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Le marché du travail en octobre 2021 aux États-Unis et la COVID-19

9 novembre 2021

marché du travail octobre 2021 États-Unis et la COVID 19Après avoir analysé les données sur l’emploi de mars 2020 à septembre 2021 du Bureau of Labor Statistics (BLS) et de l’Enquête sur la population active (EPA), je vais dans ce billet commenter celles d’octobre 2021 pour les États-Unis et celles pour le Canada et le Québec dans le suivant qui paraîtra plus tard cette semaine.

Octobre 2021 aux États-Unis

Le BLS publie au début de chaque mois (le 5 novembre pour octobre 2021) les données de deux enquêtes, soit celles de la Household Survey (HS), l’équivalent de l’EPA canadienne auprès des ménages, et de l’Establishment Survey (ES), qui ressemble plus à l’Enquête sur l’emploi, la rémunération et les heures de travail (EERH) du Canada auprès des entreprises. Toutefois, les médias ne font à peu près jamais la distinction entre ces deux enquêtes et commentent uniquement la variation de l’emploi selon l’ES et le taux de chômage selon la HS. La couverture journalistique de la publication des données d’octobre 2021 par le BLS n’a pas fait exception, cet article de Radio-Canada (en fait de l’Agence France-Presse et publié aussi dans La Presse) résumant la situation par cette phrase «Le taux de chômage a reculé à 4,6 % (-0,2 point), et 531 000 emplois ont été créés en octobre», sans mentionner que la donnée sur l’emploi vient de l’ES (voir la dernière colonne de ce tableau) et que la baisse du taux de chômage de 0,2 point vient de la HS (voir la septième ligne de cet autre tableau), laissant penser que ces deux données sont liées. Or, elles ne le sont pas.

– emploi, taux de chômage et activité

Si on regarde les données de la quatrième ligne de la dernière colonne de ce tableau, on voit que les estimations de la HS montrent une hausse de 359 000 emplois en octobre plutôt que de 531 000 emplois comme l’ES, soit une différence de 192 000 emplois! Notons en plus que la hausse de 531 000 emplois de l’ES s’additionne aux révisions positives de 235 000 emplois des données d’août 2021 (+117 000) et de septembre (+118 000), ce qui rend le niveau d’emploi en novembre plus élevé de 766 000 que celui publié pour octobre 2021, niveau cette fois plus élevé de 407 000 que la hausse de l’estimation selon la HS, en fait plus de deux fois plus élevée. La hausse officielle de l’emploi selon l’ES (531 000) correspond par ailleurs assez bien à celle de 450 000 anticipée par les prévisionnistes, avec un écart d’environ 15 % (81 000 / 531 000 = 15,3 %).

Même si la hausse de l’emploi selon la HS fut moindre que celle selon la ES et que la prévision (359 000 par rapport à 531 000 et à 450 000), le taux de chômage a baissé davantage que prévu, soit de 0,2 point de pourcentage au lieu de 0,1 point comme l’anticipaient les prévisionnistes, passant de 4,8 % à 4,6 %. La population active a de son côté augmenté de 104 000 personnes, la hausse de l’emploi (359 000 emplois) ayant été supérieure de 104 000 à la baisse du nombre de chômeur.euses (255 000). Cette hausse de la population active n’a toutefois pas été suffisante pour faire augmenter le taux d’activité, car la population adulte a augmenté davantage (de 142 000). Il est en effet demeuré à 61,6 %, toujours en baisse de 1,7 point par rapport à février 2020 (63,3 %).

Entre février 2020 et octobre 2021, l’emploi a baissé de 4,2 millions (2,8 %) selon l’ES et de 4,7 millions (3,0 %) selon la HS, baisse près de quatre fois plus élevée qu’au Québec (-0,8 %), alors que l’emploi au Canada a dépassé de 0,2 % son niveau de février 2020, comme nous le verrons dans le prochain billet. En plus, la population adulte a augmenté de 0,9 %  entre février 2020 et octobre 2021 (soit de 2,3 millions de personnes). Si les États-Unis avaient conservé leur taux d’emploi de février 2020, soit 61,1 % au lieu de 58,8 %, il y aurait 6,1 millions d’emplois de plus (ou 4,0 %) en octobre 2021. Cette estimation (6,1 millions d’emplois) représente mieux le rattrapage à faire pour que le marché du travail des États-Unis retrouve sa situation d’avant la pandémie, quoique le vieillissement de cette population ait sûrement eu un effet à la baisse sur cette estimation, mais je ne trouve pas de données assez détaillées pour estimer cet effet.

– emploi selon le sexe et l’industrie

Selon ce tableau, la hausse de 531 000 emplois en octobre 2021 selon l’ES s’est traduite par un ajout de 227 000 emplois chez les hommes (+0,31 %) et de 304 000 emplois chez les femmes (+0,41 %). Entre février 2020 et octobre 2021, l’emploi a baissé de 2,4 millions (3,2 %) chez les femmes et de 1,8 million (2,4 %) chez les hommes. Du côté industriel, les hausses d’emploi furent en octobre les plus importantes dans :

  • les loisirs et l’hospitalité (164 000 emplois, dont 143 000 dans l’hébergement et la restauration);
  • la fabrication (61 000 emplois);
  • le transport (54 000 emplois);
  • la santé et l’assistance sociale (47 000 emplois);
  • les services professionnels, scientifiques et techniques (45 000 emplois);
  • la construction (44 000 emplois).

marché du travail octobre 2021 États-Unis et la COVID 19_1Soulignons aussi la baisse de 43 000 emplois dans les services d’enseignement locaux qui s’ajoute à celles de 86 000 en septembre et de 59 000 en août, pour une baisse totale de 188 000 en trois mois. La ligne rouge du graphique ci-contre, qui reproduit un graphique provenant de cette analyse de l’Economic Policy Institute (EPI), montre vers la fin les baisses d’emplois d’août à octobre 2021 en données désaisonnalisées par rapport aux hausses réelles dans les données non désaisonnalisées (ligne bleue). Ce tableau indique que l’emploi a en fait augmenté dans cette industrie de 1 246 000 emplois d’août à octobre, mais moins que par les années passées (de 1 443 000 en moyenne de 2011 à 2020, par exemple), ce qui a entraîné une baisse de l’emploi en données désaisonnalisées. Ces baisses étaient d’ailleurs prévues. Elles seraient dues aux variations d’embauches différentes d’en temps normal en raison de la pandémie. D’ailleurs, j’ai souligné l’impact inverse de ce phénomène au cours des mois d’été (voir la hausse de la ligne rouge de mai à juillet pendant que la ligne bleue baissait), la baisse moins forte de l’emploi que d’habitude s’étant traduite par des hausses en données désaisonnalisées.

– conséquence de l’inactivité

Les données de la HS permettent aussi de répartir la baisse du nombre de personnes en emploi entre celles qui sont considérées par le BLS en chômage ou inactives. Entre février 2020 et octobre 2021, le nombre de personnes en chômage a augmenté de 1,7 million et le nombre d’inactif.ives de 5,3 millions, soit 3,1 fois plus! Si le taux d’activité s’était maintenu à 63,3 % comme en février 2020 (il était de 61,6 % en octobre 2021), il y aurait 4,4 millions de personnes inactives de moins et 4,4 millions de personnes en chômage de plus. Dans ce cas, il y aurait 6,1 millions de chômeur.euses de plus qu’en février 2020 (plutôt que 1,7 million) et le taux de chômage ainsi ajusté aurait atteint 7,1 % en octobre 2021 plutôt que 4,6 %, en hausse de 3,6 points de pourcentage plutôt que de 1,1 point depuis février 2020 (3,5 %), hausse plus de trois fois plus élevée. Avec un calcul légèrement différent (elle tient compte en plus des emplois mal classés), Heidi Shierholz, présidente de l’EPI, arrive à un résultat un peu plus élevé (7,3 %), mais du même ordre de grandeur que mon 7,1 %.

Et après?

Il est difficile de ne pas lier la hausse plus élevée de l’emploi en octobre qu’en septembre et qu’en août à la baisse du nombre d’infections à la COVID-19 ces mois-là. Il faut toutefois préciser que la hausse d’emploi d’août est passée de 235 000 à 483 000 après les révisions de septembre et d’octobre, et que celle de septembre est rendue à 312 000 après la révision d’octobre plutôt qu’à 194 000 comme annoncée le mois dernier. Ces hausses ne furent donc pas aussi basses qu’on le disait lors de la publication initiale de ces données. Et on verra si la hausse de 531 000 d’octobre n’est pas en fait elle aussi sous-estimée. On se plaint souvent du délai que prend Statistique Canada avant de publier ses données de l’EERH, l’équivalent canadien de l’ES, mais au moins ses révisions sont minimes!

Comme le nombre du nombre d’infections a atteint un plateau depuis environ trois semaines, il est difficile de prévoir son évolution. Cela dit, étant donné que nous sommes déjà dans la semaine de référence du mois de novembre (pour la HS, du 7 au 13 novembre, et pour l’ES de cette semaine à la fin du mois, selon la période de paye, soit hebdomadaire, aux deux semaines ou mensuelle), on peut s’attendre à ce que le nombre de cas soit seulement un peu inférieur à celui d’octobre et donc que la reprise de l’emploi se poursuive sensiblement au même rythme. Notons aussi que le taux de vaccination continue à augmenter, même si la hausse est lente. Finalement, la baisse récente du nombre de prestataires de l’assurance-chômage laisse aussi penser à une hausse significative de l’emploi en novembre.

Et alors…

Dans mon billet sur les données des États-Unis d’août 2021, je n’avais pas osé émettre de prévision plus précise que de dire que l’emploi augmenterait probablement en septembre, car trop de facteurs dont l’effet était difficile à estimer se conjuguaient. Je m’étais avancé un peu plus dans celui sur les données de septembre, en parlant d’une hausse probablement plus élevée en octobre qu’en septembre, mais sans plus. Je demeure prudent ce mois-ci, en prévoyant tout de même une poursuite de la reprise. J’ajouterai que le fait que la hausse de l’emploi en octobre se soit partagée entre des industries bien différentes et que l’emploi ait enfin augmenté davantage chez les femmes que chez les hommes (elles qui sont toutefois encore en octobre plus éloignées de leur situation de février 2020) va aussi dans le sens d’un retour progressif à la «normale» sur le marché du travail, donc d’une hausse appréciable de l’emploi en novembre. En plus, on peut espérer que les baisses d’emploi artificielles dans les services d’enseignement locaux soient terminées, comme ce fut le cas en novembre 2020. Il reste des sujets d’inquiétude, notamment sur le manque de places dans les services de garde et le retard dans l’adoption du plan social et climatique de Joe Biden. On peut donc s’attendre à ce que le retour à la situation de février 2020 ne se fasse pas dans les prochains mois.

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