16 900) et dans le travail autonome (+3 500);
- l’emploi à temps partiel a augmenté de 0,4 % en avril 2021, alors que l’emploi à temps plein diminuait de 0,5 %; ces variations furent bien différentes entre février 2020 et avril 2021, l’emploi à temps partiel ayant presque monopolisé la baisse de l’emploi (-11,8 %), l’emploi à temps plein ne baissant que de 0,9 %;
- l’estimation du nombre de chômeur.euses a connu une hausse de 92 000 (ou de 45 %) entre février 2020 et avril 2021, dont 7100 en avril 2021; le taux de chômage est ainsi passé de 4,5 % en février 2020 à 17,6 % en avril 2020 et à 6,6 % en avril 2021;
- l’estimation du nombre de personnes inactives a augmenté de 87 000 entre février 2020 et avril 2021 (de 75 000 chez les femmes, mais de seulement 12000 chez les hommes), dont 8000 en avril 2021; en conséquence, le taux d’activité (63,8 %) a baissé de 1,0 point de pourcentage depuis février 2020 (64,8 %);
- l’emploi a diminué de 10,9 % entre février 2020 et avril 2021 chez les personnes âgé.es de 15 à 24 ans, bien plus que chez les 25 à 54 ans (1,7 % ) et chez les 55 ans et plus (1,4 % ), mais ce fut différent en avril (baisses de 0,1 %, 0,3 % et 0,5 %); sans surprise, le taux de chômage des 15 à 24 ans surpassait nettement celui des deux autres groupes en avril 2021 (13,1 % par rapport à 5,2 % et à 6,4 %).
Si le taux d’activité du Québec était en avril encore bien inférieur à son niveau de février 2020 (63,8 % par rapport à 64,8 %), la baisse dans le reste du Canada fut deux fois moins élevée (65,2 % par rapport à 65,7 %). Cela fait en sorte que la différence entre le taux de chômage au Québec et dans le reste du Canada était un peu surestimée par le taux de chômage officiel. En effet, la différence entre le taux de chômage officiel au Québec (6,6 %) et son taux ajusté (7,9 %) était de 1,3 point de pourcentage, alors que cette différence était de 0,8 point dans le reste du Canada (8,5 % et 9,3 %). Ainsi, si la différence entre les taux officiels du Québec et du reste du Canada était en avril 2021 de 1,9 point (6,6 % et 8,5 %), la différence entre leurs taux ajustés était plutôt de 1,4 point (7,9 % et 9,3 %), ce qui traduit mieux l’écart de la situation du marché du travail entre les deux territoires.
On pourrait penser que le fait que le taux d’activité ait été plus élevé dans le reste du Canada (65,2 %) qu’au Québec (63,8 %) en avril 2021 entraîne une sous-estimation du taux de chômage du Québec. En fait, c’est uniquement en raison des différences dans leur structure démographique que le taux d’activité était plus élevé dans le reste du Canada qu’au Québec, le Québec ayant une proportion beaucoup plus élevée d’adultes âgé.es de 65 ans et plus (23,4 % par rapport à 20,9 %). Ainsi, si le Québec avait eu la même structure démographique que le reste du Canada en avril 2021, son taux d’activité aurait été plus élevé que celui du reste du Canada. En effet, avec les données non désaisonnalisées du tableau 14-10-0017-01, on peut calculer, en associant les taux d’activité par tranche d’âge de cinq ans (15-19 ans, 20-24 ans jusqu’à 65-69 ans et 70 ans et plus) au pourcentage de la population adulte dans ces tranches d’âges dans le reste du Canada, que le taux d’activité aurait en fait été en avril 2021 de 65,3 % au Québec au lieu de 63,4 % par rapport à 64,7 % dans le reste du Canada. On remarquera que les taux d’activité d’avril 2021 en données non désaisonnalisées sont plus bas que les taux d’activité en données désaisonnalisées de 0,4 point au Québec (63,4 % et 63,8 %) et de 0,5 point dans le reste du Canada (64,7 % et 65,2 %).
L’effet de l’évolution de l’inactivité, du chômage et du taux d’activité a eu des impacts différents selon le sexe et selon la tranche d’âge. Ainsi, les taux de chômage officiels et ajustés en fonction du taux d’activité de février 2020 ont évolué ainsi au Québec :
- femmes : le taux de chômage officiel est passé de 4,1 % en février 2020 à 17,5 % en avril et à 6,3 % en avril 2021, alors que le taux de chômage ajusté passait de 4,1 % en février 2020 à 21,8 % en avril et à 9,1 % en avril 2021;
- hommes : le taux de chômage officiel est passé de 4,8 % en février 2020 à 17,8 % en avril et à 6,8 % en avril 2021, alors que le taux de chômage ajusté passait de 4,8 % en février 2020 à 23,4 % en avril et à 6,9 % en avril 2021; si le taux de chômage officiel des femmes était plus bas que celui des hommes en avril 2021 de 0,5 point de pourcentage (6,3 % par rapport à 6,8 %), leur taux de chômage ajusté lui était plus élevé de 2,2 points (9,1 % par rapport à 6,9 %);
- 15 à 24 ans : le taux de chômage officiel est passé de 7,0 % en février 2020 à 34,2 % en avril et à 13,1 % en avril 2021, alors que le taux de chômage ajusté passait de 7,0 % en février 2020 à 41,2 % en avril et à 16,7 % en avril 2021;
- 25 à 54 ans : le taux de chômage officiel est passé de 3,8 % en février 2020 à 14,5 % en avril et à 5,2 % en avril 2021, alors que le taux de chômage ajusté passait de 3,8 % en février 2020 à 17,9 % en avril et à 5,2 % en avril 2021;
- 55 ans et plus : le taux de chômage officiel est passé de 4,9 % en février 2020 à 16,9 % en avril et à 6,4 % en avril 2021, alors que le taux de chômage ajusté passait de 4,9 % en février 2020 à 24,3 % en avril et à 8,3 % en avril 2021.
Ces évolutions montrent clairement que ce sont les jeunes, et dans une moindre mesure les femmes et les personnes plus âgées, qui ont subi le plus durement les effets de la crise et qui la subissent encore.
En gardant en tête le fait que les marges d’erreur des estimations de l’emploi de l’EPA sont encore plus importantes avec des données désagrégées comme celles par industrie, je présente dans le tableau qui suit (tiré des données du tableau 14-10-0355-01) la variation de ces estimations par industrie entre mars 2021 et avril 2021, et entre février 2020 et avril 2021. J’ai mis en caractère gras dans les quatre dernières colonnes du tableau les hausses et les baisses les plus importantes.
Il n’y a eu que deux baisses significatives (de plus 10 000 emplois) de l’estimation de l’emploi entre mars 2021 et avril 2021, soit dans le commerce de gros et de détail (18 600 emplois ou 2,8 %) et dans les services d’hébergement et de restauration (11 100 emplois ou 6,0 %). Il n’y a eu aussi que deux hausses significatives (et étranges), soit dans les services d’enseignement (11 900 emplois ou 3,4 %) et dans l’information, la culture et les loisirs (11 600 emplois ou 8,3 %).
Malgré la baisse de 126 000 emplois entre février 2020 et avril 2021, l’emploi a augmenté dans près de la moitié des industries présentées dans ce tableau (7 sur 16), mais dans certains cas de très peu. La hausse la plus importante a eu lieu dans les surprenants services d’enseignement (43 700 emplois ou 13,8 %). À l’inverse, cinq industries ont connu des baisses de plus de 20 000 emplois, dont trois de plus de 10 %, et subissaient donc encore fortement les effets de la crise en avril 2021:
- les services d’hébergement et de restauration (baisse de 84 700 emplois, ou de 32,7 %);
- l’information, la culture et les loisirs (31 000 ou 17,1 %);
- le commerce de gros et de détail (28 400 emplois ou 4,3 %);
- les autres services (24 800 ou 14,4 %);
- le transport et l’entreposage (22 800 ou 9,2 %).
Et après?
Entre les semaines de référence d’avril et de mai (cette semaine), le gouvernement du Québec n’a pas procédé à de grosses annonces et celles qu’il a faites vont dans des sens opposés. Il est donc difficile de prévoir si l’emploi augmentera ou baissera, quoique la faible baisse d’avril pourrait faire penser que les annonces du mois précédent n’avaient pas produit tous leurs impacts. Dans le reste du Canada, certaines provinces ont pris des mesures supplémentaires, mais leurs effets sur l’emploi sont difficiles à estimer, surtout en tenant compte de la forte baisse de l’emploi en avril, d’autant plus que le taux de vaccination a augmenté partout au pays, avec le taux le plus élevé au Québec.
Aux États-Unis, le nombre d’infections et de décès dus la COVID-19 continue à diminuer et la proportion de la population qui est vaccinée augmente constamment, quoique moins rapidement depuis quelques semaines. De plus, le nombre de prestataires de l’assurance-chômage a encore diminué récemment. Finalement, le plan de soutien (ou de relance) adopté par le Congrès et le président il y a deux mois pourrait stimuler l’emploi. Au bout du compte, on peut s’attendre à une hausse importante de l’emploi aux États-Unis en mai, d’autant plus que la hausse a déçu en avril.
Et alors…
Comme prévu, les décisions gouvernementales ont entraîné une baisse de l’emploi en avril 2021, mais étonnamment plus forte dans le reste du Canada (1,3 %) qu’au Québec (0,3 %). Avec une si petite baisse au Québec, il est toutefois difficile de faire le lien entres les baisses par industrie avec les décisions adoptées par le gouvernement, sauf pour celles observées dans les services d’hébergement et de restauration et dans le commerce de gros et de détail. Par contre, les autres mouvements importants de l’emploi, comme la hausse dans les services d’enseignement, semblent davantage s’expliquer par les marges d’erreur des données de l’EPA que par des décisions ou des tendances réelles.
En avril, ce sont les femmes (-1,0 % par rapport à +0,3 % pour les hommes) et les salarié.es du secteur privé qui ont subi le plus durement les décisions gouvernementales. Cela dit, avec une baisse de l’estimation de l’emploi de seulement 0,3 % ou de 13 000 au Québec, son impact sur les autres groupes de population est difficile à cerner, car il est en général à l’intérieur des marges d’erreur.
Le nombre de chômeur.euses inexpérimenté.es (qui n’ont pas travaillé depuis au moins un an, voir ce billet pour en savoir plus sur le chômage inexpérimenté) a augmenté de 50 000 en avril, pendant que le nombre d’inactif.es augmentait de 8000, ce qui semble à première vue étrange. Cela s’explique probablement par le fait qu’un bon nombre de personnes qui ont perdu leur emploi au tout début de la crise et n’ont pas travaillé depuis ce temps sont passées du statut de chômeur.euses expérimenté.es à inexpérimenté.es parce que la perte de leur dernier emploi date de plus d’un an. D’ailleurs, le même phénomène s’est observé dans le reste du Canada avec une hausse de la même ampleur relative du nombre de chômeur.euses inexpérimenté.es (156 000). Soulignons aussi que la part des chômeur.euses inexpérimenté.es sur le chômage total est passée de 18,5 % en janvier 2021 à 45,2 % au Québec et de 31,7 % à 46,2 % dans le reste du Canada. Ce taux est le plus élevé dans le reste du Canada pour les 544 mois depuis janvier 1976, et le dixième plus élevé au Québec, mais le plus élevé pour des 45 mois d’avril depuis 1976. Cela montre à quel point la situation actuelle est particulière.
L’ampleur de la troisième vague nous montre clairement que les mesures de santé publique et les programmes gouvernementaux à l’intention des victimes de la crise sont encore essentiels. L’arrivée des vaccins et notre aversion au couvre-feu ne doivent surtout pas nous faire baisser la garde!