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Le marché du travail des femmes – les salaires (1)

27 mai 2021

marché du travail des femmes – les salairesÀ la demande générale d’une personne, je mets ici à jour le treizième billet de la série sur le marché du travail des femmes que j’ai publiée en 2015. Il porte sur l’évolution du salaire des femmes par rapport à celui des hommes. Les données que j’ai utilisées proviennent du tableau 14-10-0066-01 tiré des estimations de l’Enquête sur la population active (EPA) de Statistique Canada.

Pour l’ensemble des salarié.es

Le premier graphique de ce billet porte sur l’évolution du ratio des salaires horaires et hebdomadaires des femmes par rapport à ceux des hommes, à la fois pour la médiane et la moyenne.

marché du travail des femmes – les salaires_1_1

Comme on peut voir, les lignes de salaires horaires (ligne bleue pour le salaire horaire moyen et jaune pour le salaire horaire médian) et de salaires hebdomadaires (ligne rouge pour le salaire hebdomadaire moyen et verte pour le salaire hebdomadaire médian) se suivent tout au long de la période, si ce n’est quelques différences occasionnelles et mineures. En fait, la différence entre les courbes de la médiane et de la moyenne indique une légère hausse de la dispersion des salaires horaires et hebdomadaires (donc des inégalités) chez les hommes, un maintien de la dispersion des salaires horaires chez les femmes et une légère baisse de la dispersion des salaires hebdomadaires chez les femmes. Mais, comme les tendances médianes et horaires se ressemblent quand même beaucoup, je n’utiliserai dans les prochains graphiques qu’une de ces mesures (les salaires horaires moyens), de façon à éviter de les surcharger.

Ce graphique livre quelques messages importants. Tout d’abord, l’écart entre les salaires des hommes et des femmes est beaucoup plus élevé quand on considère le salaire hebdomadaire que le salaire horaire, ce qui est entre autres la conséquence de la plus grande prévalence du travail à temps partiel chez les femmes, facteur qui vient donc accentuer les différences de rémunération. Par contre, l’écart dans les deux façons de considérer les salaires moyens (horaires et hebdomadaires) s’est réduit de 30 % entre 1997 et 2020, passant de 12,4 % à 8,6 % en 2020. D’ailleurs, la proportion d’hommes qui travaillaient à temps partiel a augmenté de 2,5 points entre 1997 et 2020 (de 10,1 % à 12,7 %), tandis que la proportion de femmes baissait de 4,7 points (de 27,3 % à 22,6 %).

Mais, ce qui nous intéresse le plus est la hausse du ratio du salaire des femmes sur celui des hommes. Pour les salaires horaires moyens, ce ratio est passé de 84,2 en 1997 à 91,9 en 2020, une hausse de 7,7 points ou de 9,1 %. Notons toutefois que ce ratio est demeuré assez stable de 2012 (89,2) à 2019 (89,9), avant de soudain augmenter de deux points en 2020 (à 91,9). Il est loin d’être certain que cette hausse sera durable. En effet, comme les pertes d’emplois en 2020 en raison de la pandémie de COVID-19 furent proportionnellement plus nombreuses chez les femmes (5,5 %) que chez les hommes (4,2 %) et que ces pertes d’emplois ont touché les personnes à bas salaires horaires de façon disproportionnée (voir ce billet de l’Institut de recherche et d’informations socio-économiques), la plus forte hausse du salaire horaire des femmes en 2020 (7,3 %) que des hommes (5,0 %) pourrait très bien n’être que temporaire. En effet, il ne serait pas étonnant que le salaire horaire des hommes et surtout des femmes diminue ou augmente très peu en 2021 et en 2022 quand les emplois à bas salaires, ou une bonne partie de ces emplois, seront retrouvés (comme dans la restauration), ce qui ferait baisser ce ratio. À suivre!

Pour les salaires hebdomadaires, la situation est semblable, et même plus accentuée. En effet, ce ratio est passé de 71,8 en 1997 à 83,3 en 2020, une hausse de 11,5 points ou de 16,0 %. Encore là, ce ratio n’a que peu changé de 2012 (78,9) à 2019 (80,6), avant de soudain augmenter de 2,7 points en 2020 (à 83,3). Or, comme la baisse de l’emploi des femmes en 2020 fut davantage concentrée dans l’emploi à temps partiel que celle de l’emploi des hommes (66 % de la baisse chez les femmes et 34 % de la baisse chez les hommes), l’amélioration de ce ratio en 2020 risque d’être temporaire. On verra!

Selon la couverture syndicale

Le tableau 14-10-0066-01 contient aussi des données selon la couverture syndicale des salarié.es. Statistique Canada précise que les personnes couvertes par un syndicat sont des salarié.es «qui sont membres d’un syndicat et qui ne sont pas membres, mais qui sont couvert.es par une convention collective ou par un contrat de travail négocié par un syndicat». L’idée ici n’est pas de montrer la différence de salaires entre ces deux groupes de salarié.es, mais plutôt l’écart de salaires entre les hommes et les femmes selon qu’ils et elles sont couvert.es ou pas par une convention collective. Les écarts de salaires globaux entre couvert.es et non couvert.es m’ont toujours semblé plus ou moins pertinents, car les emplois syndiqués sont en moyenne de niveaux de compétence plus élevés que les emplois non syndiqués et plus présents dans les plus grosses entreprises, ce qui explique en partie au moins qu’ils soient associés à des salaires plus élevés que la moyenne. Les résultats d’enquêtes, comme celle de l’Institut de la statistique du Québec (ISQ) sur la rémunération globale basée sur des emplois repères similaires, sont bien plus pertinents à cette fin.

marché du travail des femmes – les salaires_1_2_couvertureLe graphique ci-contre se contente donc d’illustrer la différence entre les écarts de salaires (horaires moyens) entre les hommes et les femmes chez les salarié.es couvert.es et non couvert.es. Le portrait est saisissant! Alors que l’écart salarial était rendu très faible en fin de période (à peine 1,8 % en 2020 avec un ratio de 98,2) chez les salarié.es couvert.es (en notant toutefois que cet écart s’est agrandi entre son niveau de 1,9 % en 2015 et de 5,1 % en 2019), il demeurait en 2020 énorme chez les salarié.es non couvert.es (13,2 %, sept fois plus, avec un ratio de 86,8). Cela dit, entre 1997 et 2020, la situation s’est davantage améliorée chez les salarié.es non couvert.es (de 7,3 points de pourcentage, soit de 79,4 à 86,8) que chez les salarié.es couvert.es (de 5,9 points, soit de 92,3 à 98,2). Il faut dire que les emplois occupés par les hommes et les femmes sont sûrement plus similaires chez les salarié.es couvert.es que chez les salarié.es non couvert.es.

Selon l’âge et la couverture syndicale

marché du travail des femmes – les salaires_1_3_ägePour approfondir le sujet, j’ai aussi pensé à présenter une autre dimension du même tableau de Statistique Canada, soit les écarts de salaires (horaires moyens, encore une fois) selon la tranche d’âge. Le graphique ci-contre montre que les écarts globaux ont été de loin les moins élevés chez les personnes âgé.es de 15 à 24 ans (ligne bleue) tout au long de la période, mais qu’ils n’ont pas diminué, le ratio se situant à 92,9 en 1997 et en 2019, avant une légère remontée de 2,3 points à 95,2 en 2020, niveau tout de même inférieur à son sommet de 2003 (96,5). Notons que, comme le salaire horaire moyen des jeunes salarié.es (dont 57 % étaient des étudiant.es en 2020 et plus de la moitié depuis 2007, selon les données du tableau 14-10-0081-01) n’est pas beaucoup plus élevé que le salaire minimum (entre 20 % et 40 % depuis 2016) tant chez les hommes que chez les femmes, l’écart de ce salaire entre les hommes et les femmes ne peut pas être énorme. Chez les salarié.es d’âge moyen (25 à 54 ans, ligne rouge), l’écart était bien plus grand en début de période (15,9 % en 1997), mais s’est réduit graduellement par la suite (7,7 % en 2020, mais sans progrès entre les 9,7 % de 2012 et les 9,4 % de 2019). Finalement, l’écart chez les salarié.es les plus âgé.es (55 ans et plus, ligne jaune) était de loin le plus élevé en début de période (avec un sommet de 26,4 % en 1999), mais a presque rejoint celui des 25-54 en 2020 (9,4 %, mais avec une petite hausse entre les 11,2 % de 2014 et les 12,4 % de 2019).

Ce graphique montre aussi que les écarts de salaires entre les hommes et les femmes selon la tranche d’âge qui étaient fort importants en début de période l’étaient beaucoup moins en fin de période, passant d’une différence maximale entre les salarié.es les plus âgé.es et les plus jeunes de 22 points de pourcentage en 1999 à moins de 5 points en 2020.

marché du travail des femmes – les salaires_1_4_äge_couvertsLes graphiques ci-contre sont construits de la même façon que le précédent, mais isolent les salarié.es couvert.es et non couvert.es par une convention collective. Chez les jeunes, les données varient énormément d’une année à l’autre chez les salarié.es couvert.es, ce qui est normal, car leur nombre est limité et leur taux de couverture est faible (entre 18 % et 27 % selon les années par rapport à plus de 40 % chez les 25-54 ans et à un peu moins chez les 55 ans et plus), ce qui fait augmenter la marge d’erreur des données. Cela dit, en comparant les moyennes des cinq premières années de la série avec les cinq dernières (y compris 2020 qui montre une hausse de 7,2 points), on observe une hausse de trois points de l’écart des salaires entre les hommes et les femmes, avec quand même un écart très faible (de moins de 1 % en début de période à moins de 4 % en fin de période, mais de près de 5 % si on enlève la dernière année atypique en raison de la pandémie). Du côté des jeunes non couvert.es, l’écart des salaires entre les hommes et les femmes s’est maintenu, sauf quelques exceptions, entre 4 % et 8 % tout au long de la période, soit un peu plus que chez les jeunes couvert.es, même si leurs salaires horaires moyens furent en moyenne de 20 % (hommes) à 25 % (femmes) moins élevés que pour les jeunes couvert.es par une convention collective, donc plus près du salaire minimum.

Chez les salarié.es couvert.es d’âge moyen, ces écarts n’ont jamais été supérieurs à 10 % et sont passés de 9 % en début de période à 5 % en 2019 (en hausse depuis l’écart de moins de 2 % en 2015), puis à 2,4 % en 2020, baisse toutefois hors-norme, je le répète, en raison de la pandémie. Cet écart a été bien plus élevé chez les personnes non couvertes, même s’il a diminué considérablement entre 1997 (23 %) et 2020 (moins de 13 %, en légère baisse par rapport au 14 % de 2019).

Le graphique du début de cette section montre que c’est chez les salarié.es les plus âgé.es que l’écart salarial entre les hommes et les femmes s’est le plus réduit depuis 1997. Mais les deux graphiques suivants montrent en plus que cette réduction s’est manifestée aussi bien chez les salarié.es couvert.es que non couvert.es. Ainsi, les écarts de salaires entre les hommes et les femmes chez les salarié.es couvert.es âgé.es de 55 ans et plus sont passés de 18 % en 1997 à aussi peu que 2,2 % en 2014, avant de remonter à plus de 7 % en 2019, puis de retomber à 3,7 % en 2020. Chez les salarié.es non couvert.es les plus âgé.es, les écarts sont passés de plus de 30 % de 1998 à 2002, à 15 % en 2019 et même à 13,7 % en 2020, rejoignant presque l’écart observé chez les 25 à 54 ans (12,6 %).

Et alors…

Ces données nous permettent à la fois d’apprécier la réduction des écarts salariaux entre les hommes et les femmes au cours des 23 dernières années et de constater à quel point ces écarts sont moindres chez les salarié.es couvert.es par des conventions collectives. Par contre, j’ai aussi noté que, si les écarts salariaux entre les hommes et les femmes ont diminué de façon notable jusqu’au milieu des années 2010, cette tendance semble s’être étouffée par la suite, si ce n’est le sursaut en 2020 dû à la forte baisse de l’emploi dans les postes à temps partiel et à bas salaires, surtout chez les femmes. Chaque point de pourcentage des derniers 10 % d’écart semble plus difficile à combler que les 5 points de pourcentage éliminés entre 1997 et 2012. Notons aussi que la baisse de cet écart s’est manifesté en premier lieu chez les personnes âgées de 55 ans et plus, probablement en raison de l’arrivée dans cette tranche d’âge des femmes plus scolarisées et ayant un historique de présence sur le marché du travail plus solide que leurs aînées. On ne peut pas s’attendre à ce qu’un phénomène du même genre survienne à nouveau. Il ne faut donc pas se contenter d’espérer que la tendance passée permette à elle seule d’atteindre l’égalité salariale, mais il faut plutôt adopter des politiques efficaces pour enfin éliminer les discriminations salariales.

Pour aller plus loin dans cette analyse, je vais examiner dans mon prochain billet ces écarts par industrie ou par profession. On pourra ainsi voir si la diminution de ces écarts s’est fait ressentir de façon uniforme, ou si elle fut concentrée dans certaines industries et dans certaines professions.

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