Le marché du travail en juin 2021 et la COVID-19
Après avoir analysé les données sur l’emploi de mars 2020 à mai 2021 du Bureau of Labor Statistics (BLS) et de l’Enquête sur la population active (EPA), je vais maintenant commenter celles de juin 2021, toujours influencées par les mesures gouvernementales et les changements de comportement de la population visant à limiter les dégâts de la COVID-19. On verra ici si mes prévisions d’une forte hausse de l’emploi au Québec et aux États-Unis, et d’une hausse moins forte au Canada se sont réalisées.
Juin 2021 aux États-Unis
Le BLS publie au début de chaque mois (le 2 juillet pour juin 2021) les données de deux enquêtes, soit celles de la Household Survey (HS), l’équivalent de l’EPA canadienne auprès des ménages, et de l’Establishment Survey (ES), qui ressemble plus à l’Enquête sur l’emploi, la rémunération et les heures de travail (EERH) du Canada auprès des entreprises. Toutefois, les médias ne font à peu près jamais la distinction entre ces deux enquêtes et commentent uniquement la variation de l’emploi selon l’ES et le taux de chômage selon la HS. La couverture journalistique de la publication des données de juin 2021 par le BLS n’a pas fait exception, les articles que j’ai lus, dont celui-ci de Radio-Canada, ne retenant que la hausse de «850 000 emplois» (sans mentionner que cette donnée vient de l’ES, voir la dernière colonne de ce tableau) et la hausse du taux de chômage de 5,8 % à 5,9 % (sans mentionner non plus que cette donnée vient de la HS, voir la septième ligne de cet autre tableau), pensant probablement que ces deux données sont liées. Or, elles ne le sont pas, et c’est particulièrement évident ce mois-ci.
Si on regarde les données de la dernière colonne de ce tableau, on voit que les estimations de la HS montrent une baisse de 18 000 emplois en juin plutôt qu’une hausse de 850 000 emplois comme l’ES, une différence de 868 000 emplois! En plus, cette hausse de 850 000 emplois s’additionne aux révisions positives de 24 000 emplois des données d’avril et de mai 2021, ce qui rend le niveau d’emploi en juin plus élevé de 874 000 que celui publié en mai 2021. Notons que la hausse de l’emploi selon l’ES (850 000) est plus élevée que l’anticipaient les prévisionnistes (avec une moyenne de 675 000), mais que le taux de chômage a augmenté de 0,1 point de pourcentage à 5,9 % plutôt que de baisser de 0,2 point à 5,6 %. Dans ce contexte, comment expliquer la hausse du taux de chômage? Comme mentionné auparavant, le tableau de la HS montre une baisse de 18 000 emplois mais aussi une hausse de 168 000 chômeur.euses. Là, tout s’explique! Ce tableau nous apprend aussi que le nombre de personnes inactives a baissé très légèrement (de 22 000) et que la population active a augmenté de 151 000 personnes, hausse insuffisante pour faire augmenter le taux d’activité qui est demeuré à 61,6 %, toujours en baisse de 1,7 point par rapport à février 2020 (63,3 %). Notons aussi que le BLS estime que, en raison des erreurs de classification que j’ai expliquées dans le billet de juin 2020, le taux de chômage devrait être plus élevé, possiblement de 0,2 point de pourcentage, soit à 6,1 %.
Entre février 2020 et juin 2021, l’emploi a baissé de 6,8 millions ou de 4,4 % selon l’ES et de 7,1 millions ou de 4,5 % selon la HS. Notons en outre que, selon ce tableau de l’ES, la hausse de 850 000 emplois en juin 2021 s’est traduite par un ajout net de 405 000 emplois chez les femmes (0,6 %) et de 445 000 chez les hommes (0,6 % aussi). Entre février 2020 et juin 2021, l’emploi a baissé de 3,8 millions ou de 5,0 % chez les femmes et de 3,0 millions ou de 3,9 % chez les hommes. Du côté industriel, les hausses d’emploi furent les plus importantes dans les loisirs et l’hospitalité (343 000 emplois, dont 269 000 dans l’hébergement et la restauration, et 74 000 dans les arts, spectacles et loisirs, reflet des déconfinements), les services d’enseignement gouvernementaux et privés (269 000, en fait, une baisse moins importante que par les années passées, ce qui s’est traduit par une hausse dans l’emploi désaisonnalisé), et dans le commerce de détail (67 000).
Les données de la HS permettent aussi de répartir la baisse du nombre de personnes en emploi entre celles qui sont considérées par le BLS en chômage ou inactives. Entre février 2020 et juin 2021, le nombre de personnes en chômage a augmenté de 3,8 millions et le nombre d’inactif.ives de 5,1 millions. Si le taux d’activité s’était maintenu à 63,3 % comme en février 2020 (il était de 61,6 % en juin 2021), il y aurait 4,4 millions de personnes inactives de moins et 4,4 millions de personnes en chômage de plus. Dans ce cas, le taux de chômage ajusté aurait atteint 8,4 % en juin 2021 plutôt que 5,9 %, en hausse de 4,9 points de pourcentage plutôt que de 2,4 points depuis février 2020 (3,5 %).
Juin 2021 au Canada
Statistique Canada a publié le 9 juillet son communiqué sur les estimations de l’EPA pour la semaine du 13 au 19 juin. On y apprend notamment que :
- malgré sa forte hausse de 230 000 en juin 2021 (ou de 1,2 %), l’estimation de l’emploi en données désaisonnalisées était inférieure de 340 000 ou de 1,8 % à son niveau de février 2020, baisse proportionnellement beaucoup moins élevée qu’aux États-Unis (4,5 %, selon les données de la HS, la plus comparable à l’EPA); rappelons-nous que cette baisse atteignait au Canada près de 3,0 millions d’emplois ou 15,6 % en avril 2020;
- comme la population adulte a augmenté de 1,1 % depuis février 2020, son taux d’emploi a baissé davantage, soit de 2,8 % ou de 1,7 point de pourcentage, passant de 61,8 % à 60,1 %; si le taux d’emploi s’était maintenu à 61,8 %, il y aurait eu 547 000 emplois de plus en juin; cela dit, le vieillissement de la population explique environ 0,5 sur 1,7 point de cette baisse du taux d’emploi, ce qui ramène la baisse d’emploi depuis février 2020 à environ 395 000 en tenant compte de la hausse de la population adulte et de son vieillissement;
- le nombre de chômeur.euses a augmenté de 446 000 personnes ou de 39 % entre février 2020 et juin 2021, malgré une baisse de 61 000 en juin, faisant passer le taux de chômage de 5,7 % en février 2020 à 7,8 % en juin 2021, en baisse de 0,4 point par rapport à mai (8,2 %);
- malgré une baisse de 153 000 en juin, la population inactive a augmenté de 229 000 personnes entre février 2020 et juin 2021, faisant diminuer le taux d’activité de 65,5 % à 65,2 %;
- si le taux d’activité s’était maintenu à 65,5 % comme en février 2020, le taux de chômage en juin 2021 aurait atteint 8,3 % plutôt que 7,8 %, en hausse de 2,6 points de pourcentage plutôt que de 2,1 points depuis février 2020 (5,7 %);
- l’emploi à temps plein a diminué de 0,2 % en juin, tandis que l’emploi à temps partiel augmentait de 8,0 %; cette hausse spectaculaire fait en sorte que l’emploi à temps partiel a moins diminué que l’emploi à temps plein entre février 2020 et juin 2021 (0,1 % et 2,2 %);
- l’emploi a connu en juin une hausse exceptionnelle de 7,1 % chez les personnes âgé.es de 15 à 24 ans, alors qu’il n’a augmenté que de 0,4 % chez les 25 à 54 ans et de 0,5 % et chez les 55 ans et plus; malgré cette hausse étonnante, l’emploi chez les jeunes a davantage diminué (de 4,8 %) que dans les deux autres groupes entre février 2020 et juin 2021 (1,3 % et 1,2 %); même s’il a diminué de 15,9 % à 13,6 % entre mai et juin 2021, le taux de chômage des 15 à 24 ans surpassait encore de beaucoup celui des deux autres groupes (6,4 % et 8,3 %);
- le taux de chômage des jeunes qui étudiaient à temps plein en mars et qui prévoyaient poursuivre leurs études à l’automne est passé de 12,6 % en juin 2019 à 33,0 % en juin 2020 et à 15,3 % en juin 2021, et leur taux d’emploi de 51,2 % à 38,9 % puis à 49,8 %.
Juin 2021 au Québec
Entre les semaines de référence de mai et de juin (13 au 19 juin), le gouvernement du Québec a annoncé de nombreuses réouvertures. Comme prévu, ces annonces ont entraîné des impacts majeurs :
- l’estimation de l’emploi en données désaisonnalisées a augmenté de 72 000 en juin (ou de 1,7 %); la baisse entre février 2020 et juin 2021 n’était plus que de 62 000 emplois ou de 1,4 %;
- comme la population adulte a augmenté de 0,8 % depuis février 2020, son taux d’emploi a baissé davantage, soit de 2,2 % ou de 1,4 point de pourcentage, passant de 61,9 % à 60,5 %;
- si le taux d’emploi s’était maintenu à 61,9 %, il y aurait eu 97 000 emplois de plus en juin; par contre, le vieillissement de la population explique environ 0,6 sur 1,4 point de la baisse du taux d’emploi, ce qui ramène la baisse d’emploi depuis février 2020 à environ 54 000, soit moins que la baisse officielle de 62 000 emplois; cela signifie que le vieillissement de la population a eu plus d’effet sur l’emploi que la hausse de la population adulte (ralentie en raison de la baisse de l’immigration, alors que le vieillissement s’est au contraire accéléré pour cette raison);
- la baisse de l’emploi depuis février 2020 fut moins élevée au Québec (1,4 %) que dans le reste du Canada (1,9 %); le Québec est passé entre mai et juin du sixième au deuxième rang des pertes d’emplois les moins élevées en pourcentage depuis février 2020, juste derrière la Colombie-Britannique qui est la seule province à avoir connu une hausse de l’emploi (0,6 %), comme on peut le voir dans l’image qui accompagne ce billet;
entre février 2020 et juin 2021, l’estimation de l’emploi a diminué beaucoup plus chez les femmes (58 000 emplois ou 2,8 %) que chez les hommes (3400 emplois ou 0,1 %); l’écart entre ces deux baisses a toutefois diminué en juin, passant de 3,4 à 2,7 points; en effet, l’estimation de l’emploi a augmenté en juin de 29 500 chez les hommes (ou de 1,3 %), mais de 42 900 chez les femmes (ou de 2,2 %);
- si le nombre d’emplois a globalement diminué de 1,4 % entre février 2020 et juin 2021, cette baisse fut de 2,9 % chez les employé.es (ou salarié.es) du secteur privé et de 7,6 % chez les travailleur.euses autonomes; pendant ce temps, l’emploi augmentait de 6,5 % chez les employé.es du secteur public, surtout dans le secteur de l’éducation, secteur dont les estimations d’emploi ne cessent de surprendre depuis le début de la crise; ces estimations nous montrent aussi que la hausse de 72 000 emplois en juin fut concentrée chez les salarié.es du secteur privé (62 100), l’emploi ayant moins augmenté chez les salarié.es du secteur public (4800) et dans le travail autonome (5400);
- l’emploi à temps partiel a augmenté de 10,7 % (!) en juin 2021, alors que l’emploi à temps plein diminuait de 0,1 %; malgré cette hausse spectaculaire, l’emploi à temps partiel a diminué de 2,5 % entre février 2020 et juin 2021, deux fois que l’emploi à temps plein (1,2 %);
- le nombre de chômeur.euses a connu une hausse de 83 000 (ou de 41 %) entre février 2020 et juin 2021, malgré une baisse de 9000 en juin 2021; le taux de chômage est ainsi passé de 4,5 % en février 2020 à 17,6 % en avril 2020 et à 6,3 % en juin 2021, en baisse de 0,3 point par rapport à mai (6,6 %);
- malgré une baisse énorme de 61 000 personnes en juin, la population inactive a augmenté de 35 000 entre février 2020 et juin 2021 (hausse de 41 000 chez les femmes, mais baisse de 6000 chez les hommes), faisant diminuer le taux d’activité de 64,8 % à 64,5 %, toutefois en hausse de 0,8 point par rapport au 63,7 % de mai;
- l’emploi a connu en juin une hausse exceptionnelle de 8,8 % chez les personnes âgé.es de 15 à 24 ans, alors qu’il n’a augmenté que de 0,2 % chez les 25 à 54 ans et de 1,9 % et chez les 55 ans et plus; en raison de cette hausse étonnante, l’emploi chez les jeunes a moins diminué (1,8 %) que chez les 25 à 54 ans (2,3 %) entre février 2020 et juin 2021, alors qu’il a augmenté de 1,6 % chez les 55 ans et plus;
- le taux de chômage des jeunes qui étudiaient à temps plein en mars et qui prévoyaient poursuivre leurs études à l’automne est passé de 10,6 % en juin 2019 à 27,2 % en juin 2020 et à 8,9 % en juin 2021, et leur taux d’emploi de 59,6 % à 51,0 % puis à 63,4 %; ces jeunes avaient en juin 2021 le taux d’emploi le plus élevé et le taux de chômage le plus bas des 10 provinces canadiennes, montrant leur désir de travailler, contrairement au discours ambiant.
Si le taux d’activité du Québec était en juin inférieur à son niveau de février 2020 de 0,22 point de pourcentage (64,54 % par rapport à 64,76 %), la baisse dans le reste du Canada fut un peu plus élevée, soit de 0,40 point (65,33 % par rapport à 65,73 %). Cela fait en sorte que la différence entre le taux de chômage au Québec et dans le reste du Canada était un peu sous-estimée par le taux de chômage officiel. En effet, la différence entre le taux de chômage officiel au Québec (6,3 %) et son taux ajusté (6,6 %) était de 0,3 point de pourcentage, alors que cette différence était de 0,5 point dans le reste du Canada (8,3 % et 8,8 %). Ainsi, si la différence entre les taux officiels du Québec et du reste du Canada était en juin 2021 de 2,0 points (6,3 % et 8,3 %), la différence entre leurs taux ajustés était plutôt de 2,2 points (6,6 % et 8,8 %), ce qui traduit mieux l’écart du chômage entre les deux territoires.
On pourrait penser que le fait que le taux d’activité ait été plus élevé dans le reste du Canada (65,3 %) qu’au Québec (64,5 %) en juin 2021 entraîne une sous-estimation du taux de chômage du Québec. En fait, c’est uniquement en raison des différences dans leur structure démographique que le taux d’activité était plus élevé dans le reste du Canada qu’au Québec, le Québec ayant une proportion beaucoup plus élevée d’adultes âgé.es de 65 ans et plus (23,5 % par rapport à 21,0 %). Ainsi, si le Québec avait eu la même structure démographique que le reste du Canada en juin 2021, son taux d’activité aurait été plus élevé que celui du reste du Canada. En effet, avec les données non désaisonnalisées du tableau 14-10-0017-01, on peut calculer, en associant les taux d’activité par tranche d’âge de cinq ans (15-19 ans, 20-24 ans jusqu’à 65-69 ans et 70 ans et plus) au pourcentage de la population adulte dans ces tranches d’âges dans le reste du Canada, que le taux d’activité aurait en fait été en juin 2021 de 67,7 % au Québec au lieu de 65,6 % par rapport à 66,3 % dans le reste du Canada, s’il avait eu la même structure démographique. On remarquera que les taux d’activité de juin 2021 en données non désaisonnalisées étaient plus élevés que les taux d’activité en données désaisonnalisées de 1,1 point au Québec (65,6 % et 64,5 %) et de 1,0 point dans le reste du Canada (66,3 % et 65,3 %).
L’effet de l’évolution de l’inactivité, du chômage et du taux d’activité a eu des impacts différents selon le sexe et selon la tranche d’âge. Ainsi, les taux de chômage officiels et ajustés en fonction du taux d’activité de février 2020 ont évolué ainsi au Québec :
- femmes : le taux de chômage officiel est passé de 4,1 % en février 2020 à 17,5 % en avril et à 6,1 % en juin 2021, alors que le taux de chômage ajusté passait de 4,1 % en février 2020 à 21,8 % en avril et à 7,4 % en juin 2021;
- hommes : le taux de chômage officiel est passé de 4,8 % en février 2020 à 17,8 % en avril et à 6,4 % en juin 2021, alors que le taux de chômage ajusté passait de 4,8 % en février 2020 à 23,4 % en avril et à 5,8 % en juin 2021; si le taux de chômage officiel des femmes était inférieur à celui des hommes en juin 2021 (6,1 % par rapport à 6,4 %), leur taux de chômage ajusté lui était plus élevé de 1,6 point (7,4 % par rapport à 5,8 %);
- 15 à 24 ans : le taux de chômage officiel est passé de 7,0 % en février 2020 à 34,2 % en avril et à 8,0 % en juin 2021, alors que le taux de chômage ajusté passait de 7,0 % en février 2020 à 41,2 % en avril et à 8,0 % en juin 2021;
- 25 à 54 ans : le taux de chômage officiel est passé de 3,8 % en février 2020 à 14,5 % en avril et à 5,6 % en juin 2021, alors que le taux de chômage ajusté passait de 3,8 % en février 2020 à 17,9 % en avril et à 5,8 % en juin 2021;
- 55 ans et plus : le taux de chômage officiel est passé de 4,9 % en février 2020 à 16,9 % en avril et à 7,0 % en juin 2021, alors que le taux de chômage ajusté passait de 4,9 % en février 2020 à 24,3 % en avril et à 5,7 % en juin 2021.
Avec l’amélioration majeure de la situation sur le marché du travail des jeunes et, dans une moindre mesure des personnes âgées, ces évolutions montrent clairement que ce sont les femmes qui subissent encore le plus durement les effets de la crise, quoique moins que lors des mois précédents.
En gardant en tête le fait que les marges d’erreur des estimations de l’emploi de l’EPA sont encore plus importantes avec des données désagrégées comme celles par industrie, je présente dans le tableau qui suit (tiré des données du tableau 14-10-0355-01) la variation de ces estimations par industrie entre mai 2021 et juin 2021, et entre février 2020 et juin 2021. J’ai mis en caractère gras dans les quatre dernières colonnes du tableau les hausses et les baisses les plus importantes.
Il n’y a eu qu’une baisse de plus 10 000 emplois entre mai 2021 et juin 2021, soit dans les administrations publiques (10 500 emplois ou 4,1 %), baisse qui ne semble pas liée à un événement particulier. Il y a eu par contre trois hausses de cette ampleur, soit dans les services d’hébergement et de restauration (32 200 emplois ou 20,4 %), le commerce de gros et de détail (13 700 emplois ou 2,1 %) et dans les toujours aussi surprenants services d’enseignement (10 100 emplois ou 2,8 %). Si les deux premières hausses sont clairement liées aux décisions gouvernementales, la troisième est difficile à expliquer, Notons que la marge d’erreur à 95 % de cette dernière hausse est de 29 000 emplois.
Même si la baisse de l’emploi depuis février 2020 a fondu de plus de moitié en juin, on observe encore cinq baisses de plus de 19 000 emplois, dont trois de plus de 10 % et une de plus de 25 % :
- les services d’hébergement et de restauration (baisse de 68 900 emplois, ou de 26,6 %);
- la fabrication (27 500 ou 5,5 %);
- l’information, la culture et les loisirs (20 200 ou 11,1 %);
- les autres services (20 200 ou 14,6 %);
- le transport et l’entreposage (19 400 ou 7,8 %).
Les deux hausses les plus importantes depuis février 2020 ont eu lieu dans les services d’enseignement (55 400 emplois ou 17,4 %) et dans la finance, assurances, services immobiliers et de location (25 900 emplois ou 10,3 %).
Et après?
Entre les semaines de référence de juin et de juillet (cette semaine), le gouvernement du Québec a annoncé quelques adoucissements aux mesures de confinement, mais pas de l’ampleur de celles qui ont mené à la forte croissance de l’emploi de ce mois-ci. Il en est de même dans les autres provinces. L’emploi devrait donc augmenter le mois prochain au Québec et dans le reste du Canada, mais moins fortement qu’en juin. Notons que le taux de vaccination progresse rapidement partout au pays, dont au Québec, ce qui permet d’espérer qu’il n’y aura plus de nouveaux confinements au cours des prochains mois, donc de périodes de baisses importantes de l’emploi.
Aux États-Unis, le nombre d’infections à la COVID-19 a connu dernièrement une légère hausse, alors que le nombre de décès a cessé de diminuer. Si la proportion de la population qui est vaccinée augmente constamment, elle stagne toutefois en bas des objectifs, surtout dans les États ayant voté pour les républicains. Au bout du compte, on peut s’attendre à une hausse de l’emploi aux États-Unis en juillet, mais peut-être pas aussi élevée qu’en juin, quoique peu d’annonces de reconfinement aient été annoncées pour faire face à la présence accrue du variant delta et à la hausse des infections.
Et alors…
L’emploi a augmenté en juin à peu près comme je m’y attendais aux États-Unis, mais plus fortement dans le reste du Canada et encore plus au Québec. Encore une fois, les hausses au Québec correspondent bien aux décisions gouvernementales, sauf dans le secteur de l’enseignement.
Mais, la plus grande surprise au Québec (et dans une moindre mesure dans le reste du Canada) est la forte hausse de l’emploi chez les jeunes (8,8 %) et dans le travail à temps partiel (10,7 %) jumelée à la baisse importance de l’inactivité. En effet, la hausse de 72 000 emplois a fait baisser près de sept fois plus le nombre de personnes inactives (-61 200) que de chômeur.euses (-9000)! Tout cela laisse penser que, contrairement à une certaine rumeur entretenue dans les médias, bien des gens ne restaient pas à la maison pour le plaisir, mais attendaient la réouverture de leur entreprise ou de leur secteur d’embauche. Cette conclusion est d’autant plus alléchante que l’emploi a en fait augmenté de 138 000 en juin en données non désaisonnalisées, soit près du double que l’emploi en données désaisonnalisées. Une telle hausse, surtout dans des secteurs comme l’hébergement et la restauration (+37 800 ou 23,7 %), la construction (+16 500 ou 5,7 %) et le commerce de détail (+15 600 ou 3,1 %), secteurs qui déplorent le plus de difficultés de recrutement (qu’ils appellent des pénuries…), montre clairement que bien des gens avaient hâte de retourner au boulot. Le taux d’activité des étudiant.es prévoyant retourner aux études qui était plus élevé en juin 2021 (69,6 %) qu’en juin 2019 (66,7 %), avant la pandémie et les programmes d’aide aux chômeur.euses, va aussi dans le même sens.
Le nombre de chômeur.euses inexpérimenté.es (qui n’ont pas travaillé depuis au moins un an, voir ce billet pour en savoir plus sur le chômage inexpérimenté) a augmenté de 2500 en juin en données non désaisonnalisées, ce qui a fait passer leur proportion de 48 % à 55 % des chômeur.euses en raison de la baisse importante du nombre de chômeur.euses expérimenté.es (de plus de 35 000). Cela montre aussi que bien des gens, même ceux qui sont absents du marché du travail depuis plus d’un an, cherchent du boulot. Soulignons aussi que la part des chômeur.euses inexpérimenté.es sur le chômage total est passée de 18,5 % en janvier 2021 à 55,1 % en juin 2021 au Québec et de 31,7 % à 55,8 % dans le reste du Canada. Ces taux sont les plus élevés dans le reste du Canada et au Québec pour les 546 mois depuis janvier 1976 (et par près de 7 points de pourcentage sur le deuxième au Québec). Cela montre à quel point la situation actuelle est particulière.
Malgré ces bonnes nouvelles, la hausse du taux de vaccination ne doit pas nous faire baisser la garde, surtout avec l’apparition de nouveaux variants!